Retrouver la confiance des familles : La reprise sur l’île de la Réunion

Willy Legros est professeur certifié de mathématiques. Après quelques années en lycée GT, Willy travaille maintenant au collège de Cambuston, un collège REP+ de l’est de l’île de la Réunion. Un choix assumé de sa part pour un établissement particulier, car de plein pied et installé sur un terrain de plus de 3 hectares. C’est un établissement dynamique au cœur d’un quartier populaire et dans lequel on doit relever les mêmes défis que tous les REP+. Willy est militant SE-Unsa à la section de l’île de la Réunion depuis son entrée en fonction il y a 10 ans.

Comment la reprise s’est-elle préparée et organisée dans ton collège ?

Tout au long du confinement, le principal a communiqué avec moi, en tant que représentant syndical, et avec d’autres collègues, en général les membres élus du conseil d’administration. Il y a eu une vraie co-construction des protocoles à appliquer pendant cette période. Sur la rentrée la direction est venue vers nous pour que l’on propose différents scénarii, en fonction des différents paramètres à prendre en compte. La rentrée est sous le signe de la transparence. Des conseils d’enseignements et un conseil pédagogique sont à l’ordre du jour, afin d’expliquer les modalités de la reprise et afin de décider des modalités pédagogiques qui seront mises en place.

Quelles précautions sanitaires ont été mises en œuvre ?

Le protocole sanitaire est très dense. Il y a des difficultés évidentes : la gestion de l’entrée dans l’établissement des élèves, la gestion de la demi-pension, les photocopies. À ce stade toutes les questions n’ont pas encore de réponses. En effet, le nombre d’élèves à accueillir est très incertain, ce n’est pas la même chose d’accueillir 60 élèves ou d’en accueillir 200. Ce qui relève de la lapalissade se révèle un vrai défi, car il s’agit d’apporter des réponses locales. Un point d’incertitude concerne également l’articulation entre le présentiel et le distanciel. Sur ce point également nous réfléchissons à des réponses locales, tel que la redéfinition des groupes en mutualisant les effectifs présents de plusieurs classes et en apportant des modifications aux emplois du temps quand cela est nécessaire.

Comment allez-vous tenter de rattraper les élèves qui décrochent ?

Notre établissement a un vrai rôle social à jouer. Dans cette période de crise où les tensions ont parfois été exacerbées par la promiscuité dans les familles et par l’angoisse liée à la crise sanitaire, nous avons une réelle appréhension sur le retour d’une partie des élèves que nous savons en grande précarité. Nous aurions souhaité un accueil plus ciblé et qui ne soit pas une réponse à une demande politique. Enfin nous avons peur de ne pas pouvoir, malgré tous les efforts fournis, que les élèves se mettent en danger, en ne respectant pas les consignes, volontairement ou non. Au niveau pédagogique, notre réel défi sera de raccrocher les élèves qui ont totalement décroché ces deux derniers mois, aux wagons. Il s’agit aussi de préparer au mieux la sortie du collège des élèves de troisième, tant au niveau de leur orientation, qu’au niveau des connaissances nécessaires pour un passage serein au lycée.

Et le défi de la prochaine rentrée pour toi ?

C’est de retrouver la confiance des familles. On le voit, beaucoup de familles ne croient pas en l’intérêt pédagogique d’envoyer leur enfant à l’école, mais également craignent pour leur santé. Il s’agit ici d’un impératif de service public. Quels dispositifs allons-nous pouvoir mettre en place à cette rentrée pour que l’école puisse remplir son triple rôle : pédagogique, social et sociétal ? L’expression maintenant consacrée de « monde d’après » est sur toutes les lèvres, mais ce monde d’après c’est dans nos établissements qu’il se prépare, avec la formation des esprits de ces jeunes générations. Mais tout cela ne doit pas, encore une fois, se construire au détriment des enseignants. La période a montré le rôle essentiel que nous jouons dans la société. Dans cette période de confinement, nous avons été pour beaucoup de famille le seul lien avec l’État. Au delà des remerciements, qui sont toujours agréables, il va falloir dès cette rentrée qu’il y ait de réelles avancées sur la revalorisation de nos carrières.

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