Colloque « Numérique, le métier augmenté »

La révolution numérique implique un changement de paradigme dans le monde du travail en général, du travail enseignant en particulier. Loin de se résumer à l’usage d’outils numériques, elle marque l’arrivée de méthodes de conception, de production, de collaboration qui bousculent les fonctionnements établis. Elle enthousiasme tout autant qu’elle inquiète.

De très nombreux travaux ont déjà été consacrés aux apports du numérique en pédagogie et à l’utilisation d’outils numériques dans la classe. De même, les modifications profondes qu’apporte le numérique dans l’accès aux savoirs et par voie de conséquence la remise en cause du rôle de l’enseignant comme « détenteur des savoirs » au profit d’un rôle de « médiateur des savoirs» sont des entrées déjà bien connues.

Dans ce colloque, nous souhaitons plutôt interroger l’impact de la transformation numérique sur d’autres dimensions du métier d’enseignant et de son exercice comme la formation initiale, la formation continue et le développement professionnel, les relations avec les parents, les relations avec la hiérarchie, la préparation de la classe, etc… Nous souhaitons explorer en quoi le numérique peut faciliter et enrichir l’exercice de notre métier mais aussi prendre la mesure des risques que peut entraîner un développement qui serait mal pensé et mal accompagné.

Dans son rapport intitulé « Transformation Numérique et vie au travail » remis en septembre 2015 à la ministre du travail, Bruno Mettling voit la transformation numérique comme « d’abord une chance, une opportunité pour permettre la mise en place progressive de nouvelles organisations du travail plus transversales, plus souples, de nouveaux modes de fonctionnement plus collaboratifs et plus coopératifs ». L’enjeu pour l’éducation, les enseignants et leurs organisations syndicales est de bien anticiper les changements pour se saisir des chances qu’ils offrent mais aussi en réduire les risques. Car pour nous, le développement du numérique doit se traduire par une amélioration de la qualité de vie au travail.

Rendez-vous le 25 mai à Paris pour ce colloque ouvert à tous, inscrivez-vous sur le site du SE-Unsa.

En attendant vous pouvez lire ici de nombreux témoignages de collègues qui se racontent dans leur rapport au numérique, ils seront mis en ligne progressivement jusqu’au colloque.

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Comment les ENT font évoluer le métier d’enseignant

Dans le cadre du colloque #ProfÉtik, organisé le 25 mai 2016, nous avons interrogé Philippe Cottier, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Nantes, qui dirige un ouvrage sur « le lycée en régime numérique ». L’universitaire présente de manière complète, à partir d’une étude menée dans l’académie de Nantes, ce que les ENT font au lycée et à leurs enseignants.

Le lycée en régime numérique.Usages et compositions des acteurs, coordonné par Philippe Cottier et François Burban, à paraître (juin 2016) aux éditions Octares

Les ENT se développent dans les collèges et lycées avec une politique volontariste, menée par différents acteurs. Ce développement des ENT conduit-il à des changements réels sur les pratiques numériques des enseignants ?

Oui et non. En fait, ce ne sont pas seulement les ENT qui transforment les manières de faire. Les moyens qu’ils nécessitent et la manière très descendante selon laquelle ils ont été imposés les rendent sans doute très emblématiques mais cela ne doit pas masquer le développement généralisé de technologies numériques qui imprègnent toutes les sphères de notre société : réseaux, contenus, logiciels, plateformes, supports, terminaux, etc. Elles accompagnent des transformations profondes de nos sociétés contemporaines et l’enseignement n’échappe bien évidemment pas à ce mouvement de fond. Continue reading

3 questions à Franck, CPE

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Les avantages sont de pouvoir communiquer de façon propre et “moderne”. La maitrise des outils permet de réaliser des présentations, des documents, des médias, des vidéos… de qualité.

Les différentes applications créent un lien plus étroit avec les familles. Celles-ci sont informées en temps réel des évènements de la vie scolaire, des notes et elles sont beaucoup plus facilement joignables par un email… Bref la coéducation s’en trouve facilitée, mais bien sûr tout dépend du rapport à l’école de la famille. En effet, ces modes de communication favorisent la réaction à chaud, une implication qui peut parfois être ressentie comme une intrusion.

Le CPE améliore sa connaissance de la globalité de l’élève en particulier au niveau pédagogique. Lors d’un entretien,  il dispose en quelques secondes d’un bilan Vie scolaire, d’un accès aux bulletins trimestriels, d’une vue sur le cahier de texte… etc.

Les limites : tout d’abord les compétences face à l’outil informatique et l’utilisation des différentes applications. Ce sont des limites qui ne devraient plus exister mais… la formation est largement déficitaire. Les nouveaux outils peuvent être vecteurs de dérives :

– le téléphone portable sert de plus en plus « à tout » (téléphone, appareil photo, appareil sonore, enregistreur, calculatrice, montre…)

– les applications ou les  réseaux sociaux sont souvent utilisés de façon inappropriée et peuvent être source de phénomènes de harcèlement, d’agressivité, d’insultes. Ils induisent une distance par rapport à l’acte, une « virtualisation » de l’acte qui pose le problème de la prise de conscience, de la réaction, de l’insécurité permanente et il est difficile pour le CPE d’intervenir dans ce monde qu’il ne connait pas, qu’il ne vit pas.

Juste pour le citer, la non constance des décisions politiques (ex : les tablettes dans le Jura) ne sont pas pour faciliter l’entrée de l’école dans le numérique.

2. L’environnement numérique de travail a-t-il changé le métier de CPE ?

Je ne suis pas sûr qu’il ait changé le métier de CPE . Il en change les modes opératoires mais ce n’est pas l’environnement numérique qui modifie le cœur du métier à savoir la relation humaine. Notre métier est un métier de communication. Certes les outils changent les habitudes, rendent certains comportements paradoxalement plus visibles (le harcèlement moral par exemple), peuvent distancier la relation aux familles. Cependant, il y a un moment où la rencontre physique s’impose, car le métier de CPE a besoin de moments solennels et réels, de moments passés ensemble, en groupe.

L’utilisation de la messagerie pour communiquer permet de multiplier les échanges, de différer sa prise en charge et ainsi d’être peut-être moins soumis à l’urgence. En revanche, étant au cœur de l’établissement, le CPE se voit littéralement envahir de messages de toutes sortes et d’une utilité quelquefois bien relative. Là non plus rien ne change, le CPE a toujours dû prioriser son action.

3. La fonction de référent numérique dans ton établissement t’a-t-elle permis de développer de nouvelles compétences professionnelles ?

Oui et non. La fonction de Référent Numérique, et plus largement la gestion du numérique, est un travail à part entière. La non prise en compte de cette nécessité explique aussi la lente mise en place du numérique au sein de nos établissements. Il suffit d’observer, après le départ d’un personnel, la difficile continuité de l’utilisation complète d’un logiciel comme Pronote (et je n’ose même pas parler d’Énoé, Siècle notes et Absences beaucoup moins faciles d’accès) ou l’actualisation du site de l’établissement. Il n’est pas exceptionnel de constater, sur certains sites, des actualités datant de plusieurs années. Le Référent Numérique est censé être centré sur le pédagogique. Mais qui s’occupe de la gestion administrative des logiciels utilisés, de la communication externe, ce n’est pas le rôle de l’AMI, donc de qui ? Du chef d’établissement ou de son adjoint ? Encore faut-il qu’il en ait les compétences et l’envie.

Les collègues sont souvent volontaires pour découvrir, conscients du manque de connaissances qu’ils ont, du fossé qui les séparent de leurs élèves. Mais qui pour les former, pour effectuer la veille numérique demandée ? et quand ? Le temps passé par le Référent Numérique à se former tout seul peut déjà largement remplir le montant de l’IMP voté en CA. La bonne volonté, oui bien sûr, on s’adresse à des « passionnés »…

Oui j’ai développé de nouvelles compétences mais loin de ce que j’aurais souhaité. En même temps ce n’est pas un métier, c’est une fonction. Les tâches quotidiennes du métier de CPE me prennent largement « tout mon temps »… mais les candidats ne se bousculent pas pour reprendre la mission de Référent Numérique.
 

Franck Lecoultre

 

4 questions à Marie-Paule, conseillère pédagogique

Quels sont les avantages de l’utilisation du numérique pour l’exercice de ton métier ?

Le numérique constitue une grande part de mon quotidien professionnel. Il est devenu incontournable. Il permet une grande souplesse, de différer et s’articule autour de trois axes :

Les échanges professionnels : Ainsi, en arrivant au travail, le matin, mon premier geste est d’ouvrir ma messagerie et de consulter mes mails. En effet, quasi 100% des échanges avec les collègues enseignants dans les écoles se font par mail. De même, le mail est devenu vecteur principal d’échanges avec des partenaires extra-scolaires ou  administratifs. L’usage du téléphone est quant à lui, marginal. De plus, l’usage de Viaeduc devient par la constitution de groupes avec thématiques un puissant moyen de communication, d’échanges de données en lien avec la nature des thématiques choisies par les groupes.

Mais paradoxalement, alors que les échanges sont grandement facilités, ils sont plus « invasifs » et parfois très débordants sur la vie personnelle. En effet, le réflexe est grand de solliciter un interlocuteur avant parfois d’essayer de trouver une réponse tant l’instantanéité des exigences de réponse devient prégnante.

La formation : Les temps de formation en présentiel (que ce soit des animations pédagogiques traditionnelles ou dans les présentiels s’inscrivant dans les temps de formation hybride) se font toujours via un support numérique (Powerpoint support, présentation de sites, de ressources didactiques, d’outils numériques permettant des pratiques renouvelées…)

Concernant les formations hybrides notamment M@gistère, elles sont sans doute encore perfectibles eu égard aux attentes des enseignants qui peu à peu s’emparent de l’outil mais au-delà du strict usage du numérique dans ce cadre, c’est plutôt toute la question de la formation (et de sa personnalisation) qui se pose et mérite d’être nouvellement interrogée.


Quelles en sont les limites ?

Toutefois, trop d’échanges tuent l’échange et il est important de cibler et synthétiser les contenus, afin de ne pas noyer mutuellement nos boîtes sous un flux de messages dont les contenus peuvent parfois être regroupés en un seul message. Mais, la demande de réponses rapides voire instantanées (cf ci-dessus) passe souvent avant l’efficacité. Une circonscription est le hub où convergent toutes les demandes et le conseiller pédagogique de circonscription est un interlocuteur privilégié qui reçoit un très grand nombre de courriels chaque jour. De plus, la qualité des ressources « libres d’accès » sur Internet et de fait le tri à réaliser nécessite aussi des formations à « la vigilance ». Enfin, comme dit précédemment, les activités liées au numérique deviennent vite chronophage et nécessitent d’être attentif….

En dehors de l’utilisation du numérique avec les élèves, quelles autres utilisations en fais-tu ?

La consultation des ressources institutionnelles et actualisées de manière régulière, les mises en réseau avec d’autres personnels (réseaux) évoluant dans les mêmes sphères ou non (extension à d’autres domaines de l’Education Nationale), l’inscription à des Moocs…

 
Pourrais-tu professionnellement  te passer des outils numériques ? Qu’est ce qui te manquerait le plus pour travailler ?

Il me serait impossible de me passer des outils numériques dans mon quotidien professionnel, tant le numérique est une révolution au même titre que l’imprimerie et la découverte de l’écriture… Toutefois, son évolution constante requiert pour un usage optimisé une adaptation et une formation permanentes et sans cesse actualisées…

Marie-Paule LAPAQUETTE
Conseillère pédagogique
Limoges