De l’ENS à l’Université de technologie, portrait d’un agrégé

Yacine est PRAG, agrégé de sciences industrielles, en détachement depuis 4 ans à l’Université de technologie de Compiègne, à la fois école d’ingénieurs et université. Il nous présente la palette de ses missions, en tant qu’enseignant du second degré détaché dans l’enseignement supérieur.

Comment as-tu obtenu ce poste à l’UTC ?

Je suis sorti de l’ENS Cachan en 2012 après avoir obtenu mon agrégation de mécanique. J’ai ensuite poursuivi mes études avec une thèse à l’université de Grenoble, et exercé un an la fonction d’ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche). J’ai été recruté il y a 4 ans sur un poste de PRAG (professeur agrégé affecté dans l’enseignement supétieur) à l’Université de technologie de Compiègne. Pour candidater, je suis passé par l’application Galaxie qui diffuse des offres de postes de détachement dans l’enseignement supérieur. Chaque entité y précise le profil des enseignants recherchés. On dépose ensuite un dossier et on est convoqué pour un entretien.

En quoi consiste ton service d’enseignement ?

À l’UTC, les étudiants choisissent leurs cours, on a affaire à des gens motivés. J’assure principalement des cours d’ingénierie mécanique : conception assistée par ordinateur, résistance des matériaux, technologie, fabrication… Mais j’ai une part de plus en plus importante d’enseignement dédié à l’éco-conception. Il s’agit d’intégrer la dimension environnementale en conception de produit. C’est passionnant, cela permet de repenser de façon plus globale le rôle de l’ingénieur face aux défis climatiques et aux enjeux de soutenabilité actuels.

De nombreuses d’activités se déroulent sous forme de projet. Les étudiants sont très autonomes et le suivi est enrichissant. Je pense qu’on apprend autant qu’on leur enseigne. Les cours se déroulent de septembre à janvier et de février à juin avec une pause inter-semestrielle de 5 semaines.

Dans cette période de confinement (mars/avril 2020), je travaille sous forme de capsules vidéos, des espaces ont été créés pour centraliser les questions, des visios sont organisées pour les échanges… Tout prend plus de temps, on a donc ouvert des créneaux supplémentaires pour éviter que des étudiants décrochent. Il faut surtout prendre en compte qu’ils n’ont pas tous les mêmes possibilités de connexion, la fracture numérique touche aussi l’enseignement supérieur.

Assures-tu d’autres missions, à part l’enseignement ?

L’accompagnement des étudiants est une tâche importante, le format de cours à la carte impose d’en suivre un certain nombre pour les guider au mieux dans la construction de leur cursus. En plus des activités d’évaluation classiques (examens, contrôle continu compte rendu de TP, rapport et visite de stage…), j’assure aussi des suivis de projet, qui sont intégrés dans mon temps de service. Pour donner un exemple, nous avons eu un partenariat avec Decathlon qui nous a proposé de travailler sur l’éco-conception d’un de leur produit, cela représente en moyenne une demi-journée avec 3 étudiants par semaine.

J’ai aussi des tâches administratives, je dois ainsi gérer les intervenants extérieurs, les accompagner dans les démarches en lien avec les services de l’université, acheter les logiciels, le matériel pour mes cours… Par ailleurs, je réussis à mener des projets en lien avec d’autres structures. Je participe à un projet de plateforme de ressource pédagogique avec l’Université de Grenoble Alpes ou au co-encadrement d’une thèse sur l’enseignement de l’éco-conception.

Comment se déroule ta carrière en tant qu’agrégé détaché comme PRAG ?

Je viens de faire mon premier rendez-vous de carrière il y a 3 mois. C’est la responsable du département dans lequel je travaille qui m’a reçu en entretien mais la grille d’évaluation n’est pas forcément adaptée aux missions que j’assure. Les relations avec les parents d’élèves, par exemple… J’ai produit un bilan d’activité pour ce rendez-vous, et maintenant, j’attends les résultats.

En conclusion, avec le recul de ces 4 années, comment juges-tu cette expérience dans l’enseignement supérieur ?

La manière dont on gère notre carrière est curieuse, on a l’impression d’être « invisibles » pour le rectorat. Mais dans le monde universitaire, les enseignants du second degré sont aussi un peu à part. Si je prends encore une fois l’exemple de l’éco-conception, c’est un thème en constante construction, il est impératif de suivre l’avancée des recherches sur le sujet. Mais les conférences ont un coût non négligeable (environs 650 euros sans l’hébergement ni les transports). Les enseignants-chercheurs bénéficient de contrat de recherche mais un PRAG n’entre pas dans les cases habituelles… Cela dit les départements d’enseignement peuvent parfois prendre à leurs charges ses dépenses. Ainsi, je participe ainsi régulièrement au colloque du réseau S.mart (ex AIP Priméca). Cela me permet de rencontrer d’autres enseignants du supérieur et de partager nos expériences.

Je suis très satisfait de mon travail, en revanche un agrégé doit bien être conscient que côté rémunération, son traitement est bien inférieur à ce qu’il peut percevoir en CPGE. Néanmoins, la liberté pédagogique dont on dispose est formidable.

Dispositif pour décrocheurs : comment s’organise la continuité ?

Le ministre de l’éducation nationale communique sur les 5 à 8 % d’élèves qui auraient décroché du fait de la situation de confinement. Qu’en est-il des jeunes déjà identifiés avant le confinement comme décrocheurs ou présentant un risque de le devenir ?
Une Enseignante Coordonnatrice de la MLDS (Mission de lutte contre le décrochage scolaire) témoigne.

La MLDS vise à prévenir le décrochage scolaire, faciliter l’accès au diplôme et à la qualification des jeunes en situation de décrochage, sécuriser les parcours de formation.

D’une part, «  les jeunes décrocheurs avec lesquels, suite à un travail sur la définition du projet professionnel, nous étions en train de chercher à confirmer et/ou valider un projet de réorientation avec des stages ». Ceux-ci sont  déçus et frustrés que ces stages soient suspendus ou reportés et un lien téléphonique est maintenu avec eux.

D’autre part, « les jeunes allophones (Non Scolarisés Antérieurement) » pour lesquels la continuité pédagogique avec les enseignants est très difficile à réaliser : « sur 15 élèves seulement 3 ont un accès occasionnel aux outils numériques avec lesquels ils ne sont pas encore totalement autonomes ». Difficile pour ces jeunes de garder un rythme scolaire, tristesse de ne plus pouvoir aller à l’école (opportunité que certains ont pour la première fois de leur vie), inquiétudes quant à la possibilité de passer cette année l’examen du DELF (diplôme d’études en langue française) et à leur poursuite d’études l’année prochaine en CAP.

Il a fallu trouver des solutions : « je leur demande de regarder tous les matins l’émission Lumni niveau primaire sur France 4 proposant des séances en français et en mathématiques. Chaque jour, par roulement, je les appelle afin de travailler et échanger avec eux sur ces cours : compréhension du vocabulaire, lecture à voix haute (si besoin envoi par MMS du texte que j’ai pris en photo lors de la diffusion), entraînement aux calculs mathématiques… Les jeunes qui ont un crédit téléphonique envoient par MMS des photos de leur cahier d’exercices. « J’ai aussi proposé aux autres enseignants qui interviennent de me faire parvenir des exercices imprimables que je transmets aux référents des jeunes afin qu’ils les leur distribuent.»

Les échanges téléphoniques permettent un travail totalement individualisé, en fonction des difficultés et des points forts de chacun : « de 30 minutes au début, avec une durée record de 2 heures 30 », ils sont aussi l’occasion d’aborder des thématiques extra-scolaires,  renforçant ainsi le lien déjà établi.

Propos recueillis par Giaretti Sophie

Photo de David Waschbüsch provenant de Pexels

Gestion des AED, Caroline CPE témoigne

Caroline exerce dans une équipe composée de 2 CPE et 10 assistants d’éducation (à temps plein ou mi-temps) pour 750 élèves dans un collège de l’académie d’Amiens avec SEGPA et ULIS.

En qualité de CPE, comment définissez-vous la posture éducative des assistants d’éducation ? Comment s’observe-t-elle ?

Sans trop réfléchir et concrètement, il me vient tout de suite à l’esprit de préciser au sein de la posture éducative : posture morale, posture langagière et posture physique. Il s’agit concrètement des paroles, des gestes du quotidien. Ces postures sont développées sur les missions de surveillance, par exemple dans la cour de récréation, les abords de l’établissement, aux entrées et sorties des élèves, pendant le service en restauration scolaire… au gré des situations qui se présentent et des interventions de l’AED en conséquence. Il s’agit aussi du savoir-être et savoir-faire dans des situations sociales davantage construites : prise en charge de la permanence, animation du foyer, développement et participation à des projets en externat ou internat, participation éventuelle au dispositif devoirs faits, tutorat…

Quelles sont vos attentes ? Pensez-vous que les attentes peuvent être différentes d’un établissement à un autre et/ou d’un professionnel à un autre ?

La toute première attente me semble être l’exemplarité. Afin d’apprendre aux élèves la courtoisie, la ponctualité, l’assiduité, le vivre ensemble… Tout ce qui compose la vie collégienne/lycéenne et donc la préparation de la vie en société, tout adulte du collège qu’il soit AED, CPE, enseignant… se doit de montrer le chemin. L’enjeu est d’être crédible face à un public adolescent pour qui la justice est essentielle. L’assistant d’éducation est un adulte référent pour l’élève, je dirais même un modèle. Les attentes sont majoritairement les même à mon sens : être dans le respect des valeurs et principes de la République en terme d’égalité, neutralité… J’attends d’un AED qu’il soit un minimum investi et intéressé par ses missions. Si pour lui, ce n’est qu’un « job alimentaire » alors ses semaines vont être subies. Nous devons lutter encore quotidiennement contre l’image du « pion ». Les quelques petites différences dans la posture éducative d’un établissement à un autre peuvent se ressentir selon les règles de vie de l’établissement, le règlement intérieur.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les AED et quelles hypothèses d’explications pouvez-vous émettre ?

Il n’est pas simple pour eux de se positionner et c’est normal. Je disais qu’ils étaient un modèle pour les élèves et il y a en ce sens un certain revers de la médaille. Il s’agit en permanence de doser proximité et distanciation avec les élèves. Un AED bien installé dans son établissement, en connait parfois beaucoup sur la vie de certains élèves : ses conditions de vie, ses passions, ses peines de cœur etc… Je dis toujours à la réunion d’équipe de prérentrée « vous êtes nos yeux et nos oreilles ». Ils en connaissent plus que nous parfois et que les enseignants. Ils ont un rôle de « coach en vie sociale » presque. Cette proximité peut engendrer des risques de dérives, lorsqu’un élève ne voit plus l’AED comme un adulte dans une situation de tension. Si l’AED se doit de toujours travailler son positionnement, sa posture et a donc ses responsabilités dans les relations construites avec les élèves, on ne peut pour autant le blâmer en cas de petites erreurs. Il faut être exigeant mais aussi bienveillant en tant que CPE vis-à-vis de ses AED. N’oublions pas qu’ils sont recrutés dès 18 ans, avec le diplôme du baccalauréat. Ils n’ont pas reçu notre formation de CPE ou d’enseignant. Ils sont toujours en première ligne, présents jusqu’à 41h/semaine en établissement, ils sont humains et ont donc tout comme nous, leurs moments de fatigue.

Dans le cadre de vos missions, que mettez vous en place pour développer les compétences des AED dans ce domaine ?

C’est là que la casquette de chef de service de la vie scolaire se porte. Nous nous disions récemment avec mon collègue « nous avons l’équipe que nous méritons », « à nous de permettre leur progression ». Le pack basic choisi avec mon collègue CPE est de mettre en place et stabiliser une gestion des ressources humaines. Nous programmons un entretien individuel par AED en décembre/janvier et un entretien de fin d’année dans lesquels nous abordons notamment la posture éducative avec un outil que nous avons repris à l’établissement et adapté : une grille d’évaluation. Comme les grilles d’évaluation pour enseignants ou CPE, elles sont annotées et chaque point est évalué entre « à consolider » et « excellent ». Nous faisons part de nos observations positives et de nos recommandations pour les perspectives de progression. La grille d’évaluation est reprise pour l’entretien de fin d’année et l’année suivante afin d’avoir un réel recul sur le parcours de l’AED. Nous avons instauré également une réunion d’équipe chaque premier lundi après les petites vacances scolaires. Ces deux rituels que sont les entretiens individuels et les réunions d’équipe sont des espaces de parole pour les assistants d’éducation. Ces rituels prennent du temps (de préparation, l’instant T, les comptes-rendus…) mais sont essentiels pour faire progresser les AED dans leur posture éducative et leurs missions.

Chaque AED a un potentiel, une compétence particulière que l’autre n’a pas. Il faut la repérer et tenter de l’exploiter. Des exemples sont nombreux : un AED référent TICE, un AED mobilisé dans l’ASSR, un AED mobilisé dans le dispositif devoirs faits, un AED organisant un club etc….

Enfin et pas des moindres, au delà de la simple GRH du service, il s’agit de penser la formation des AED. Elle peut être construite par les CPE eux-mêmes ou être mobilisée via des partenaires ou associations. Selon le diagnostic des CPE, les besoins en formation peuvent être différents.

Tout ce que je viens de citer sera développé dans le projet de service en cours de rédaction avec mon collègue et pour lequel les assistants d’éducations ont été sollicités pour leurs observations et idées pour faire évoluer le service.

Bien évidemment, c’est un exemple de fonctionnement de vie scolaire parmi d’autres, qui n’est pas plus valable que celui du voisin. Les stratégies varient en fonction des constats, des faisabilités et des besoins différents mais aussi pour le coup d’un CPE à l’autre peut être.

Quelles limites observez-vous des actions mises en place ? Selon vous, la politique éducative sur les fonctions d’assistants d’éducation devrait elle évoluer et pourquoi ?

Il y a un manque de temps et de moyens. C’est une horlogerie à part entière car par exemple pour réunir l’ensemble des manques de l’équipe, c’est forcément hors temps scolaires. Ces heures sont bien évidement comptées en heures travaillées et nous avons opté pour les faire intégrer dans la 3ème semaine administrative non stabilisée dans le calendrier.

Il n’est pas non plus évident de travailler la posture éducative, les compétences des AED en la matière alors que la priorité va être l’encadrement et la sécurité des élèves. J’ai une assistante d’éducation qui a par exemple un Master FLE et a donné des cours de français aux USA, elle passe d’ailleurs le CAPES et l’AGREG, mais nous ne pouvons lui donner qu’une heure par semaine de cours FLE en binôme avec une enseignante du collège. Nous avons beau avoir trituré dans tous les sens les fiches de postes, je ne peux pas lui en donner davantage sinon ce serait au détriment des postes de permanences, de la cour…

Étant dans mon établissement actuel depuis 6 mois, je n’ai pas encore le recul nécessaire pour mesurer pleinement les effets bénéfiques et les limites des actions mises en place.

Bien sûr que la politique éducative sur les missions des assistants d’éducation pourrait évoluer. Ne serait-ce qu’en termes de reconnaissance. Ils font partis des personnels les plus présents au sein de l’établissement en termes d’heures travaillées et sont pourtant les moins bien payés. En tant que CPE, j’aimerais aussi bénéficier de moyens pour leur formation. Chaque CPE ne peut s’improviser ingénieur en formation du jour en lendemain, il faut du temps, nous avons besoin de ressources, de moments de partages entre collègues…. Enfin, pour aller jusqu’au bout de la notion d’assistant d’éducation, je pense que pour tendre vers une vraie professionnalisation des agents, la création d’un corps à part entière est nécessaire. Si nous voulons rendre les agents impliqués, exemplaires, intéressés… nous avons besoin qu’ils aient un sentiment d’appartenance à l’Éducation nationale. Alors pourquoi pas les fidéliser ? Je crois aussi en la fonction « tremplin » pour certains étudiants et n’ai pas de déterminismes sur le sujet. C’est à débattre et à réfléchir concrètement…

Caroline Letot, CPE dans l’académie d’Amiens

Le parcours de Mélanie, enseignante TZR de Lettres modernes

Lors de votre année de première, vous avez participé au « Prix Goncourt » des lycéens. En quoi consistait cette opération ? Quels souvenirs en avez-vous ? Diriez-vous que votre implication dans ce projet a joué un rôle dans votre désir de devenir enseignante ? Pourquoi ?

Notre professeure avait inscrit la classe et, dès le jour de la rentrée, elle nous a indiqué que nous aurions une quinzaine de livres à lire. Il s’agissait de la sélection de l’Académie Goncourt qui se trouve à Rennes que nous devions lire en seulement deux ou trois mois. Nous avons dû choisir notre trio de tête qu’un délégué “Goncourt”, élu par la classe, est allé défendre à l’échelle régionale, puis nationale jusqu’à élection d’un lauréat.
Ce projet, mené par la classe et dirigé par notre enseignante de français, a été très enrichissant sur plusieurs plans. D’abord, sur le plan individuel puisqu’il nous a fait lire, dans un temps très limité, de nombreux ouvrages variés.
Ensuite, sur le plan de la classe car nous ne nous connaissions pas ou très peu et il a fallu, dès les premiers jours de l’année, collaborer autour de ce projet qui nous paraissait complètement fou.
Ce projet a indéniablement joué un rôle dans mon désir de devenir enseignante, notamment de Lettres, car cela a totalement changé ma façon de concevoir les cours de français. J’aimais déjà lire, mais j’avais choisi la section L dans l’intention de devenir journaliste. Me retrouver face à une enseignante investie à ce point dans ce projet, qui a été très porteur pour chacun, m’a convaincue que c’était ce que je voulais faire à mon tour. Je souhaitais désormais transmettre le goût de la lecture avec autant d’enthousiasme et de dynamisme ainsi que susciter la curiosité de mes élèves.

Vos premiers pas en pédagogie ont eu lieu dans le cadre de cours particuliers. À quel public vous êtes-vous adressé ? Diriez-vous que votre accompagnement a permis le progrès de vos élèves ? En quel sens ?

Je me suis adressée à un public de jeunes collégiens scolarisés en 6ème et 5ème. J’ai pu apporter aux élèves une aide dans la méthode de travail, leur montrant ainsi que nous pouvons tous surmonter nos difficultés, à notre rythme, et y arriver sans se sentir dévalorisé. La principale source de motivation d’un élève, c’est de savoir qu’il peut progresser et atteindre le but visé.

En tant qu’étudiante, vous avez investi plusieurs emplois saisonniers. Que vous a apporté la diversité de ces expériences dans l’exercice de votre métier d’aujourd’hui ?

Les emplois saisonniers ont jalonné mon parcours depuis l’obtention du baccalauréat jusqu’à l’obtention du CAPES. Ils ont été, à chaque moment, autant de pas qui m’ont permis de parcourir mon cursus d’études supérieures.
J’ai pu y apprendre à être responsable, rapidement autonome tout en travaillant en équipe, et j’y ai aussi développé des compétences relationnelles. J’ai pu y côtoyer des personnes très différentes avec lesquelles j’ai appris à échanger et à collaborer. Bien que cette expérience dans sa globalité ait été très éloignée du métier que je pratique actuellement, elle a été très formatrice et certaines compétences, très transversales, ont pu être réexploitées dès mon année de stage.

Durant la préparation de votre Master MEEF, vous avez travaillé pendant plusieurs mois sur la romancière belge Amélie Nothomb. Quelles étaient les grandes conclusions de votre mémoire ? Quel regard portez-vous sur la bibliographie de l’auteur ? Quel roman préférez-vous ? Pourquoi ?

J’ai étudié plusieurs œuvres d’Amélie Nothomb avant tout parce que c’est à travers ses ouvrages que j’ai développé davantage mon goût pour la lecture. J’ai lu tous ses livres.
C’est le plus naturellement du monde que j’ai décidé de porter mon sujet de mémoire sur ses œuvres, une façon pour moi d’associer travail et plaisir. J’ai voulu montrer qu’une autrice contemporaine pouvait reprendre à sa charge des grands questionnements déjà traités en littérature en y apportant un éclairage neuf sans perdre en qualité. La littérature contemporaine doit être valorisée, d’abord parce qu’il n’y a pas de raison de la laisser de côté mais aussi parce qu’elle séduit davantage nos élèves.
Enfin, il me semblait intéressant de mettre en lumière les liens qui existent entre ses œuvres, rendant bien plus riche la lecture et l’interprétation de celles-ci. J’avais à cœur de rendre compte de cette conception que j’avais de ses ouvrages, autour de laquelle j’ai pu échanger avec l’autrice elle-même. Il s’agit, une fois de plus, de tenter de transmettre une part de mon regard sur les choses aux autres.

Lors de votre année de T1, vous avez piloté un club théâtre avec des élèves du cycle central. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Le club théâtre était une demande de certains de mes élèves. J’ai décidé de les accompagner dans cette aventure qui, comme tout projet, ne pouvait qu’être épanouissant.
Après en avoir brièvement parlé à mes élèves de 5ème, nous avons créé des affiches présentant notre projet aux autres élèves du collège. Parallèlement, le B.V.S. se chargeait de tenir le registre des inscriptions à la séance de présentation.

Une fois la pièce choisie par les élèves et moi-même, nous avons donc présenté le projet aux élèves curieux de découvrir ce club qui prenait vie. Les répétitions se tenaient toutes les semaines, le mardi sur la pause méridienne. La distribution des rôles a été assez facile : les élèves choisissaient et débattaient entre eux de la répartition des rôles puis nous avons trouvé des compromis quand il le fallait. Certains élèves voulaient des rôles avec moins d’interventions par souci de timidité ou d’apprentissage du texte, tout était une question de proposition adaptée à leurs souhaits. Nous avons pu travailler autour de petits ateliers pour que chacun s’épanouisse à son rythme dans cet exercice particulier du théâtre. Ensuite, nous avons rapidement joué, reprenant les moments moins faciles à interpréter jusqu’au moment de la représentation.
Il y en a eu trois : une qui servait de répétition générale, visant à habituer les élèves à jouer devant un public, puis deux durant la journée des savoir-faire devant des classes, des professeurs et quelques parents.

Vous êtes particulièrement sensible à l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers dans vos classes. Que souhaitez-vous partager sur une expérience d’inclusion scolaire dans un collège classé en éducation prioritaire ?

Dès mon stage d’observation en M1, j’ai rencontré des élèves à besoins éducatifs particuliers au sein de l’UPE2A du collège. Le contact avec ces élèves a eu une influence toute particulière sur ma vision du métier : ils étaient tous tellement demandeurs et investis. Lors de mon année de stage, j’ai eu l’occasion d’accueillir dans mes classes des élèves provenant de l’UPE2A. C’est une chance pour nous de les inclure puisque ça nous pousse à revoir notre contenu et notre approche pédagogique. Étant professeure de français, il est primordial d’apporter de l’aide aux élèves dans cette situation.
J’ai aussi enseigné à des élèves relevant de handicaps divers et c’est un enjeu majeur de parvenir à leur proposer un enseignement adapté.
Il est très gratifiant de pouvoir intervenir positivement dans le développement des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Depuis votre titularisation, vous êtes titulaire sur zone de remplacement. Quels avantages et inconvénients voyez-vous à cette situation administrative ?

L’avantage majeur de cette situation, c’est de pouvoir découvrir des établissements très différents. En deux ans, j’ai enseigné dans trois collèges de profils différents : un établissement REP, un établissement de centre-ville et un autre, plutôt de périphérie. J’ai également enseigné en lycée, dans un très grand établissement et avec un public très particulier puisqu’il s’agit d’une classe de 1ère STI.
Tout cela a participé à enrichir considérablement mon expérience, à me pousser à diversifier mes pratiques d’enseignement, puisque j’ai exercé mon métier avec tous les niveaux du collège et deux du lycée. Il faut savoir s’adapter et la situation de TZR nous l’enseigne chaque jour.
Le principal inconvénient, c’est de ne pas toujours pouvoir se projeter sur des projets au sein des établissements puisqu’ils sont souvent préparés en amont. Il peut être plus confortable de bénéficier d’un poste fixe pour travailler davantage en équipe, sur des EPI par exemple ; mais on parvient tout de même à s’impliquer après un légitime temps d’adaptation et de découverte des collègues.

Vous réfléchissez actuellement à votre implication dans la formation initiale des collègues. Quelles sont les idées que vous avez en tête en la matière ? Quelles autres perspectives de carrière verriez-vous à moyens termes ?

J’aimerais effectivement m’inscrire dans une logique d’accompagnement des collègues dans tout ce qu’elle englobe. Il leur faut répondre à des attentes institutionnelles, tout en parvenant à s’épanouir dans le métier qu’ils découvrent.

Les années de master, durant lesquelles nous nous préparons au métier, sont intenses puisque nous devons apprendre à être en face des élèves, tout en fournissant un travail universitaire dans le même temps et ce n’est pas toujours évident de comprendre les attendus de chacun. C’est en ce sens que je souhaiterais les accompagner, en les épaulant et en facilitant leur expérience en établissement.

Il est également important pour chacun de parvenir à s’épanouir dans son métier et j’aimerais échanger autour des pratiques d’enseignement, qui varient d’une personne à une autre, afin d’apporter des éclairages différents sur la pratique des jeunes collègues. Le plus important est de se questionner, mais aussi de questionner les autres pour développer sa pratique. Sans ces temps d’observation et de réflexion, il est difficile pour les jeunes collègues, mais aussi pour l’enseignant qui les accompagne, de déployer une pratique épanouissante.

Parmi vos centres d’intérêt figurent l’environnement et les animaux. Quelles formes d’engagement recouvrent pour vous ces 2 thématiques ? Pensez-vous vous impliquer, en tant qu’enseignante, dans l’éducation au développement durable ? Comment ?

C’est un engagement au quotidien qui passe par toute sorte de petits gestes permettant d’améliorer notre positionnement sur ces thèmes.

Tout d’abord, il faut échanger et rester ouvert face à ces sujets qui sont primordiaux actuellement. D’ailleurs, l’un ne va pas sans l’autre. Il n’y a pas de conduite parfaite à reproduire, il s’agit de faire au mieux selon nos capacités à nous défaire de certaines habitudes. Le plus important, c’est la prise de conscience et la volonté de s’améliorer.

Je soutiens des associations qui œuvrent dans ce sens comme Greenpeace, la SPA et L214, et je consulte également des contenus qui permettent de s’informer sur les réseaux sociaux et internet. J’utilise d’ailleurs des moteurs de recherches qui ont un impact positif dans ce sens : Ecosia pour qui plante des arbres et Youcare qui nourrit les animaux.

Dans mon quotidien, rien n’a drastiquement changé : je limite mes déchets en passant par du fait-maison, j’ai un compost, je trie, j’essaie de consommer au maximum local, je respecte la saisonnalité des fruits et légumes, j’utilise le moins d’emballages plastiques que possible, je me lance dans un petit potager et j’essaie de trouver des alternatives réutilisables ou durables à tout le jetable qui envahit notre quotidien.

Mélanie Pernot-Salvalaio,
enseignante TZR de Lettres modernes dans l’académie de Besançon