D’AED à directrice à la MGEN, le parcours de Stéphanie

Stéphanie, quel a été ton parcours universitaire ?

J’ai fait une fac de sociologie et anthropologie à l’Université de Tours. Après 3 années, j’ai obtenu une licence de sociologie.

As-tu exercé des fonctions d’AED, dans quels types d’établissement ?

J’ai été AED, mais avant cela, surveillante d’externat dans un collège rural avec SEGPA . En tant qu’AED, j’ai travaillé dans 3 types d’établissement : collège dit « classique », lycée général, technologique et professionnel en centre-ville et collège classé « ZEP ».

Combien d’années as-tu été CPE, qu’est-ce qui te plaisait ?

J’ai été 10 ans CPE dont 6 années comme contractuelle. Ce qui me plaisait c’était l’accompagnement des élèves, le relationnel avec les élèves et leur famille. J’aimais aussi organiser le service de vie scolaire, c’est à dire le management des équipes d’AED. J’appréciais d’être autonome et la confiance qu’on m’accordait dans la gestion de mes missions. La mise en place de projets avec les enseignant·es, pour les élèves et au-delà, la participation au Groupe technique académique des CPE, l’accompagnement des stagiaires CPE, la formation des pairs sont aussi des missions qui me plaisaient.

Comment en es-tu venue à t’orienter vers un poste de directrice départementale de la MGEN ? Penses-tu que ton expérience de CPE t’a aidée à être retenue sur ce poste ?

J’étais correspondante MGEN en établissement scolaire et par ce biais, j’ai eu connaissance du poste de directrice qui se libérait. Je n’avais pas particulièrement réfléchi à changer de voie, c’est une opportunité que j’ai saisie. Je pense que mon expérience en tant que CPE a été appréciée, notamment la mission de cheffe de service, mais aussi celle d’être en capacité de monter des projets. Mon réseau professionnel a aussi du séduire car si je suis directrice de la section MGEN du Mans, je le suis au titre de « détachée de l’Éducation nationale », et il est important d’avoir connaissance de ses pairs car la MGEN gère le régime obligatoire des fonctionnaires de l’Éducation nationale. Cela me permet aussi de mieux comprendre et de mieux répondre à leurs problématiques lorsqu’elles existent.

En quoi consiste ton poste de directrice de la MGEN 72 ?

Mon poste consiste à manager opérationnellement l’équipe de la section à partir des orientations régionales. Je veille à la qualité de service en déclinant les plans d’actions régionaux. Je pilote l’activité de la responsable d’équipe. Je développe les compétences de l’ensemble de l’équipe en dynamisant les activités et en proposant des formations, si nécessaire. Je dois veiller au respect du dialogue social et enfin je contribue et/ou je mets en œuvre des projets régionaux autour des valeurs de la MGEN.

Quel type de partenariat y a t-il entre la MGEN et l ‘Éducation nationale ?

Plus qu’un partenariat, un accord cadre a été renouvelé le 1er janvier 2019 pour une période de 5 ans. Il est désormais accessible aux enseignants en formation et il intègre un dispositif d’accompagnement social d’urgence. Le groupe MGEN est partenaire de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour le déploiement cofinancé d’un dispositif santé au travail pour tous les agents de ces ministères, actifs ou retraités, ayants droits, adhérents ou non au groupe MGEN.

Depuis 2014 avec la signature du précédent accord-cadre, ce sont 126 espaces d’accueil et d’écoute qui ont été créés. Ils sont accessibles et gratuits jusqu’à trois fois par an. De nombreuses académies couvertes par des antennes du Centre national de réadaptation ont été créés. Plus de 750 actions militantes de promotion de la qualité de vie au travail ont été réalisées sur le terrain avec l’appui de la direction générale des ressources humaines communes aux deux ministères, ainsi qu’un dispositif d’accompagnement social d’urgence après le passage de l’ouragan Irma dans les Antilles françaises.

Mutuelle professionnelle, le groupe MGEN répond aux enjeux de santé au travail aux côtés des employeurs publics, et en particulier du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, avec un dispositif spécifique, les réseaux PAS.

En 2017, 15 549 personnes ont bénéficié de ce réseau via trois grands types d’actions :

  • Les 126 Espaces d’Accueil et d’Ecoute (EAE) sont accessibles à tout agent de l’Education nationale actif qui souhaite s’entretenir avec un psychologue du travail ou un psychologue clinicien.
  • Les centres de réadaptation, présents sur les académies de Paris, Créteil, Versailles, Bordeaux, Aix-Marseille et Nantes), s’adressent aux personnels de l’Education nationale qui, suite à un congé de maladie, doivent préparer un retour sur leurs fonctions ou envisager une réorientation professionnelle. 237 personnes ont été accompagnées via ce dispositif en 2017.
  • Dans les 30 académies, plus de 750 actions collectives ont été réalisées : 60% de ces actions sur l’accompagnement à la prévention des risques psychosociaux (RPS), 25% de ces actions sur la prévention des troubles de la voix (premier outil de travail des enseignants) et enfin, 15% de ces actions ont porté sur la prévention des troubles musculo squelettiques (TMS).

Le groupe MGEN est également partenaire de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et son réseau régional (ARACT).

Retrouves-tu des réflexes/tâches de CPE dans ta nouvelle fonction ?

Je retrouve mes missions de CPE lorsque je pilote l’activité des salariées, avec toutes les tâches que cela incombe : animation de réunion, compte rendu de réunion, gestion des difficultés professionnelles, accompagnement professionnel. Le parallèle que j’observe souvent c’est aussi, la gestion des situations délicates des adhérent·es, similaires à celles des élèves lorsqu’ils/elles pouvaient être en difficulté. C’est aussi le soutien de l’équipe lorsqu’un·e adhérent·e exprime un mécontentement de façon trop véhémente j’utilise alors, les mêmes compétences psychosociales que lorsque je devais gérer le mécontentement d’une famille, par exemple.

On dit souvent que prendre du recul sur son métier permet de la redécouvrir. Qu’as-tu observé ?

J’ai observé le fait qu’être CPE demande une grande capacité de prise de recul face aux situations personnelles des élèves qui nous sont confiées, c’est pourquoi, il me semble important de se construire un réseau de pairs, d’avoir des collègues ressources qui soient en capacité d’écoute et de compréhension lorsqu’une situation professionnelle parait difficile à gérer. Cela demande de développer une intelligence émotionnelle, de savoir être empathique, de combiner exigence et bienveillance. La gestion de conflits et de tensions interpersonnelles est aussi une compétence à avoir. Le métier de CPE est un métier d’urgence, il faut être en capacité d’être réactive tout en ayant l’exactitude de la réponse. CPE est un métier d’engagement pour le bien-être de chacun·e dans l’établissement et avant tout, des élèves. C’est un métier que j’adorais, ma plus belle victoire était la reconnaissance des élèves.

Stéphanie Lechat, directrice, section départementale MGEN de la Sarthe

Véronique, directrice en école rurale, témoigne…

Qu’est-ce qui t’a amenée à assurer la fonction de directrice d’école rurale ? Quel est ton parcours ?

Je suis devenue PE sur le tard à 30 ans en 2001. Cela a été un choix de vie, car je souhaitais réellement me sentir utile à la société plutôt que de travailler pour grossir le portefeuille de stocks-options de mes patrons. Je travaillais en tant qu’assistante administrative au services généraux d’une société de télécom et j’ai refusé le poste d’assistante du directeur puisque j’avais réussi le concours d’entrée à l’IUFM. J’avoue que ces 5 dernières années, je me demande si j’ai fait le bon choix… Je suis en milieu rural car mon parcours post-bac ne correspondait pas à la grille de recrutement sur dossier des IUFM de Paris, Créteil et Versailles… Mon dossier a été refusé dans ces 3 académies. J’ai donc tenté celles de l’Oise et de Bordeaux sur concours où j’ai été reçue. J’ai ensuite refusé ma place sur l’académie de Bordeaux pour des raisons familiales. De plus, en tant qu’habitante de la région parisienne en Seine Saint Denis, l’Oise n’est pas très éloignée (à peine une cinquantaine de kilomètres). Les 2 années de formation sur Beauvais ont été un peu dures (200 km/jour AR) mais j’ai survécu ;-). L’Oise est un département très rural, avec encore beaucoup de RPI et/ou de classes uniques, mais qui en bordure d’IDF, accueillent beaucoup de familles qui souhaitent accéder à la propriété tout en travaillant en IDF.

Je suis devenue directrice essentiellement parce que j’avais besoin d’argent après mon divorce. Tout d’abord dans une petite école maternelle de 2 classes, mais comme j’étais seule avec deux enfants, j’ai choisi de prendre la direction d’une école élémentaire à 10 classes avec une demi-décharge. Je me suis aperçue alors que la fonction de directeur d’école était juste passionnante mais aussi très isolée. Heureusement mes premières années de direction ont été épaulées par une super association de directeurs d’école, le GDID (Groupement de Défense des Idées des Directeurs d’école). Toute l’équipe du GDID m’a été d’un grand soutien dans la gestion humaine et administrative de cette fonction. Après quelques années dans cette « grosse » école, j’ai constaté l’impossibilité pour un directeur d’assurer un fonctionnement cohérent dans une école face à une équipe parasitée par une enseignante manipulatrice… J’ai donc choisi de privilégier ma vie personnelle avant d’y laisser ma santé physique et psychique. Je suis redevenue simple PE dans une autre école, primaire cette fois, 2 fois plus petite et avec une super équipe d’enseignantes. Au bout de 2 ans, ma collègue qui assurait la direction m’a proposé de la remplacer. J’y assure toujours la direction depuis lors avec 1/4 de décharge.

Peux-tu décrire ce que tu dois faire dans une journée type ?

Mon premier réflexe en arrivant le matin est de jeter un œil à la cour pour vérifier que rien ne traine… Puis je me dépêche d’aller en classe pour préparer la classe, comme toute enseignante lambda… Parfois, je suis retenue par une collègue, le gars des services techniques, moi qui me rappelle que j’ai un truc à dire ou à faire avec une collègue… Bref, le temps passe très vite avant la sonnerie du matin. J’ai choisi de ne pas prendre le téléphone en classe pour pouvoir être tranquille. Mais c’est sans compter sur les parents en retard, les livraisons, les taxis qui emmènent les enfants au CMPP à 20 minutes de là (la plupart du temps, chaque maître.maîtresse gère ses allées et venues d’élèves… mais parfois on n’entend pas la sonnette…), donc souvent je descends les escaliers 4 à 4 après avoir laissé la porte de communication entre ma classe et celle de ma collègue ouverte, pour aller ouvrir les 2 portes d’accès à l’école (vigipirate rouge oblige…) J’ai même un élève responsable des « clés de la maîtresse », elles ont tendance parfois à être posées dans des endroits improbables… À midi, j’écoute le répondeur, j’ouvre le courrier papier et électronique, je transmets des messages si besoin… On déjeune ensemble à l’école, cela nous permet de parler de nos difficultés, de chercher des solutions, de rire et de décompresser…. de prendre un peu de recul, quand l’une d’entre nous ne va pas très bien moralement, il·elle sait qu’il·elle peut compter sur l’écoute des autres, et ça c’est rare et c’est un vrai trésor…. nous en sommes tous conscients. Pour la direction d’école, je sais que je peux compter sur l’aide de mes collègues, ils·elles savent où se trouvent les différents formulaires (absence, enfant malade, PAI, demande d’intervention du RASED, PPRE…) bref, toute la paperasse… Mon rôle à ce niveau là est plutôt de rappeler les démarches et les étapes à suivre, aider à rédiger les PPRE pour les élèves réellement atypiques. J’ai parfois des interruptions dans le déroulé de ma journée de classe, mais les élèves des écoles rurales sont habitués à travailler en autonomie, nous n’avons quasiment que des doubles niveaux, parfois même triples (mais pas pour moi, direction oblige…). Honnêtement, j’ai beaucoup de mal à me tenir à l’emploi du temps….

Quelles sont les tâches et les moments que tu préfères dans ta fonction ?

Ce que je préfère dans le rôle des directeurs d’école, c’est de faire en sorte que les élèves, les enseignantes, les ATSEM, les AESH viennent avec le sourire sur leur lieu de travail. Il est essentiel dans ce métier de veiller à instaurer un climat de confiance et de bienveillance. Du coup, les relations avec les parents d’élèves sont sereines. J’aime le côté touche à tout de cette fonction : on doit gérer les relations dans l’équipe, avec la mairie, avec les parents, avec les partenaires, la hiérarchie. J’aime accompagner les familles dans les démarches pour mettre en place toutes les aides possibles pour leur(s) enfant(s) : avant de monter un dossier MDPH ou un PAP avant l’entrée au collège, il faut aider les familles à accepter la différence de leur enfant, ils ont souvent besoin de cet accompagnement. J’aime aussi le côté intendance, penser l’organisation des projets suffisamment en amont pour que tout se passe au mieux, donner les moyens à tous les intervenants d’accomplir leur mission, le côté « j’adore quand un plan se déroule sans accrocs » de l’Agence tout risque…

Quelles sont les tâches et les moments les plus difficiles/éprouvants ?

Les tâches les plus pénibles sont les enquêtes à remplir sans qu’on nous en explique les finalités. L’administratif prend de plus en plus de place dans la fonction des directeurs d’école, au détriment de l’animation pédagogique, de la recherche de projets… Par exemple : dernièrement un proviseur de lycée pro, a demandé aux directeurs d’établir en triple exemplaire les avenants des contrats PEC de droit privé des AESH, lui qui a un adjoint et au moins une aide administrative… ou encore, demander aux familles de remplir à nouveau le CERFA de 8 pages de la MDPH, qu’ils ont déjà eu tant de mal à compléter, s’ils souhaitent une modification du PPS, alors qu’en parallèle les PIAL peinent à recruter les AESH qui ont été notifiés pour les enfants MDPH.
Garder une contenance et son calme face à des familles qui ne mesurent pas l’aide dont a besoin leur enfant, où qui n’en ont juste rien à faire, rédiger les IP (Informations Préoccupantes) en soupesant chaque mot…. Le manque de temps aussi est souvent une cause de pression : l’impression de tout faire à moitié, la classe, la direction, la vie de famille, de courir tout le temps… Ce qui est pesant aussi, c’est le poids de la responsabilité de la sécurité, à la moindre erreur de jugement ou au moindre oubli de paperasse, c’est moi qui risque de me retrouver devant les tribunaux. Certains parents sont de plus en plus dans une démarche consumériste de l’école, ils attendent un service : ils déposent leur enfant à l’école, comme on dépose sa voiture au garage, et sont prêts à se plaindre à notre hiérarchie pour des broutilles… J’ai quand même la chance d’avoir un IEN bienveillant et soutenant dans ces cas là. Ce qui reste difficile, c’est de décrocher, de débrancher le cerveau le soir, ou pendant les vacances. Je déplore aussi les grandes difficultés que nous rencontrons dans le primaire à pouvoir changer de département… à 6% de taux de mutation interdépartementale, aujourd’hui je me sens prisonnière de l’Oise…. (le taux national est de 25%).

De quelle type d’aide et de soutien aurais-tu besoin ?

En priorité un statut digne de ce nom, seuls les directeurs de primaire n’en ont pas. Ce n’est pas normal. C’est même un non sens par rapport à toutes les tâches inhérentes à cette fonction. Non, nous ne sommes pas des enseignants comme les autres, la preuve il y a de moins en moins de volontaires pour être directeur… Je ne souhaite absolument pas être la chef de mes collègues, ce n’est pas ce que je recherche, mais à partir du moment où je suis la garante de la sécurité et de la bonne marche de l’école, il me parait essentiel d’avoir la possibilité de décider (parfois d’imposer à certains collègues qui ne voient que leur intérêt personnel avant de voir l’intérêt général). En cas de problème, c’est moi qui me retrouve au mieux à rendre des comptes à ma hiérarchie, au pire devant les tribunaux, pas mes collègues. Une aide administrative ne serait pas un mal aussi, à partir du moment où il/elle est formée a minima, ou une décharge plus importante pour avoir le temps de faire les choses comme il faut : la direction et la classe. Je ne serais pas contre une rémunération plus importante, en adéquation avec le statut de cadre A de la fonction publique, et soyons fou…. un smartphone professionnel remis avec la clé OTP (pour l’instant j’utilise le mien… je sais, c’est critiquable, mais quel gain de temps au 21e siècle)… Enfin, j’aurais besoin que le ministère nous donne les moyens de faire correctement notre métier : rétablissement du RASED, recrutement de maitres E, de maitres G, de psychologues scolaires, une formation digne de ce nom en tant qu’enseignante mais aussi en tant que directrice et qu’elle soit sur le temps scolaire.

As-tu quelque chose à ajouter ?

Je suis catastrophée de voir comment certains syndicats bloquent l’avancée du statut de directeur, à chaque fois qu’une petite avancée apparait (voir le rapport de Cécile Rilhac), certains syndicats, toujours les mêmes, s’opposent à tout changement. C’est pénible cet immobilisme. Je tiens aussi à souligner le soutien et la patience de nos compagnons/compagnes, de nos enfants qui sont souvent mis à contribution… Est ce qu’on voit ça dans d’autres métiers que le nôtre? J’aimerais que le ministère se remette en question en se posant les bonnes question: pourquoi de moins en moins de personnes souhaitent devenir Prof des écoles et/ou directeur ? Pourquoi les enseignants, comme moi, qui ont fait ce choix de vie se demandent s’ils ne vont pas rebasculer dans le secteur privé ?
La Fonction publique va de plus en plus mal, il n’y a qu’à voir tous les mouvements sociaux-professionnels depuis le début de l’année (les urgentistes, les hospitaliers, les policiers, les pompiers…) et malheureusement rien, ni personne ne bougeait… jusqu’à ce que Christine Renon mette tristement fin à ses jours pour changer ça. Maintenant, j’attends avec impatience le grand questionnaire du ministère (en novembre dans nos boites pro) : c’est la première fois que les directeurs·trices sont consulté·es directement. C’est une occasion unique d’obtenir enfin un statut fonctionnel, une vraie reconnaissance des spécificités de notre métier de directeur·trice.

Véronique G