Renaud s’est lancé dans « la classe dehors », il témoigne…

Tu testes dans ta classe un nouveau dispositif, en quoi cela consiste-t-il ?

Je sors en « classe dehors » depuis la fin du mois de septembre 2021 avec ma classe de GS/CP. Nous sortons presque chaque mardi après-midi, par tous les temps. Nous avons eu beaucoup de chance avec de nombreux jours ensoleillés mais nous avons aussi subi quelques après-midi très fraiches et très pluvieuses. Cela fait partie du jeu et les enfants ne s’en plaignent pas ! En « classe dehors », nous travaillons des compétences comme dans une salle de classe, en essayant d’utiliser ce que l’on trouve sur place. L’avantage étant que les enfants peuvent s’exprimer de manière beaucoup plus libre que dans l’environnement de l’école. Ils découvrent, s’interrogent, parlent, se dépensent, coopèrent, créent,
inventent, deviennent autonomes… Nos après-midis dehors se déroulent toujours de la même façon : nous marchons une vingtaine de minutes puis nous « saluons » la nature et nous rappelons les règles en arrivant sur place. Nous mettons en place notre « classe dehors » (nous disposons une bâche qui sert de point de ralliement et d’abris en cas de mauvais temps). Un petit temps de langage arrive ensuite pour rappeler ce qui a été fait lors de la séance précédente puis nous présentons l’activité « plus scolaire ». Après ce temps de travail, les enfants ont un long moment de jeu libre (45 minutes). Ce temps est très important. Il va permettre aux enfants de construire des cabanes, de creuser, d’observer des insectes, de jouer avec d’autres enfants, … et à l’adulte de les observer. Intervient ensuite un moment calme. Chaque enfant rejoint son « petit coin de nature » afin de se retrouver avec soi-même pour réfléchir, se reposer, se ressourcer, ne rien faire, attendre, danser, … Certains vont au pied d’un arbre, d’autres préfèrent être au milieu du pré, quelques enfants montent dans un arbre et s’assoient sur les branches, des enfants font des mouvements de danse, … Le principal étant que les enfants trouvent l’endroit dans lequel ils se sentent le mieux.

Nous repartons ensuite vers l’école. Les trajets sont l’occasion de travailler l’orientation, la connaissance des panneaux de signalisation, découvrir le patrimoine local, les arbres, les fleurs, les différents graphismes sur les bâtiments, faire une chasse aux nombres, aux sons. Arrivés en classe, nous faisons un petit temps de langage pour revenir sur notre après-midi.

Qu’est ce qui t’a orienté vers cette pratique, qu’est ce qui t’a donné envie de te lancer ?

J’ai toujours eu envie de faire sortir les enfants de la classe. Enseignant dans un petit village rural, nombreux sont ceux qui ne sortent pas ou très peu de la maison pour aller jouer dehors, se promener. Dans un premier temps, je voulais donc les remettre en contact avec la nature. J’en avais l’envie mais je ne le faisais quasiment jamais. Lors du premier confinement, j’ai assisté à la projection en ligne du film « L’école de la forêt finlandaise » par la maison départementale de l’environnement. Ce film a joué le rôle de déclic… reconnecter les enfants à la nature, développer une attitude écoresponsable, apprendre en utilisant tous nos sens, motiver les enfants, lâcher prise. Une formation sur le thème de la coopération en juin 2021 avec l’OCCE a fini de me convaincre ! Je me suis alors procuré le livre « L’école à ciel ouvert » de
Sarah Wauquiez qui m’a éclairé sur des activités concrètes à mettre en place en dehors de la salle de classe. Enfin, les réseaux sociaux et notamment Twitter m’ont permis d’aller voir ce qui pouvait se faire dans d’autres classes, d’autres écoles. Cela permet d’échanger et parfois de se rassurer sur ce que l’on fait et sur comment il est possible de faire.

En cette fin d’année, quel bilan dresses-tu de cette expérience ? Pour toi mais aussi côté « élèves » ?

Après quelques mois, je garde le même enthousiasme qu’en début d’année. C’est une très belle expérience. En début d’année, j’étais très stressé. Avec le temps, j’ai appris à faire confiance aux enfants. Un vrai lien s’est noué entre les élèves et moi. Je leur fais confiance, je les laisse libres, je les laisse découvrir et faire leurs propres expériences. En contrepartie, les enfants me rendent cette confiance en ne se mettant pas en danger et en faisant attention aux autres. Cette expérience a permis de renforcer la notion de « groupe classe ». Elle a aussi été très bénéfique au niveau de l’autonomie et de la créativité des enfants. Dehors, les enfants s’écoutent, prennent soin de leurs camarades, s’entraident, coopèrent.
Ils acquièrent, dans la nature, confiance en eux et en leur capacité de faire. Pour cette première année, je vais surtout garder cette réussite en tête ! De mon côté, j’ai aimé observer les enfants. Observer leurs comportements, leurs attitudes, leurs apprentissages… chose que je ne faisais peut-être pas suffisamment avant, dans ma classe. Néanmoins, il faut que je continue à lâcher prise. En tant qu’adulte, nous avons l’habitude d’intervenir près des élèves au moindre petit danger (notamment lors des temps de jeux libres). L’intérêt de cette expérience est justement de laisser les enfants maitres de leurs apprentissages, de leurs découvertes. Mais attention, lâcher prise ne signifie pas pour autant mise en danger des enfants. Nos sorties en « classe dehors » sont très cadrées et ritualisées. Les repères visuels et sonores sont compris par les enfants. Le lien de confiance donc je parlais précédemment se trouve parfaitement illustré par le respect des règles édictées en début d’année.

Projettes-tu de continuer l’an prochain et si oui, sous quelle forme ?

Je souhaiterais continuer l’an prochain, toujours avec ma classe de GS/CP. Je pense que les enfants vont de toute manière réclamer ces sorties. Cette année, nous n’avons parfois pas pu aller en classe dehors. Les enfants étaient à chaque fois déçus. Le mardi après-midi était attendu, par les élèves mais aussi par l’enseignant ! Une fois que l’on commence à sortir, on ne s’imagine plus ne pas aller en classe dehors. Concernant le lieu, je pense rester au même endroit. Notre « classe dehors » a l’avantage d’être un terrain communal, avec un très grand pré et de la forêt tout autour. Ce lieu est idéal.
Néanmoins, je pense aller plus régulièrement à la découverte d’autres lieux, dans le village, par le biais de « classe promenade ». Je sens parfois que les enfants ont envie d’aller voir plus loin, d’aller voir ce qui se cache derrière notre « classe dehors ». S’il y a énormément de positif dans cette expérience, il y a selon moi aussi un frein à faire l’école dehors : le manque de connaissances sur la nature et le patrimoine local. En ce sens, j’apprends souvent en même temps que les enfants. Pour résoudre ce problème, il peut être intéressant de s’appuyer sur les compétences des parents mais aussi des habitants du village. J’aimerais donc créer du lien avec les habitants du village en les faisant participer à nos sorties. Les parents se sont investis dans ce projet, parfois même les grands-parents. C’est maintenant au tour des habitants du village ! Par ailleurs, nous n’amenons que très peu de matériel. Peut-être serait-il intéressant à l’avenir
d’apporter du petit matériel (pelle, râteau, pioche, couteau-suisse, …) Enfin, l’an prochain, je voudrais réussir à faire plus de liens entre le dedans et le dehors. Nous ne revenons pas suffisamment sur les découvertes et les apprentissages réalisés en extérieur.

Quels conseils donnerais-tu aux collègues qui souhaitent se lancer demain dans l’école dehors ?

Le conseil que je donnerais : osez vous lancer, vous ne voudrez plus jamais revenir en arrière ! Au mois de septembre, je savais que je voulais expérimenter la « classe dehors ». J’en avais parlé aux parents lors de ma réunion de rentrée. Et pourtant, je décalais à chaque fois la date de la première sortie. J’avais toujours de bonnes raisons de décaler ! J’ai dû prendre sur moi pour finalement décider de sortir. Mon stress et mon inquiétude se sont vite évaporés lorsque j’ai vu certains enfants très timides et effacés s’ouvrir aux autres dès la première sortie. D’autres conseils en vrac : appuyez-vous sur une famille très intéressée par le concept. Il est important d’avoir un relais parmi les parents. N’hésitez pas à vous rapprocher de l’OCCE qui peut vous être d’une grande aide. Bien sûr, je conseille également la lecture de l’ouvrage « L’école à ciel ouvert » qui permet d’avoir quelques idées d’activités. Sur internet, le site classe-dehors.org permet de recenser les enseignants intéressés par cette pratique de l’école dehors. Il y en a sans doute près de votre école !

Se lancer peut faire peur, quelles sont les démarches administratives (IEN…) à anticiper et à prévoir ?

Dans notre école, les sorties en classe dehors se font sur le temps scolaire. Il n’y a donc pas besoin de demander l’autorisation de l’IEN. Il est cependant conseillé de lui en faire part… c’est important qu’il sache que l’école est engagée dans cette dynamique de la classe dehors. Si la « classe dehors » est intégrée au plan de formation des enseignants dans quelques départements, ce n’est pas le cas partout. Il ne faut pas hésiter à en parler à notre hiérarchie pour faire évoluer notre pratique et nos formations ! Pour en revenir aux autorisations, seule celle du directeur est nécessaire lorsque la sortie ne dépasse pas la demi-journée (attention néanmoins à vérifier le niveau Vigipirate). Pour les règles d’encadrement, il faut se référer aux règles applicables en école maternelle ou élémentaire. Il ne faut pas hésiter à demander l’aide de plusieurs parents… cela permet de se rassurer, notamment lors des premières sorties. Concernant le
lieu de la sortie, il faut demander l’autorisation au propriétaire du terrain (particulier, mairie, ONF, …). Passées les questions d’autorisation, le point le plus important est d’exposer très clairement le projet aux parents. La réunion de rentrée peut être le moment idéal. Sans la participation des parents, le projet de « classe dehors » sera difficile à mettre en place. Il faut essayer des les impliquer au maximum, de les rassurer. Il y avait en début d’année des inquiétudes (quels apprentissages ? Quid de la sécurité ? Quid de la météo ?) qui se sont vite évaporées au fur et à mesure des sorties. Plus les parents participent à ces sorties, plus ils sont rassurés. Leur implication est également très importante concernant l’habillement de leurs enfants… Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, qu’il fasse très chaud, il faut être très clair avec les parents sur la tenue à porter lorsque l’on va en classe dehors.

Renaud Frenot : professeur des écoles à Vyans-Le-Val en GS-CP

De PE à professeur d’anglais en collège, le parcours de Céline

Après 15 ans passés en tant que PE, vous faites le choix d’intégrer le secondaire en tant que professeur d’anglais. Quel a été l’élément déclencheur pour un tel choix ?

J’ai toujours eu dans l’idée d’enseigner dans le second degré mais, en sortant de l’université à 21/22
ans, la crainte du faible écart d’âge avec le public rencontré m’a conduit vers l’enseignement dans
le premier degré. A ce moment-là de ma vie, ce choix me paraissait plus adapté au développement
de mes compétences d’enseignante.

Par la suite, différents éléments m’ont encouragée à évoluer professionnellement :

– l’accompagnement d’un proche à l’épreuve du TOEFL (Test of English as a Foreign Language)
– davantage de maturité et de confiance face aux élèves
– le goût du « challenge » dans la nécessité de se remettre au meilleur niveau possible pour répondre aux exigences de l’enseignement dans le second degré.

On imagine le passage du premier degré au second degré comme un parcours semé d’embuches… Quelles démarches administratives avez-vous entreprises pour arriver là où vous en êtes aujourd’hui ?

J’ai suivi la voie hiérarchique, c’est à dire que j’ai eu un entretien avec l’IEN de ma circonscription pour parler de mon projet puis j’ai eu un entretien avec une IA-IPR d’anglais pour mieux jauger les attentes de l’enseignement de l’anglais dans le second degré.
J’ai ensuite monté un dossier de détachement dans le second degré. Je tiens à préciser qu’il est important de suivre une formation solide avant d’effectuer la transition. C’est pourquoi, j’ai intégré une licence de LLCER (Langues, littérature et civilisations étrangères) d’anglais en troisième année après validation des acquis linguistiques par l’université de Bourgogne Franche Comté (Dossier à demander auprès de l’université).
Cette formation a été permise grace à un congé pour formation professionnelle : huit mois m’ont été accordés pour suivre la licence LLCER d’anglais de septembre à avril. Cela signifie que j’ai monté un dossier de demande de congé professionnel à valider auprès de l’IEN de circonscription puis auprès des Ressources Humaines.
Enfin, j’ai eu un entretien avec deux IPR d’anglais sur les connaissances pédagogiques et linguistiques. Leur réponse favorable a permis à Mme l’IA-DASEN d’accorder le détachement.

Vous avez mis toutes les chances de votre côté pour réussir votre certification. Expliquez nous ce que vous avez engagé personnellement pour réussir à enseigner dans le second degré (reprise d’études, cours du soir…) ?

J’ai effectivement engagé beaucoup de temps et d’énergie dans cette reconversion puisqu’en parallèle des cours à l’université, j’ai fait le choix de suivre une formation complémentaire de langue au CLA (Centre de linguistique appliquée), ainsi que des cours à distance (3 heures par semaine pendant 6 mois) et un stage avec un organisme linguistique à l’étranger pour renforcer mes connaissances et prendre davantage confiance en mes compétences linguistiques.
Toutes ces formations ont été financées personnellement.

Vous enseignez aujourd’hui en collège. Votre expérience en école primaire et en milieu rural sont-ils des atouts dans votre vie professionnelle actuelle ?

Oh que oui ! Ce sont des atouts majeurs et je m’en rends compte au quotidien.
Tout d’abord, la connaissance de l’enfant de 3 à 11 ans et de son développement m’aide énormément dans l’appréhension des enseignements à des adolescents au collège. Le premier degré m’a permis de voir comment l’élève peut se développer dans les différentes disciplines enseignées.
Le fait de voir l’élève dans sa globalité est un atout majeur.
Par mon expérience de professeure des écoles (gérer les mêmes élèves 6h par jour, quatre jours par
semaine), j’ai l’impression d’être mieux « armée » dans la gestion de classe et face à la diversité des
élèves. J’ai développé des stratégies qui me permettent d’appréhender au mieux les différents
profils.
J’ai pu développer le travail en collaboration avec le RASED et une connaissance assez fine des dispositifs d’accompagnement à l’inclusion et de mise en place de différenciation d’enseignement.
Le fait de maîtriser la notion de différenciation pédagogique est donc un atout clef.
Enfin, dans le premier degré, j’ai appris à porter un regard positif et encourageant sur l’élève pour
lui permettre la prise de confiance, l’acceptation de l’erreur dans ses apprentissages dans le but de
favoriser son développement. Cette attitude est fondamentale face à des adolescents qui ont tout
autant besoin de bienveillance.

Demain, vous vous retrouvez face à un/une collègue aspirant au même envie de changement, quels sont les premiers conseils ou retours d’expérience que vous lui faites ?

Je lui conseille de foncer si c’est son envie ! Je ne regrette pas du tout mon choix même si cela m’aura demandé de longs mois de travail personnel. Je pense que nous gagnons toutes et tous à nous diversifier et à découvrir d’autres expériences professionnelles. J’ai beaucoup appris, tant sur le plan professionnel (compétences pédagogiques et linguistiques) que personnel (relever un challenge, se remettre aux études, APPRENDRE, tout simplement !)

Céline Michelin : professeur d’anglais à Vesoul