Mickaëlle, agrégée et enseignante à l’université

Mickaëlle a été recrutée sur un poste de PRAG en Martinique, à l’université des Antilles, depuis 3 ans. Après des études en CPGE et à l’université, en mathématiques appliquées, avec un parcours recherche et une préparation à l’agrégation, elle a enseigné comme TZR, au collège et seulement une année en poste fixe au lycée.

En quoi l’enseignement à l’université est-il différent de ce qu’on vit dans le second degré ? Comment es-tu devenue enseignante à l’université ?

J’ai candidaté sur l’application « Galaxie » pour un poste à pourvoir à l’université, j’ai été auditionnée tout comme 4 autres candidats par des enseignants de l’université. L’entretien a porté sur mon parcours, mes capacités, mes engagements professionnels, et j’ai pu mettre en valeur les khôles effectuées en prépa, mes vacations dans l’enseignement supérieur, et mes compétences en informatique.

Comment s’est passée l’arrivée sur ce nouveau poste ?

Quand on est recrutée comme PRAG, on formule des vœux auprès du responsable de filière pour savoir quels enseignements on veut assurer, la discussion est collégiale avec les autres enseignants de l’équipe, mais on a beaucoup d’heures à assurer comme PRAG, le double par rapport aux maîtres de conférences, donc on prend aussi ce qui reste, notamment ce qui est « non-spécialisé », ce qui est transversal. Cette année j’assure ainsi des enseignements en L1 (analyse, raisonnement), en L2 (algèbre, probabilités), en L3 (méthodes numériques) et un TD en master.

Assures-tu d’autres missions en dehors de l’enseignement à l’université ?

Je suis directrice des études en première année, je suis donc en première ligne pour répondre aux questions des étudiants sur leur orientation et j’interviens en commission pédagogique.

Avec ton expérience, quels sont selon toi les avantages et les inconvénients de l’enseignement à l’université ?

À l’université, les contacts avec les collègues sont différents, la hiérarchie est plus présente. Les enjeux politiques aussi sont plus forts avec l’autonomie des universités. Ce qui est très intéressant, c’est le rapport aux étudiants : ils sont motivés, respectueux, le relationnel est plus franc… en revanche, n’ayez aucune illusion : vous n’aurez pas plus de temps libre en étant enseignant à l’université !

Penses-tu qu’enseigner à l’université permet de faciliter la mobilité professionnelle des agrégés ?

Ce qu’on vit à l’université n’est pas forcément transférable dans le second degré, la façon d’enseigner n’est pas la même, on apporte surtout à l’université notre savoir-faire du second degré ce qui nous permet de sortir du clivage Cours Magistral / TD dans notre manière de faire. Enseigner à l’université peut permettre après de candidater pour un poste en CPGE ou pour devenir maître de conférences après un doctorat mais ce n’est pas facile. Il faudrait faciliter le passage de PRAG à maître de conférences. Une autre difficulté c’est de se réadapter pour l’enseignement dans le second degré après des années dans l’enseignement supérieur, ce qui n’est pas prévu aujourd’hui.

De l’ENS à l’Université de technologie, portrait d’un agrégé

Yacine est PRAG, agrégé de sciences industrielles, en détachement depuis 4 ans à l’Université de technologie de Compiègne, à la fois école d’ingénieurs et université. Il nous présente la palette de ses missions, en tant qu’enseignant du second degré détaché dans l’enseignement supérieur.

Comment as-tu obtenu ce poste à l’UTC ?

Je suis sorti de l’ENS Cachan en 2012 après avoir obtenu mon agrégation de mécanique. J’ai ensuite poursuivi mes études avec une thèse à l’université de Grenoble, et exercé un an la fonction d’ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche). J’ai été recruté il y a 4 ans sur un poste de PRAG (professeur agrégé affecté dans l’enseignement supétieur) à l’Université de technologie de Compiègne. Pour candidater, je suis passé par l’application Galaxie qui diffuse des offres de postes de détachement dans l’enseignement supérieur. Chaque entité y précise le profil des enseignants recherchés. On dépose ensuite un dossier et on est convoqué pour un entretien.

En quoi consiste ton service d’enseignement ?

À l’UTC, les étudiants choisissent leurs cours, on a affaire à des gens motivés. J’assure principalement des cours d’ingénierie mécanique : conception assistée par ordinateur, résistance des matériaux, technologie, fabrication… Mais j’ai une part de plus en plus importante d’enseignement dédié à l’éco-conception. Il s’agit d’intégrer la dimension environnementale en conception de produit. C’est passionnant, cela permet de repenser de façon plus globale le rôle de l’ingénieur face aux défis climatiques et aux enjeux de soutenabilité actuels.

De nombreuses d’activités se déroulent sous forme de projet. Les étudiants sont très autonomes et le suivi est enrichissant. Je pense qu’on apprend autant qu’on leur enseigne. Les cours se déroulent de septembre à janvier et de février à juin avec une pause inter-semestrielle de 5 semaines.

Dans cette période de confinement (mars/avril 2020), je travaille sous forme de capsules vidéos, des espaces ont été créés pour centraliser les questions, des visios sont organisées pour les échanges… Tout prend plus de temps, on a donc ouvert des créneaux supplémentaires pour éviter que des étudiants décrochent. Il faut surtout prendre en compte qu’ils n’ont pas tous les mêmes possibilités de connexion, la fracture numérique touche aussi l’enseignement supérieur.

Assures-tu d’autres missions, à part l’enseignement ?

L’accompagnement des étudiants est une tâche importante, le format de cours à la carte impose d’en suivre un certain nombre pour les guider au mieux dans la construction de leur cursus. En plus des activités d’évaluation classiques (examens, contrôle continu compte rendu de TP, rapport et visite de stage…), j’assure aussi des suivis de projet, qui sont intégrés dans mon temps de service. Pour donner un exemple, nous avons eu un partenariat avec Decathlon qui nous a proposé de travailler sur l’éco-conception d’un de leur produit, cela représente en moyenne une demi-journée avec 3 étudiants par semaine.

J’ai aussi des tâches administratives, je dois ainsi gérer les intervenants extérieurs, les accompagner dans les démarches en lien avec les services de l’université, acheter les logiciels, le matériel pour mes cours… Par ailleurs, je réussis à mener des projets en lien avec d’autres structures. Je participe à un projet de plateforme de ressource pédagogique avec l’Université de Grenoble Alpes ou au co-encadrement d’une thèse sur l’enseignement de l’éco-conception.

Comment se déroule ta carrière en tant qu’agrégé détaché comme PRAG ?

Je viens de faire mon premier rendez-vous de carrière il y a 3 mois. C’est la responsable du département dans lequel je travaille qui m’a reçu en entretien mais la grille d’évaluation n’est pas forcément adaptée aux missions que j’assure. Les relations avec les parents d’élèves, par exemple… J’ai produit un bilan d’activité pour ce rendez-vous, et maintenant, j’attends les résultats.

En conclusion, avec le recul de ces 4 années, comment juges-tu cette expérience dans l’enseignement supérieur ?

La manière dont on gère notre carrière est curieuse, on a l’impression d’être « invisibles » pour le rectorat. Mais dans le monde universitaire, les enseignants du second degré sont aussi un peu à part. Si je prends encore une fois l’exemple de l’éco-conception, c’est un thème en constante construction, il est impératif de suivre l’avancée des recherches sur le sujet. Mais les conférences ont un coût non négligeable (environs 650 euros sans l’hébergement ni les transports). Les enseignants-chercheurs bénéficient de contrat de recherche mais un PRAG n’entre pas dans les cases habituelles… Cela dit les départements d’enseignement peuvent parfois prendre à leurs charges ses dépenses. Ainsi, je participe ainsi régulièrement au colloque du réseau S.mart (ex AIP Priméca). Cela me permet de rencontrer d’autres enseignants du supérieur et de partager nos expériences.

Je suis très satisfait de mon travail, en revanche un agrégé doit bien être conscient que côté rémunération, son traitement est bien inférieur à ce qu’il peut percevoir en CPGE. Néanmoins, la liberté pédagogique dont on dispose est formidable.