Renaud s’est lancé dans « la classe dehors », il témoigne…

Tu testes dans ta classe un nouveau dispositif, en quoi cela consiste-t-il ?

Je sors en « classe dehors » depuis la fin du mois de septembre 2021 avec ma classe de GS/CP. Nous sortons presque chaque mardi après-midi, par tous les temps. Nous avons eu beaucoup de chance avec de nombreux jours ensoleillés mais nous avons aussi subi quelques après-midi très fraiches et très pluvieuses. Cela fait partie du jeu et les enfants ne s’en plaignent pas ! En « classe dehors », nous travaillons des compétences comme dans une salle de classe, en essayant d’utiliser ce que l’on trouve sur place. L’avantage étant que les enfants peuvent s’exprimer de manière beaucoup plus libre que dans l’environnement de l’école. Ils découvrent, s’interrogent, parlent, se dépensent, coopèrent, créent,
inventent, deviennent autonomes… Nos après-midis dehors se déroulent toujours de la même façon : nous marchons une vingtaine de minutes puis nous « saluons » la nature et nous rappelons les règles en arrivant sur place. Nous mettons en place notre « classe dehors » (nous disposons une bâche qui sert de point de ralliement et d’abris en cas de mauvais temps). Un petit temps de langage arrive ensuite pour rappeler ce qui a été fait lors de la séance précédente puis nous présentons l’activité « plus scolaire ». Après ce temps de travail, les enfants ont un long moment de jeu libre (45 minutes). Ce temps est très important. Il va permettre aux enfants de construire des cabanes, de creuser, d’observer des insectes, de jouer avec d’autres enfants, … et à l’adulte de les observer. Intervient ensuite un moment calme. Chaque enfant rejoint son « petit coin de nature » afin de se retrouver avec soi-même pour réfléchir, se reposer, se ressourcer, ne rien faire, attendre, danser, … Certains vont au pied d’un arbre, d’autres préfèrent être au milieu du pré, quelques enfants montent dans un arbre et s’assoient sur les branches, des enfants font des mouvements de danse, … Le principal étant que les enfants trouvent l’endroit dans lequel ils se sentent le mieux.

Nous repartons ensuite vers l’école. Les trajets sont l’occasion de travailler l’orientation, la connaissance des panneaux de signalisation, découvrir le patrimoine local, les arbres, les fleurs, les différents graphismes sur les bâtiments, faire une chasse aux nombres, aux sons. Arrivés en classe, nous faisons un petit temps de langage pour revenir sur notre après-midi.

Qu’est ce qui t’a orienté vers cette pratique, qu’est ce qui t’a donné envie de te lancer ?

J’ai toujours eu envie de faire sortir les enfants de la classe. Enseignant dans un petit village rural, nombreux sont ceux qui ne sortent pas ou très peu de la maison pour aller jouer dehors, se promener. Dans un premier temps, je voulais donc les remettre en contact avec la nature. J’en avais l’envie mais je ne le faisais quasiment jamais. Lors du premier confinement, j’ai assisté à la projection en ligne du film « L’école de la forêt finlandaise » par la maison départementale de l’environnement. Ce film a joué le rôle de déclic… reconnecter les enfants à la nature, développer une attitude écoresponsable, apprendre en utilisant tous nos sens, motiver les enfants, lâcher prise. Une formation sur le thème de la coopération en juin 2021 avec l’OCCE a fini de me convaincre ! Je me suis alors procuré le livre « L’école à ciel ouvert » de
Sarah Wauquiez qui m’a éclairé sur des activités concrètes à mettre en place en dehors de la salle de classe. Enfin, les réseaux sociaux et notamment Twitter m’ont permis d’aller voir ce qui pouvait se faire dans d’autres classes, d’autres écoles. Cela permet d’échanger et parfois de se rassurer sur ce que l’on fait et sur comment il est possible de faire.

En cette fin d’année, quel bilan dresses-tu de cette expérience ? Pour toi mais aussi côté « élèves » ?

Après quelques mois, je garde le même enthousiasme qu’en début d’année. C’est une très belle expérience. En début d’année, j’étais très stressé. Avec le temps, j’ai appris à faire confiance aux enfants. Un vrai lien s’est noué entre les élèves et moi. Je leur fais confiance, je les laisse libres, je les laisse découvrir et faire leurs propres expériences. En contrepartie, les enfants me rendent cette confiance en ne se mettant pas en danger et en faisant attention aux autres. Cette expérience a permis de renforcer la notion de « groupe classe ». Elle a aussi été très bénéfique au niveau de l’autonomie et de la créativité des enfants. Dehors, les enfants s’écoutent, prennent soin de leurs camarades, s’entraident, coopèrent.
Ils acquièrent, dans la nature, confiance en eux et en leur capacité de faire. Pour cette première année, je vais surtout garder cette réussite en tête ! De mon côté, j’ai aimé observer les enfants. Observer leurs comportements, leurs attitudes, leurs apprentissages… chose que je ne faisais peut-être pas suffisamment avant, dans ma classe. Néanmoins, il faut que je continue à lâcher prise. En tant qu’adulte, nous avons l’habitude d’intervenir près des élèves au moindre petit danger (notamment lors des temps de jeux libres). L’intérêt de cette expérience est justement de laisser les enfants maitres de leurs apprentissages, de leurs découvertes. Mais attention, lâcher prise ne signifie pas pour autant mise en danger des enfants. Nos sorties en « classe dehors » sont très cadrées et ritualisées. Les repères visuels et sonores sont compris par les enfants. Le lien de confiance donc je parlais précédemment se trouve parfaitement illustré par le respect des règles édictées en début d’année.

Projettes-tu de continuer l’an prochain et si oui, sous quelle forme ?

Je souhaiterais continuer l’an prochain, toujours avec ma classe de GS/CP. Je pense que les enfants vont de toute manière réclamer ces sorties. Cette année, nous n’avons parfois pas pu aller en classe dehors. Les enfants étaient à chaque fois déçus. Le mardi après-midi était attendu, par les élèves mais aussi par l’enseignant ! Une fois que l’on commence à sortir, on ne s’imagine plus ne pas aller en classe dehors. Concernant le lieu, je pense rester au même endroit. Notre « classe dehors » a l’avantage d’être un terrain communal, avec un très grand pré et de la forêt tout autour. Ce lieu est idéal.
Néanmoins, je pense aller plus régulièrement à la découverte d’autres lieux, dans le village, par le biais de « classe promenade ». Je sens parfois que les enfants ont envie d’aller voir plus loin, d’aller voir ce qui se cache derrière notre « classe dehors ». S’il y a énormément de positif dans cette expérience, il y a selon moi aussi un frein à faire l’école dehors : le manque de connaissances sur la nature et le patrimoine local. En ce sens, j’apprends souvent en même temps que les enfants. Pour résoudre ce problème, il peut être intéressant de s’appuyer sur les compétences des parents mais aussi des habitants du village. J’aimerais donc créer du lien avec les habitants du village en les faisant participer à nos sorties. Les parents se sont investis dans ce projet, parfois même les grands-parents. C’est maintenant au tour des habitants du village ! Par ailleurs, nous n’amenons que très peu de matériel. Peut-être serait-il intéressant à l’avenir
d’apporter du petit matériel (pelle, râteau, pioche, couteau-suisse, …) Enfin, l’an prochain, je voudrais réussir à faire plus de liens entre le dedans et le dehors. Nous ne revenons pas suffisamment sur les découvertes et les apprentissages réalisés en extérieur.

Quels conseils donnerais-tu aux collègues qui souhaitent se lancer demain dans l’école dehors ?

Le conseil que je donnerais : osez vous lancer, vous ne voudrez plus jamais revenir en arrière ! Au mois de septembre, je savais que je voulais expérimenter la « classe dehors ». J’en avais parlé aux parents lors de ma réunion de rentrée. Et pourtant, je décalais à chaque fois la date de la première sortie. J’avais toujours de bonnes raisons de décaler ! J’ai dû prendre sur moi pour finalement décider de sortir. Mon stress et mon inquiétude se sont vite évaporés lorsque j’ai vu certains enfants très timides et effacés s’ouvrir aux autres dès la première sortie. D’autres conseils en vrac : appuyez-vous sur une famille très intéressée par le concept. Il est important d’avoir un relais parmi les parents. N’hésitez pas à vous rapprocher de l’OCCE qui peut vous être d’une grande aide. Bien sûr, je conseille également la lecture de l’ouvrage « L’école à ciel ouvert » qui permet d’avoir quelques idées d’activités. Sur internet, le site classe-dehors.org permet de recenser les enseignants intéressés par cette pratique de l’école dehors. Il y en a sans doute près de votre école !

Se lancer peut faire peur, quelles sont les démarches administratives (IEN…) à anticiper et à prévoir ?

Dans notre école, les sorties en classe dehors se font sur le temps scolaire. Il n’y a donc pas besoin de demander l’autorisation de l’IEN. Il est cependant conseillé de lui en faire part… c’est important qu’il sache que l’école est engagée dans cette dynamique de la classe dehors. Si la « classe dehors » est intégrée au plan de formation des enseignants dans quelques départements, ce n’est pas le cas partout. Il ne faut pas hésiter à en parler à notre hiérarchie pour faire évoluer notre pratique et nos formations ! Pour en revenir aux autorisations, seule celle du directeur est nécessaire lorsque la sortie ne dépasse pas la demi-journée (attention néanmoins à vérifier le niveau Vigipirate). Pour les règles d’encadrement, il faut se référer aux règles applicables en école maternelle ou élémentaire. Il ne faut pas hésiter à demander l’aide de plusieurs parents… cela permet de se rassurer, notamment lors des premières sorties. Concernant le
lieu de la sortie, il faut demander l’autorisation au propriétaire du terrain (particulier, mairie, ONF, …). Passées les questions d’autorisation, le point le plus important est d’exposer très clairement le projet aux parents. La réunion de rentrée peut être le moment idéal. Sans la participation des parents, le projet de « classe dehors » sera difficile à mettre en place. Il faut essayer des les impliquer au maximum, de les rassurer. Il y avait en début d’année des inquiétudes (quels apprentissages ? Quid de la sécurité ? Quid de la météo ?) qui se sont vite évaporées au fur et à mesure des sorties. Plus les parents participent à ces sorties, plus ils sont rassurés. Leur implication est également très importante concernant l’habillement de leurs enfants… Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, qu’il fasse très chaud, il faut être très clair avec les parents sur la tenue à porter lorsque l’on va en classe dehors.

Renaud Frenot : professeur des écoles à Vyans-Le-Val en GS-CP

Le parcours de Moranne, professeure d’espagnol

Lors de vos années lycée, vous aviez notamment réfléchi au métier d’avocat et vous vous êtes orientée en faculté de droit après le Baccalauréat. Qu’est ce qui a été à l’origine de votre intérêt pour cette profession ? Pourquoi avoir fait le choix d’y renoncer ?

Le métier d’avocat m’attirait énormément car j’éprouvais toujours le besoin de défendre mon prochain. Ayant moi-même subi de nombreuses injustices durant ma vie, j’imaginais que ce métier comblerait et annulerait mes souffrances personnelles. J’avais une représentation erronée de ce métier, je n’avais pas pensé aux côtés administratif et formel, aux échecs qui peuvent faire partie de la vie quotidienne de l’avocat. Par conséquent, ne me sentant pas au bon endroit, j’ai quitté les bancs de l’université de droit. 
Le métier de vétérinaire m’attirait également énormément car j’ai toujours eu un lien particulier avec les animaux. Ils m’apaisent. Cependant, de trop nombreuses allergies m’ont empêché de m’engager dans cette voie… J’ai aujourd’hui un animal de compagnie qui me permet de vivre ma passion mais dans la sphère privée. 

Déjà passionnée de langues vivantes, vous vous inscrivez en BTS commerce international. Quels sont, selon vous, les fondamentaux de ce secteur d’activité ? Que retenez-vous de cette expérience et quelles sont les compétences que vous avez développées durant cette formation ?

La formation BTS commerce international m’a apportée des connaissances dans le domaine du commerce, de l’entrepreneuriat mais également du management. Cela est un bel atout face à une classe. Je sais mener à bien des projets, les adapter au monde du travail. Par exemple, lors d’un travail par groupe, mes élèves de 4e devaient se mettre dans la peau d’un restaurateur et devaient élaborer un menu avec des prix cohérents etc. Le BTS consiste également à apprendre comment créer une activité économique afin de répondre à un besoin précis. Dans la région où je vis, j’ai pu m’apercevoir de la forte demande dans le secteur de l’immobilier.  J’ai donc créé une société afin d’acheter des biens et de les mettre en location. La formation m’a également permis d’acquérir des compétences en termes de gestion d’entreprise et d’organisation. Grâce à cela, je peux aujourd’hui m’adapter à chaque situation et planifier mon travail de façon à ne jamais me trouver débordée. 

Motivée par la perspective de l’enseignement, vous vous engagez ensuite dans le cursus de Licence LLCE espagnol. Avec le recul de quelques années, gardez-vous un souvenir enthousiaste et nostalgique de vos années fac ? Y a-t-il une unité de valeur que vous avez particulièrement appréciée ? Laquelle et pourquoi ?

Concernant mes années à la faculté, ce que je retiens le plus est la façon dont cela m’a fait grandir. Je suis devenue autonome tant dans ma vie personnelle que dans ma vie étudiante. J’ai parfois été confrontée à l’échec car la liberté que l’université nous donne est souvent attractive mais je me suis immédiatement ressaisie et ai acquis des compétences de travail personnel et d’auto motivation. Les matières qui me plaisaient le plus tournaient autour de l’histoire. J’étais passionnée par le siècle d’Or en Espagne. Cela guide mon travail encore aujourd’hui. Je propose de nombreux documents à mes élèves concernant l’histoire de manière générale mais également cette période en particulier. J’ai toujours davantage aimé être dans le feu de l’action. Pour moi il était difficile d’apprendre les leçons de grammaire car j’avais hâte de les mettre en application dans des livres ou dans des dissertations. Il me fallait sans cesse me recentrer.

Détentrice du CAPES, vous effectuez une année de fonctionnaire-stagiaire en collège. En quoi cette année a-t-elle été pour vous la confirmation de votre envie de devenir enseignante ?

Pour ce qui est de mon année de stage, j’avais obtenu le lycée Jules Haag, mon tuteur était fabuleux. Patient et à l’écoute, il était un modèle pour moi. Quand je le regardais faire classe avec une telle passion, cela me poussait encore plus à réussir. Je me souviendrai toujours de ma première heure de cours. Je tremblais tellement que je n’arrivais même pas à mettre la clef dans la serrure. Une fois la porte ouverte, j’ai su que je pourrais faire cela toute ma vie. Cette année de stage m’a donné confiance en moi, les difficultés s’enchaînaient et j’arrivais a les gérer. 

Pour des raisons personnelles, vous sollicitez et obtenez une période de disponibilité. Dites-nous comment vous avez vécu cette parenthèse et en quoi vous en avez fait un espace de développement professionnel ?

L’année de disponibilité a été pour moi une expérience positive avec le recul mais difficile à vivre durant l’année concernée. Je ne pouvais pas enseigner et cela me pesait. J’étais très triste de ne pas être devant une classe. Je me sentais inutile mais cela m’a permis de me former dans le secteur de l’immobilier et d’y réussir par la suite. Si je n’avais pas disposé de ce temps alors je n’aurais pas créé ma société cette année.

Professeur reconnue et appréciée des élèves et de vos collègues, vous vous sentez prête à transmettre vos connaissances et compétences à des collègues entrant dans le métier. Qu’est-ce qui vous pousse vers de tels objectifs ? Sous quelles formes voyez-vous votre investissement dans ce domaine ?

J’aimerais me tourner vers le métier de formateur et devenir tutrice dans un futur plus ou moins proche. J’ai tellement été aidée lors de l’année de stage que j’aimerais à mon tour transmettre mes connaissances, mes manières de travailler, mes méthodes. En effet, je crée des séquences sous forme de livrets qui sont distribués aux élèves avant de débuter la séquence de la même manière que le tuteur que j’avais à Besançon. Cela plait beaucoup aux élèves et aux parents car ils savent en permanence où nous en sommes et ce qui a été travaillé ou non. De plus, je suis soucieuse de bien faire, sans cesse en recherche d’amélioration et de développement personnel. Après chaque journée de classe, j’analyse ma pratique, je m’auto évalue dans le but de toujours faire mieux. Cela constitue une qualité essentielle pour un enseignant et j’aimerais pouvoir transmettre cela aux futurs stagiaires. 

Il y a une vie en dehors du travail ! Quelle place a la danse dans votre vie ? Quels sont les spectacles auxquels vous avez participé ? En quoi cette activité artistique est-elle source d’épanouissement pour vous ?

Depuis ma plus tendre enfance, je pratique la danse.  Cela m’a toujours aidée à me sentir bien dans mon corps, à me muscler, cela améliore également la posture. La danse m’a toujours permis de rester centrée sur mes objectifs car cela développe la mémoire, la concentration, le désir d’excellence. J’ai souvent participé à des spectacles étant plus jeune mais plus aujourd’hui. Maintenant ma pratique de la danse est moins variée, je l’expérimente surtout en salle de sport ou lors de stages ponctuels.
J’ai toujours également adoré les sports plus extrêmes comme le motocross ou le ski alpin. Voici la phrase qu’emploient mes proches pour me définir : « une main de fer dans un gant de velours« .
Je m’intéresse à tout et ne me laisse jamais impressionner par le risque.

Moranne Laffly, professeure d’espagnol

Le parcours de Natalia, CPE contractuelle

Après les années lycée, vous vous dirigez vers des études universitaires en musicologie et vous suivez des cours au conservatoire de Metz. Qu’est ce qui est à l’origine de votre passion pour le Violoncelle ? Qu’avez-vous ressenti après l’obtention de votre certificat de fin d’études lié à la pratique de cet instrument ?


Depuis toute petite, j’ai été baignée dans la musique. Lorsque j’ai dû choisir un instrument, mon choix ne s’est pas tout de suite porté sur le violoncelle. Finalement, il est devenu mon instrument de prédilection. Grâce aux cours du conservatoire et à l’intégration d’un groupe de musique à l’âge de 14 ans, j’ai appris à apprivoiser mon violoncelle en m’émancipant de la pure interprétation d’œuvres musicales. J’ai joué d’autres styles, rencontré d’autres musiciens qui m’ont permis d’élargir mon répertoire. Je ne suis pas une virtuose mais je prends plaisir à jouer et à chanter en essayant de transmettre des émotions. C’est pourquoi, l’obtention de mon certificat de fin d’études m’a beaucoup émue et rassurée quant à mes capacités musicales.

Vous poursuivez votre parcours à la Faculté de Strasbourg en tant qu’étudiante dans un centre de formation des musiciens intervenants. Qu’avez-vous envie de retenir de ces 2 années sur les plans artistique, pédagogique et humain ?

J’ai eu la chance de pouvoir intégrer à 20 ans le CFMI (Centre de Formation de Musiciens Intervenants) de Sélestat. Ce fût deux années extraordinairement riches en enseignements pédagogiques et musicaux. Ce sont deux années plutôt intenses pendant lesquelles nous alternons les cours, les formations et les stages sur le terrain avec les écoles primaires et maternelles ce qui m’a permis de développer certaines compétences musicales et d’échanger avec différents musiciens professionnels, les intervenants et les professeurs du CFMI et les enseignants des écoles maternelles et primaires avec lesquels nous entretenions un partenariat précieux.

Vous avez enseigné dans des écoles de musique en Alsace et vous vous êtes investie dans des stages musicaux pendant la période estivale. Pouvez-vous nous parler des créations musicales pour jeune public auxquelles vous avez participé ? Avec le recul, quelles évolutions avez-vous perçu dans votre pratique professionnelle au fil des semaines ?

J’ai effectivement eu plusieurs casquettes dans l’école de musique pour laquelle je travaillais comme beaucoup d’autres professeurs. J’ai enseigné le violoncelle, le chant choral, le solfège, l’éveil musical, … cela m’a permis de balayer plusieurs domaines de compétences et d’enrichir les apprentissages pédagogiques que le CFMI m’avait dispensé.
Participer à la création de spectacles musicaux a fait partie de mon développement professionnel du côté de la scène. Encore une fois, j’ai rencontré des gens formidables avec lesquels j’ai partagé des moments musicaux et amicaux intenses et qui m’ont permis d’évoluer autant dans mon métier qu’à titre personnel. Pour donner un exemple, quand j’étais au conservatoire, les morceaux d’examen étaient à savoir par cœur, c’’était obligatoire. C’était à chaque fois une grande source d’angoisse pour moi car je redoutais le trou de mémoire. Et plus j’y pensais en jouant, plus ça arrivait, c’était un vrai cercle vicieux ! Grâce au CFMI et aux personnes que j’ai rencontrées pendant mes années de musiciennes, j’ai appris à travailler des morceaux et des chants sans partitions, seulement par transmission orale et j’ai développé mon jeu d’improvisation, chose qu’au conservatoire j’étais incapable de faire car ce n’était pas la même méthodologie d’apprentissage.

De la musique de chambre au théâtre, il n’y a qu’un pas ! Vous le franchissez allègrement en rejoignant les cours Florent. Pourquoi ce basculement vers un autre domaine artistique ? Quels principaux enseignements en avez-vous retiré ?

J’ai toujours été attirée par l’univers du théâtre. Plus jeune, j’ai fait partie pendant quelques années d’un atelier théâtre qui se nomme l’Atalante à Château-Thierry dans l’Aisne, ma ville natale. J’ai également rejoint une troupe amateure en Alsace lorsque j’y ai fait mes études au CFMI. Le théâtre a toujours plus ou moins était présent en filigrane dans ma vie et j’ai voulu franchir une étape en passant le concours d’entrée aux Cours Florent. J’y ai beaucoup appris notamment grâce aux professeurs que j’ai pu rencontrer même si je ne suis pas allée au bout de ma deuxième année pour des raisons personnelles. J’y ai rencontré des personnes formidables avec qui je suis encore en contact aujourd’hui et qui pour la plupart ont continué l’aventure. Avoir fait du théâtre m’aide aujourd’hui à dissocier ma fonction de CPE de celle que je suis au quotidien. Nous jouons en quelque sorte un rôle qu’il faut tenir pendant toute une année. C’est une longue pièce qui contient plusieurs actes !

Vous exercez ensuite la fonction d’Assistant d’Education dans un collège de Moselle. Quelles sont les responsabilités qui vous ont été confiées ? En quoi cette expérience vous a-t-elle donné envie de devenir CPE ?

J’ai exercé la fonction d’AED pendant 4 ans dans cet établissement. Quatre années formidables durant lesquelles j’ai travaillé avec des personnes complètement investies dans leur métier. C’était un collège très actif notamment au niveau du Comité d’Education à la Santé et à la Citoyenneté (CESC). Beaucoup de choses étaient proposées aux élèves et beaucoup d’entre eux étaient investis dans différents projets. J’ai eu la chance, entre autres, d’être nommée par ma cheffe d’établissement référente à l’égalité filles/garçons ce qui m’a permis de mener quelques actions en partenariat avec la référente académique de Nancy-Metz. J’ai pu pendant 4 ans m’imprégner de cette ambiance de travail et observer le fonctionnement d’un EPLE (Établissement Public Local d’Enseignement). J’étais membre du Conseil d’Administration et assistait également aux commissions éducatives et aux conseils de discipline. J’ai pu me rendre compte de mon évolution quant à ma capacité à interagir avec les élèves et leurs parents. Je me suis rendu compte à quel point l’adolescence était une période terriblement complexe au sein d’un établissement scolaire et, en tant que personnel éducatif, nous avons un rôle très important à jouer. Ce qui est très passionnant et vertigineux à la fois. Ce sont toutes ces choses qui m’ont donné l’envie de devenir CPE.

Depuis la rentrée 2021, vous occupez un poste de CPE contractuel dans un collège rural de Haute-Saône. Quelles ont été vos motivations pour postuler ? Comment vivez-vous cette découverte du métier, avec les enseignants, avec la direction, avec les AED ?

Après cinq années en tant qu’AED et pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, j’ai eu la très forte envie de passer une étape dans mon parcours professionnel et d’avoir l’opportunité de continuer à découvrir sur le terrain ce métier de CPE avec comme ligne de mire le concours interne.
Grâce à l’aide du CPE du collège de Faucogney, que je remercie au passage très chaleureusement, et à un beau concours de circonstance, j’ai eu la chance de décrocher un poste de contractuel dans l’établissement de Melisey pour une année complète alors que je postulais pour être Assistante d’éducation dans l’académie de Nancy-Metz.
La découverte du métier est déstabilisante et passionnante à la fois. L’année dernière, je n’étais encore qu’AED et me voilà de l’autre côté de la barrière avec, pour toute expérience, 5 années de surveillance et d’accompagnement des élèves. Le changement de statut implique beaucoup de choses en commençant par la place que l’on occupe au sein d’une équipe de vie scolaire. J’ai eu encore une fois la chance de tomber sur des personnes très accueillantes et bienveillantes autant dans mon équipe, que dans l’équipe de direction et parmi les enseignants. Le Principal de l’établissement a lui aussi pris ses fonctions en septembre sans CPE jusqu’au début du mois d’octobre. Il a été très soutenu par l’équipe en place, ce que j’ai ressenti également quand j’ai rejoint le collège de Mélisey. J’en profite pour leur adresser un grand merci !

Natalia KLEIN

Agrégée et enseignante à l’étranger, le témoignage d’Amélie

Amélie a suivi un parcours scientifique. Après un bac C (le dernier de l’histoire), elle a intégré des classes préparatoires scientifiques d’un lycée parisien, puis une école d’ingénieur en informatique dont l’enseignement comportait un tiers de mathématiques… Elle a travaillé brièvement en tant qu’ingénieur en région parisienne, puis a découvert l’enseignement à la faveur d’une expatriation en Afrique. À son retour, elle a passé les concours de l’enseignement et s’est lancée dans ce beau métier. Elle est actuellement en poste au lycée français de Washington aux Etats-Unis où elle a une mission de conseil pédagogique (EEMCP2).

Comment es-tu parvenue à devenir EEMCP2 ?

J’ai candidaté à l’AEFE via le site de l’Agence. J’avais vécu et travaillé à deux reprises à l’étranger, et j’avais envie de revivre cette expérience humaine. Je souhaitais également diversifier mon parcours professionnel, probablement revivre des moments forts en classe avec des élèves de lycée français à l’étranger. Car c’était dans un tel cadre que j’avais découvert l’enseignement presque 20 ans avant…

En quoi consiste cette mission au quotidien ?

Je suis EEMCP2 établissement, ce qui est rare au sein du réseau. J’ai donc un service complet avec en charge une classe de quatrième et des classes de terminales spécialité et expertes. Je suis également amenée à effectuer différentes missions au sein de mon établissement tel que l’accompagnement de nouveaux personnels, de la formation disciplinaire ou interdisciplinaire, etc. Mais contrairement à mes autres collègues, je n’interviens dans aucun autre établissement que le mien.

La mission consiste à guider les personnels qui entrent dans le métier, cela peut être accompagner de nouveaux professeurs ou des professionnels en reconversion. Cette année, je travaille en particulier avec une collègue qui a enseigné dans le système américain. Je décrypte avec elle les programmes, nous discutons des contenus, de la manière dont nous travaillons en mode hybride, etc… Le fait que cette collègue soit issue du système américain est intéressant et enrichissant pour moi aussi !

Durant l’année, diverses réunions sont planifiées entre les EEMCP2 d’une même zone, d’un même continent, et même du monde. Ces temps sont également complétés par des rencontres ou des échanges informels qui nous permettent de travailler et réfléchir en équipe d’EEMCP2 disciplinaires ou transdisciplinaires sur différents sujets à traiter durant l’année. L’AEFE est un réseau mondial, on en voit ici une de ses facettes.

En quoi change-t-elle ta vision du métier enseignant et quelles sont tes perspectives professionnelles ?

Enseigner à l’étranger est une immersion dans un nouveau contexte. Les repères professionnels, humains, ne sont plus les mêmes qu’en France. Il est très intéressant d’identifier ces différences et de chercher à s’y adapter. Ma mission en elle-même a une base d’enseignement classique mais offre une ouverture et une diversité très intéressantes via les missions qui me sont confiées. Je ne dirais pas que ma mission change ma vision du métier mais qu’elle l’élargit. Je pense prolonger cette aventure à l’étranger, en ce qui concerne mes perspectives professionnelles.

Retrouver la confiance des familles : La reprise sur l’île de la Réunion

Willy Legros est professeur certifié de mathématiques. Après quelques années en lycée GT, Willy travaille maintenant au collège de Cambuston, un collège REP+ de l’est de l’île de la Réunion. Un choix assumé de sa part pour un établissement particulier, car de plein pied et installé sur un terrain de plus de 3 hectares. C’est un établissement dynamique au cœur d’un quartier populaire et dans lequel on doit relever les mêmes défis que tous les REP+. Willy est militant SE-Unsa à la section de l’île de la Réunion depuis son entrée en fonction il y a 10 ans.

Comment la reprise s’est-elle préparée et organisée dans ton collège ?

Tout au long du confinement, le principal a communiqué avec moi, en tant que représentant syndical, et avec d’autres collègues, en général les membres élus du conseil d’administration. Il y a eu une vraie co-construction des protocoles à appliquer pendant cette période. Sur la rentrée la direction est venue vers nous pour que l’on propose différents scénarii, en fonction des différents paramètres à prendre en compte. La rentrée est sous le signe de la transparence. Des conseils d’enseignements et un conseil pédagogique sont à l’ordre du jour, afin d’expliquer les modalités de la reprise et afin de décider des modalités pédagogiques qui seront mises en place.

Quelles précautions sanitaires ont été mises en œuvre ?

Le protocole sanitaire est très dense. Il y a des difficultés évidentes : la gestion de l’entrée dans l’établissement des élèves, la gestion de la demi-pension, les photocopies. À ce stade toutes les questions n’ont pas encore de réponses. En effet, le nombre d’élèves à accueillir est très incertain, ce n’est pas la même chose d’accueillir 60 élèves ou d’en accueillir 200. Ce qui relève de la lapalissade se révèle un vrai défi, car il s’agit d’apporter des réponses locales. Un point d’incertitude concerne également l’articulation entre le présentiel et le distanciel. Sur ce point également nous réfléchissons à des réponses locales, tel que la redéfinition des groupes en mutualisant les effectifs présents de plusieurs classes et en apportant des modifications aux emplois du temps quand cela est nécessaire.

Comment allez-vous tenter de rattraper les élèves qui décrochent ?

Notre établissement a un vrai rôle social à jouer. Dans cette période de crise où les tensions ont parfois été exacerbées par la promiscuité dans les familles et par l’angoisse liée à la crise sanitaire, nous avons une réelle appréhension sur le retour d’une partie des élèves que nous savons en grande précarité. Nous aurions souhaité un accueil plus ciblé et qui ne soit pas une réponse à une demande politique. Enfin nous avons peur de ne pas pouvoir, malgré tous les efforts fournis, que les élèves se mettent en danger, en ne respectant pas les consignes, volontairement ou non. Au niveau pédagogique, notre réel défi sera de raccrocher les élèves qui ont totalement décroché ces deux derniers mois, aux wagons. Il s’agit aussi de préparer au mieux la sortie du collège des élèves de troisième, tant au niveau de leur orientation, qu’au niveau des connaissances nécessaires pour un passage serein au lycée.

Et le défi de la prochaine rentrée pour toi ?

C’est de retrouver la confiance des familles. On le voit, beaucoup de familles ne croient pas en l’intérêt pédagogique d’envoyer leur enfant à l’école, mais également craignent pour leur santé. Il s’agit ici d’un impératif de service public. Quels dispositifs allons-nous pouvoir mettre en place à cette rentrée pour que l’école puisse remplir son triple rôle : pédagogique, social et sociétal ? L’expression maintenant consacrée de « monde d’après » est sur toutes les lèvres, mais ce monde d’après c’est dans nos établissements qu’il se prépare, avec la formation des esprits de ces jeunes générations. Mais tout cela ne doit pas, encore une fois, se construire au détriment des enseignants. La période a montré le rôle essentiel que nous jouons dans la société. Dans cette période de confinement, nous avons été pour beaucoup de famille le seul lien avec l’État. Au delà des remerciements, qui sont toujours agréables, il va falloir dès cette rentrée qu’il y ait de réelles avancées sur la revalorisation de nos carrières.

Une reprise pour accompagner les élèves

Luc est professeur de technologie dans un collège du sud du Cher (18) à St Amand Montrond, le collège Jean Valette. Son parcours a été très enrichissant avec un premier poste en région parisienne et un passage par un collège classé éducation prioritaire à Dreux pendant 5 ans. Luc est membre du comité départemental hygiène sécurité et conditions de travail titulaire depuis 7 ans et s’occupe du second degré pour le SE-Unsa dans le département du Cher. Son collège compte environ 430 élèves avec 16 divisions et une Ulis.

Comment avez-vous été associés à l’organisation de la reprise, comment se passera la rentrée des personnels ?

Nous avons pu faire 3 CHSCTD extraordinaire depuis le confinement, ce qui m’a permis d’appréhender plus facilement les questions sur la reprise. Nous avons la chance dans notre équipe du CHSCTD d’avoir une infirmière, un principal de collège, une gestionnaire dans un collège et moi même ce qui permet d’avoir une vision complète des établissements.
L’accueil pour le lundi 11 mai s’est fait de la manière suivante : 14 personnes convoquées le matin partagées en 2 salles (niveau 6ème, 5ème) et 14 personnes l’après midi partagées en 2 salles (niveau 4ème, 3ème). Masques et solution hydroalcoolique étaient disponibles pour se laver les mains et équiper les personnels qui n’avaient pas pu se procurer de masque. Des bandes à une hauteur d’un mètre dans tout le collège nous interdisaient d’aller dans les salles non autorisées.

La principale a pris un groupe dans la salle de réunion et l’autre groupe est parti en salle de musique avec le principal adjoint. La salle de musique était débarrassée de toutes les tables et les chaises disposées à au moins 1 mètre l’une de l’autre. Le principal adjoint nous a remercié pour le travail fait pendant cette période de confinement et nous a expliqué que la reprise se ferait sans aborder de notion nouvelle et plutôt pour accompagner et aider les élèves dans les explications des devoirs.

Deux classes sont accueillies chaque jour et partagées en 2 groupes à effectif restreint (inférieur à 15). Cette organisation nous permettra de prendre en charge chaque élève 1 jour/semaine en moyenne. Les enseignants qui accueilleront les élèves en classe auront pour mission de répondre à leurs besoins particuliers, de les remettre à niveaux sur les travaux donnés à distance et de les accompagner dans leur travail quotidien puisque la continuité pédagogique à distance se poursuit. Il ne s’agit en aucun cas d’avancer sur les programmes ou d’essayer de les terminer.
Un repas froid sera servi aux élèves demi-pensionnaires dans la classe où ils auront travaillé le matin (changement de salle l’après-midi). Les élèves qui viendront au collège devront prévoir au minimum 2 masques par jour. Un emploi du temps avec de nouvelles plages horaires est proposé par la direction avec 4 séances de 1h30 : 2 le matin et 2 l’après midi (chaque enseignant ne viendra qu’une fois par semaine pour éviter les déplacements inutiles) : 8h-11h45 et 13h15-16h30 (pause à 10h et 15h)

Quelles ont été vos difficultés pour mettre en oeuvre le protocole sanitaire ?

  • La circulation dans les couloirs : pour respecter le nettoyage des salles, 4 salles sont utilisées le matin à l’étage dans un périmètre proche les unes des autres pour éviter une circulation trop importante dans l’établissement et 4 salles au rez de chaussée l’après-midi.
  • Revoir le sens de circulation pour passer d’abord devant les toilettes pour pouvoir se laver les mains à chaque pause et lors de l’entrée dans l’établissement.
  • Le nettoyage des salles spécialisées : pour pallier au manque de personnel d’entretien, il a été décidé que l’accès aux salles Informatiques, Technologie, Sciences, CDI, Foyer, salle des professeurs sera interdit.
  • Revoir l’emplacement du photocopieur
  • Respecter le nettoyage et la distribution sans risques des photocopies.
  • Le port du masque en classe obligatoire lorsqu’on est en place.
  • Comment faire de l’EPS lorsqu’il pleut en respectant les distanciations sociales ?
  • Comment accueillir les élèves le matin et le soir pour ceux qui prennent le bus ?

Voilà tous les problèmes qui se sont posés concrètement.

Retrouver les élèves, pour quoi faire ? Sur le plan psychologique, pédagogique, quelles sont vos appréhensions ?

On va en profiter pour expliquer l’utilisation des outils informatiques et fournir les supports sur clé USB ou sur un serveur pour que l’élève ne soit pas en échec pour lire et faire ses devoirs en respectant le RGPD (utilisation de Libreoffice, Audacity, pdf x-change (pour compléter un formulaire fait avec Libreoffice). On va aussi revoir les bonnes pratiques de la classe virtuelle du CNED ou Jitsi, etc. Le but, avec les élèves, c’est de rassurer, renouer le contact, évoquer leurs difficultés pour faire le travail (problèmes de connexion, de matériel, etc.)

Une dernière question, c’est quoi le défi de la rentrée de septembre pour vous ?

Avoir les outils communs pour toutes les classes, par exemple un TBI avec micro pour pouvoir enregistrer nos cours si nécessaires pour la continuité pédagogique ! Ou encore pouvoir utiliser les salles spécialisées (salle informatique, salle de technologie, CDI, foyer) en respectant les consignes sanitaires. Enfin, il nous faut vraiment du matériel fourni par l’éducation nationale pour pouvoir assurer la continuité pédagogique à la maison (ordinateur portable avec 2 écrans, tablette graphique, etc.).

Une organisation de la reprise qui s’est adaptée aux imprévus

Sylvie est professeur d’histoire-géographie dans un collège en périphérie de Reims qui compte environ 480 élèves.

Comment avez-vous été associés à l’organisation de la reprise, comment se passera la rentrée des personnels ?

Dès l’annonce de l’ouverture des collèges le 18 mai, le chef a décidé de réunir un CHS, ce qui n’avait jamais été fait, en visio. Nous devions lire le protocole provisoire et réfléchir à la manière d’accueillir nos élèves de 6ème et 5ème. Nous sommes partis d’estimations sur le nombre d’élèves de retour (50) et sur le nombre de collègues présents (70%). La réunion a regroupé des administratifs, des agents (d’accueil, de ménage,…) le cuisinier, l’infirmière, la CPE, deux enseignants, les délégués parents et élèves du CA.

Nous avons mis en place en place 4 groupes de 6èmes qui viendraient le lundi et mardi et resteraient dans les mêmes salles, et 4 groupes de 5èmes qui viendraient le jeudi et le vendredi dans d’autres salles, avec des WC attitrés, des sens de circulation, des entrées et des récréations décalées.

Quelles sont vos difficultés pour mettre en oeuvre le protocole sanitaire ?

Tout cela été fait avec des estimations et fonctionnait plutôt bien sur le papier ! Cependant, la réalité des chiffres est différente :

  • plus de 50 % des enseignants ne reviendront pas pour cause de santé, de garde d’enfants…
  • les chiffres de retour des élèves sont très différents d’une classe à l’autre et notre répartition 1 groupe = 1 classe de 6ème ne fonctionne pas. Dans certaines classes, seuls 9 reviennent alors dans d’autres ils sont 18 ou 19 ! Donc on réfléchit désormais à une nouvelle organisation pour la reprise de juin avec des groupes comportant des élèves de plusieurs classes. Que fait-on avec eux puisque ce ne sont pas nos élèves ? Comment concilier distanciel et présentiel ?

Retrouver les élèves, pour quoi faire ? Sur le plan psychologique, pédagogique, quelles sont vos appréhensions ?

Au départ, nous pensions faire en présentiel ce que nous donnions au reste de la classe à la maison, avec bien évidemment des explications orales, des discussions. Hélas, avec la nouvelle organisation, c’est plus difficile ! En lettres et en mathématiques, les collègues ont décidé de travailler la méthodologie, ou bien de renforcer certains points du programme. En histoire, c’est compliqué car nous n’avions pas les mêmes programmations et je vais me retrouver avec des élèves qui ont déjà fait les cours que je comptais faire avec les élèves de ma classe ! On nous parle d’accompagnement pédagogique, mais pour le moment on a l’impression que l’on va surtout faire de la garderie ! C’est difficile de se projeter.

Photo de Bruno Cervera provenant de Pexels

Une articulation présentiel / distanciel qui va poser question

Philippe est professeur d’histoire géographie EMC et a une vingtaine d’années d’ancienneté dans l’Éducation nationale ainsi qu’au SE-Unsa (c’était encore la FEN quand il a commencé!). Il travaille au collège Irène et Frédéric Joliot-Curie de Saint Hilaire des Loges en Vendée depuis cette année. C’est un petit collège rural (à peu près 250 élèves).

Comment avez-vous été associés à l’organisation de la reprise, comment se passera la rentrée des personnels ?

L’ensemble des enseignants et de l’équipe vie scolaire a été associé à la rentrée par le chef d’établissement avec l’envoi d’un projet de protocole de réouverture et deux réunions en distanciel pour l’amender et l’améliorer. Il a été voté au final et sera envoyé aux parents d’élèves. Globalement, ce protocole est bien et l’équipe semble prête à reprendre. Le principal est strict sur les conditions : pas de masque, pas de reprise par exemple.

Quelles sont vos difficultés pour mettre en oeuvre le protocole sanitaire ?

Pour l’instant, ça a l’air d’aller mais il n’a pas été encore appliqué car peu d’élèves s’annoncent, pas plus de 10-15 par classe et que peu de collègues sont maintenus en distanciel. Ensuite, il semble clair qu’il sera très difficile de l’appliquer avec des quatrièmes / troisièmes aussi ou alors avec une seule journée par niveau de classe au lieu de deux. De plus, la question de l’articulation et du cumul présentiel / distanciel reste latente pour les collègues.

Retrouver les élèves, pour quoi faire ? Sur le plan psychologique, pédagogique, quelles sont vos appréhensions ?

C’est la question. N’ayant pas de 6ème / 5ème, je n’y ai pas réfléchi vraiment et les collègues n’en ont pas vraiment parlé. En HGEMC, je dirais qu’on reprendra là où on en était arrivé dans le cours en distanciel et qu’on essaiera de faire un ou deux chapitres mais cela a moins de sens en maths ou en anglais.

Une dernière question : c’est quoi le défi de la rentrée de septembre pour vous ?

Espérons que le taux de contamination aura nettement baissé pour une rentrée « normale » avec tous les élèves ensemble. Sinon, s’il faut continuer à travailler par demi-groupes présentiel-distanciel, ce sera difficile à appréhender. Les élèves ne viendraient en fait au collège que pour caler le travail fait en distanciel et avoir un contact avec leurs professeurs. L’essentiel du travail devrait rester en distanciel mais j’ai déjà perdu beaucoup de gens, particulièrement en 3ème… Comment maintenir un travail de loin ?

Un Padlet pour noter les questions qui se posent pour la reprise

Evelyne Faugerolle est professeure de Lettres Modernes au collège Les Lesques de Lesparre en Gironde, un collège classé education prioritaire. Elue au CA et au CHS de l’établissement, Evelyne est la secrétaire de la section académique du SE-Unsa dans l’académie de Bordeaux et secrétaire régionale adjointe de l’Unsa éducation.

Comment avez-vous été associés à l’organisation de la reprise, comment se passera la rentrée des personnels ?

Nous avons été informés très régulièrement à chaque fois que les circulaires arrivaient à l’établissement par mail et message Pronote. Nous avons eu un premier mail le 4 mai avec ce que les chefs d’établissement imaginaient pour la reprise. En tant qu’élue du personnel, j’ai demandé un délai pour produire les certificats médicaux et la réunion d’une instance en visioconférence avant de communiquer l’organisation retenue.

Beaucoup de choses restaient encore floues pour nous alors que les délais étaient courts, mais évidemment on s’est basé sur le protocole sanitaire.

De nombreux collègues m’ont sollicitée par rapport au côté pédagogique de la reprise, pour ne pas se limiter à une aide aux devoirs. J’en ai parlé à la chef d’établissement et on a élaboré un Padlet (outil de collaboration en ligne) pour garder la trace des questions et des réponses sur la gestion du CDI, les protocoles, la vie scolaire, la restauration, l’évaluation, les instances, les circulations, l’administration…

Retrouver les élèves, pour quoi faire ? Sur le plan psychologique, pédagogique, quelles sont vos appréhensions ?

Mes appréhensions sont de ne pas savoir recevoir les émotions des élèves, d’être submergée par les miennes. Mais c’est comme le trac, une fois dans la salle de classe, je sais que ça ne sera que du bonheur. Techniquement, comme je suis bavarde, je me demande comment ça va se passer sous le masque !

Quel est pour toi le défi de la rentrée de septembre ?

Un défi d’ordre vestimentaire : casque intégral ou chapeaux visières à adapter selon les saisons ? Humour ! L’autre, plus sérieusement, comment élaguer dans le programme pour rattraper le temps… est-ce possible?

Réouverture des écoles, quand le réel écrase la com’

Hélène est une enseignante qui participe à l’accueil des enfants de soignants, elle nous a envoyé ce témoignage où elle nous fait part de son incompréhension et de sa colère devant l’impossibilité d’appliquer le protocole sanitaire de réouverture des écoles.

Je participe actuellement et depuis le début du confinement à l’accueil des enfants de soignants.
Nous sommes 2 adultes pour 2 enfants et 3 adultes dès qu’on dépasse les 10 élèves et même avec ces effectifs et ce taux d’encadrement les distances de sécurité sont difficiles voire impossibles à mettre en oeuvre : les enfants de maternelle ne sont pas habitués à rester assis à leur place (et c’est normal ce n’est pas naturel pour eux) les plus grands n’arrivent pas à garder leurs distances notamment aux moments des nombreux déplacements qui jalonnent les journées de classe (arrivées, départs, passages aux toilettes, déshabillages, installations en classes, sur les bancs pour une histoire …)

Les conditions qui nous concernent sont idéales par rapport à ce qui est proposé (nous sommes 1 adulte pour 5 enfants, nous intervenons 1 demi-journée par semaine (et après nous sommes fatigués, vraiment, car chaque minute de la journée est à animer et à encadrer au sens strict du terme) et il n’y a qu’un groupe classe dans notre école donc pas de choses à régler pour ne pas croiser les autres groupes.

Lorsque j’ai informé mon entourage que je m’étais engagée dans l’encadrement des enfants de soignants, il était très inquiet mais il a compris. J’ai expliqué à ma directrice que je serai volontaire pour encadrer des enfants de l’école dans des petits groupes, avec un encadrement suffisant, mais uniquement pour des enfants qui en auraient besoin (familles dont les deux parents travaillent, enfants en foyer, problèmes dans les familles, …) Je refuse de faire garderie pour des enfants dont les parents veulent souffler un peu !!!

On nous demande d’assurer du présentiel, de continuer la continuité pédagogique et de seconder les périscolaires dans la mise en place des 2S 2C (Sport, Santé, Civisme et Culture).

J’ai passé la journée d’hier à répondre aux mails de mes élèves de maternelle, à alimenter mon blog, à gérer mes trois classes virtuelles pour mes PS, mes MS, mes GS. Hier soir j’ai assisté à une réunion du SIVOS (syndicat intercommunal à vocation scolaire) pendant laquelle j’ai témoigné des difficultés rencontrées lors de l’accueil des enfants de soignants. Rien n’a été décidé. Aujourd’hui je rattrape le travail scolaire de mes enfants à moi. J’ai passé des coups de fil à des collègues inquiètes qui avaient besoin de parler (je suis apparemment une « bonne oreille » et je suis réputée pour mon optimisme à rude épreuve).

Mais à midi, à table, j’ai craqué. Notre pression actuelle est terrible. Les parents de notre école sont unanimes. Avec le travail de continuité pédagogique, certains sont réconciliés avec l’école, nous prenons des nouvelles de nos élèves, répondons aux mails, nous avons mis en place un suivi individualisé lorsque c’était nécessaire pour nos élèves les plus fragiles et pour les parents les plus perdus.
Comment poursuivre ceci, être en présentiel, assurer l’accueil des enfants de soignants, aider les périscolaires et nous occuper de nos enfants dans de telles conditions.

Aujourd’hui je suis triste, fatiguée et en colère. Lundi, je retournerai à l’accueil des enfants de soignants avec le sourire avec mon kit (dérogation, gel hydroalcoolique…), mes histoires, mes activités de rupture, mon travail pour les élèves de maternelle, mes consignes en tête (lavage de mains, distanciation…) et en rentrant je me déshabillerai dans le garage, je monterai prendre ma douche de la tête aux pieds (la semaine dernière j’ai hurlé après mon petit bout de 9 ans qui accourait pour me faire un câlin), je désinfecterai mes clés, les poignées de porte et je rejoindrai ma famille à table, avec le sourire.

Je pensais vraiment avoir le temps d’organiser la rentrée de septembre avec mes collègues, en réfléchissant ensemble, en prenant le temps d’acheter du matériel, de repenser notre pédagogie, nos déplacements, l’utilisation du matériel. Je pensais avoir le temps d’être prête pour la rentrée, tout simplement.

Je m’arrêterai là sans évoquer ma situation de maman d’un enfant de CM1 et d’un enfant de 6ème qui ne retourneront pas à l’école avant septembre mais que je ne peux laisser seuls à la maison pendant que mon mari facteur travaille 4 jours par semaine, sans doute 6 à nouveau dès le déconfinement.

Merci pour les combats que vous menez au SE-Unsa depuis le début de cette bataille contre cet ennemi invisible qu’est le coronavirus.
J’espère que nos gouvernants prendront la mesure de l’impossibilité d’appliquer le protocole sanitaire en si peu de temps et en attendant je poursuis ma mission d’enseignante à distance auprès de mes incroyables élèves de PS-MS-GS qui me manquent énormément mais que je ne suis pas prête à accueillir en présentiel.

Hélène, passionnée mais déroutée

Image par sandid de Pixabay

De l’ENS à l’Université de technologie, portrait d’un agrégé

Yacine est PRAG, agrégé de sciences industrielles, en détachement depuis 4 ans à l’Université de technologie de Compiègne, à la fois école d’ingénieurs et université. Il nous présente la palette de ses missions, en tant qu’enseignant du second degré détaché dans l’enseignement supérieur.

Comment as-tu obtenu ce poste à l’UTC ?

Je suis sorti de l’ENS Cachan en 2012 après avoir obtenu mon agrégation de mécanique. J’ai ensuite poursuivi mes études avec une thèse à l’université de Grenoble, et exercé un an la fonction d’ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche). J’ai été recruté il y a 4 ans sur un poste de PRAG (professeur agrégé affecté dans l’enseignement supétieur) à l’Université de technologie de Compiègne. Pour candidater, je suis passé par l’application Galaxie qui diffuse des offres de postes de détachement dans l’enseignement supérieur. Chaque entité y précise le profil des enseignants recherchés. On dépose ensuite un dossier et on est convoqué pour un entretien.

En quoi consiste ton service d’enseignement ?

À l’UTC, les étudiants choisissent leurs cours, on a affaire à des gens motivés. J’assure principalement des cours d’ingénierie mécanique : conception assistée par ordinateur, résistance des matériaux, technologie, fabrication… Mais j’ai une part de plus en plus importante d’enseignement dédié à l’éco-conception. Il s’agit d’intégrer la dimension environnementale en conception de produit. C’est passionnant, cela permet de repenser de façon plus globale le rôle de l’ingénieur face aux défis climatiques et aux enjeux de soutenabilité actuels.

De nombreuses d’activités se déroulent sous forme de projet. Les étudiants sont très autonomes et le suivi est enrichissant. Je pense qu’on apprend autant qu’on leur enseigne. Les cours se déroulent de septembre à janvier et de février à juin avec une pause inter-semestrielle de 5 semaines.

Dans cette période de confinement (mars/avril 2020), je travaille sous forme de capsules vidéos, des espaces ont été créés pour centraliser les questions, des visios sont organisées pour les échanges… Tout prend plus de temps, on a donc ouvert des créneaux supplémentaires pour éviter que des étudiants décrochent. Il faut surtout prendre en compte qu’ils n’ont pas tous les mêmes possibilités de connexion, la fracture numérique touche aussi l’enseignement supérieur.

Assures-tu d’autres missions, à part l’enseignement ?

L’accompagnement des étudiants est une tâche importante, le format de cours à la carte impose d’en suivre un certain nombre pour les guider au mieux dans la construction de leur cursus. En plus des activités d’évaluation classiques (examens, contrôle continu compte rendu de TP, rapport et visite de stage…), j’assure aussi des suivis de projet, qui sont intégrés dans mon temps de service. Pour donner un exemple, nous avons eu un partenariat avec Decathlon qui nous a proposé de travailler sur l’éco-conception d’un de leur produit, cela représente en moyenne une demi-journée avec 3 étudiants par semaine.

J’ai aussi des tâches administratives, je dois ainsi gérer les intervenants extérieurs, les accompagner dans les démarches en lien avec les services de l’université, acheter les logiciels, le matériel pour mes cours… Par ailleurs, je réussis à mener des projets en lien avec d’autres structures. Je participe à un projet de plateforme de ressource pédagogique avec l’Université de Grenoble Alpes ou au co-encadrement d’une thèse sur l’enseignement de l’éco-conception.

Comment se déroule ta carrière en tant qu’agrégé détaché comme PRAG ?

Je viens de faire mon premier rendez-vous de carrière il y a 3 mois. C’est la responsable du département dans lequel je travaille qui m’a reçu en entretien mais la grille d’évaluation n’est pas forcément adaptée aux missions que j’assure. Les relations avec les parents d’élèves, par exemple… J’ai produit un bilan d’activité pour ce rendez-vous, et maintenant, j’attends les résultats.

En conclusion, avec le recul de ces 4 années, comment juges-tu cette expérience dans l’enseignement supérieur ?

La manière dont on gère notre carrière est curieuse, on a l’impression d’être « invisibles » pour le rectorat. Mais dans le monde universitaire, les enseignants du second degré sont aussi un peu à part. Si je prends encore une fois l’exemple de l’éco-conception, c’est un thème en constante construction, il est impératif de suivre l’avancée des recherches sur le sujet. Mais les conférences ont un coût non négligeable (environs 650 euros sans l’hébergement ni les transports). Les enseignants-chercheurs bénéficient de contrat de recherche mais un PRAG n’entre pas dans les cases habituelles… Cela dit les départements d’enseignement peuvent parfois prendre à leurs charges ses dépenses. Ainsi, je participe ainsi régulièrement au colloque du réseau S.mart (ex AIP Priméca). Cela me permet de rencontrer d’autres enseignants du supérieur et de partager nos expériences.

Je suis très satisfait de mon travail, en revanche un agrégé doit bien être conscient que côté rémunération, son traitement est bien inférieur à ce qu’il peut percevoir en CPGE. Néanmoins, la liberté pédagogique dont on dispose est formidable.

Dispositif pour décrocheurs : comment s’organise la continuité ?

Le ministre de l’éducation nationale communique sur les 5 à 8 % d’élèves qui auraient décroché du fait de la situation de confinement. Qu’en est-il des jeunes déjà identifiés avant le confinement comme décrocheurs ou présentant un risque de le devenir ?
Une Enseignante Coordonnatrice de la MLDS (Mission de lutte contre le décrochage scolaire) témoigne.

La MLDS vise à prévenir le décrochage scolaire, faciliter l’accès au diplôme et à la qualification des jeunes en situation de décrochage, sécuriser les parcours de formation.

D’une part, «  les jeunes décrocheurs avec lesquels, suite à un travail sur la définition du projet professionnel, nous étions en train de chercher à confirmer et/ou valider un projet de réorientation avec des stages ». Ceux-ci sont  déçus et frustrés que ces stages soient suspendus ou reportés et un lien téléphonique est maintenu avec eux.

D’autre part, « les jeunes allophones (Non Scolarisés Antérieurement) » pour lesquels la continuité pédagogique avec les enseignants est très difficile à réaliser : « sur 15 élèves seulement 3 ont un accès occasionnel aux outils numériques avec lesquels ils ne sont pas encore totalement autonomes ». Difficile pour ces jeunes de garder un rythme scolaire, tristesse de ne plus pouvoir aller à l’école (opportunité que certains ont pour la première fois de leur vie), inquiétudes quant à la possibilité de passer cette année l’examen du DELF (diplôme d’études en langue française) et à leur poursuite d’études l’année prochaine en CAP.

Il a fallu trouver des solutions : « je leur demande de regarder tous les matins l’émission Lumni niveau primaire sur France 4 proposant des séances en français et en mathématiques. Chaque jour, par roulement, je les appelle afin de travailler et échanger avec eux sur ces cours : compréhension du vocabulaire, lecture à voix haute (si besoin envoi par MMS du texte que j’ai pris en photo lors de la diffusion), entraînement aux calculs mathématiques… Les jeunes qui ont un crédit téléphonique envoient par MMS des photos de leur cahier d’exercices. « J’ai aussi proposé aux autres enseignants qui interviennent de me faire parvenir des exercices imprimables que je transmets aux référents des jeunes afin qu’ils les leur distribuent.»

Les échanges téléphoniques permettent un travail totalement individualisé, en fonction des difficultés et des points forts de chacun : « de 30 minutes au début, avec une durée record de 2 heures 30 », ils sont aussi l’occasion d’aborder des thématiques extra-scolaires,  renforçant ainsi le lien déjà établi.

Propos recueillis par Giaretti Sophie

Photo de David Waschbüsch provenant de Pexels

Gestion des AED, Caroline CPE témoigne

Caroline exerce dans une équipe composée de 2 CPE et 10 assistants d’éducation (à temps plein ou mi-temps) pour 750 élèves dans un collège de l’académie d’Amiens avec SEGPA et ULIS.

En qualité de CPE, comment définissez-vous la posture éducative des assistants d’éducation ? Comment s’observe-t-elle ?

Sans trop réfléchir et concrètement, il me vient tout de suite à l’esprit de préciser au sein de la posture éducative : posture morale, posture langagière et posture physique. Il s’agit concrètement des paroles, des gestes du quotidien. Ces postures sont développées sur les missions de surveillance, par exemple dans la cour de récréation, les abords de l’établissement, aux entrées et sorties des élèves, pendant le service en restauration scolaire… au gré des situations qui se présentent et des interventions de l’AED en conséquence. Il s’agit aussi du savoir-être et savoir-faire dans des situations sociales davantage construites : prise en charge de la permanence, animation du foyer, développement et participation à des projets en externat ou internat, participation éventuelle au dispositif devoirs faits, tutorat…

Quelles sont vos attentes ? Pensez-vous que les attentes peuvent être différentes d’un établissement à un autre et/ou d’un professionnel à un autre ?

La toute première attente me semble être l’exemplarité. Afin d’apprendre aux élèves la courtoisie, la ponctualité, l’assiduité, le vivre ensemble… Tout ce qui compose la vie collégienne/lycéenne et donc la préparation de la vie en société, tout adulte du collège qu’il soit AED, CPE, enseignant… se doit de montrer le chemin. L’enjeu est d’être crédible face à un public adolescent pour qui la justice est essentielle. L’assistant d’éducation est un adulte référent pour l’élève, je dirais même un modèle. Les attentes sont majoritairement les même à mon sens : être dans le respect des valeurs et principes de la République en terme d’égalité, neutralité… J’attends d’un AED qu’il soit un minimum investi et intéressé par ses missions. Si pour lui, ce n’est qu’un « job alimentaire » alors ses semaines vont être subies. Nous devons lutter encore quotidiennement contre l’image du « pion ». Les quelques petites différences dans la posture éducative d’un établissement à un autre peuvent se ressentir selon les règles de vie de l’établissement, le règlement intérieur.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les AED et quelles hypothèses d’explications pouvez-vous émettre ?

Il n’est pas simple pour eux de se positionner et c’est normal. Je disais qu’ils étaient un modèle pour les élèves et il y a en ce sens un certain revers de la médaille. Il s’agit en permanence de doser proximité et distanciation avec les élèves. Un AED bien installé dans son établissement, en connait parfois beaucoup sur la vie de certains élèves : ses conditions de vie, ses passions, ses peines de cœur etc… Je dis toujours à la réunion d’équipe de prérentrée « vous êtes nos yeux et nos oreilles ». Ils en connaissent plus que nous parfois et que les enseignants. Ils ont un rôle de « coach en vie sociale » presque. Cette proximité peut engendrer des risques de dérives, lorsqu’un élève ne voit plus l’AED comme un adulte dans une situation de tension. Si l’AED se doit de toujours travailler son positionnement, sa posture et a donc ses responsabilités dans les relations construites avec les élèves, on ne peut pour autant le blâmer en cas de petites erreurs. Il faut être exigeant mais aussi bienveillant en tant que CPE vis-à-vis de ses AED. N’oublions pas qu’ils sont recrutés dès 18 ans, avec le diplôme du baccalauréat. Ils n’ont pas reçu notre formation de CPE ou d’enseignant. Ils sont toujours en première ligne, présents jusqu’à 41h/semaine en établissement, ils sont humains et ont donc tout comme nous, leurs moments de fatigue.

Dans le cadre de vos missions, que mettez vous en place pour développer les compétences des AED dans ce domaine ?

C’est là que la casquette de chef de service de la vie scolaire se porte. Nous nous disions récemment avec mon collègue « nous avons l’équipe que nous méritons », « à nous de permettre leur progression ». Le pack basic choisi avec mon collègue CPE est de mettre en place et stabiliser une gestion des ressources humaines. Nous programmons un entretien individuel par AED en décembre/janvier et un entretien de fin d’année dans lesquels nous abordons notamment la posture éducative avec un outil que nous avons repris à l’établissement et adapté : une grille d’évaluation. Comme les grilles d’évaluation pour enseignants ou CPE, elles sont annotées et chaque point est évalué entre « à consolider » et « excellent ». Nous faisons part de nos observations positives et de nos recommandations pour les perspectives de progression. La grille d’évaluation est reprise pour l’entretien de fin d’année et l’année suivante afin d’avoir un réel recul sur le parcours de l’AED. Nous avons instauré également une réunion d’équipe chaque premier lundi après les petites vacances scolaires. Ces deux rituels que sont les entretiens individuels et les réunions d’équipe sont des espaces de parole pour les assistants d’éducation. Ces rituels prennent du temps (de préparation, l’instant T, les comptes-rendus…) mais sont essentiels pour faire progresser les AED dans leur posture éducative et leurs missions.

Chaque AED a un potentiel, une compétence particulière que l’autre n’a pas. Il faut la repérer et tenter de l’exploiter. Des exemples sont nombreux : un AED référent TICE, un AED mobilisé dans l’ASSR, un AED mobilisé dans le dispositif devoirs faits, un AED organisant un club etc….

Enfin et pas des moindres, au delà de la simple GRH du service, il s’agit de penser la formation des AED. Elle peut être construite par les CPE eux-mêmes ou être mobilisée via des partenaires ou associations. Selon le diagnostic des CPE, les besoins en formation peuvent être différents.

Tout ce que je viens de citer sera développé dans le projet de service en cours de rédaction avec mon collègue et pour lequel les assistants d’éducations ont été sollicités pour leurs observations et idées pour faire évoluer le service.

Bien évidemment, c’est un exemple de fonctionnement de vie scolaire parmi d’autres, qui n’est pas plus valable que celui du voisin. Les stratégies varient en fonction des constats, des faisabilités et des besoins différents mais aussi pour le coup d’un CPE à l’autre peut être.

Quelles limites observez-vous des actions mises en place ? Selon vous, la politique éducative sur les fonctions d’assistants d’éducation devrait elle évoluer et pourquoi ?

Il y a un manque de temps et de moyens. C’est une horlogerie à part entière car par exemple pour réunir l’ensemble des manques de l’équipe, c’est forcément hors temps scolaires. Ces heures sont bien évidement comptées en heures travaillées et nous avons opté pour les faire intégrer dans la 3ème semaine administrative non stabilisée dans le calendrier.

Il n’est pas non plus évident de travailler la posture éducative, les compétences des AED en la matière alors que la priorité va être l’encadrement et la sécurité des élèves. J’ai une assistante d’éducation qui a par exemple un Master FLE et a donné des cours de français aux USA, elle passe d’ailleurs le CAPES et l’AGREG, mais nous ne pouvons lui donner qu’une heure par semaine de cours FLE en binôme avec une enseignante du collège. Nous avons beau avoir trituré dans tous les sens les fiches de postes, je ne peux pas lui en donner davantage sinon ce serait au détriment des postes de permanences, de la cour…

Étant dans mon établissement actuel depuis 6 mois, je n’ai pas encore le recul nécessaire pour mesurer pleinement les effets bénéfiques et les limites des actions mises en place.

Bien sûr que la politique éducative sur les missions des assistants d’éducation pourrait évoluer. Ne serait-ce qu’en termes de reconnaissance. Ils font partis des personnels les plus présents au sein de l’établissement en termes d’heures travaillées et sont pourtant les moins bien payés. En tant que CPE, j’aimerais aussi bénéficier de moyens pour leur formation. Chaque CPE ne peut s’improviser ingénieur en formation du jour en lendemain, il faut du temps, nous avons besoin de ressources, de moments de partages entre collègues…. Enfin, pour aller jusqu’au bout de la notion d’assistant d’éducation, je pense que pour tendre vers une vraie professionnalisation des agents, la création d’un corps à part entière est nécessaire. Si nous voulons rendre les agents impliqués, exemplaires, intéressés… nous avons besoin qu’ils aient un sentiment d’appartenance à l’Éducation nationale. Alors pourquoi pas les fidéliser ? Je crois aussi en la fonction « tremplin » pour certains étudiants et n’ai pas de déterminismes sur le sujet. C’est à débattre et à réfléchir concrètement…

Caroline Letot, CPE dans l’académie d’Amiens

Le parcours de Mélanie, enseignante TZR de Lettres modernes

Lors de votre année de première, vous avez participé au « Prix Goncourt » des lycéens. En quoi consistait cette opération ? Quels souvenirs en avez-vous ? Diriez-vous que votre implication dans ce projet a joué un rôle dans votre désir de devenir enseignante ? Pourquoi ?

Notre professeure avait inscrit la classe et, dès le jour de la rentrée, elle nous a indiqué que nous aurions une quinzaine de livres à lire. Il s’agissait de la sélection de l’Académie Goncourt qui se trouve à Rennes que nous devions lire en seulement deux ou trois mois. Nous avons dû choisir notre trio de tête qu’un délégué “Goncourt”, élu par la classe, est allé défendre à l’échelle régionale, puis nationale jusqu’à élection d’un lauréat.
Ce projet, mené par la classe et dirigé par notre enseignante de français, a été très enrichissant sur plusieurs plans. D’abord, sur le plan individuel puisqu’il nous a fait lire, dans un temps très limité, de nombreux ouvrages variés.
Ensuite, sur le plan de la classe car nous ne nous connaissions pas ou très peu et il a fallu, dès les premiers jours de l’année, collaborer autour de ce projet qui nous paraissait complètement fou.
Ce projet a indéniablement joué un rôle dans mon désir de devenir enseignante, notamment de Lettres, car cela a totalement changé ma façon de concevoir les cours de français. J’aimais déjà lire, mais j’avais choisi la section L dans l’intention de devenir journaliste. Me retrouver face à une enseignante investie à ce point dans ce projet, qui a été très porteur pour chacun, m’a convaincue que c’était ce que je voulais faire à mon tour. Je souhaitais désormais transmettre le goût de la lecture avec autant d’enthousiasme et de dynamisme ainsi que susciter la curiosité de mes élèves.

Vos premiers pas en pédagogie ont eu lieu dans le cadre de cours particuliers. À quel public vous êtes-vous adressé ? Diriez-vous que votre accompagnement a permis le progrès de vos élèves ? En quel sens ?

Je me suis adressée à un public de jeunes collégiens scolarisés en 6ème et 5ème. J’ai pu apporter aux élèves une aide dans la méthode de travail, leur montrant ainsi que nous pouvons tous surmonter nos difficultés, à notre rythme, et y arriver sans se sentir dévalorisé. La principale source de motivation d’un élève, c’est de savoir qu’il peut progresser et atteindre le but visé.

En tant qu’étudiante, vous avez investi plusieurs emplois saisonniers. Que vous a apporté la diversité de ces expériences dans l’exercice de votre métier d’aujourd’hui ?

Les emplois saisonniers ont jalonné mon parcours depuis l’obtention du baccalauréat jusqu’à l’obtention du CAPES. Ils ont été, à chaque moment, autant de pas qui m’ont permis de parcourir mon cursus d’études supérieures.
J’ai pu y apprendre à être responsable, rapidement autonome tout en travaillant en équipe, et j’y ai aussi développé des compétences relationnelles. J’ai pu y côtoyer des personnes très différentes avec lesquelles j’ai appris à échanger et à collaborer. Bien que cette expérience dans sa globalité ait été très éloignée du métier que je pratique actuellement, elle a été très formatrice et certaines compétences, très transversales, ont pu être réexploitées dès mon année de stage.

Durant la préparation de votre Master MEEF, vous avez travaillé pendant plusieurs mois sur la romancière belge Amélie Nothomb. Quelles étaient les grandes conclusions de votre mémoire ? Quel regard portez-vous sur la bibliographie de l’auteur ? Quel roman préférez-vous ? Pourquoi ?

J’ai étudié plusieurs œuvres d’Amélie Nothomb avant tout parce que c’est à travers ses ouvrages que j’ai développé davantage mon goût pour la lecture. J’ai lu tous ses livres.
C’est le plus naturellement du monde que j’ai décidé de porter mon sujet de mémoire sur ses œuvres, une façon pour moi d’associer travail et plaisir. J’ai voulu montrer qu’une autrice contemporaine pouvait reprendre à sa charge des grands questionnements déjà traités en littérature en y apportant un éclairage neuf sans perdre en qualité. La littérature contemporaine doit être valorisée, d’abord parce qu’il n’y a pas de raison de la laisser de côté mais aussi parce qu’elle séduit davantage nos élèves.
Enfin, il me semblait intéressant de mettre en lumière les liens qui existent entre ses œuvres, rendant bien plus riche la lecture et l’interprétation de celles-ci. J’avais à cœur de rendre compte de cette conception que j’avais de ses ouvrages, autour de laquelle j’ai pu échanger avec l’autrice elle-même. Il s’agit, une fois de plus, de tenter de transmettre une part de mon regard sur les choses aux autres.

Lors de votre année de T1, vous avez piloté un club théâtre avec des élèves du cycle central. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Le club théâtre était une demande de certains de mes élèves. J’ai décidé de les accompagner dans cette aventure qui, comme tout projet, ne pouvait qu’être épanouissant.
Après en avoir brièvement parlé à mes élèves de 5ème, nous avons créé des affiches présentant notre projet aux autres élèves du collège. Parallèlement, le B.V.S. se chargeait de tenir le registre des inscriptions à la séance de présentation.

Une fois la pièce choisie par les élèves et moi-même, nous avons donc présenté le projet aux élèves curieux de découvrir ce club qui prenait vie. Les répétitions se tenaient toutes les semaines, le mardi sur la pause méridienne. La distribution des rôles a été assez facile : les élèves choisissaient et débattaient entre eux de la répartition des rôles puis nous avons trouvé des compromis quand il le fallait. Certains élèves voulaient des rôles avec moins d’interventions par souci de timidité ou d’apprentissage du texte, tout était une question de proposition adaptée à leurs souhaits. Nous avons pu travailler autour de petits ateliers pour que chacun s’épanouisse à son rythme dans cet exercice particulier du théâtre. Ensuite, nous avons rapidement joué, reprenant les moments moins faciles à interpréter jusqu’au moment de la représentation.
Il y en a eu trois : une qui servait de répétition générale, visant à habituer les élèves à jouer devant un public, puis deux durant la journée des savoir-faire devant des classes, des professeurs et quelques parents.

Vous êtes particulièrement sensible à l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers dans vos classes. Que souhaitez-vous partager sur une expérience d’inclusion scolaire dans un collège classé en éducation prioritaire ?

Dès mon stage d’observation en M1, j’ai rencontré des élèves à besoins éducatifs particuliers au sein de l’UPE2A du collège. Le contact avec ces élèves a eu une influence toute particulière sur ma vision du métier : ils étaient tous tellement demandeurs et investis. Lors de mon année de stage, j’ai eu l’occasion d’accueillir dans mes classes des élèves provenant de l’UPE2A. C’est une chance pour nous de les inclure puisque ça nous pousse à revoir notre contenu et notre approche pédagogique. Étant professeure de français, il est primordial d’apporter de l’aide aux élèves dans cette situation.
J’ai aussi enseigné à des élèves relevant de handicaps divers et c’est un enjeu majeur de parvenir à leur proposer un enseignement adapté.
Il est très gratifiant de pouvoir intervenir positivement dans le développement des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Depuis votre titularisation, vous êtes titulaire sur zone de remplacement. Quels avantages et inconvénients voyez-vous à cette situation administrative ?

L’avantage majeur de cette situation, c’est de pouvoir découvrir des établissements très différents. En deux ans, j’ai enseigné dans trois collèges de profils différents : un établissement REP, un établissement de centre-ville et un autre, plutôt de périphérie. J’ai également enseigné en lycée, dans un très grand établissement et avec un public très particulier puisqu’il s’agit d’une classe de 1ère STI.
Tout cela a participé à enrichir considérablement mon expérience, à me pousser à diversifier mes pratiques d’enseignement, puisque j’ai exercé mon métier avec tous les niveaux du collège et deux du lycée. Il faut savoir s’adapter et la situation de TZR nous l’enseigne chaque jour.
Le principal inconvénient, c’est de ne pas toujours pouvoir se projeter sur des projets au sein des établissements puisqu’ils sont souvent préparés en amont. Il peut être plus confortable de bénéficier d’un poste fixe pour travailler davantage en équipe, sur des EPI par exemple ; mais on parvient tout de même à s’impliquer après un légitime temps d’adaptation et de découverte des collègues.

Vous réfléchissez actuellement à votre implication dans la formation initiale des collègues. Quelles sont les idées que vous avez en tête en la matière ? Quelles autres perspectives de carrière verriez-vous à moyens termes ?

J’aimerais effectivement m’inscrire dans une logique d’accompagnement des collègues dans tout ce qu’elle englobe. Il leur faut répondre à des attentes institutionnelles, tout en parvenant à s’épanouir dans le métier qu’ils découvrent.

Les années de master, durant lesquelles nous nous préparons au métier, sont intenses puisque nous devons apprendre à être en face des élèves, tout en fournissant un travail universitaire dans le même temps et ce n’est pas toujours évident de comprendre les attendus de chacun. C’est en ce sens que je souhaiterais les accompagner, en les épaulant et en facilitant leur expérience en établissement.

Il est également important pour chacun de parvenir à s’épanouir dans son métier et j’aimerais échanger autour des pratiques d’enseignement, qui varient d’une personne à une autre, afin d’apporter des éclairages différents sur la pratique des jeunes collègues. Le plus important est de se questionner, mais aussi de questionner les autres pour développer sa pratique. Sans ces temps d’observation et de réflexion, il est difficile pour les jeunes collègues, mais aussi pour l’enseignant qui les accompagne, de déployer une pratique épanouissante.

Parmi vos centres d’intérêt figurent l’environnement et les animaux. Quelles formes d’engagement recouvrent pour vous ces 2 thématiques ? Pensez-vous vous impliquer, en tant qu’enseignante, dans l’éducation au développement durable ? Comment ?

C’est un engagement au quotidien qui passe par toute sorte de petits gestes permettant d’améliorer notre positionnement sur ces thèmes.

Tout d’abord, il faut échanger et rester ouvert face à ces sujets qui sont primordiaux actuellement. D’ailleurs, l’un ne va pas sans l’autre. Il n’y a pas de conduite parfaite à reproduire, il s’agit de faire au mieux selon nos capacités à nous défaire de certaines habitudes. Le plus important, c’est la prise de conscience et la volonté de s’améliorer.

Je soutiens des associations qui œuvrent dans ce sens comme Greenpeace, la SPA et L214, et je consulte également des contenus qui permettent de s’informer sur les réseaux sociaux et internet. J’utilise d’ailleurs des moteurs de recherches qui ont un impact positif dans ce sens : Ecosia pour qui plante des arbres et Youcare qui nourrit les animaux.

Dans mon quotidien, rien n’a drastiquement changé : je limite mes déchets en passant par du fait-maison, j’ai un compost, je trie, j’essaie de consommer au maximum local, je respecte la saisonnalité des fruits et légumes, j’utilise le moins d’emballages plastiques que possible, je me lance dans un petit potager et j’essaie de trouver des alternatives réutilisables ou durables à tout le jetable qui envahit notre quotidien.

Mélanie Pernot-Salvalaio,
enseignante TZR de Lettres modernes dans l’académie de Besançon

Olivier, prof doc dans un établissement français à l’étranger, témoigne…

Olivier, de l’académie de Nantes, a été affecté au sein de l’Agence des Etablissements Francais à l’Etranger (AEFE), pendant 2 ans, au lycée français de Marrakech, au Maroc. Il nous raconte son expérience, et fait le point sur les conditions de travail, d’exercice et sur ce qu’il retient de cette expérience de prof-doc à l’étranger.

Peux-tu me dire à quoi ressemblait ton CDI à Marrakech ?

L’établissement se situait dans le centre-ville de Marrakech, dans le quartier du Gueliz. Ancienne caserne militaire dans les années 50, Le CDI était un bâtiment à part en plein milieu du lycée. Quand je suis arrivé en 2017, le CDI sortait de 2 mois de travaux (clim, isolation, peinture, etc…), j’ai donc pu l’investir totalement et m’impliquer dans les choix de couleurs et de réaménagement. C’était donc un très bel endroit, très clair, très spacieux avec une superbe signalétique. On m’a laissé une grande liberté et j’ai eu un beau budget pour décorer le lieu. Et enfin grand privilège, nous étions à Marrakech avec des températures douces 10 mois de l’année, on a donc pu créer, en plus du coin lecture du CDI, un jardin de lecture avec des chaises longues et des tables de travail qu’on a fait faire par des artisans marocains avec de chouettes carreaux de ciment. Ce jardin a d’ailleurs été agrandi depuis mon départ, grâce à la documentaliste qui m’a succédé qui a monté un projet avec des élèves de seconde et qui a fait appel à une paysagiste locale. Bref un lieu magnifique qui me manque beaucoup aujourd’hui.

Est-ce difficile d’obtenir un poste prof doc à l’étranger ?

J’avais des rapports d’inspection plutôt positifs, je pense que ça aide. Outre la constitution du dossier que j’ai trouvée complexe, ça a été assez facile pour moi puisque j’ai eu des nouvelles du SCAC (Service de coopération et d’action culturelle), à qui j’avais envoyé mon dossier, rapidement, et obtenu le poste trois mois après avoir fait ma demande. Le SCAC de Rabat est très réactif et très présent au moment du recrutement, par mail : on t’informe que ton dossier est bien arrivé, que tout est complet, on répond à tes questions quand tu as besoin de connaître le protocole de recrutement…bref je me suis senti épaulé. Le proviseur du lycée n’a pris contact avec moi qu’une fois que mon dossier de demande de détachement et de mise en disponibilité avait été validé.

En quoi l’exercice du métier prof doc était différent à l’étranger?

Le métier reste le même, la reconnaissance est peut être plus grande à l’étranger (élèves et hiérarchie) et on a une plus grande marge d’action avec des budgets de fonctionnement plus importants. C’est surtout une question de personne : j’ai eu affaire à une équipe de direction qui te fait confiance, qui vient te voir quotidiennement pour prendre des nouvelles, qui t’implique dans la vie de l’établissement, un adjoint qui te dit merci et bravo pour ton travail, c’est rare en France !

Ton meilleur et ton pire souvenir de l’expérience prof doc à l’étranger ?

Mon meilleur souvenir : Les élèves du lycée français sont pour la grande majorité d’entre eux extrêmement travailleurs, volontaires et brillants. Les élèves peuvent parfois applaudir à la fin d’une séance et vous dire merci, j’avoue que ça ne m’est jamais arrivé en France.

Pire souvenir : Quand la Wilaya (équivalent de la préfecture) qui fournissait les cartes de résidents m’a demandé un certificat de vie. Être devant l’agent en chair et en os n’était pas suffisant, il leur fallait un papier qui prouvait que j’étais bien vivant. Ça m’a fait rire !

« Je viens de finir ma politique documentaire » : une collègue témoigne

Élisabeth est T2, elle a 23 ans et, comme une majorité des jeunes professeurs, a « atterri » en région parisienne après son stage. Elle est titulaire de son poste à Créteil, dans un collège de centre ville dépassant à peine les 500 élèves. Le public est extrêmement hétérogène (en termes sociaux et de réussite), ce qui n’est pas toujours évident à gérer notamment avec les parents. Il reste tout de même un établissement dit « tranquille ».

Pour toi c’est quoi être professeur documentaliste aujourd’hui ?

Le métier de rêve. J’ai la chance de jouir d’une assez grande liberté de mouvements. Je peux m’insérer dans les projets pédagogiques que je veux ou les monter. Je trouve néanmoins difficile de jongler avec nos trois casquettes (pédagogie, gestion du fonds, ouverture culturelle) et j’ai tout le temps l’impression d’en sacrifier une. Pour moi, aujourd’hui, notre rôle consiste à éveiller au maximum les élèves, leur curiosité, leur ouverture d’esprit. Tout ce que je fais dans mon métier va dans ce sens.

Tu as mis récemment en place une Politique Documentaire, quel est l’intérêt d’un tel dispositif ?

Il y a plusieurs intérêts à instaurer une politique documentaire. Déjà, au moment de sa réflexion et de sa conception, cela permet de prendre du recul sur sa pratique et sur son terrain, de déterminer les urgences, les choses à modifier ou à mettre en place, en évitant d’avancer au flair ou à l’aveuglette. C’est intellectuellement reposant de « lister » les choses non ? De plus, si quelqu’un nous remplace ou prend notre suite, cela permet d’instaurer une continuité. Cette personne pourra voir ce qui avait été décidé, ce qui a été fait, pourquoi… Cela permet une meilleure prise en main du poste je pense. Et enfin (surtout), elle inscrit ce qui va être mis en place dans la politique d’établissement, qui est conduite au CA. C’est un bon moyen de défense (en cas de changement de direction, d’opposition de collègues, etc.) et ça permet aux projets d’avancer.

Peux tu nous donner quelques exemples concrets du contenu de ta poldoc ?

Sur le plan général, je parle de la fréquentation, des ressources (accès, gestion, utilisation), de la formation des élèves… en me basant au maximum sur des indicateurs comme des statistiques. C’est ce qui appuie tous nos objectifs. Comme exemples, je peux parler du désherbage. Il faut alors analyser le fonds, et les besoins. Ou encore pour la formation des élèves, il m’a semblé important de mentionner Pix (le service public en ligne pour évaluer, développer et certifier les compétences numériques), et notamment le fait de réfléchir rapidement autour de cet outil, car c’est pour le moment un inconnu pour l’ensemble de l’équipe pédagogique.

Est-ce que c’est long à mettre en place  ? Est-ce que ça te demande un gros travail de suivi ?

J’en suis seulement au début du processus. Analyser le terrain, choisir les objectifs et rédiger tout cela m’a demandé un certain temps en effet (une bonne semaine de « vacances »). Mais j’ai tout fait seule, et j’espère avoir des troupes pour la prochaine fois ! Le tout est maintenant de la faire lire par certains collègues, l’administration, et d’y apporter les modifications nécessaires, afin qu’elle nous convienne à tous. Il faudra ensuite la faire accepter en CA, alors que le projet d’établissement, déjà… fait débat !
Après, pour sa mise en place, je pense que cela s’apparente à un travail de fond, à adapter selon les conditions. Peut-être que je réfléchirai à un calendrier sur les 3 ans à venir afin d’étaler les objectifs et de me motiver.

Comment penses-tu la faire vivre et évoluer ?

J’avoue compter sur l’acceptation des collègues. Mais je sais que la communication autour de ce que je ferai sera un bon moyen de la faire vivre (voire d’amener l’implication des collègues). Pour son évolution, il faudrait que je pense à faire un document parallèle pour noter ce qui est fait, modifié, comment, pourquoi… mais c’est encore à dessiner.

Est-ce que l’objectif caché d’un tel dispositif ne serait pas d’impliquer tes collègues dans le fonctionnement du CDI ?

Dans le fonctionnement du CDI et au-delà pour toutes les ressources, et surtout dans la formation des élèves. Je pense qu’un établissement fonctionne avec une réelle plus-value pour les collègues et les élèves si tout le monde s’empare des outils, et du terrain. Si je fais seule ma gestion dans mon coin, je vais râler parce que telle ou telle chose n’est pas faite comme ça, idem pour les collègues. Alors que si nous communiquons avant sur comment tout mettre en place, c’est beaucoup d’énergie et de temps économisés !
Pour la formation des élèves, l’EMI (Education aux Médias et à l’Information) est très importante et transdisciplinaire. Et pourtant, nous avançons un peu dans le flou car chacun fait quelques points dans son programme mais personne ne sait qui fait quoi, et c’est sans heures dédiées… On ne peut donc pas savoir avec quelle formation les élèves sortent en troisième.
Je pense que mon idée principale est qu’il faut avancer en équipe. C’est ce que je vais essayer d’instaurer.

Est-ce que ta politique documentaire pourrait se transférer dans un autre établissement ou est-ce qu’elle s’inscrit vraiment dans un contexte particulier ?

Pour la mienne, je me suis aidée d’un document partagé sur la DropBox du groupe Facebook « Profs docs et licornes : entraides entre profs docs« , et d’autres disponibles en ligne. Cela aide beaucoup pour se lancer je trouve, mais l’on s’aperçoit très vite qu’au final il restera très peu de choses en commun. Parce que le fait est que la politique documentaire est intrinsèque au terrain. Je pense que le ministère pourrait quand même mettre à disposition un squelette à modifier.

La Politique Documentaire fait débat dans la profession des Profs docs car certains la considèrent comme une charge de travail supplémentaire inutile et trop contraignante, visiblement ça n’est pas ton avis, pourquoi ?

Je pense être favorisée par le fait de ne pas avoir connu le métier sans politique documentaire à établir… Je n’ai pas la sensation de « avant on n’avait pas à faire ça ». Clairement c’est une masse de travail, mais je la trouve absolument en accord avec notre métier et ça permet d’avancer de manière structurée. Au final je trouve que c’est agréable à faire, car il y a un réel sentiment d’accomplissement, et aussi de reconnaissance.

Sur le statut des Profs docs tu as des choses à nous dire ?

Je pense sincèrement qu’il faudrait, à défaut de diviser le métier, mettre deux personnes en poste minimum par établissement. Si on passe notre temps à faire de la gestion, adapter au mieux le fonds et son accès, chercher les projets intéressants, etc. Comment mettre en place en même temps un parcours d’éducation aux médias et à l’information ? (dont les heures sont souvent données sans décompte d’ailleurs !) C’est ce que je disais plus haut sur le fait de sacrifier une part du métier. Pour essayer de pallier ce problème, je me retrouve comme plein de collègues à enchaîner les heures sup’. Ces dernières sont soit bénévoles, soit le chef d’établissement concède leur rattrapage ou leur paiement avec d’autres enveloppes. Au final, nous sommes tout de même lésés, donc soit il faut des HSA possibles, soit une enveloppe HSE plus grande ne serait pas de refus… Même les heures de devoirs faits, que l’on fait en plus de nos 30h de présence, sont payées moins que quand elles sont assurées par nos collègues de discipline. Pour conclure je dirais que c’est un métier où si l’on réfléchit, on se sent très facilement en manque de reconnaissance et de rémunération par rapport au travail fourni (et je n’ai même pas mentionné les IMP). Heureusement, c’est un métier humainement et intellectuellement très riche, ce qui suffit, pour le moment, à me faire lever le matin avec le sourire.

Photo de Nicole Berro provenant de Pexels

Véronique, directrice en école rurale, témoigne…

Qu’est-ce qui t’a amenée à assurer la fonction de directrice d’école rurale ? Quel est ton parcours ?

Je suis devenue PE sur le tard à 30 ans en 2001. Cela a été un choix de vie, car je souhaitais réellement me sentir utile à la société plutôt que de travailler pour grossir le portefeuille de stocks-options de mes patrons. Je travaillais en tant qu’assistante administrative au services généraux d’une société de télécom et j’ai refusé le poste d’assistante du directeur puisque j’avais réussi le concours d’entrée à l’IUFM. J’avoue que ces 5 dernières années, je me demande si j’ai fait le bon choix… Je suis en milieu rural car mon parcours post-bac ne correspondait pas à la grille de recrutement sur dossier des IUFM de Paris, Créteil et Versailles… Mon dossier a été refusé dans ces 3 académies. J’ai donc tenté celles de l’Oise et de Bordeaux sur concours où j’ai été reçue. J’ai ensuite refusé ma place sur l’académie de Bordeaux pour des raisons familiales. De plus, en tant qu’habitante de la région parisienne en Seine Saint Denis, l’Oise n’est pas très éloignée (à peine une cinquantaine de kilomètres). Les 2 années de formation sur Beauvais ont été un peu dures (200 km/jour AR) mais j’ai survécu ;-). L’Oise est un département très rural, avec encore beaucoup de RPI et/ou de classes uniques, mais qui en bordure d’IDF, accueillent beaucoup de familles qui souhaitent accéder à la propriété tout en travaillant en IDF.

Je suis devenue directrice essentiellement parce que j’avais besoin d’argent après mon divorce. Tout d’abord dans une petite école maternelle de 2 classes, mais comme j’étais seule avec deux enfants, j’ai choisi de prendre la direction d’une école élémentaire à 10 classes avec une demi-décharge. Je me suis aperçue alors que la fonction de directeur d’école était juste passionnante mais aussi très isolée. Heureusement mes premières années de direction ont été épaulées par une super association de directeurs d’école, le GDID (Groupement de Défense des Idées des Directeurs d’école). Toute l’équipe du GDID m’a été d’un grand soutien dans la gestion humaine et administrative de cette fonction. Après quelques années dans cette « grosse » école, j’ai constaté l’impossibilité pour un directeur d’assurer un fonctionnement cohérent dans une école face à une équipe parasitée par une enseignante manipulatrice… J’ai donc choisi de privilégier ma vie personnelle avant d’y laisser ma santé physique et psychique. Je suis redevenue simple PE dans une autre école, primaire cette fois, 2 fois plus petite et avec une super équipe d’enseignantes. Au bout de 2 ans, ma collègue qui assurait la direction m’a proposé de la remplacer. J’y assure toujours la direction depuis lors avec 1/4 de décharge.

Peux-tu décrire ce que tu dois faire dans une journée type ?

Mon premier réflexe en arrivant le matin est de jeter un œil à la cour pour vérifier que rien ne traine… Puis je me dépêche d’aller en classe pour préparer la classe, comme toute enseignante lambda… Parfois, je suis retenue par une collègue, le gars des services techniques, moi qui me rappelle que j’ai un truc à dire ou à faire avec une collègue… Bref, le temps passe très vite avant la sonnerie du matin. J’ai choisi de ne pas prendre le téléphone en classe pour pouvoir être tranquille. Mais c’est sans compter sur les parents en retard, les livraisons, les taxis qui emmènent les enfants au CMPP à 20 minutes de là (la plupart du temps, chaque maître.maîtresse gère ses allées et venues d’élèves… mais parfois on n’entend pas la sonnette…), donc souvent je descends les escaliers 4 à 4 après avoir laissé la porte de communication entre ma classe et celle de ma collègue ouverte, pour aller ouvrir les 2 portes d’accès à l’école (vigipirate rouge oblige…) J’ai même un élève responsable des « clés de la maîtresse », elles ont tendance parfois à être posées dans des endroits improbables… À midi, j’écoute le répondeur, j’ouvre le courrier papier et électronique, je transmets des messages si besoin… On déjeune ensemble à l’école, cela nous permet de parler de nos difficultés, de chercher des solutions, de rire et de décompresser…. de prendre un peu de recul, quand l’une d’entre nous ne va pas très bien moralement, il·elle sait qu’il·elle peut compter sur l’écoute des autres, et ça c’est rare et c’est un vrai trésor…. nous en sommes tous conscients. Pour la direction d’école, je sais que je peux compter sur l’aide de mes collègues, ils·elles savent où se trouvent les différents formulaires (absence, enfant malade, PAI, demande d’intervention du RASED, PPRE…) bref, toute la paperasse… Mon rôle à ce niveau là est plutôt de rappeler les démarches et les étapes à suivre, aider à rédiger les PPRE pour les élèves réellement atypiques. J’ai parfois des interruptions dans le déroulé de ma journée de classe, mais les élèves des écoles rurales sont habitués à travailler en autonomie, nous n’avons quasiment que des doubles niveaux, parfois même triples (mais pas pour moi, direction oblige…). Honnêtement, j’ai beaucoup de mal à me tenir à l’emploi du temps….

Quelles sont les tâches et les moments que tu préfères dans ta fonction ?

Ce que je préfère dans le rôle des directeurs d’école, c’est de faire en sorte que les élèves, les enseignantes, les ATSEM, les AESH viennent avec le sourire sur leur lieu de travail. Il est essentiel dans ce métier de veiller à instaurer un climat de confiance et de bienveillance. Du coup, les relations avec les parents d’élèves sont sereines. J’aime le côté touche à tout de cette fonction : on doit gérer les relations dans l’équipe, avec la mairie, avec les parents, avec les partenaires, la hiérarchie. J’aime accompagner les familles dans les démarches pour mettre en place toutes les aides possibles pour leur(s) enfant(s) : avant de monter un dossier MDPH ou un PAP avant l’entrée au collège, il faut aider les familles à accepter la différence de leur enfant, ils ont souvent besoin de cet accompagnement. J’aime aussi le côté intendance, penser l’organisation des projets suffisamment en amont pour que tout se passe au mieux, donner les moyens à tous les intervenants d’accomplir leur mission, le côté « j’adore quand un plan se déroule sans accrocs » de l’Agence tout risque…

Quelles sont les tâches et les moments les plus difficiles/éprouvants ?

Les tâches les plus pénibles sont les enquêtes à remplir sans qu’on nous en explique les finalités. L’administratif prend de plus en plus de place dans la fonction des directeurs d’école, au détriment de l’animation pédagogique, de la recherche de projets… Par exemple : dernièrement un proviseur de lycée pro, a demandé aux directeurs d’établir en triple exemplaire les avenants des contrats PEC de droit privé des AESH, lui qui a un adjoint et au moins une aide administrative… ou encore, demander aux familles de remplir à nouveau le CERFA de 8 pages de la MDPH, qu’ils ont déjà eu tant de mal à compléter, s’ils souhaitent une modification du PPS, alors qu’en parallèle les PIAL peinent à recruter les AESH qui ont été notifiés pour les enfants MDPH.
Garder une contenance et son calme face à des familles qui ne mesurent pas l’aide dont a besoin leur enfant, où qui n’en ont juste rien à faire, rédiger les IP (Informations Préoccupantes) en soupesant chaque mot…. Le manque de temps aussi est souvent une cause de pression : l’impression de tout faire à moitié, la classe, la direction, la vie de famille, de courir tout le temps… Ce qui est pesant aussi, c’est le poids de la responsabilité de la sécurité, à la moindre erreur de jugement ou au moindre oubli de paperasse, c’est moi qui risque de me retrouver devant les tribunaux. Certains parents sont de plus en plus dans une démarche consumériste de l’école, ils attendent un service : ils déposent leur enfant à l’école, comme on dépose sa voiture au garage, et sont prêts à se plaindre à notre hiérarchie pour des broutilles… J’ai quand même la chance d’avoir un IEN bienveillant et soutenant dans ces cas là. Ce qui reste difficile, c’est de décrocher, de débrancher le cerveau le soir, ou pendant les vacances. Je déplore aussi les grandes difficultés que nous rencontrons dans le primaire à pouvoir changer de département… à 6% de taux de mutation interdépartementale, aujourd’hui je me sens prisonnière de l’Oise…. (le taux national est de 25%).

De quelle type d’aide et de soutien aurais-tu besoin ?

En priorité un statut digne de ce nom, seuls les directeurs de primaire n’en ont pas. Ce n’est pas normal. C’est même un non sens par rapport à toutes les tâches inhérentes à cette fonction. Non, nous ne sommes pas des enseignants comme les autres, la preuve il y a de moins en moins de volontaires pour être directeur… Je ne souhaite absolument pas être la chef de mes collègues, ce n’est pas ce que je recherche, mais à partir du moment où je suis la garante de la sécurité et de la bonne marche de l’école, il me parait essentiel d’avoir la possibilité de décider (parfois d’imposer à certains collègues qui ne voient que leur intérêt personnel avant de voir l’intérêt général). En cas de problème, c’est moi qui me retrouve au mieux à rendre des comptes à ma hiérarchie, au pire devant les tribunaux, pas mes collègues. Une aide administrative ne serait pas un mal aussi, à partir du moment où il/elle est formée a minima, ou une décharge plus importante pour avoir le temps de faire les choses comme il faut : la direction et la classe. Je ne serais pas contre une rémunération plus importante, en adéquation avec le statut de cadre A de la fonction publique, et soyons fou…. un smartphone professionnel remis avec la clé OTP (pour l’instant j’utilise le mien… je sais, c’est critiquable, mais quel gain de temps au 21e siècle)… Enfin, j’aurais besoin que le ministère nous donne les moyens de faire correctement notre métier : rétablissement du RASED, recrutement de maitres E, de maitres G, de psychologues scolaires, une formation digne de ce nom en tant qu’enseignante mais aussi en tant que directrice et qu’elle soit sur le temps scolaire.

As-tu quelque chose à ajouter ?

Je suis catastrophée de voir comment certains syndicats bloquent l’avancée du statut de directeur, à chaque fois qu’une petite avancée apparait (voir le rapport de Cécile Rilhac), certains syndicats, toujours les mêmes, s’opposent à tout changement. C’est pénible cet immobilisme. Je tiens aussi à souligner le soutien et la patience de nos compagnons/compagnes, de nos enfants qui sont souvent mis à contribution… Est ce qu’on voit ça dans d’autres métiers que le nôtre? J’aimerais que le ministère se remette en question en se posant les bonnes question: pourquoi de moins en moins de personnes souhaitent devenir Prof des écoles et/ou directeur ? Pourquoi les enseignants, comme moi, qui ont fait ce choix de vie se demandent s’ils ne vont pas rebasculer dans le secteur privé ?
La Fonction publique va de plus en plus mal, il n’y a qu’à voir tous les mouvements sociaux-professionnels depuis le début de l’année (les urgentistes, les hospitaliers, les policiers, les pompiers…) et malheureusement rien, ni personne ne bougeait… jusqu’à ce que Christine Renon mette tristement fin à ses jours pour changer ça. Maintenant, j’attends avec impatience le grand questionnaire du ministère (en novembre dans nos boites pro) : c’est la première fois que les directeurs·trices sont consulté·es directement. C’est une occasion unique d’obtenir enfin un statut fonctionnel, une vraie reconnaissance des spécificités de notre métier de directeur·trice.

Véronique G

Pourquoi replonger dans ses racines et en faire un livre ? Harry CPE témoigne…

Trente ans après l’avoir quittée, Théodore Harry Boutrin CPE, retrouve et redécouvre sa Martinique, dans le cadre d’un congé bonifié. Cette immersion, dans un environnement évocateur, l’inonde d’émotions, de tendresses, et de surprises… Il raconte cette expérience unique dans un livre et a accepté de répondre à nos questions.

Qu’est ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Au départ, je voulais juste écrire une lettre à mes enfants pour répondre à leurs questions sur mes origines, et en plus de satisfaire leur curiosité, leur transmettre quelque chose d’utile.

Lorsque j’ai pu établir un lien clair entre le congé bonifié, l’intensité des souvenirs et la construction identitaire, alors le récit destiné à mes enfants est devenu progressivement un cheminement vers la construction d’un tapuscrit.

Et puis, j’ai trouvé là l’occasion, de dire à ceux qui pensent que le congé bonifié n’est qu’une histoire de vacances sous les tropiques, que c’est bien plus que cela.

L’écriture m’a également offert un formidable terrain de réflexion et d’expression pour rendre hommage à des personnes qui ont compté et qui comptent dans ma vie, en particulier ma mère et ma grand-mère, des femmes courageuses, obstinées, aux forces décuplées, pour donner à leurs enfants une vie plus honorable.

Que représente pour vous le retour sur votre terre natale ?

C’est ma madeleine de Proust, ces saveurs que l’on ne trouve nulle part ailleurs, cette singularité des Martiniquais que j’avais oubliée, dans leur rapport aux autres, leur abnégation à toujours positiver. C’est une redécouverte enrichissante et instructive qui me procure des énergies positives afin de poursuivre ma vie. C’est cela pour moi se ressourcer.

En Martinique, parce que je suis dans cet environnement évocateur, les souvenirs m’inondent et me procurent une palette d’émotions intenses, riches d’enseignements, car elles m’invitent à leur donner un sens.

C’est ce qui fonde tout l’intérêt de se rendre sur sa terre natale, le passé redevient présent comme pour l’éclairer.

Cette expérience très intime n’est pas spécifique à ma condition d’Ultra-marin, je suis convaincu qu’elle est universelle.

Pourquoi avoir voulu partager votre histoire ?

La rendre accessible à d’autres lecteurs que ceux de ma famille n’était pas une chose évidente. Se dévoiler publiquement implique une prise de risques à laquelle je ne suis pas habitué. Mais le désir, de partager, de questionner d’autres sur la relation qui est la leur avec leurs origines, l’a emporté.

J’espère, avec mon livre, contribuer à préserver une mémoire familiale, et bien au-delà, car je décris des lieux, des événements, une époque qui sont évocateurs pour une communauté plus large que la sphère de mes proches.

Vous parlez d’identité, comment caractérisez-vous la vôtre ?

On devrait à mon sens parler d’identités (au pluriel), car les domaines où elle s’exerce sont nombreux.

Au sens intime, c’est-à-dire le regard que l’on porte sur soi, je vois l’identité, comme la conscience des caractéristiques intrinsèques qui fondent sa singularité, sa personnalité, pour le dire simplement une façon très personnelle de se représenter et d’exprimer la vie, dans des domaines divers, par exemple le langage, les arts, le rapport aux autres, à l’espace et au temps et le cadre professionnel.

Mais elle est perméable à la pression sociale dans la mesure où cette identité peut être influencée par la société qui classe les individus selon des attributs catégoriels (sexe, couleur, origine géographique…), impliquant des positions sociales et des comportements attendus. L’identité est donc une unité originale, en interaction avec une dynamique sociétale.

Édouard Glissant exprime fort bien cette idée dans son livre « tout monde » par la phrase « je peux changer en échangeant avec l’autre sans me perdre pour autant ni me dénaturer ».

En ce qui me concerne, sur le plan linguistique par exemple, mon identité se caractérise souvent par l’usage du créole qui bien plus qu’un moyen de communication, exprime une origine, une façon singulière d’incarner la vie, qui produit des représentations très personnelles et des interactions bien spécifiques.

Pour citer d’autres domaines, j’évoquerai l’art culinaire. Lorsque je mange un plat antillais, je mets en bouche en petit bout de territoire avec lequel j’ai une histoire. Le goût est une saveur évocatrice, que je cherche à provoquer.

J’ajouterai le rapport au temps. Lorsque je suis arrivé en métropole, j’avais l’impression que le temps passait plus vite, et j’étais parfois perçu comme quelqu’un qui était lent. Mais en réalité, j’avais appris à prendre mon temps c’était une des caractéristiques de mon identité. Je me suis adapté, mais je ne pense pas l’avoir totalement perdue.

Il y a d’autres domaines, mais j’en terminerai par l’identité professionnelle en référence à une citation de Marie-Pezé, psychologue clinicienne : « travailler c’est apporter quelque chose de soi ». D’ailleurs la formation initiale des CPE vise à les accompagner vers la construction d’une identité professionnelle. Cela signifie l’acquisition de savoirs et le développement progressif de compétences transposables avec un certain niveau de maîtrise dans un environnement complexe.

L’identité, à mon sens, c’est donc s’approprier à notre façon ce que l’on veut, mais sans être certain de plaire.

La question de l’identité est prégnante dans mon métier (CPE), car je rencontre des jeunes venus de tous horizons et qui se questionnent sur leurs origines sans forcément l’exprimer clairement.

Pourriez-vous développer sur le lien avec les missions d’un CPE ?

L’éducation à la citoyenneté est un des axes principaux de ma mission de CPE.

La citoyenneté active va bien au-delà du respect des règles, car elle suppose l’idée d’engagement, de participation à la vie collective. Chacun a quelque chose de personnel à apporter pour enrichir la communauté. Cela peut être une idée, un peu de son temps pour élaborer un projet ou faire fonctionner une instance démocratique.

Mais je crois que l’engagement suppose deux choses importantes. Une volonté et l’estime de soi.

Il arrive que les élèves ne s’engagent pas non par manque d’estime d’eux-mêmes, mais parce que le sujet ne les intéresse pas, ils n’en voient pas l’utilité. Ce désengagement révèle donc une perte de sens. L’éducateur que je suis doit alors s’impliquer pour clarifier, expliquer et encourager.

Et puis il y a ceux qui ne s’engagent pas parce qu’ils sont réservés, et d’autres qui ont peur de s’exposer.

Je comprends cela, j’évoque d’ailleurs dans mon livre mes peurs, leurs origines et leurs conséquences. La peur est une réaction naturelle qui met en alerte face à un danger réel ou supposé. Elle est parfois irrationnelle et peut relever d’une construction, d’une croyance.

J’ai parfois remarqué que certains élèves qui ont peur de s’engager dans des choses simples comme une prise de parole en classe n’osent plus en raison d’un échec non surmonté. Une mauvaise réponse et un retour mal vécu, des moqueries de leurs camarades en raison de leur accent en anglais, ces petites situations où l’élève est ressorti avec un sentiment d’humiliation. C’est dévastateur sur le plan de la construction identitaire.

Pour surmonter cela, il faut bâtir une nouvelle expérience pour déconstruire l’ancienne vécue tel un échec dominateur et installé. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

Pour aider les élèves, comme mes collègues CPE, je travaille avec d’autres professionnels (psychologues de l’éducation nationale, sophrologues…) qui aident les jeunes à développer leur potentiel et faire de nouvelles expériences.

L’estime de soi est selon moi la base de tout engagement. C’est un éclairage sur soi, suffisamment valorisant pour oser. Il faut aider le jeune à en faire un élément clé de son identité.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour réaliser ce livre ?

D’abord me convaincre que c’était possible. Il m’a fallu beaucoup de temps et sans les encouragements et le soutien indéfectible de ma mère, de mon épouse et de Claude-Josse qui fut mon professeur de français il y a plus de 25 ans, je n’y serais pas arrivé. La réussite se construit aussi avec d’autres.

Certains souvenirs douloureux ont refait surface. Ils sont sortis telle la poussière sous le tapis accompagné d’émotions désagréables. Mais au final, ils m’ont apporté des enseignements enrichissants et libérateurs.

Et puis j’ai dû fournir un travail important dans un temps réduit, car j’ai une activité professionnelle et une vie de famille. Alors j’écrivais parfois la nuit ou tôt le matin, ce qui entrainait indubitablement des moments de fatigue durant la journée.

À certains moments j’ai manqué d’inspiration, sur une période plus ou moins longue. Certains passages ne me convenaient pas, J’ai dû les refaire de nombreuses fois. Cette abnégation m’a parfois renvoyé à nos élèves, ce que nous leur apprenons si souvent. Croire en eux et persévérer.

Enfin, qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre livre ?

Les préjugés peuvent être blessants. Il est bien plus enrichissant de considérer les différences comme une richesse que de les enfermer dans une spécificité catégorielle impliquant souvent une vision réductrice.

Un être humain, un citoyen c’est bien plus que la couleur de ses cheveux, ses yeux, sa peau, ses origines… Ce ne sont là que quelques indications sommaires.

J’aimerais que mon livre encourage celles et ceux qui hésitent à s’engager dans un travail d’écriture, en vue d’une publication ou pas, car cela vaut vraiment la peine de s’y consacrer, en dépit des difficultés. C’est à la fois libérateur et valorisant. En ce qui me concerne, j’étais très motivé à l’idée de transmettre à mes enfants un message qui me paraît important. L’identité, ce n’est ni le repli sur soi, ni le reniement de soi.

Il conjugue à mon sens citoyenneté et estime de soi.

Comment se procurer votre ouvrage ?

Dans toutes les librairies et sur internet. Pour en savoir plus, vous pouvez cliquer sur l’image ci-dessous.

Comment forme t-on les profs doc à l’Espé ?

Formation des professeurs documentalistes en Espé, où en est-on ? Le SE-Unsa a interviewé un formateur pour faire le point sur les contenus de formation et les évolutions à venir.

Peux-tu te présenter en quelques mots et nous décrire ton activité de formateur ?

Je suis professeur-documentaliste certifié et après un parcours en établissement scolaire et dans le réseau Canopé, je suis en poste à l’Université Rennes 2 où je suis co-responsable du Master Meef Documentation et du Deust « Métiers des bibliothèques et de la documentation ». Ces formations dépendent du département Lettres qui propose plusieurs formations professionnalisantes dans le domaine des bibliothèques et de la documentation (DU, Deust, Licence professionnelle, Master). S’agissant du Master Meef, outre la co-responsabilité du parcours Documentation, j’interviens essentiellement au niveau de la première année pour la préparation de l’épreuve écrite de maîtrise des savoirs académiques et de l’épreuve orale sur dossier.

Les sciences de l’information et de la communication sont au coeur de la formation des professeurs documentalistes , que penses-tu de leur prise en compte dans l’enseignement secondaire et du rôle qu’elles pourraient jouer dans la formation des élèves ?

Les SIC constituent une science jeune (1975) si on les compare avec les autres disciplines universitaires. Elles sont nées du croisement avec d’autres disciplines (bibliothéconomie, sociologie, économie, informatique…). Cet aspect transdisciplinaire montre bien leur richesse et il me semble que l’apport des SIC dans la formation des élèves est essentiel pour aborder les grands bouleversements liés à l’utilisation massive et quotidienne de l’information, qui mobilise de nombreuses compétences, qui ont trop souvent été considérées comme « allant de soi » et ne nécessitant pas de véritable formation.

Tu es responsable du master Meef Documentation sur Rennes 2, quel regard portes-tu sur la formation actuelle des profs-docs et sur leur profil ?

Nos étudiants ont des profils très variés, même s’ils sont souvent issus des sciences humaines et sociales. Nous avons aussi des personnes en reconversion avec des parcours professionnels différents. Globalement tous arrivent en M1 avec peu de connaissances en SIC, sauf parfois quelques étudiants, issus de filières telles que «Bibliothèque et documentation » mais ils ne sont pas majoritaires. Nous avons, entre le début du Master et les écrits du Capes, environ six mois pour leur transmettre une culture info-documentaire, sans parler du travail sur la méthodologie des épreuves, ce qui est court et rend l’année de M1 particulièrement lourde, pour ce qui est de la charge de travail avec des connaissances qui, parfois, peuvent être fragiles.

Avec l’évolution des formations initiales, quelles vont être les principaux changements que vous prévoyez dans l’organisation du parcours des futurs profs-docs ?

Nous attendons d’en savoir un peu plus, à la fois sur l’organisation du concours et la place des écrits dans le master et sur le contenu des épreuves. L’année prochaine sera une année de transition et de préparation de ces évolutions et notamment des nouvelles maquettes.

Dans un monde idéal, si tu pouvais redessiner la formation des profs-docs, que changerais-tu ?

Je pense que la variété des profils est une richesse et qu’il faut la garder, mais qu’il est essentiel de renforcer le socle de connaissances communes aux futurs professeurs-documentalistes, en ayant plus de temps avant le concours pour stabiliser l’acquisition des savoirs fondamentaux, dont le champ s’élargit et se complexifie en permanence. Il y a quelques années, par exemple, nous abordions très rapidement la question de l’économie de l’information. Cette question est devenue fondamentale et ne peut pas se traiter en deux heures. L’Université met en place des parcours de pré-professionnalisation qui peuvent être une des solutions. Par ailleurs, au-delà du travail didactique sur les objets de l’info-documentation, le travail en collaboration avec les autres disciplines doit être renforcé, au niveau la formation initiale. Des initiatives sont prises en ce sens à l’Espé. C’est important si l’on veut que de bonnes habitudes soient prises par les jeunes enseignants et qu’elles se répercutent pas la suite sur le terrain. Je pense également qu’il est fondamental de renforcer cette approche réflexive sur sa pratique qu’est le mémoire dans une logique de recherche-action.

Crédit photo : Gerd Altmann de Pixabay CCO Public Domain

Enseignements artistiques : 3 expériences et 3 manières de vivre l’enseignement

Alors que l’Inspection Générale de l’Éducation Musicale mène une mission sur les enseignements artistiques au collège, le SE-Unsa est allé à la rencontre d’enseignants d’arts plastiques et d’éducation musicale : Quelles sont leurs conditions d’exercice, leurs aspirations professionnelles et comment voient-ils la place des enseignements artistiques dans le système éducatif ? Martine, professeure d’éducation musicale, Sabrina, professeure d’éducation musicale et Christelle, professeure d’arts plastiques, ont accepté de répondre à nos questions.

À quoi ressemble votre vie d’enseignant dans votre établissement et votre salle de classe ?

Martine : Je suis sur 3 établissements ruraux distants. Après plusieurs années, j’ai enfin une salle uniquement destinée à la musique dans le premier établissement. Elle est très petite, sans table (ce que je n’ai plus depuis 1995, sauf quand je n’ai pas le choix), les chaises ont des tablettes, avec un piano électrique de qualité, une chaîne hifi de qualité. Nous n’avons que des percussions fabriquées par les soins de l’agent ou des élèves : baguettes, tuyaux, oeufs de k… et bien sûr un ordi avec vidéoprojecteur sur le tableau blanc. Mais dans le 2ème établissement je n’ai pas de salle dédiée, donc des tables, un piano électrique de qualité (acheté à mon arrivée, ce qui a pris 2-3 ans d’attente sans avoir rien du tout) et une chaîne stéréo à bas prix (on n’entend pas tous les sons !). Je fais chanter les CM2 de l’école qui représente la moitié de nos élèves de 6ème sur des projets communs école-collège en produisant des spectacles et des enregistrements.

Christelle : Je travaille dans un établissement urbain assez récent, cependant si la salle est lumineuse et spacieuse, elle n’a pas de rideaux ni d’équipement informatique. À partir de là, comme les nouveaux programmes sont très tournés vers l’informatique, je suis en difficulté. Alors je bidouille avec une valise à tablettes, mais il n’y a pas moyen de faire basculer les images des élèves sur les ordinateurs pour les imprimer, ou les mettre dans leur casier numérique. Rester dans les clous au niveau du programme à ce niveau-là, reste donc un parcours du combattant. J’ai essayé de créer des liens avec les enseignants des écoles du secteur, cela a bien pris, mais il nous manque le temps pour travailler ensemble, ce qui est frustrant.

Sabrina : Je suis dans un établissement urbain classé REP+ (quartiers nord de Marseille). Dans ma salle j’ai opté pour le maintien des bureaux, contrairement à de nombreux collègues qui sont passés aux pupitres. Je dispose d’un instrumentarium très correct : une batterie, deux claviers en sus du piano prof, des congas et des claviers enroulables.

Est-ce que vos programmes disciplinaires vous plaisent ?

Martine : Trop de liberté. Certes, c’est pratique pour nous, mais du coup on a tendance à toujours se renouveler ! Ce qui nous fait beaucoup de travail. Mais quand un élève arrive d’un autre collège, il est perdu parce qu’il n’a pas vu les mêmes notions, ou n’a pas fait beaucoup de chants, ou d’écoutes, etc. En fait, tels qu’ils sont formulés, les programmes n’existeraient pas, ce serait la même chose. Il faudrait vraiment qu’un travail soit fait par nos inspecteurs à ce sujet.

Christelle : Les programmes me plaisent, car ils restent très ouverts. Néanmoins, le tournant informatique en arts, alors que les enfants passent déjà beaucoup de temps sur les écrans, m’embête. Je préfère me battre pour qu’ils sortent et se remettent en rapport avec la nature.

Sabrina : Les programmes disciplinaires sont très peu directifs. C’est évidemment un avantage au niveau de la liberté pédagogique laissée à l’enseignant. Mais cela présente également un inconvénient majeur puisque deux élèves du même niveau peuvent avoir un parcours totalement différent en fonction de leur enseignant. Cela contribue à donner aux enseignements artistiques l’image de discipline « secondaire » qui est la leur.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’enseignement de votre discipline ?

Martine : Justement cette liberté pédagogique, malgré tout, car elle permet, quand on le prépare ensemble, de s’inscrire dans des projets (sous toutes formes) très différents selon les années, ou les envies. Le plus délicat et agaçant, c’est que les élèves et leurs parents s’attendent soit à ce qu’ils apprennent un instrument individuellement, soit à ce qu’on fasse une sorte d’animation genre colonie : chansons à la mode, écoute de morceaux à la mode. C’est chaque année une bataille de faire comprendre à certains que ce n’est pas le but, et que nous sommes là plutôt pour leur faire faire des choses auxquelles ils n’auraient pas pensé ou leur faire écouter et chanter ce qu’ils ne connaissent pas. Plus les élèves avancent dans le collège, plus c’est difficile.

Quelque chose à rajouter en conclusion ?

Christelle : Ce qui me plaît, c’est la possibilité de me fondre dans la plupart des projets du collège.

Sabrina : L’aspect très agréable de notre métier est lié au fait que nous dépendons peu des acquis strictement scolaires. Les élèves en grande difficulté découvrent une discipline différente, dans laquelle ils peuvent être en situation de réussite, en faisant appel à des compétences peu valorisées dans les disciplines plus scolaires.

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