Quelle structure pour les programmes ?

Au moment où le Conseil Supérieur des Programmes commence son travail, la question de la structure des programmes se pose avec acuité.

Des programmes ou un programme de formation unifié ? Comment articuler les contenus avec les compétences du socle commun ? Comment définir des contenus en phase avec la logique des cycles ?

 

Le contexte et le cadre de cette réflexion

Dans le texte de la loi d’orientation :

Ce conseil (supérieur des programmes) formule des propositions sur la conception générale des enseignements dispensés aux élèves des écoles, collèges et lycées. Il fait des propositions sur le contenu du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ainsi que sur les programmes scolaires et leur articulation avec les cycles d’enseignement.

Afin d’avoir une vision globale des programmes et de leur articulation avec le socle commun, le conseil devra articuler ses réflexions non seulement par grand domaine disciplinaire mais aussi par cycle, afin de garantir une cohérence interne forte en termes de connaissances, de compétences et d’apprentissages à chaque cycle.

– Repenser le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et mieux l’articuler avec les programmes d’enseignement

La scolarité obligatoire doit garantir les moyens nécessaires à l’acquisition de ce socle constituant la culture commune de tous les jeunes et favorisant la poursuite d’études secondaires, quelles qu’elles soient. Le socle commun actuel, introduit par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, est cependant trop complexe et sa mise en œuvre n’a pas été satisfaisante. La conception et les composantes du socle commun seront donc réexaminées par le Conseil supérieur des programmes, afin qu’il devienne le principe organisateur de l’enseignement obligatoire dont l’acquisition doit être garantie à tous.

Article L311-3

Les programmes définissent, pour chaque cycle, les connaissances et les compétences qui doivent être acquises au cours du cycle et les méthodes qui doivent être assimilées. Ils constituent le cadre national au sein duquel les enseignants organisent leurs enseignements en prenant en compte les rythmes d’apprentissage de chaque élève.

Article L231-15 

Le Conseil supérieur des programmes émet des avis et formule des propositions sur :

1° La conception générale des enseignements dispensés aux élèves des écoles, des collèges et des lycées et l’introduction du numérique dans les méthodes pédagogiques et la construction des savoirs ;
Le contenu du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes scolaires, en veillant à leur cohérence et à leur articulation en cycles, ainsi que les modalités de validation de l’acquisition de ce socle ;
3° La nature et le contenu des épreuves des examens conduisant aux diplômes nationaux de l’enseignement du second degré et du baccalauréat ainsi que les possibilités d’adaptation et d’aménagement de ces épreuves pour les élèves présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ;
4° La nature et le contenu des épreuves des concours de recrutement d’enseignants des premier et second degrés, les possibilités d’adaptation et d’aménagement de ces épreuves pour les candidats présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ainsi que les objectifs et la conception générale de la formation initiale et continue des enseignants.

Dans la lettre de commande de Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale à destination d’Alain Boissinot, président du CSP :

Au demeurant, je souhaite que votre réflexion sur le socle prenne en compte la nécessaire articulation entre le socle et les programmes de l’école et du collège, les seconds devant constituer la déclinaison du premier.

 

Voici une proposition émanant d’une journée de travail sur les programmes organisée par la section du SE-Unsa 67 en mai dernier :

Quelle structure souhaitez-vous pour les nouveaux programmes ?

Quelle organisation ? Quelle présentation ? Quels éléments nécessaires ? Quels outils de mise en œuvre ?

Les commentaires vous sont ouverts et vous pouvez aussi nous envoyer vos schémas, cartes mentales ou autre à cette adresse.

Les réponses données sur Twitter :
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Pour trouver des éléments pour nourrir votre réflexion, notamment des exemples d’autres pays francophones, cliquez ici.

Programme vs motivation

Un enfant en CM1 demande à sa maîtresse (notons que c’est déjà drôlement osé de sa part) :

– Madame, je suis allé visité le château de Versailles, je peux présenter un exposé sur Louis XIV ?

– Ah, non, désolée ce n’est pas au programme, lui répond l’enseignante scrupuleuse de sa progression. L’année prochaine Mathieu, pas maintenant.

L’année suivante en CM2 :

– Monsieur, comme c’est au programme, je peux présenter un exposé sur Louis XIV à la classe ?

– Ah, non, désolé mon grand, mais je n’ai pas le temps, tu imagines si chacun voulait présenter sa petite affaire ? J’ai une progression à tenir, mais c’était une bonne initiative, je coche ta case « sait prendre des initiatives ».

L’année suivante au collège :

Le prof d’Histoire sur le bulletin de Mathieu : « élève moyen, manque de motivation, ne participe pas assez… »

Combien avons-nous de Mathieu dans nos classes ?…

par Ostiane Mathon

Crédit photo : Kalexanderson via Compfight cc

Remontées des idées et concertations sur les futurs programmes

Vous souhaitez nous faire part de vos réflexions personnelles qui ne correspondent pas pour le moment à une question abordée ici ?

Vous voulez partager ici les points débattus en équipe pendant les moments de concertations officiels ou en dehors ?

Les commentaires vous sont ouverts !

 

Remontées sur Twitter :
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« Pas de compétences sans savoirs » par Philippe Perrenoud

Pour certains, la notion de compétence renvoie à des pratiques du quotidien, qui ne mobilisent que des savoirs de sens commun, des savoirs d’expérience. Ils en concluent que développer des compétences dès l’école nuirait à l’acquisition des savoirs disciplinaires qu’elle a vocation de transmettre.

Une telle caricature de la notion de compétence permet d’ironiser à bon compte, en disant qu’on ne va pas à l’école pour apprendre à passer une petite annonce, choisir un itinéraire de vacances, diagnostiquer une rougeole, remplir sa déclaration d’impôts, comprendre un contrat, rédiger une lettre, faire des mots croisés ou calculer un budget familial. Ou encore à obtenir des informations par téléphone, trouver son chemin dans une ville, repeindre sa cuisine, réparer une bicyclette ou se débrouiller pour utiliser une monnaie étrangère.

On pourrait répondre qu’il s’agit ici de vulgaires “ savoir-faire ”, à distinguer de véritables compétences. Cette argumentation ne serait pas très solide : on ne peut pas réserver les savoir-faire au quotidien et les compétences aux tâches nobles. L’usage nous habitue certes à parler de savoir-faire pour désigner des habiletés concrètes, alors que la notion de compétence paraît plus large et plus “ intellectuelle ”. En réalité, on se réfère dans les deux cas à la maîtrise pratique d’un type de tâches et de situations. Ne tentons pas de dédouaner la notion de compétence en la réservant aux tâches les plus nobles.

Refusons en même temps l’amalgame entre compétences et tâches pratiques :

•    Disons d’abord que les compétences requises pour se débrouiller dans la vie quotidienne ne sont pas méprisables. Une partie des adultes, même parmi ceux qui ont suivi une scolarité de base complète, restent bien démunis devant les technologies et les règles dont dépend leur vie quotidienne. Sans limiter le rôle de l’école à des apprentissages aussi terre à terre, on peut se demander : à quoi bon scolariser chacun durant dix à quinze ans de sa vie s’il reste démuni devant un contrat d’assurance ou une notice pharmaceutique ?

•    Les compétences élémentaires évoquées ne sont pas sans rapport avec les programmes scolaires et les savoirs disciplinaires ; elles exigent des notions et des connaissances de mathématique, de géographie, de biologie, de physique, d’économie, de psychologie ; elles supposent une maîtrise de la langue et des opérations mathématiques de base ; elle font appel à une forme de culture générale qui s’acquiert aussi à l’école. Même lorsque la scolarité n’est pas organisée pour exercer de telles compétences en tant que telles, elle permet de s’approprier certaines des connaissances nécessaires. Une part des compétences qui se développent hors de l’école font appel à des savoirs scolaires de base (la notion de carte, de monnaie, d’angle droit, d’intérêt, de journal, d’itinéraire, etc.) et aux savoir-faire fondamentaux (lire, écrire, compter). Il n’y a donc pas de contradiction fatale entre les programmes scolaires et les compétences les plus simples.

•    Enfin, ces dernières n’épuisent pas la gamme des compétences humaines ; la notion de compétence renvoie à des situations dans lesquelles il faut prendre des décisions et résoudre des problèmes. Pourquoi limiterait-on les décisions et les problèmes, soit à la sphère professionnelle, soit à la vie quotidienne ? Il faut des compétences pour choisir la meilleure traduction d’un texte latin, poser et résoudre un problème à l’aide d’un système d’équations à plusieurs inconnues, vérifier le principe d’Archimède, cultiver une bactérie, identifier les prémisses d’une révolution ou calculer la date de la prochaine éclipse de Soleil.

 

Extrait de « Construire des compétences, est-ce tourner le dos aux savoirs ?«  par Philippe Perrenoud, in Résonances. Mensuel de l’école valaisanne, n° 3, Dossier “ Savoirs et compétences ”,  novembre 1998, pp. 3-7.

Cet article vous donne des idées concernant la mise en oeuvre dans les programmes du « Savoir résoudre des problèmes / savoir prendre des décisions », partagez-les ici.

Savoir résoudre les problèmes / Savoir prendre des décisions

« Savoir résoudre les problèmes / savoir prendre des décisions »,

premier couple des 10 compétences psychosociales de l’OMS, fait tout à fait écho à nombre de propositions faites par nos premiers contributeurs.

Le contexte et le cadre de cette réflexion

D’une part, la loi d’orientation de 2013 :

Article L321-3 « La formation dispensée dans les écoles élémentaires assure l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance : expression orale et écrite, lecture, calcul et résolution de problèmes ; elle suscite le développement de l’intelligence, de la sensibilité artistique, des aptitudes manuelles, physiques et sportives. »

Et dans son annexe : « La refondation a pour objet de faire de l’école un lieu de réussite, d’autonomie et d’épanouissement pour tous ; un lieu d’éveil à l’envie et au plaisir d’apprendre, à la curiosité intellectuelle, à l’ouverture d’esprit ; un lieu où il soit possible d’apprendre et d’enseigner dans de bonnes conditions ; un lieu permettant de former des citoyens et des jeunes qui pourront s’insérer dans la société et sur le marché du travail au terme d’une orientation choisie ; un lieu sachant transmettre et faire partager les valeurs de la République. »

Et le Socle Commun précise :

– dans le pilier 3 les principaux éléments de mathématiques :

« La maîtrise des principaux éléments de mathématiques s’acquiert et s’exerce essentiellement par la résolution de problèmes, notamment à partir de situations proches de la réalité. »

– dans le pilier 7 partie autonomie :

« Être capable de raisonner avec logique et rigueur et donc savoir :

• identifier un problème et mettre au point une démarche de résolution ;
• rechercher l’information utile, l’analyser, la trier, la hiérarchiser, l’organiser,
la synthétiser ;
• mettre en relation les acquis des différentes disciplines et les mobiliser dans des situations variées ;
• identifier, expliquer, rectifier une erreur ;
• distinguer ce dont on est sûr de ce qu’il faut prouver ;
• mettre à l’essai plusieurs pistes de solution »

et « L’autonomie de la personne humaine est le complément indispensable des droits de l’Homme : le socle commun établit la possibilité d’échanger, d’agir et de choisir en connaissance de cause, en développant la capacité de juger par soi-même. 
L’autonomie est aussi une condition de la réussite scolaire, d’une bonne orientation et de l’adaptation aux évolutions de sa vie personnelle, professionnelle et sociale. »

et dans « esprit d’initiative » :

« Il s’agit d’apprendre à passer des idées aux actes, ce qui suppose savoir :
• définir une démarche adaptée au projet ;
• trouver et contacter des partenaires, consulter des personnes-ressources ;
• prendre des décisions, s’engager et prendre des risques en conséquence ;
• prendre l’avis des autres, échanger, informer, organiser une réunion, représenter le groupe ;
• déterminer les tâches à accomplir, établir des priorités ».

Même s’il n’est pas exclu que le Socle Commun soit éventuellement modifié, cela fixe le cadre de notre réflexion.

Concrètement comment mettre en oeuvre dans les programmes le « savoir résoudre les problèmes / savoir prendre des décisions » ?

À travers quels contenus, quelles démarches, quelles activités pédagogiques ?

N’hésitez pas à être précis, à témoigner de mises en oeuvre concrètes, à rédiger un morceau de programme, à énoncer un cadre nécessaire (temps, organisation d’école…), à vous !

Vous pouvez utiliser les commentaires de cet article et aussi participer sur Twitter avec la balise #prog2015

Vous trouverez sur ce blog des éléments pour réfléchir à cette question.

Les réponses données sur Twitter :
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Crédit photo : StockMonkeys.com via photopin cc

Premier point d’étape

Après une semaine de cogitations et plus d’une cinquantaine de contributions en ligne, voici un point d’étape sur la première question posée :

Des nouveaux programmes, oui mais pour quoi faire ?
De quelles compétences essentielles ont besoin nos élèves pour inventer le monde de demain ?

Première observation, quand on aborde les finalités des programmes, on note que les attitudes à développer chez les élèves sont au centre des préoccupations des professeurs : connaissance de soi et des autres, autonomie, initiative, posture de chercheur, esprit critique, faire équipe… Dans ces attitudes, sont plébiscitées celles où l’élève est actif, créateur et non simple consommateur voire, pour certains contributeurs qui n’hésitent pas à se montrer provocateurs, un élève apte à désobéir !

Voilà qui est fort intéressant alors que les compétences sociales et civiques, l’autonomie et l’initiative sont souvent insuffisamment prises au sérieux !

On est très proche des 10 compétences psychosociales telles que définies par l’OMS en 1993 :  » Les compétences psychosociales sont la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude d’une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adaptant un comportement approprié et positif, à l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement ».

Ces compétences sont au nombre de dix et présentées par deux :

  • savoir résoudre les problèmes / savoir prendre des décisions
  • avoir une pensée créative / avoir une pensée critique
  • savoir communiquer efficacement / être habile dans ses relations interpersonnelles
  • avoir conscience de soi / avoir de l’empathie pour les autres
  • savoir gérer son stress / savoir gérer ses émotions

Ont aussi été évoquées les compétences liées au numérique et aux médias : savoir publier, apprendre à programmer, la littératie médiatique*, l’esprit critique… sans évacuer les habiletés manuelles qui sont aussi à travailler.

Rendez-vous très bientôt pour une nouvelle question permettant de creuser un de ces aspects pour voir comment le décliner concrètement dans les programmes et dans nos classes.

 

*la littératie médiatique désigne l’ensemble des compétences informationnelles, techniques, sociales et psychosociales exercées par un utilisateur, lorsqu’il consomme, produit, explore et organise des médias (définition du conseil supérieur de l’éducation aux médias de la communauté française de Belgique)

 

Crédit photo : photo prise à la journée de travail sur les programmes organisée par la section du SE-Unsa du 67 le 17 mai 2013

Intégrer l’incertitude par Edgar morin

UN MONDE INCERTAIN

L’aventure incertaine de l’humanité ne fait que poursuivre dans sa sphère l’aventure incertaine du cosmos, née d’un accident pour nous impensable et se continuant dans un devenir de créations et de destructions.

Nous avons appris à la fin du XXe siècle qu’à la vision d’un univers obéissant à un ordre impeccable, il faut substituer une vision où cet univers est le jeu et l’enjeu d’une dialogique (relation à la fois antagoniste, concurrente et complémentaire) entre l’ordre, le désordre et l’organisation.

La Terre, à l’origine probablement ramassis de détritus cosmiques issus d’une explosion solaire, s’est elle-même auto-organisée dans une dialogique entre ordre ø désordre ø organisation, subissant non seulement éruptions et tremblements de terre mais aussi le choc violent d’aérolithes, dont l’un a peut être suscité l’arrachage de la lune.

AFFRONTER LES INCERTITUDES

Une conscience nouvelle commence à émerger : l’homme, confronté de tous côtés aux incertitudes, est emporté dans une nouvelle aventure. Il faut apprendre à affronter l’incertitude, car nous vivons une époque changeante où les valeurs sont ambivalentes, où tout est lié. C’est pourquoi, l’éducation du futur doit revenir sur les incertitudes liées à la connaissance, car il y a :

  • Un principe d’incertitude cérébro-mental, qui découle du processus de traduction/reconstruction propre à toute connaissance ;
  • Un principe d’incertitude logique. Comme le disait Pascal si clairement :  » ni la contradiction n’est marque de fausseté, ni l’incontradiction n’est marque de vérité « .
  • Un principe d’incertitude rationnel, car la rationalité, si elle n’entretient pas sa vigilance autocritique, verse dans la rationalisation ;
  • Un principe d’incertitude psychologique : il y a l’impossibilité d’être totalement conscient de ce qui se passe dans la machinerie de notre esprit, lequel conserve toujours quelque chose de fondamentalement inconscient. Il y a donc la difficulté d’un auto-examen critique pour lequel notre sincérité n’est pas garantie de certitude, et il y a les limites à toute auto-connaissance. Continue reading

Donner les moyens d’affronter un monde de plus en plus complexe

Les programmes actuels ont déjà le projet ambitieux de contribuer à construire le « futur citoyen actif dans la cité ». Les finalités affichées dans les textes introductifs aux programmes témoignent de la volonté de la République de transmettre des valeurs qui fondent le vivre ensemble et tout un patrimoine culturel constitutif d’une identité partagée. Il n’est pas question de les renier, mais de réfléchir au hiatus grandissant entre cet idéal d’excellence et la réalité de l’École de la République sur le terrain. Il y a urgence désormais à se donner les moyens de cet idéal.

Deux raisons majeures pour placer la question des savoirs au cœur du futur projet pour une École du XXIe siècle :

Vivre au XXIème siècle, dans un monde globalisé, où sciences et technologies évoluent très rapidement*, suppose l’accès à des savoirs plus complexes : il ne s’agit plus seulement d’additionner des savoirs de base (lire, écrire, compter, se repérer dans le temps et l’espace), mais d’accéder à la « pensée complexe » inlassablement décrite dans toute l’œuvre d’Edgar Morin.

Penser l’École aujourd’hui, c’est aussi avoir présent à l’esprit que nos enfants entrant aujourd’hui au CP, auront 20 ans en 2027 ! Que sera-t-il pertinent d’avoir comme « bagage » (au sens noble du terme) dans ce monde futur ? Les connaissances sont rapidement obsolètes dans certains secteurs. Des disciplines, aujourd’hui situées hors du champ de la scolarité obligatoire, apparaissent (ou apparaîtront vite) comme indispensables. Il faudra bien faire des choix dans la masse devenue exponentielle des savoirs amassés par l’Humanité comme devant être « transmis » ?

Les savoirs enseignés et les outils intellectuels indispensables pour les appréhender sont donc à repenser de fond en comble et doivent faire l’objet d’une réflexion collective. Ces questions doivent être au cœur d’un débat de la société toute entière, dépassant les clivages partisans. Non, il ne doit pas y avoir un « discours de gauche sur les savoirs », mais la volonté partagée de « régénérer une culture humaniste laïque » permettant « d’armer intellectuellement les adolescents pour affronter le XXIème siècle » (Morin, 1998).

Il ne s’agit pas ici d’un discours incantatoire, mais de choses que nous vivons les uns et les autres (et nos enfants) au quotidien. Dans le monde actuel, un citoyen voulant comprendre son environnement, y agir en conscience et de manière responsable, est confronté à des savoirs plus complexes que par le passé. Les débats sur le réchauffement planétaire, les modèles de développement durable, les questions éthiques posées par les progrès de la médecine, la pertinence de telle ou telle technologie face à des choix écologiques, les problèmes posés par l’économie et la finance, les problématiques institutionnelles ou administratives, les questions de droit … autant de questions qui intéressent le citoyen mais nécessitent des outils intellectuels et des connaissances plus élaborés que par le passé. Nous ne sommes plus dans une conception additive de la connaissance, où il suffirait, à partir de savoirs de « base », d’accumuler jusqu’à l’encyclopédisme. D’ailleurs, ceux qui revendiquent une telle position (dans les débats contre les pédagogues en particulier), oublient – tellement ils ont intégré culturellement ces processus culturels – qu’ils manipulent des compétences de l’ordre d’un méta-savoir, un savoir sur le savoir qui leur permet sans problème de faire des liens, d’abstraire, de penser en surplomb ce qu’ils disent n’être simplement que des savoirs faciles à engranger. Si aujourd’hui, les choses étaient si simples, cela se saurait. Continue reading