Lucie, CPE et formatrice académique à l’ESPÉ, témoigne

Vous exercez la fonction de Professeur Formateur Académique à l’ESPÉ depuis cette rentrée. Quelles sont les raisons principales qui ont motivé votre candidature ?

Depuis l’obtention du concours, j’ai toujours souhaité me former à différentes thématiques en lien avec mon métier afin d’explorer au mieux les différents champs de compétences du CPE.
J’ai participé à différentes « aventures » comme celle de membre du bureau du réseau CPE de mon département, membre du groupe de concepteurs du MOOC relation école/familles…
Cette prise de fonction en tant que Formateur Académique est un nouveau défi, une façon pour moi de sortir de cette zone de confort dans laquelle parfois on peut être tenté de rester. Depuis 7 ans dans le même établissement, avec une quasi impossibilité de muter étant donnés les barèmes appliqués, cette opportunité m’a semblé indispensable à saisir.
C’est pour moi une nouvelle façon d’exercer mon métier, de m’enrichir, d’apporter de nouveaux éclairages à mon identité professionnelle mais aussi d’être acteur du parcours de formation des futurs CPE.

Pouvez-vous décrire ce qui constitue le cœur de votre responsabilité de formatrice ?

Le formateur académique se voit confier différentes missions : une mission de formation initiale des étudiants de M1 et M2 du master MEEF encadrement éducatif, une mission de formation des personnels d’éducation titulaires (notamment les tuteurs d’étudiants en M1 et les tuteurs des CPE stagiaires en alternance en M2), ainsi qu’une mission d’animation et de coordination à destination des professeurs associés à l’ESPE. Il doit également établir un lien entre le Rectorat, les acteurs de la formation, les stagiaires et leurs tuteurs en établissement.
Ma mission principale en ce début d’année s’oriente plus spécifiquement vers les CPE stagiaires alternants que je rencontre toutes les semaines en suivi de stage. L’accompagnement à l’entrée du métier a été complètement repensé cette année et pendant tout le mois de septembre ; la prise en charge a été individualisée et généralisée pour tous les stagiaires (CPE mais aussi PE et stagiaires disciplinaires).
Je participerai également à leur évaluation dans le cadre du Master et à la validation de leur stage.
Il est également prévu que j’intervienne dans différents groupes de travail de la formation commune de l’ESPE à destination des M2 et des M1 dans un second temps.

En quoi l’exercice de cette mission pédagogique est-il complémentaire avec l’exercice du métier de CPE ?

Le CPE au départ n’est pas forcément celui que l’on s’attend à trouver dans le domaine pédagogique. Pourtant, le référentiel de 2013 reconnaît des compétences spécifiques au CPE et la nouvelle circulaire d’aout 2015 réaffirme le rôle du CPE dans le suivi pédagogique et éducatif individuel et collectif des élèves : « Les CPE sont associés aux différentes équipes pédagogiques des classes dont ils ont la charge… ils sont aussi impliqués dans les conditions d’appropriation des savoirs par les élèves et associés à la construction de leur projet personnel, notamment en collaboration avec les professeurs principaux. ».
Assurer cette mission auprès des étudiants, me pousse à explorer ce champ et à me former. Construire une séquence pédagogique, adapter la formation au besoin de son public, évaluer les progressions de chacun et apporter la réponse adaptée est déjà au cœur de mon métier de CPE : transférer mon expérience auprès de jeunes en pleine construction de leur identité professionnelle est une vraie chance. Lorsque l’on entre dans ce métier, on peut être plein de doutes et parfois d’appréhensions. Mon souci est de les rassurer au maximum et leur donner quelques clefs pour les aider à surmonter cette phase d’immersion dans la profession. Avec la masterisation, le profil des étudiants qui obtiennent le concours a beaucoup évolué. La norme a changé et j’encadre aujourd’hui de jeunes étudiants au parcours universitaire brillant mais qui arrivent dans le métier en n’ayant quasiment jamais mis les pieds dans un établissement scolaire. Mon rôle est d’autant plus important auprès d’eux pour leur apporter cet éclairage professionnel qui peut leur manquer sur le terrain.

Quelles sont vos impressions sur l’organisation du CAFFA* qui vient de se mettre en place ?

Je participe depuis longtemps à la préparation du concours pour les futurs CPE (à l’IUFM d’abord puis à l’ESPE) et j’ai assuré les fonctions de tuteur de plusieurs stagiaires ces dernières années. C’est donc tout naturellement que je me suis inscrite l’an dernier au CAFFA dès que j’ai eu connaissance de l’ouverture du registre d’inscription. Je connaissais le dispositif dans le premier degré et je trouve tout à fait normal qu’à un moment on souhaite « professionnaliser» les intervenants. Valider le CAFFA permettra également de faire valoir certaines compétences et d’officialiser la participation des collègues au processus de formation des entrants dans le métier.
La mise en place risque d’être un peu chaotique et la formation qui doit être proposée par la DIFOR et/ou l’ESPE arrivera peut-être un peu tard pour préparer les épreuves d’admission cette année. Les personnes inscrites à l’admission du CAFFA devraient être reçues par les IA-IPR pour effectuer un entretien de positionnement et définir ensemble quels sont les besoins propres à chacun. La formation sera proposées par l’ESPE, dans le cadre des UE1 et 2 du master « Parcours de recherche » ou par la DIFOR dans le cadre des dispositifs et modules inscrits au PAF et sera individualisée : analyse de pratiques, méthodologie de la recherche, nouveaux usages numériques (travail sur Moodle, classe inversée, travail collaboratif, réseaux sociaux) en fonction des parcours de chacun.
Le mémoire est à rendre pour début mars et pour l’instant aucune date de formation n’a été communiquée. Je me tiens donc régulièrement informée et je commence à réfléchir à l’objet de recherche de mon futur mémoire professionnel. Cette démarche me ramène des années en arrière et c’est plutôt excitant de se replonger dans des lectures qui ouvrent d’autres horizons à notre métier !

Avez-vous en tête des projets professionnels pour la deuxième partie de votre carrière en lien ou non avec la pédagogie ? Lesquels ?

Non, je n’ai pas de projets particuliers, cette opportunité s’est proposée à moi et je vais déjà tâcher de remplir les missions que l’on m’a confiées au mieux avant d’aller voir ailleurs. Le métier de CPE est un métier merveilleux que je ne quitterais pour rien à l’heure d’aujourd’hui, guider les entrants dans le métier comme je peux le faire d’une autre manière avec les élèves est un nouveau défi que je vais tenter de relever.

Lucie Lalorcey, CPE et professeur formateur académique à l’ESPE

*CAFFA : Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Formateur Académique

Témoignage de Laëtitia, assistante prévention sécurité dans un collège

Laëtitia Marteaux est APS (assistante prévention sécurité) dans un collège rural du 70, elle nous raconte en quoi consiste son travail.

Vous avez mis en place depuis 3 ans un atelier « respect de vie au collège ». Quels sont les points forts de ce club ? Quelles en sont les principales réalisations ?

L’atelier respect et vie au collège est un atelier qui a pour but d’améliorer la vie des élèves au collège en leur apprenant à adopter un comportement autonome et responsable.

Les principaux objectifs poursuivis sont :

  • Avoir confiance en soi ;
  • Exprimer et communiquer les émotions ressenties ;
  • Développer des compétences de communication verbale et oser prendre la parole ;
  • Se respecter et respecter les autres ;
  • Exercer son sens de la responsabilité.

Tout au long de l’année, nous avons abordé plusieurs thèmes : respect, civilités/incivilités, jeux dits « violents », harcèlement.

À la fin de chaque séquence, les élèves créaient des affiches de prévention, affichées ensuite dans le hall du bureau de vie scolaire.

Les points forts du club :

  • Meilleure confiance en eux des élèves ;
  • Atteinte des objectifs fixés par chacun ;
  • L’attention portée à cet atelier (même pour les plus perturbateurs) ;
  • La fierté qu’ils ont eu à concevoir leurs affiches.

Au cours de cet atelier, les élèves ont aussi créé des panneaux avec 10 règles d’or à respecter, distribuées à chaque professeur pour leur salle de classe mais aussi affichées en salle d’étude.

Dans un dernier temps, j’ai créé un jeu de l’oie sur la citoyenneté, ce qui a permis de diversifier l’activité tout en conservant les mêmes objectifs.

Vous prenez en charge individuellement les élèves qui sont l’objet d’une mesure d’exclusion-inclusion. Considérez-vous que cette démarche soit plus efficace qu’une exclusion temporaire effectuée au domicile de l’élève ? Pourquoi ?

Je pense en effet que la mesure d’exclusion-inclusion est une démarche plus efficace qu’une exclusion temporaire à domicile, qui est plus vue comme une journée de congé pour les élèves.

L’exclusion-inclusion est une sanction qui fait réfléchir les élèves car ils sont encadrés par un adulte toute la journée et travaillent sur l’erreur qu’ils ont commise. Parallèlement, cela me permet de travailler plus efficacement et de faire comprendre plus facilement aux élèves leurs torts afin de trouver avec eux une solution pour améliorer leur comportement. Au-delà de la punition, cette journée est surtout l’occasion de les écouter et dialoguer avec chacun d’eux.

Impliquée dans l’établissement, vous siégez dans plusieurs instances de concertation. Lesquelles ? Quel intérêt y voyez-vous ?

Je participe à la commission hygiène et sécurité en mettant à jour le PPMS (Plan Particulier de Mise en Sûreté) et le document unique du collège. La participation à ces réunions est en lien direct avec les études que je poursuis actuellement.

Je participe également aux commissions de suivi, ce qui est intéressant pour moi car je peux donner mon avis sur les élèves que je prends en charge et parfois apporter des informations utiles.

Je suis associé aux travaux du CESC (Comité d’Éducation à la Santé et à la Citoyenneté) pour parler de mes projets avec des partenaires extérieurs (pompiers, associations etc.)

À plusieurs reprises, vous avez participé ou vous avez organisé des sorties à l’extérieur de l’établissement. Avez-vous perçu, dans ce contexte particulier, des évolutions positives dans le comportement des élèves ?

Participer à des sorties extérieures avec les élèves est très intéressant car nous nous retrouvons dans un autre contexte que l’établissement proprement dit. Cette démarche permet d’avoir un autre contact avec eux, et de renforcer le dialogue et la confiance. Ainsi nous avons un autre regard sur les élèves et réciproquement. Ces sorties ont toujours été positives pour moi car c’est à cette occasion que j’applique ce que je leur apprends sur le comportement responsable et autonome. Je leur explique qu’ils doivent se montrer exemplaires et me prouver qu’ils en sont capables, les élèves apprécient que je leur accorde ma confiance.

Vous avez lancé à la rentrée un nouveau projet en partenariat avec les sapeurs-pompiers. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous avons décidé cette année de mettre en place un projet intitulé « les cadets de la république ».

L’intérêt principal est de faire connaître aux élèves les différentes formes d’engagement citoyen au sein de la sécurité civile et l’esprit d’entraide, de solidarité et de dévouement. Le principe est de donner envie aux élèves, l’envie et la motivation de s’investir et d’acquérir des compétences relatives à la sécurité civile à travers une formation. Cette formation sert à intégrer des valeurs citoyennes partagées par les sapeurs pompiers, notamment la tolérance, la loyauté, le vivre-ensemble, et le goût de l’effort.

Ce projet citoyen se présente pour l’élève volontaire comme une option et implique un engagement sur l’ensemble de l’année scolaire

Quelles répercussions concrètes les mesures gouvernementales annoncées à la rentrée ont-elles eu sur votre travail ?

Suite à la note de service interministériel, l’accès au collège est davantage contrôlé depuis cette rentrée. Des horaires d’ouverture de portail ont été mis en place afin de surveiller plus efficacement les entrées et sorties du collège. Cette mesure est essentielle mais demande du temps (en moyenne 10 min chaque heure) et entraîne une nouvelle organisation pour un personnel de vie scolaire en nombre limité.

Avec les nouvelles mesures d’urgence en cas d’attentat, j’ai contribué à l’organisation d’un exercice d’évacuation.

En conclusion, je dirais que mon activité professionnelle requiert une rigueur certaine, est parfois chronophage mais s’avère passionnant et utile à la communauté scolaire.

Laëtitia Marteaux

Dispositif pour élèves poly-exclus, Sofien CPE, témoigne

Depuis quand ce dispositif existe-t-il et quels ont été les motifs de sa création ?

Le dispositif d’accompagnement des élèves poly-exclus (initialement nommé dispositif double-exclus) a été créé à la rentrée 2014. Le constat durant l’année scolaire 2013/2014 du nombre élevé de multi exclusions sur le département de l’Isère a été à l’origine de la création de ce dispositif.

Quelles sont les principales modalités de fonctionnement du dispositif ?

Nous accueillons principalement des élèves soumis à l’obligation scolaire (une trentaine par an) qui ont fait l’objet d’au moins deux exclusions définitives d’un EPLE durant leur scolarité dans le 2nd degré. Il peut s’agir d’un élève en voie générale comme d’un élève bénéficiant d’une prise en charge adaptée (SEGPA*, ITEP*). Mon intervention repose sur des rencontres hebdomadaires avec les élèves, leurs familles, ou les membres de la communauté éducative. Elle se déroule en deux temps : une première phase vise à faciliter au maximum l’intégration de l’élève dans son établissement d’affectation, et une seconde a pour objectifs de donner (ou redonner) un sens à sa scolarité et d’éviter ainsi son décrochage. Les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs sont adaptés à chacun et définis avec son accord. Pour les élèves de 4ème ou 3ème, la construction du parcours d’orientation fait partie des priorités.

Quelles sont les compétences liées au métier de CPE qui vous sont utiles dans l’exercice de cette mission ?

La première compétence, la plus importante à mes yeux, est l’empathie qui me permet de créer un lien fort, une véritable relation de confiance entre l’élève, sa famille et l’école. Ensuite, au quotidien dans l’exercice de cette fonction, je suis amené à transférer des compétences organisationnelles, d’écoute, de médiation, de conduite d’entretiens, de communication et d’adaptation à un public hétérogène. La formation suivie en psychologie de l’adolescent est d’une aide précieuse dans la gestion de situations parfois très lourdes. De même , je me sens plus efficace lorsque je fais faire preuve de beaucoup de diplomatie auprès de certaines équipes d’établissement accueillant les élèves.

Quels sont les personnels de l’éducation nationale et les partenaires extérieurs avec lesquels vous travaillez le plus ?

Je suis en relation permanente avec les équipes des établissements scolaires (chef d’établissement, CPE, Enseignants, COP*, AS*…), le DAASEN* de l’Isère qui pilote activement le dispositif, les services de la DEL*, le service social de la DSDEN* et les dispositifs relais. En parallèle, en fonction des situations, je m’efforce de collaborer et de maintenir un partenariat avec les services de l’ASE*/CODASE*, l’UEAJ* (Unité Éducative d’Activité de Jour de la PJJ*) et bien évidemment les familles.

Quel bilan provisoire faites-vous de ce dispositif ? Voyez-vous des points d’amélioration qui permettraient de faire avancer les choses ?

Après ces deux années de fonctionnement, le dispositif aura permis à plusieurs élèves de se réconcilier avec l’École. En construisant un parcours d’orientation choisi, ils se sont fixés des objectifs simples à atteindre. Bien sûr, il n’y a pas 100% de réussite chaque année car certaines situations d’élèves nous échappent. Toutefois, globalement et rétrospectivement, je m’aperçois que le regard sur l’exclusion commence à évoluer petit à petit. S’agissant d’un dispositif créé à titre expérimental sur le département de l’Isère, il me semble important et légitime qu’il puisse être un jour pérennisé localement puis généralisé aux autres académies.

À titre personnel, diriez-vous que cette mission vous conforte dans votre projet de devenir CPE ? Quels sont vos souhaits, vos aspirations ?

CPE contractuel depuis maintenant 6 ans, cette mission significative a réellement conforté mon envie d’exercer le métier de CPE grâce aux responsabilités assumées et aux différentes compétences nouvellement acquises et approfondies. J’espère avoir la possibilité en 2017 de passer le cap de l’admission au concours de CPE et ainsi me sentir « légitime » dans l’exercice d’un métier qui me passionne.

Sofien Rahmani

*Glossaire :
SEGPA (Section d’Enseignement Générale et Professionnelle Adaptée)
ITEP (Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique)
DAASEN (Directeur Académique Adjoint des Services de l’Éducation Nationale)
COP (Conseiller d’Orientation Psychologue)
AS (Assistante Sociale)
DEL (Division des Élèves)
DSDEN (Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale)
ASE (Aide Sociale à l’Enfance)
CODASE (Comité Dauphinois d’Action Socio-Éducative)
UEAJ (Unité Éducative d’Activités de Jour)
PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse)

 

 

Colloque « Numérique, le métier augmenté »

La révolution numérique implique un changement de paradigme dans le monde du travail en général, du travail enseignant en particulier. Loin de se résumer à l’usage d’outils numériques, elle marque l’arrivée de méthodes de conception, de production, de collaboration qui bousculent les fonctionnements établis. Elle enthousiasme tout autant qu’elle inquiète.

De très nombreux travaux ont déjà été consacrés aux apports du numérique en pédagogie et à l’utilisation d’outils numériques dans la classe. De même, les modifications profondes qu’apporte le numérique dans l’accès aux savoirs et par voie de conséquence la remise en cause du rôle de l’enseignant comme « détenteur des savoirs » au profit d’un rôle de « médiateur des savoirs» sont des entrées déjà bien connues.

Dans ce colloque, nous souhaitons plutôt interroger l’impact de la transformation numérique sur d’autres dimensions du métier d’enseignant et de son exercice comme la formation initiale, la formation continue et le développement professionnel, les relations avec les parents, les relations avec la hiérarchie, la préparation de la classe, etc… Nous souhaitons explorer en quoi le numérique peut faciliter et enrichir l’exercice de notre métier mais aussi prendre la mesure des risques que peut entraîner un développement qui serait mal pensé et mal accompagné.

Dans son rapport intitulé « Transformation Numérique et vie au travail » remis en septembre 2015 à la ministre du travail, Bruno Mettling voit la transformation numérique comme « d’abord une chance, une opportunité pour permettre la mise en place progressive de nouvelles organisations du travail plus transversales, plus souples, de nouveaux modes de fonctionnement plus collaboratifs et plus coopératifs ». L’enjeu pour l’éducation, les enseignants et leurs organisations syndicales est de bien anticiper les changements pour se saisir des chances qu’ils offrent mais aussi en réduire les risques. Car pour nous, le développement du numérique doit se traduire par une amélioration de la qualité de vie au travail.

Rendez-vous le 25 mai à Paris pour ce colloque ouvert à tous, inscrivez-vous sur le site du SE-Unsa.

En attendant vous pouvez lire ici de nombreux témoignages de collègues qui se racontent dans leur rapport au numérique, ils seront mis en ligne progressivement jusqu’au colloque.

mascotte_profetik_qp

Comment les ENT font évoluer le métier d’enseignant

Dans le cadre du colloque #ProfÉtik, organisé le 25 mai 2016, nous avons interrogé Philippe Cottier, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Nantes, qui dirige un ouvrage sur « le lycée en régime numérique ». L’universitaire présente de manière complète, à partir d’une étude menée dans l’académie de Nantes, ce que les ENT font au lycée et à leurs enseignants.

Le lycée en régime numérique.Usages et compositions des acteurs, coordonné par Philippe Cottier et François Burban, à paraître (juin 2016) aux éditions Octares

Les ENT se développent dans les collèges et lycées avec une politique volontariste, menée par différents acteurs. Ce développement des ENT conduit-il à des changements réels sur les pratiques numériques des enseignants ?

Oui et non. En fait, ce ne sont pas seulement les ENT qui transforment les manières de faire. Les moyens qu’ils nécessitent et la manière très descendante selon laquelle ils ont été imposés les rendent sans doute très emblématiques mais cela ne doit pas masquer le développement généralisé de technologies numériques qui imprègnent toutes les sphères de notre société : réseaux, contenus, logiciels, plateformes, supports, terminaux, etc. Elles accompagnent des transformations profondes de nos sociétés contemporaines et l’enseignement n’échappe bien évidemment pas à ce mouvement de fond. Continue reading

3 questions à Franck, CPE

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Les avantages sont de pouvoir communiquer de façon propre et “moderne”. La maitrise des outils permet de réaliser des présentations, des documents, des médias, des vidéos… de qualité.

Les différentes applications créent un lien plus étroit avec les familles. Celles-ci sont informées en temps réel des évènements de la vie scolaire, des notes et elles sont beaucoup plus facilement joignables par un email… Bref la coéducation s’en trouve facilitée, mais bien sûr tout dépend du rapport à l’école de la famille. En effet, ces modes de communication favorisent la réaction à chaud, une implication qui peut parfois être ressentie comme une intrusion.

Le CPE améliore sa connaissance de la globalité de l’élève en particulier au niveau pédagogique. Lors d’un entretien,  il dispose en quelques secondes d’un bilan Vie scolaire, d’un accès aux bulletins trimestriels, d’une vue sur le cahier de texte… etc.

Les limites : tout d’abord les compétences face à l’outil informatique et l’utilisation des différentes applications. Ce sont des limites qui ne devraient plus exister mais… la formation est largement déficitaire. Les nouveaux outils peuvent être vecteurs de dérives :

– le téléphone portable sert de plus en plus « à tout » (téléphone, appareil photo, appareil sonore, enregistreur, calculatrice, montre…)

– les applications ou les  réseaux sociaux sont souvent utilisés de façon inappropriée et peuvent être source de phénomènes de harcèlement, d’agressivité, d’insultes. Ils induisent une distance par rapport à l’acte, une « virtualisation » de l’acte qui pose le problème de la prise de conscience, de la réaction, de l’insécurité permanente et il est difficile pour le CPE d’intervenir dans ce monde qu’il ne connait pas, qu’il ne vit pas.

Juste pour le citer, la non constance des décisions politiques (ex : les tablettes dans le Jura) ne sont pas pour faciliter l’entrée de l’école dans le numérique.

2. L’environnement numérique de travail a-t-il changé le métier de CPE ?

Je ne suis pas sûr qu’il ait changé le métier de CPE . Il en change les modes opératoires mais ce n’est pas l’environnement numérique qui modifie le cœur du métier à savoir la relation humaine. Notre métier est un métier de communication. Certes les outils changent les habitudes, rendent certains comportements paradoxalement plus visibles (le harcèlement moral par exemple), peuvent distancier la relation aux familles. Cependant, il y a un moment où la rencontre physique s’impose, car le métier de CPE a besoin de moments solennels et réels, de moments passés ensemble, en groupe.

L’utilisation de la messagerie pour communiquer permet de multiplier les échanges, de différer sa prise en charge et ainsi d’être peut-être moins soumis à l’urgence. En revanche, étant au cœur de l’établissement, le CPE se voit littéralement envahir de messages de toutes sortes et d’une utilité quelquefois bien relative. Là non plus rien ne change, le CPE a toujours dû prioriser son action.

3. La fonction de référent numérique dans ton établissement t’a-t-elle permis de développer de nouvelles compétences professionnelles ?

Oui et non. La fonction de Référent Numérique, et plus largement la gestion du numérique, est un travail à part entière. La non prise en compte de cette nécessité explique aussi la lente mise en place du numérique au sein de nos établissements. Il suffit d’observer, après le départ d’un personnel, la difficile continuité de l’utilisation complète d’un logiciel comme Pronote (et je n’ose même pas parler d’Énoé, Siècle notes et Absences beaucoup moins faciles d’accès) ou l’actualisation du site de l’établissement. Il n’est pas exceptionnel de constater, sur certains sites, des actualités datant de plusieurs années. Le Référent Numérique est censé être centré sur le pédagogique. Mais qui s’occupe de la gestion administrative des logiciels utilisés, de la communication externe, ce n’est pas le rôle de l’AMI, donc de qui ? Du chef d’établissement ou de son adjoint ? Encore faut-il qu’il en ait les compétences et l’envie.

Les collègues sont souvent volontaires pour découvrir, conscients du manque de connaissances qu’ils ont, du fossé qui les séparent de leurs élèves. Mais qui pour les former, pour effectuer la veille numérique demandée ? et quand ? Le temps passé par le Référent Numérique à se former tout seul peut déjà largement remplir le montant de l’IMP voté en CA. La bonne volonté, oui bien sûr, on s’adresse à des « passionnés »…

Oui j’ai développé de nouvelles compétences mais loin de ce que j’aurais souhaité. En même temps ce n’est pas un métier, c’est une fonction. Les tâches quotidiennes du métier de CPE me prennent largement « tout mon temps »… mais les candidats ne se bousculent pas pour reprendre la mission de Référent Numérique.
 

Franck Lecoultre

 

4 questions à Marie-Paule, conseillère pédagogique

Quels sont les avantages de l’utilisation du numérique pour l’exercice de ton métier ?

Le numérique constitue une grande part de mon quotidien professionnel. Il est devenu incontournable. Il permet une grande souplesse, de différer et s’articule autour de trois axes :

Les échanges professionnels : Ainsi, en arrivant au travail, le matin, mon premier geste est d’ouvrir ma messagerie et de consulter mes mails. En effet, quasi 100% des échanges avec les collègues enseignants dans les écoles se font par mail. De même, le mail est devenu vecteur principal d’échanges avec des partenaires extra-scolaires ou  administratifs. L’usage du téléphone est quant à lui, marginal. De plus, l’usage de Viaeduc devient par la constitution de groupes avec thématiques un puissant moyen de communication, d’échanges de données en lien avec la nature des thématiques choisies par les groupes.

Mais paradoxalement, alors que les échanges sont grandement facilités, ils sont plus « invasifs » et parfois très débordants sur la vie personnelle. En effet, le réflexe est grand de solliciter un interlocuteur avant parfois d’essayer de trouver une réponse tant l’instantanéité des exigences de réponse devient prégnante.

La formation : Les temps de formation en présentiel (que ce soit des animations pédagogiques traditionnelles ou dans les présentiels s’inscrivant dans les temps de formation hybride) se font toujours via un support numérique (Powerpoint support, présentation de sites, de ressources didactiques, d’outils numériques permettant des pratiques renouvelées…)

Concernant les formations hybrides notamment M@gistère, elles sont sans doute encore perfectibles eu égard aux attentes des enseignants qui peu à peu s’emparent de l’outil mais au-delà du strict usage du numérique dans ce cadre, c’est plutôt toute la question de la formation (et de sa personnalisation) qui se pose et mérite d’être nouvellement interrogée.


Quelles en sont les limites ?

Toutefois, trop d’échanges tuent l’échange et il est important de cibler et synthétiser les contenus, afin de ne pas noyer mutuellement nos boîtes sous un flux de messages dont les contenus peuvent parfois être regroupés en un seul message. Mais, la demande de réponses rapides voire instantanées (cf ci-dessus) passe souvent avant l’efficacité. Une circonscription est le hub où convergent toutes les demandes et le conseiller pédagogique de circonscription est un interlocuteur privilégié qui reçoit un très grand nombre de courriels chaque jour. De plus, la qualité des ressources « libres d’accès » sur Internet et de fait le tri à réaliser nécessite aussi des formations à « la vigilance ». Enfin, comme dit précédemment, les activités liées au numérique deviennent vite chronophage et nécessitent d’être attentif….

En dehors de l’utilisation du numérique avec les élèves, quelles autres utilisations en fais-tu ?

La consultation des ressources institutionnelles et actualisées de manière régulière, les mises en réseau avec d’autres personnels (réseaux) évoluant dans les mêmes sphères ou non (extension à d’autres domaines de l’Education Nationale), l’inscription à des Moocs…

 
Pourrais-tu professionnellement  te passer des outils numériques ? Qu’est ce qui te manquerait le plus pour travailler ?

Il me serait impossible de me passer des outils numériques dans mon quotidien professionnel, tant le numérique est une révolution au même titre que l’imprimerie et la découverte de l’écriture… Toutefois, son évolution constante requiert pour un usage optimisé une adaptation et une formation permanentes et sans cesse actualisées…

Marie-Paule LAPAQUETTE
Conseillère pédagogique
Limoges

Une année scolaire rochefortaise au rythme des sports enchainés !

IMG_7337 (2)

De septembre 2015 à septembre 2016, la communauté éducative met le sport à l’honneur. Parallèlement aux grandes manifestations qui jalonneront la période (Euro de basket, Coupe du monde de Rugby, Euro de football, Jeux olympiques), le ministère de l’Éducation nationale, les fédérations de sport scolaire et les grandes fédérations sportives, se mobilisent pour promouvoir la pratique sportive chez les jeunes, faciliter l’accès à la pratique sportive au plus grand nombre et mobiliser les éducateurs autour des valeurs sportives.

Dans le sillage des valeurs éthiques symbolisées par le voyage de l’Hermione, un projet labellisé année du sport à l’école et intitulés « Des sports enchainés au triathlon , échanges partenarials , et mixité scolaire » aura pour vocation d’insuffler une nouvelle dynamique sportive scolaire à Rochefort-sur-mer (Charente-Maritime).

Pourquoi un projet sportif scolaire articulé autour du triathlon ?

Le triathlon est un sport paradoxal : extrêmement jeune dans sa forme codifiée actuelle, (naissance de la fédération française en 1989), il repose sur au moins une pratique ancestrale : la course à pied. La Charente-Maritime n’est pas étrangère à son histoire.

Pratique populaire et de loisir au départ, la littérature journalistique française mentionne, en 1902, une compétition surnommée « les Trois Sports » enchaînant dans la continuité la course à pied, la bicyclette et le canotage, avec pour décor les renommées guinguettes de Nogent-sur-Marne et Joinville-le-Pont.

En 1934, une course dite « des Trois Sports » a lieu à la Rochelle. Il s’agit de traverser le chenal à la nage soit environ 200 mètres, de parcourir 10 kilomètres à bicyclette, du port de la Rochelle au parc de Laleu, et enfin de parcourir trois tours de piste, soit 1.200 mètres au stade André Barbeau.

Pendant, près de quarante ans, les sports enchainés retombent dans l’oubli… et c’est de l’autre côté de l’atlantique, aux États-Unis, qu’ils réapparaissent, dans les années 70 à 80. Ils se codifient alors dans leur organisation actuelle (enchainement nage, vélo, course à pied, sur des distances variables mais précises, sous l’appellation de « triathlon ».

Un des premiers triathlons est organisé dans les années 80 à Rochefort avant même la naissance de la fédération française de triathlon.

Un sport médiatiqement neutre ….

Sport jeune, peu médiatisé, le triathlon est basé sur un enchainement de pratiques sportives éminemment populaires : la nage, la course à pied, le vélo. Néanmoins, cette faible médiatisation présente quelques intérêts pour notre jeune public scolaire :

Nos élèves abordent la pratique des trois disciplines sans à priori affectif, ou émotionnel quant au respect des règles, ou à la réalisation d’une performance. (Ce qui n’est malheureusement plus le cas pour d’autres sports extrêmement médiatisés (ex : Le football véhicule malgré lui, un ensemble de comportements vis à vis du respect des règles plutôt tendancieux, et également une charge émotionnelle importante par rapport à la victoire ou à la défaite).

Des apprentissages techniques basiques… pour éviter des blessures ! Mens sane in corpore sano !

L’ancrage de la course à pied dans l’histoire de l’humanité s’avère être un paramètre intéressant à aborder en classe. Il apporte un éclairage scientifique, et une finalité à l’apprentissage purement sportif.

Les hommes ont des capacités naturelles de course en endurance, certes méconnues par beaucoup, mais très au-dessus des animaux (mis à part le cheval). Certains paléontologues prétendent même que l’homme se serait plutôt redressé pour courir, que pour marcher… (les hommes préhistoriques, vivant dans la savane africaine, avaient des techniques de chasse à l’ antilope basées sur l’endurance : ils étaient capables de courir moins vite, mais bien plus longtemps qu’elles… sans être épuisés).

Encore aujourd’hui, certains peuples mexicains vivant sur les hauts plateaux (les Tarahumaras) sont capables de couvrir des distances de plusieurs dizaines de kilomètres, sans fatigue, pour aller commercer avec un village voisin, et ce, grâce à un apprentissage technique de la course à pied très précoce.

Si nous sommes nés pour courir, cependant, beaucoup d’entre nous, en ont perdu l’habitude, ou du moins la technique: l’expansion de la pratique du jogging occasionel et en corolaire, le nombre croissant de blessures affectant ces pratiquants néophytes sont là pour nous le rappeler.

Un sport de pleine nature respectueux de l’environnement… avec une réglementation explicite !

Le triathlon présente également l’avantage d’insérer sa pratique dans des milieux naturels locaux, et donc insiste naturellement sur l’aspect sécuritaire, et prône un respect très stricte des lieux fréquentés.

Sa réglementation, qui laisse peu de place à l’interprétation, favorise également un arbitrage autonome de la part des élèves.

Du développement d’un réseau partenarial à la mixité des pratiques sportives ….

Développer le savoir nager, savoir courir, savoir rouler, nécessite bien évidemment des connaissances techniques, un matériel et des espaces qui sont parfois difficilement mobilisables au sein d’une école.

S’appuyer sur des compétences locales extérieures à l’école, et en faire comprendre les raisons aux élèves, engendre naturellement l’apprentissage de compétences coopératives nécessaires à tout collectif.

La valorisation de ces compétences dans le contexte sportif local donnera du sens, et de l’interêt aux apprentissages dans le domaine de l’éducation physique à l’école.

Développer le réseau partenarial, c’est aussi promouvoir la « tour de Babel » sportive. Quelque soit mon lieu d’habitation, quelque soit mon origine, le sport scolaire, fédéral, ou municipal m’offrira alors la pluralité des pratiques. Cette mixité sportive sera alors certainement le terreau d’une mixité tout court.

Le triathlon permet également une pratique très paritaire, puisque les compétitions sont ouvertes aux filles et aux garçons.

Quel contenu dans le projet ?

Le projet repose donc sur cinq axes forts:

  • Permettre un apprentissage sécuritaire, technique des disciplines sportives basiques que sont : la course à pied, la nage, le cyclisme.

  • Développer la mixité dans la pratique sportive au sein de la ville de Rochefort, et du pays rochefortais

  • Développer un réseau partenarial local (Club de triathlon rochefortais, Fédération Française de triathlon, service jeunesse de la ville de Rochefort, service des sports, Éducation Nationale, ESPÉ La Rochelle) afin d’optimiser les apprentissages.

  • Associer le plus possible les élèves à l’organisation des différentes manifestations afin de développer des pratiques citoyennes

  • Valoriser les atouts du pays Rochefortais en termes de situation géographique, d’appuis culturels et historiques.

Le club de Rochefort Triathlon, en partenariat avec le service des sports de Rochefort, le service jeunesse, et l’Éducation nationale propose ainsi des stages gratuits de découverte du triathlon aux enfants du pays rochefortais. Ils ont également pour vocation de faciliter l’accès des enfants issus des quartiers ciblés par la politique de la ville, à la pratique « technicoludique » enchainée de la course à pied, du vélo, et de la nage. Ces stages se déroulent le samedi après-midi, ou pendant les vacances, et ont pour but d’amener les enfants à une pratique en milieu naturel.

Le club de Rochefort triathlon, avec le même réseau partenarial, propose également plusieurs épreuves dans le cadre d’un week-end (le 16 et 17 septembre 2016) dédié aux sports enchainés.

La circonscription de Rochefort en partenariat avec le service jeunesse de la mairie, et le club de Rochefort triathlon propose la mise en place d’un module d’apprentissage du triathlon dans des classes de CM2 volontaires, avec toujours le même souci de mixité au niveau du public scolaire ciblé. Ces séances auparavant contruites au sein d’un groupe de travail partenarial (Éducation nationale, ESPÉ, fédération, service des sport municipal) se dérouleront en co-intervention, avec une aide logistique et technique du service des sports rochefortais. Elles permettront également de finaliser l’apprentissage des compétences relatives à l’APER et au savoir nager en fin de cyle 3.

Ce module permettra à chaque élève de cibler de manière la plus fine possible, le temps qu’il mettra pour effectuer 50 mètres de natation, 2 km 100 à vélo, et 1 km en course à pied, transitions comprises. Chaque élève sera donc évalué sur une performance, mais également sur la gestion de son effort, afin de respecter le contrat annoncé.

Au final, cette unité d’apprentissage débouchera sur un triathlon scolaire par équipe organisé au mois de juin par le réseau partenrial dans l’enceinte de la piscine municipale de Rochefort.

Un challenge par équipe sera également proposé aux élèves du pays Rochefortais, au mois de septembre, dans les jardins de la Corderie Royale, en partenariat avec l’association « Hermione »

L’épreuve scolaire sera organisée sous forme d’un rallye contractualisé, mais non chronométré.

Tout au long du projet, un partenariat avec le journal Sud Ouest permettra à un groupe d’élèves volontaires de CM2 de l’école Libération d’assurer la couverture médiatique du projet, avec pour fil rouge cette devise :

« un esprit sain dans un corps sain »

Jean-Christophe BOUHIER
IPEMF école Libération ROCHEFORT

Comment le numérique a changé ma vie, le témoignage de Laurence

Au niveau professionnel, j’ai toujours essayé d’utiliser les nouveaux outils numériques même si au début, il fallait avoir de la volonté car les problèmes techniques étaient bien nombreux et empêchaient souvent que notre progression aille aussi vite que nous l’espérions…

En effet, les salles média-langues des lycées sont, certes équipées, mais malgré tout, en tant que professeur d’anglais, je ne suis pas spécialiste d’informatique et souvent je prévoyais 3 groupes d’élèves :

1) en autonomie à écouter des documents authentiques ou à s’enregistrer,
2) en discussion entre eux sur un sujet,
3) avec moi à travailler sur un support vidéo.

Et bien, le groupe prévu avec moi ne me voyait pas beaucoup car les élèves travaillant sur les ordinateurs avaient toujours besoin d’être aidés voire débloqués ! Cependant, je n’ai jamais baissé les bras et j’ai fait partie du groupe pionnier à utiliser la plateforme numérique mise à disposition par le Conseil Général : mes élèves déposaient leurs documents, allaient faire un exercice, etc. Le numérique donne beaucoup de possibilité en langues vivantes car non seulement, cela nous donne accès à de nombreux documents authentiques et sites pédagogiques mais cela permet à nos élèves de travailler de manière différenciée et à leur rythme. Il est vrai que le travail en amont est important mais le bénéfice pour nos classes est réel et palpable.

Mais ce qui a réellement bouleversé ma vie, c’est que grâce au numérique, j’ai pu accepter une opportunité professionnelle qui me permette de travailler une partie du temps en télétravail. Si les moyens de communication actuels n’existaient pas, je n’aurais sans doute pas accepté le poste que j’occupe actuellement et qui me permet de m’épanouir professionnellement.

Laurence Naumot

Wilfrid, professeur en BTS, a suivi le MOOC « Classe inversée »

Wilfrid Grossin, professeur agrégé de Biochimie Génie Biologique enseigne à des étudiants de BTS Bioanalyses et Contrôles au Lycée Valin à La Rochelle, il a suivi le MOOC « Classe inversée », témoignage : 

Pourquoi as-tu choisi de suivre ce MOOC ?

J’ai déjà suivi plusieurs MOOCs sur FUN des thèmes de Biotechnologies et de numérique : culture cellulaire, bioinformatique, identité numérique etc… Ce MOOC à thème pédagogique est arrivé au bon moment car j’enseigne quelques heures à des enseignants en Master MEEF  en Master MEEF « culture numérique » à l’université de la Rochelle. Je voulais aussi tester dans le même temps la classe inversée avec mes élèves de BTS sachant que j’utilise déjà beaucoup avec eux le numérique.

Qu’est-ce-que tu en attendais ?

J’en attendais des idées via le partage des expériences réussies de classe inversée et la découverte d’autres plateformes (pour ma part j’administre et utilise Moodle depuis 6 ans)… je suis Référent à l’Usage Pédagogique du Numérique  (RUPN) dans mon lycée.

Qu’est-ce qui t’a plu ? Qu’est-ce qui a été difficile ?

J’ai apprécié les groupes et sous groupes à constituer sur Viaéduc à l’origine des échanges et les petites capsules vidéo de canope très bien faites. Je n’ai rien trouvé de particulièrement difficile car je suis déjà familiarisé avec FUN et Viaéduc.

Concrètement comment s’organisait ton travail dans le cadre du MOOC ?

J’ai consacré environ 1 à  2 heures par semaine pour le MOOC. Mon inscription à plusieurs groupes au départ était relativement chronophage… puis je me suis focalisé sur un groupe suite à une coopération efficace avec des collègues (autres disciplines que la mienne) que je n’ai d’ailleurs jamais rencontrés physiquement .

As-tu changé des choses dans ta pratique pédagogique suite à ce MOOC ?

Oui et  d’ailleurs « la semaine de la classe inversée Clise 2106 » est arrivé parfaitement au bon moment pour accueillir des collègues dans ma classe (voir vidéo ci dessous)

Conseillerais-tu à d’autres collègues de tenter cette expérience ? Pourquoi ?

Oui, il faut à mon avis expérimenter des méthodes pédagogiques alternatives, pas forcément de façon systématique, mais quand les sujets et les promotions d’élèves s’y prêtent.
Je suis pour la pluralité des méthodes pédagogiques pour s’adapter aux élèves, faire de la différenciation, etc… pour ma part, je pense que l’usage du numérique permet de travailler sur ces points et en est facilitateur.

Wilfrid Grossin

Ce que les MOOC ont apporté à Caroline, prof de langues en collège

J’ai suivi mon premier MOOC suite à la suggestion de mon inspecteur dans la lettre de rentrée. J’étais curieuse de découvrir ce nouveau type de formation. Le sujet était vraiment bien choisi pour développer de nouvelles compétences : “Enseigner et former en langues avec le numérique”.

J’ai découvert beaucoup de choses et surtout de nouvelles pistes de travail. Puis seule, je me suis inscrite à plusieurs autres formations et j’ai même obtenu une certification officielle en juillet dernier. J’ai préparé avec le MOOC et passé la certification à la fac. D’ailleurs je prépare avec le PAF la certification de 2° niveau.

J’ai aimé la possibilité de m’organiser dans le travail. Je me connecte souvent à la pause repas et le soir à la maison, ou le matin avant ou entre les cours au collège. Selon les thématiques la durée de travail effectif est assez aléatoire : jamais moins que le temps prévu, souvent le temps indiqué et rarement beaucoup plus. Mais peut-être est-ce dû aux pré requis que je maîtrise plus ou moins… Le plus difficile est de ne pas se décourager la première fois et d’oser demander de l’aide dans les forums. Il faut aussi être bien organisé pour ne pas laisser passer la date ou l’heure de retour des devoirs demandés. Il n’est pas toujours facile de travailler seul mais les interactions en ligne avec les autres apprenants sont facilités. Et aujourd’hui j’ai des “connaissances de travail en ligne” en Amérique du sud, en Afrique et en France !

Après une quinzaine de MOOC, mon expérience est très positive. Bien sûr je n’ai pas toujours réussi. J’ai abandonné 3 fois : par manque de temps disponible sur la période demandée (enfants malades, réunions en soirée, conseils de classe…) ou désintérêt pour le sujet quand le titre de la formation n’avait pas assez de rapport avec mes attendus. Cependant j’ai obtenu une certification, et j’en prépare une autre pour ce printemps. Je ne pensais pas à 40 ans revenir à la fac et réussir !

J’ai intégré un grand nombre de conseils : je suis plus efficace et responsable dans mon usage du net. Cette aisance nouvelle me manquait pour modifier certaines de mes pratiques. Je voulais intégrer plus de numérique en classe mais j’avais des craintes quant à la sécurité avec les élèves. Maintenant j’utilise des services en ligne pour le travail collaboratif avec les élèves ou entre collègues. Grâce aux veilles je continue à découvrir de nouveaux outils. Et mes élèves sont plus motivés. Ils sont souvent surpris par les outils que j’utilise et rassurés de savoir qu’ils ne sont pas les seuls à apprendre.

J’ai déjà conseillé certaines de ces formations à des collègues curieux. Certains se sont inscrits et ont obtenu l’attestation de suivi, d’autres ont juste suivi les cours en même temps que les autres ou pendant les grandes vacances sans chercher à valider l’attestation. Comme les cours restent en ligne on peut se former quand on veut.

Caroline Maylin

3 questions à Florian, CPE

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Avantages:
La rapidité de l’information. Les échanges mails permettent de mettre au courant plus rapidement les professeurs et collègues des situations d’élèves. (Exclusion temporaire, rencontre avec la famille, connaissance de situations particulières…)
Cela permet aussi de garder des traces de ce qui a été échangé et également d’avoir une discussion avec un groupe de personnes (les profs d’une classe par exemple) ou/et l’ensemble de la communauté éducative.
Via Pronote, on peut mieux mettre en avant les absences, les raisons, les « stratégies » d’évitement de certains élèves et les parents ont un meilleur suivi de la scolarité de leur enfant.

La plupart des parents et des élèves peuvent être prévenus à l’avance des professeurs absents.

Limites:
La froideur principalement, l’utilisation de l’informatique pour les échanges réduit les contacts humains malheureusement. Les échanges ne sont pas directs et frontaux, ce qui peut entrainer des incompréhensions parfois.
Les erreurs sont parfois mal comprises, mal acceptées (par exemple, l’oubli d’un prof absent…).
Nous n’utilisons pas l’envoi des SMS pour prévenir des absences. Nous préférons téléphoner car nous sommes dans un collège et nous préférons avoir les parents en ligne pour savoir les raisons des absences. De plus, nous travaillons dans un collège en REP+, les parents changent fréquemment de numéro de téléphone. Cela nous permet de savoir quand nous devons avoir de nouveaux numéros.

2. En quoi l’environnement numérique de travail a t-il professionnalisé le fonctionnement de la vie scolaire dans les EPLE ?

Je ne sais pas si on peut dire que l’ENT a professionnalisé le fonctionnement de la vie scolaire. Il l’a simplement amélioré en simplifiant les tâches.
Peut être que l’ENT permet de faire comprendre au corps enseignant que la fonction de la vie scolaire ne se limite pas à récupérer les élèves exclus de cours, à gérer des salles de permanences et à enregistrer les élèves absents à leur cours.
Le numérique via les logiciels et leurs fonctions permet une analyse plus fine du suivi des élèves.
La gestion des emplois du temps personnalisés des élèves via les logiciels permet, au jour le jour, de prendre en compte les modifications et de renseigner plus efficacement parents et élèves des changement éventuels.
Le travail de la vie scolaire est plus concret, plus visible.
Il en est de même pour les actions pédagogiques qu’on peut mener en tant que CPE. L’utilisation des outils du numériques induit  une approche plus ludique parfois et moins solennelle qu’une intervention de type magistral.

3. Considères-tu le numérique comme un levier de développement professionnel pour les personnels d’éducation ?

Oui. Après, il m’est difficile de répondre vraiment à cette question car je l’utilise depuis mes débuts en tant que CPE.  Le « numérique » au sens large  fait partie de mon quotidien autant professionnellement que personnellement.
Quoiqu’il en soit, le numérique prend une place importante dans les tâches à accomplir. Pour la gestion des grands domaines liés aux missions des CPE, les bilans,  l’environnement numérique est d’une grande aide et permet de mieux approfondir les tâches, faire de meilleurs comparatifs ( pour les motifs des absences par exemple, les périodes des absences…).
L’ accès des parents à une partie de cet espace numérique change aussi les relations avec les familles. Cela demande une plus grande rigueur de notre part et une méthodologie de travail différente du fait de la rapidité de la communication de l’info.
Le métier CPE évolue. Si on se réfère à la nouvelle circulaire, on peut se rendre compte que les missions sont différentes sur certains points et le numérique fait partie des évolutions de notre métier.

Les 3 grandes parties de la circulaire du 10 août 2015 (la politique éducative de l’établissement, le suivi des élèves et l’organisation de la vie scolaire) impliquent selon les domaines une utilisation plus ou moins accrue du numérique pour une meilleure réalisation des tâches.

Florian Crespy

Carole, prof de SVT au Liban a suivi le MOOC « Classe inversée »

Pourquoi ai-je choisi de suivre ce MOOC ?

Je suis une femme qui cherche les nouveautés pédagogiques, et surtout le numérique qui fascine les jeunes de nos jours -et ça on ne peut pas le nier- pour une meilleure réussite des élèves surtout ceux étiquetés « faibles ».

Toutes mes recherches sur les méthodes actives « UTILES » et « INNOVANTES » je les ai toujours faites sur internet, à titre personnel, (USA, Canada, France, etc…). Alors je me suis retrouvée comme une « Martienne » parmi mes collègues qui suivaient des formations classiques, auxquelles j’ai assisté pour un certain temps, puis après j’ai renoncé vu qu’elles ne respectaient pas toujours mon intelligence ainsi que celle d’autres collègues : mêmes sujets plusieurs fois sur plusieurs années, même cadre, informations que je maitrisais à l’avance grâce à mes recherches sur le net etc, alors je m’ennuyais et je perdais mon temps…

En cherchant toujours les nouveautés, je suis tombée sur le MOOC « Classe Inversée », très intéressant puisqu’il est formateur, en ligne, pour ceux qui veulent, donc accessible à mon rythme, innovant, motivant, non redondant ni ennuyeux, respectant mon intelligence. Je pratiquais déjà les « flipped classes » depuis 2009 avec mes élèves du collège, et en 2012-2013, avec le nouveau programme SVT Terminale S (j’ai « osé » l’appliquer avec mes élèves de terminales…) et pour consolider cette méthode, et être au courant des nouveautés, j’ai donc décidé de suivre le MOOC « Classe Inversée au 2nd degré », et je l’ai suivi jusqu’au bout !

Qu’est-ce-que j’en attendais ?

Je m’attendais à découvrir si ma façon de faire allait dans le bon sens ou non, si d’autres collègues la pratiquaient ou non et leurs avis. Surtout je m’attendais à avoir de l’aide dans ma pratique en cas de besoin, aide que j’ai trouvée avec « MONSIEUR » MOOC à tout moment !

 

Qu’est-ce qui m’a plu ? Qu’est-ce qui a été difficile ?

Ce qui m’a plu c’est cette opportunité de discuter, de communiquer, d’échanger avec des collègues jamais vus, en ligne, de chez moi, et de me sentir impliquée dans un travail collaboratif, stimulant, encourageant, me permettant de me remettre en question, à partir des expériences des autres, de me corriger là où il fallait et de guider aussi les autres, avec un esprit ouvert à toutes les remarques.
NB : La fiche projet était très bien construite, ce qui a facilité notre tâche.

Ce que j’ai trouvé difficile, parce-que j’étais inscrite à plusieurs MOOCs à la même période, c’est le temps que je devais consacrer à ce MOOC !!! Cet obstacle m’a obligé à laisser tomber les autres malheureusement !
Une autre difficulté a été les problèmes techniques surtout l’envoi et la réception des messages qui étaient la plupart du temps très décalés. Mais c’était au début… après ça s’est réglé.

Concrètement comment s’organisait mon travail dans le cadre du MOOC ?

  • Le temps passé était supérieur à ce que l’on nous a annoncé.
  • Les tâches n’étaient pas difficiles, mais longues à réaliser par rapport aux échéances.
  • Les échanges étaient vraiment fructueux, et nous continuons à échanger entre nous encore maintenant (ressources, démarches, avis, conseils etc…)

Ai-je changé des choses dans ma pratique pédagogique suite à ce MOOC ?

Oui… la construction de la séance surtout. Maintenant elle est plus structurée.

Conseillerais-je à d’autres collègues de tenter cette expérience ? Pourquoi ?

Certainement !!!!! D’après mon expérience de 22 ans dans l’enseignement en collège/lycée au Liban (même au primaire en étant coordonnatrice), et suite à mes constatations des comportements variés mais plutôt négatifs des collègues, vis-à-vis des élèves « en difficulté », je trouve que cette pratique ouvre l’opportunité de comprendre l’esprit de la différenciation pédagogique et de son intérêt au niveau de la remédiation donc de l’apprentissage et non pas de l’enseignement. Chose à laquelle la plupart des collègues, n’accordent pas assez d’importance ni dans leur enseignement, ni dans leurs évaluations, la plupart du temps par ignorance ou par manque de motivation ou de volonté. Je trouve impératif de leur expliquer la plasticité cérébrale et son importance dans le cadre de l’apprentissage !!!!

Pour l’élève en difficulté, c’est une opportunité de tester et de montrer ses capacités en se formant en suivant son propre rythme, chez lui sans être pressé par le temps en classe, sans être dépassé par la vitesse de l’explication du professeur, ni par les termes qu’il n’arrive pas à déchiffrer, ni par le stress de vouloir suivre malgré sa lenteur qui l’empêche, ni par la panique de ne pas être à la hauteur des autres, ni par la honte de s’exprimer, ni par la peur de montrer ses lacunes accumulées qui n’ont jamais été l’objet d’une remise à niveau, ni par ses parents qui le menacent peut être !

Toutes ces contraintes mènent ces élèves à baisser les bras, et à devenir ce que la majorité des collègues appellent : faibles, paresseux, bavards, hyperactifs, nonchalants, étourdis, manquant de concentration, rêveurs en classe, inattentifs, etc… Et ces adjectifs vont les suivre d’un niveau à un autre sous forme d’« étiquettes », dont peu de professeurs vont chercher à comprendre la cause, le pourquoi, le comment faire pour « l’effacer »!

Enfin, et à mon avis, je ne peux pas dire que la Classe inversée est « LA » méthode « solution magique » ; nooon, elle a ses limites !!!! Mais c’en est une parmi d’autres méthodes actives à essayer, à pratiquer, dans le but d’améliorer l’implication et la motivation des élèves, pour effacer les «étiquetages », pour une meilleure réussite scolaire et là je précise que cette réussite ne doit pas « toujours » être évaluée par une note chiffrée même sur le bulletin !

Pour moi personnellement, c’est une grande porte qui s’ouvre entre le professeur « donneur » et l’élève « receveur » d’informations (au moment où toute information est facilement accessible sur le net en un simple clic, sans être obligé  d’écouter deux heures de cours, dans une salle, devant une personne qui parle et qui répète souvent la même chose). La classe inversée fait de l’élève « un chercheur actif » et constructeur de ses connaissances, et du professeur « un guide et conseiller actif » évaluant positivement et valorisant en remédiant, ces connaissances, en dehors de tout « étiquetage », dans une ambiance plutôt ouverte au plaisir de l’apprentissage, et non pas bloquante ! La Classe inversée réduit la distance prof/élèves, en augmentant la communication entre eux, elle valorise le travail collaboratif (et non pas individuel) en classe, et surtout l’entraide, au moment de la remédiation.

Je continue à suivre toutes les activités formatives du MOOC : ça vaut mille formations classiques malgré aussi ses limites et ses contraintes.

C’est un outil de formation « intercontinental », traversant tous les pays pour arriver devant chaque apprenant en toute souplesse, lui transmettant les informations « autrement », en respectant son intelligence et en suivant l’innovation dans toutes ses ampleurs.

Pour suivre le MOOC, il faut avoir des capacités : être connaisseur des outils informatiques et numériques avant !!!! Être volontaire pour tenter le changement, casser la routine, le conformisme en matière d’éducation, sans avoir peur de l’échec : l’apprentissage est le fruit de l’échec.

Mais si nous ne possédons pas ces capacités, ne jetons pas nos pierres sur le MOOC, essayons de travailler sur NOS propres capacités, de nous construire, pour y arriver… Soyons constructifs et non pas destructifs en étant victimes de nos ignorances !!!!

Carole Chamoun El Bared
Professeure SVT/ Formatrice – Liban

 

Agnès, prof de lettres en collège, a suivi le MOOC « Classe inversée »

Pourquoi as-tu choisi de suivre ce MOOC* ?

Je suis professeure au Collège International à Noisy-le-Grand, dans un collège expérimental et numérique qui vient d’ouvrir, la classe inversée est au cœur du projet d’établissement. Or, renouveler ses pratiques n’est jamais facile et nécessite d’apprendre et d’échanger.

Déjà inscrite sur la plate-forme de « France université numérique » où j’avais participé à d’autres MOOC, je me suis naturellement inscrite au MOOC « Classe inversée ».

Qu’est-ce que tu en attendais ?

En m’y inscrivant, j’attendais de comprendre davantage le fonctionnement de cette pratique, d’avoir des ressources, de pouvoir échanger et de co-construire un projet.

Qu’est-ce qui t’a plu ? Qu’est-ce qui a été difficile ?

J’ai beaucoup aimé ce MOOC. J’ai apprécié la découverte de nouvelles pratiques et de nouvelles ressources. J’ai énormément apprécié le travail pratique réalisé avec mes collègues professeurs de Lettres. Je pense que la mutualisation est importante dans ce genre de pratique, voire nécessaire puisque nous passons beaucoup de temps à réaliser les capsules.

En revanche le temps nous a manqué pour compléter la séquence complètement.

Dans ce MOOC, la partie quizz ne m’a pas vraiment plu. Les questions trop détaillées nous incitaient à morceler l’observation.

Concrètement comment s’organisait ton travail dans le MOOC ?

Au cours des semaines deux parties sont apparues assez distinctement. L’une consistait en une phase de cours : observation des capsules vidéos, des ressources et la réalisation des quizz. L’autre, beaucoup plus longue, a été la mise en place d’un groupe par l’intermédiaire de la plateforme « Viaéduc » et du choix d’un projet. Le groupe auquel j’appartenais a choisi de travailler sur « la chevalerie en classe de 5ème ». Nous nous sommes donc coordonnés par l’intermédiaire de Viaéduc et avons presque construit une séquence entière.

Je me suis occupée de l’entrée dans la séquence sur les valeurs et les qualités des chevaliers en partant de Luke Skywalker et d’Indiana Jones.

Dans le groupe nous avons passé beaucoup de temps à réaliser nos capsules vidéos. Le travail a été long, parfois fastidieux. Mais je crois que le résultat est très intéressant. Le regard porté par nos pairs a été riche, constructif et a permis de mieux s’interroger sur nos pratiques.

Nous avons même continué à échanger pour expliquer comment nos élèves avaient perçu nos différents travaux.

As-tu changé des choses dans ta pratique pédagogique suite à ce MOOC ?

Je pratique davantage cette pédagogie maintenant. J’ai mieux compris grâce à ce MOOC que cette pédagogie ne consistait pas simplement en la réalisation de capsules vidéos que les élèves observaient chez eux puis à la réalisation d’exercices en classe. C’est aussi une autre façon de penser l’enseignement : mettre l’élève au cœur de son propre apprentissage. C’est parce qu’il crée et parce qu’il conçoit, qu’il comprend et apprend.

J’ai également compris que s’il était important de travailler en groupe avec les professeurs. Il est aussi évident que les élèves doivent travailler en équipe. Les classes en îlots répondent ainsi clairement aux objectifs matériels nécessaires de cette pédagogie.

Conseilleras-tu à d’autres collègues de tenter cette expérience ? Pourquoi ?

Je conseille aux professeurs de suivre des MOOCs régulièrement parce qu’il faut continuer à apprendre, nous aussi. Il faut savoir se remettre en cause, se bousculer, oser pour mieux créer. Je pense que l’échange par l’intermédiaire de cette plateforme permet de poser des questions, d’obtenir des réponses et de travailler ensemble. Elle ouvre ainsi  de nouveaux horizons.

Les MOOCs offrent la possibilité de travailler à son rythme. Ils demandent un investissement important si l’ont veut le réaliser complètement mais les documents réalisés ou les pratiques apprises peuvent resservir et s’avèrent utiles dans nos usages.

À terme, il est possible que nous soyons nous-mêmes des créateurs de MOOC et que nos élèves suivent nos cours ainsi de façon distanciée mais interactive.

Agnès Constant

*MOOC : Massive Open Online Course, un MOOC est un court ouvert et massif accessible gratuitement en ligne

Se former avec M@gistère, le témoignage de Béatrice

Au premier abord, bénéficier à domicile d’une formation ciblée sur un sujet qui m’intéresse est une expérience enrichissante. Pouvoir gérer mon temps et m’organiser comme je l’entends est assez « vendeur » mais me retrouver seule face à mon ordinateur peut rapidement devenir un pensum d’autant plus que naviguer dans le parcours lui-même relève souvent du tâtonnement tant il est peu ergonomique. Chaque page est composée d’un très grand nombre d’informations et du déroulé de la formation étape par étape. Des vidéos de collègues en situation, d’universitaires, de chercheurs, des questionnaires, des quizz, des diaporamas, des liens ouvrant d’autres liens, des sites à consulter… comment mettre ces informations en pratique dans ma classe de maternelle ? Je suis régulièrement obligée de revenir en arrière pour retrouver l’information initiale. Certes, on nous propose des ressources à explorer mais ai-je vraiment besoin de M@gistère pour les trouver ? Les formateurs qui ont élaboré le parcours proposent de consulter des sites comme Éduscol, nous redirigent vers des adresses académiques, des sites d’universités, d’IUFM… Par ailleurs, je trouve insupportable cette barre de progression à la fin d’un visionnage ou d’un questionnaire pour attester ou non de notre assiduité. Cela s’apparente surtout à un contrôle du travail fait, alors qu’à mon sens, l’évaluation de la formation à distance devrait surtout reposer sur son efficacité pour mon travail avec mes élèves. Et pour l’instant, je suis dubitative.

Pour l’anecdote, l’année dernière, j’ai complètement oublié de cliquer sur la barre d’avancement pendant toute la formation : je me suis donc retrouvée lors du présentiel à afficher un magnifique 0% effectué (on m’en a bien sur fait la remarque…) alors que j’avais terminé le parcours.

Le moment de présentiel (3 h) en milieu de parcours doit être un moment de mutualisation, de débats, d’échanges. C’est un moment trop court qui ne tient pas ses promesses et qui tourne au listing de sites à consulter ou de vidéos à regarder.

La dernière partie de la formation consiste à déposer des documents pour les faire partager. Certes l’idée de partage est intéressante mais encore une fois, faut-il passer par M@gistère pour mutualiser nos travaux ? À ce jour, notre forum de discussion reste vide.

En fait, je trouve que ce que l’on nous propose tient plus de l’information que de la formation. Je suis capable de trouver des sites qui répondent efficacement à des questions pratiques que je me pose. Je dois renouveler ma pratique car l’expérience ne suffit pas. J’ai alors besoin d’être « nourrie » pour relancer la machine ! M@gistère, pour moi, n’est pas dans cette optique puisqu’à chaque fois on nous demande de produire quelque chose, de réaliser des séquences. Si je me suis inscrite dans le parcours « Des situations pour compter et calculer à l’école maternelle », c’est parce que j’attends de la nouveauté, des exemples de situations concrètes à mener en classe avec de nouveaux outils.

La réussite d’un parcours de formation à distance réside peut-être dans une démarche plus libre. Peut-être aussi faudrait-il nous demander nos besoins réels ? Pour éviter de choisir un parcours par défaut (3 parcours spécifiquement « maternelle » sur 12), nous pourrions les lister en équipe enseignante, les faire remonter à l’IEN et bénéficier ainsi d’un parcours réellement ciblé sur nos attentes.

 

Béatrice, enseignante de MS/GS

3 questions à Frédéric, CPE

 

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Je vois plusieurs avantages à l’utilisation du numérique dans l’exercice de nos missions de CPE.
Tout d’abord, le gain de temps par l’accès rapide à des informations, et la possibilité de partager ces informations. Par exemple  les infos internes ou institutionnelles par mails, des bilans ou statistiques d’absences, le stockage d’infos particulières par thèmes sur un espace dédié du réseau (suivi d’une classe, sanctions…).
En fait, c’est un moyen de communication et de recherche d’informations très rapide.

Ensuite, la possibilité de créer des outils (diaporama) pour animer des réunions avec les élèves notamment les délégués mais aussi en conseil d’administration ou auprès de partenaires extérieurs.

L’usage du numérique est indispensable. Toutefois, il faut savoir l’utiliser en posant des limites. Ces limites, propres à chacun, sont nécessaires pour ne pas se faire happer par ce « numérique ». Car le numérique créé des besoins, des « commandes », des sollicitations de nos collègues, de nos partenaires, de la direction. Du coup, il s’avère chronophage ! Ne pas être « connecté » en permanence est absolument nécessaire pour continuer à  remplir certaines de nos missions. Un CPE ne peut passer la majorité de son temps de travail à son bureau derrière son ordinateur. À lui de réguler son temps « numérique » en faisant parfois comprendre à ses partenaires qu’il a d’autres missions ou d’autres  priorités.

2. En quoi l’environnement numérique de travail a-t-il professionnalisé le fonctionnement de la vie scolaire dans les EPLE ?

Le numérique est un outil incontournable de la Vie Scolaire. Que ce soit pour les CPE mais aussi les autres personnels. Aujourd’hui, l’usage de logiciels pour la gestion des absences est sans doute présent dans tous les EPLE. Les personnels de Vie Scolaire doivent savoir les utiliser. Ils doivent parfois savoir s’adapter à différents logiciels selon les établissements d’exercice. Ces logiciels évoluent presque chaque année et deviennent de plus en plus pointus, proposent toujours plus de possibilités au prix d’une maîtrise du logiciel à acquérir sur le tas ou avec des livrets papiers ou en ligne de plusieurs centaines de pages…

Le numérique est un outil quotidien de communication en interne mais aussi de plus en plus avec les parents d’élèves. Maîtriser l’outil numérique est une compétence indispensable pour les CPE et les personnels de Vie Scolaire. Nous devons faire remonter cet état de fait à nos inspecteurs pour qu’ils  veillent à proposer régulièrement des offres de formation adaptées aux différents niveaux de compétence.

 

3. Considères-tu le numérique comme un levier de développement professionnel pour les personnels d’éducation ?

La maîtrise du numérique est, effectivement pour moi, un levier de développement professionnel pour le CPE. Son savoir-faire lui permet d’être plus efficace, de gagner du temps et participe à la reconnaissance de ses  compétences professionnelles. Ces compétences favorisent  une « diversification » ou une évolution de carrière des personnels d’éducation :

– Préparer des interventions à l’ESPE ou auprès de partenaires locaux lors de colloques ou réunions diverses (collectivité, association).

– Devenir PFA ou formateur occasionnel

– Envisager une évolution de carrière dans d’autres corps de la fonction publique ou dans le privé.

Frédéric Zmarzly, CPE académie de Grenoble

Jean-Pierre, CPE, témoigne de la mise en place du parcours citoyen dans son collège

1) Pourriez-vous présenter les principaux enjeux du Parcours Citoyen et décrire comment le projet est né dans votre collège ?

Les enjeux du parcours citoyen sont multiples. L’objectif dominant est de faire connaitre aux élèves les valeurs de la république. Mais à mon sens c’est aussi les amener à exercer une citoyenneté participative. Le parcours citoyen est au cœur du domaine 3 du socle commun de connaissances, de compétences et de cultures dénommé : la formation de la personne et du citoyen.
C’est une réflexion collégiale des différentes équipes de l’établissement pour rendre plus lisible les nombreuses actions qui étaient menées au sein du collège. Cela s’est finalisé par la réalisation d’un livret de 6 pages qui recense mensuellement les actions qui vont se dérouler. Chaque mois possède une thématique propre. Par exemple pour mars, c’est le mois de l’information et de la prévention (semaine de la presse, théâtre forum sur le harcèlement, la violence, les addictions…).

2) Quelle est la place du CPE dans ce dispositif et quels sont ses partenaires privilégiés ?

Le CPE est présent tout au long du déroulement du parcours citoyen avec des moments forts dans l’année (octobre mois de la démocratie, juin mois du vivre ensemble) et des actions où il se positionne plutôt dans l’élaboration en amont. De nombreuses actions sont déroulent en classe avec les enseignants et des partenaires extérieurs (associations, artistes, écoles primaires du secteur, autres services de l’état). De ce fait cela recoupe notre mission de mise en œuvre de la politique éducative de l’établissement.

3) En quoi la mise en place du conseil de vie collégienne est-elle un atout supplémentaire dans la formation des délégués-élèves ?

Le CVC est une instance toute nouvelle au collège Les Villanelles, il fonctionne depuis janvier, il est composé du chef d’établissement, du CPE, d’adultes volontaires du collège, des délégués élèves et du conseiller départemental junior et son suppléant. C’est avant tout un lieu d’échanges et de travail, où les élèves peuvent proposer des améliorations à apporter à leur quotidien. Cette instance est consultative pour impliquer les élèves et privilégier des actions concrètes. Il s’agit aussi d’un lieu d’apprentissage de la démocratie puisque les élèves réunis en 4 commissions, sont confrontés à la réalité du fonctionnement du collège. Il y a été décidé de mener une action éco-solidaire avec une ONG de collecte des piles et batteries usagées pendant un trimestre.

4) Trouves-tu que la démarche du Parcours Citoyen a un impact positif sur les relations entre les élèves et les personnels de l’établissement ?

Le parcours citoyen est distribué aux élèves et affiché en vie scolaire, il est donc connu. C’est à mon sens aussi un outil de communication de ce qui se fait au collège. Il permet de repérer et connaitre facilement les temps forts de la vie de l’établissement. Son rôle aussi est d’être évolutif, c’est un parcours ; il ne doit pas être figé. Par exemple, l’action éco-solidaire décidée et menée par le CVC s’y rajoute et vient l’enrichir. Le collège Les Villanelles est inscrit dans l’expérimentation d’une démarche de soutien au comportement positif (expérimentation menée à Ottawa au Canada). La démarche du parcours citoyen vient s’inscrire dans la construction et la maintien d’un climat scolaire serein.

Jean-Pierre Vaillet

Témoignage de Martial, professeur d’EPS en collège et développeur

  • Quels sont les avantages de l’utilisation du numérique pour l’exercice de ton métier ?

L’utilisation du numérique en éducation physique et sportive s’est imposée de fait. La question de son intérêt se pose plutôt en imaginant devoir faire sans. Et pour aider à bien se plonger dans le sujet, l’idée est de permettre, avant, pendant ou après une action motrice, de mettre en relation le résultat avec les conditions dans lesquels il a été obtenu, et je pense tout particulièrement aux actions effectuées.

Pour répondre au mieux à l’idée sous tendue par cette question, je transformerai le terme « avantage » en « plus-value ». Les débats actuels, les frilosités permanentes quant aux politiques d’équipements, qu’elles soient collectives ou individuelles, se nourrissent de ces notions d’avantages, peut-être moins que de celles d’inconvénients. C’est pourquoi, pour être le plus juste possible, je vais m’attacher aux « plus-values », car elles bénéficient à ceux qui en sont l’objet, les élèves, plutôt qu’aux commanditaires.

Partant de ce principe, il existe deux aspects qui me semblent fondamentaux :

  1. le traîtement rapide de l’information
  2. le retour immédiat (feed-back)

Je laisse volontairement de côté d’autres aspects (motivation, technologie adaptée aux évolutions actuelles, ou d’autres qui ne me viennent pas à l’esprit), car s’il existe, l’effet « whouaouh !» s’estompera très vite si on n’y met rien de concret derrière. Je renvoie chacun à sa propre expérience de vie personnelle « gadgétisante »  pour cela.

Donc, à l’usage, la combinaison des deux points privilégiés conduit à des constats cruciaux dans la démarche pédagogique, en permettant d’avoir des élèves informés de manière plus (pour ne pas dire « très ») complète dans un premier temps, et devenant autonomes, car très vite manipulateurs des outils, jusqu’à opérer le transfert de certaines des compétences de l’enseignant au sein de leurs groupes de travail ou individuellement (un niveau plus élevé, et qui s’atteint très vite en fonction des activités physiques supports).

Ma stratégie repose sur ce transfert.

Le savoir de l’enseignant est une réponse aux problèmes qui se posent aux élèves en fonction de la tâche à accomplir. Les élèves sont confrontés de différentes manières à ces problèmes. Les premières années de l’exercice de mon métier, j’ai opté pour une posture dirigiste, gestionnaire, accaparé par la nécessité de finir mon cours en respectant le rythme imaginé de ma séance.

Le temps aidant, mon activité s’est modifiée me permettant des sorties partielles de ce rôle et de constater mes erreurs (que j’attribuais alors à mes élèves (!)). En fait, mon premier vrai outil numérique d’observation a été un outil construit pour évaluer les progrès de mes élèves ainsi que le niveau d’atteinte des objectifs que je me fixais à chaque cycle et pour chaque classe… et le constat fut dramatique. Si moi j’avançais, eux pas autant que moi. Et au final, il y avait un taux trop faible d’atteinte globale des objectifs.

J’ai repris tout cela. J’ai changé de stratégie. J’y ai été beaucoup aidé par mon rôle de conseiller pédagogique. J’avais à travers mes bilans, l’image de moi-même en activité, un retour pertinent sur mon analyse grâce à une relation de confiance avec mes stagiaires, et ainsi du temps pour imaginer ce qu’il y a à produire. C’est de cette manière qu’est née l’application « BingoMatch », avec comme objectif de traiter très vite les résultats de l’observation (tout en la rendant plus simple, voire en y ajoutant un côté ludique), et surtout de la rendre disponible aux élèves. C’était il y a plus de quinze ans maintenant, et ce fut pour moi un vrai révélateur du changement de posture de l’enseignant au sein de la classe.

En quelques semaines, le passage d’un outil papier à un support numérique mobile (Palm m105 à l’époque) donnait au sein d’une leçon d’EPS, plus de résultats que 2 séances consécutives avec des retours décontextualisés de l’action. Et cela avec une stratégie impliquant l’élève dans l’observation, mais également dans l’analyse des résultats, ce qui me permettait de me positionner différemment dans les lieux et le temps. Naissance d’un véritable changement de posture qui aujourd’hui place les enseignants dans une interaction très différente avec leurs élèves, valorisant le savoir des premiers et impliquant les seconds de manière plus pertinente car plus constante. C’est un confort pédagogique conséquent.

  • Quelles en sont les limites ?

Existe-t-il réellement des limites ? Si je posais cette question à quelqu’un de l’institution, à un politique, à un collègue sceptique, à un parent d’élève suspicieux, il y en aurait pour chacun dont certaines communes. En réalité, je n’en connais qu’une pour l’avoir éprouvée : la tentation de ne pouvoir s’en détacher.

Et donc, celle où cela ne sert plus à rien ou pas du tout. Le numérique est devenu un outil de travail au même titre que mon sifflet ou mon chronomètre qui, d’ailleurs, très vite, sont devenus les outils de l’élève. Quand les réponses à apporter ne peuvent se trouver dans l’utilisation de cet outil, il ne sert à rien d’insister. Plus que tout, à l’usage, je me suis aperçu des objectifs annexes que l’on pouvait y adjoindre et des étapes franchies une fois ces objectifs atteints. Je souris toujours quand je rencontre un grand connaisseur TICE, numérique ou informatique, et qu’il énonce dans sa démonstration: « on voit des choses formidables en EPS, où les élèves se filment […] ». J’ai toujours très envie de dire « lol » !

Il y a beaucoup de complexité dans une situation pédagogique. Le choix des contenus et les objectifs d’aujourd’hui en terme d’éducation et de formation, s’ils n’ont pas réellement changé, se sont vus complétés par des occurrences très nombreuses, et très diversifiées.

D’un point de vue plus philosophique, je dirais que les limites s’imposeront également quand la source des envies, et donc des idées, viendra à se tarir. Ce sont celles qu’on nous oppose très (trop) souvent. Dans un monde en évolution constante, certains sont déjà passés à autre chose. Étape supérieure de l’évolution ou abandon des problématiques existantes par la fuite ?

Un peu des deux en réalité. Sauf qu’à agir de la sorte on éparpille des actions jamais abouties, ce qui pourrait décourager les plus investis, et qui, en tous cas, n’incite pas les plus prudents à s’engager réellement dans l’ère du changement. L’idée n’étant pas de mettre les gens en difficulté, mais bien de proposer à nos élèves un ensemble de choses validées sur le terrain et pouvant se diffuser de manière assez large.

Le numérique est un sujet de controverses où l’on dépense beaucoup d’énergie dans l’hyper-sécurisation et le contrôle alors même que peu de solutions fiables sont proposées pour accompagner le travail et l’apprentissage. Il n’y a qu’à se pencher sur le dossier des ENT, ou les politiques de choix de mode de déploiement des tablettes pour comprendre le fond du problème. Dans le premier cas, je serais surpris que la «  dérive administrative » des ENT puisse valoriser le développement d’une pédagogie qui utilise efficacement le numérique. Dans le second, on en est encore à débattre de la manière de procéder alors que partout se développent des usages qui sont autant de moyens de mieux penser les équipements et leur gestion.

Or, à contraindre sans cesse, on stérilise beaucoup des idées qui se font jour. Je ne compte plus les questions qui m’ont été posées sur les possibilités de faire (médiation, actions dans la classe, incitation à produire) avec les élèves, pour lesquelles les réponses des circuits classiques sont toujours attendues, pour cause de réflexion hors-sujet ! Et pourtant ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent : système inadapté, sécurisation, communication et charge des réseaux,…

Un fait important aussi, est de ne pas arriver à franchir le pas du « différemment ». J’ai trop souvent pu constater que la vraie transformation de posture ne s’effectuait pas, et que le numérique s’employait comme les outils d’avant. Ces formations orientées « outils » s’avèrent vite limitantes.

Vous l’aurez compris, les limites ne se situent pas à mes yeux, du côté des élèves, ni de leurs enseignants.

 

  • Pourrais-tu professionnellement  te passer des outils numériques ? Qu’est ce qui te manquerait le plus pour travailler ?

Ce qui me manquerait ?… Le temps consacré aux élèves ! C’est une évidence.

Lorsque je regarde l’état des réflexions et des débats sur le numérique, si on s’attache de plus à la pression permanente de l’industrie numérique sur l’éducation et les prises de position diverses, que voit-on ? Qu’entend-on ?

« Dans des logiques de marchés, et des ressources (je parle d’applications), les dépenses pour le numérique éducatif, c’est trop peu lorsque l’on compare l’institution et les familles (Educrak 2015) », « il y a urgence à considérer le caractère insupportable de la précarité de la situation actuelle (assises de l’AFINEF, Hervé Borredon au sujet des décisions à prendre pour lancer la révolution numérique dans l’éducation (octobre 2014 ref : Ludomag) »,… on en parle aussi à Ludovia, StartUp4Kids, An@é, Educatice, ed21,… la liste est longue.

Alors, je préfère m’attacher aux élèves parce qu’au sein même de mon activité de développeur, sans cette source d’inspiration constante, basée sur des constats permanents, la recherche de solutions, et l’évaluation de l’impact sur l’individu, il n’y a pas d’évolution possible de la tendance numérique. Or dans les espaces cités précédemment, il y a des décisions qui sont prises entre gens convaincus, pour ne pas dire exclusifs, qui peuvent avoir raison sur le fond, mais qui, à mon avis, se plantent sur la forme, parce que pour toucher du doigt les espaces de progrès, il faut les vivre en situation réelle. C’est la chance que nous avons, avec aussi l’opportunité de pouvoir proposer aux élèves des modes de production très différents des modalités classiques (pour certaines déjà numériques, ex : les diaporamas) qui permettent d’insérer des activités très diverses au sein d’un même support (de préférence mobile et tactile), accentuant la précision et favorisant l’originalité, la créativité et la sensibilité.

Et oui, je pourrais me passer des outils numériques. J’ai d’ailleurs mis en place des structures de cycle d’apprentissages où l’outil n’intervient que dans le cas concret d’un besoin identifié. Concrètement, il m’arrive d’avoir deux classes d’un même cycle la même année. Pour un même travail, l’approche peut-être différente, appuyée par une observation des caractéristiques des élèves et des objectifs que je vais me fixer avec eux. De fait, des contenus différents, donc des moyens différents, pour des stratégies d’atteinte de niveaux identiques.

Mais globalement, j’y trouve tellement d’intérêt pratique que c’est difficile de s’en priver. Et puis, il y a un facteur important, sur lequel je reviendrai souvent : nos élèves apprécient la démarche. Celle de « savoir », de « connaître ». Et ils sont demandeurs ! Et de plus en plus souvent, ils sont les vecteurs de la transformation des collègues au sein de l’équipe, car ayant identifié des plus-values liées à ces usages, même si elles peuvent être différentes de celles que j’énonce, ils vont au devant des collègues encore hésitants pour leur demander d’adopter certains fonctionnements qu’ils trouvent intéressants.

J’ai à ce propos un bel exemple à proposer : ChronoPerf. Une application tablette se présentant comme un chronomètre (un outil classique) mais qui apporte un écosystème de bilan, gestion et transmission sans précédent. Un outil basé sur l’expérience professionnelle permettant la construction de stratégies très personnelles. Un outil qui se place très facilement entre les mains des élèves et les rend très autonomes très rapidement dans le domaine de l’action, du bilan et des responsabilités.

 

  • En dehors de l’utilisation du numérique avec les élèves, quelles autres utilisations en fais-tu (formation,préparation, relations avec l’administration,…) ?

  • Que t’apporte le numérique dans l’exercice de ton métier hors la classe ?

La quantité d’expériences acquises ne s’est pas faite toute seule. Après avoir éprouvé ma volonté de faire différemment sur le terrain, j’ai rejoint un « GEP », groupement d’expérimentation pédagogique. On en trouve, sous des noms parfois différents, dans toutes les académies.

L’expérience partagée a débouché sur 2 choses très importantes dans mon évolution professionnelle :

– la mise en place de formations pédagogiques intégrant le numérique, y compris au sein de mon activité de formateur APSA spécifique (VTT, Rugby)

– la création d’une structure de développement, et d’un écosystème EPS complet visant à concrétiser les propos de cette interview (PDAgogie.com, FacebookTwitter).

Du point de vue de la formation, la tâche est très intense. Il y a plusieurs phénomènes qui se développent.

La formation professionnelle continue en est un des rouages. Au sein de l’académie de Versailles, cela représente de 250 à 400 demandes annuelles avec un taux d’acceptation de plus de 80%. Cela fait beaucoup de monde, et surtout des gens très motivés, poussés par des politiques d’équipements qui les mettent parfois en difficulté au lieu d’améliorer le travail au quotidien. Nous en sommes à décliner les niveaux de formation afin de pouvoir avoir une offre progressive, nourrissant les attentes de chacun, en plus de donner un vrai élan.

Il y a ensuite le domaine universitaire et la formation initiale. les montages se font de manières très diverses, et j’espère pouvoir participer à une structuration efficace du C2i, C2i2e et au-delà dans les Masters.

Depuis 2 ans maintenant, je consacre du temps au réseau CANOPE. Mon point de vue est assez critique sur cet organisme, mais ma volonté d’aider les collègues y trouve d’excellents supports. J’y développe depuis peu des aspects fondamentaux de l’interdisciplinarité (le FREPS : une vision de l’interdisciplinarité), motivé dans ma tâche par l’arrivée des EPI qui, au delà des prises de position diverses dans les salles des professeurs, correspondent à la concrétisation de travaux interdisciplinaire entrepris sporadiquement sur le terrain. Cette discussion transdisciplinaire revêt un caractère des plus intéressant, et j’ai redéfini ma mission d’animateur/formateur au sein de CANOPE  en véritable service de développement (1871 : une application ressource), rendu localement ou plus largement, à des collègues ayant des envies, des idées mais très souvent démunis face à des difficultés techniques, et parfois aussi face aux élèves.

Le dernier point que j’aborderai est le plus cocasse. On pourrait penser, pour qui le vit de l’extérieur, que la simple motivation à vouloir répondre aux besoins des élèves et aux attentes de l’institution peut suffire à promouvoir les actions pédagogiques.

Venant de la base, il n’en est en réalité… rien ! Malgré les réponses données à des questions pertinentes et intéressantes posées à notre groupe de travail sur les changements au sein de l’école provoqués par l’arrivée de nouveaux outils, l’inertie systémique, les contraintes financières, de calendrier, et autres prétextes (ex.: « on n’apprend pas mieux avec le numérique ») ne permettent pas d’aboutir à des développements locaux encadrés, ou tout du moins accompagnés.

Bien que ce n’en soit pas réellement une, une des limites à la réussite de l’intégration du numérique dans l’éducation se trouve à l’usage dans la ressource. Je précise mon propos par le fait qu’on y entre pas par l’adaptation, la prospection et l’innovation, mais qu’on y avance par la concrétisation, la réflexion, l’action ciblée et cohérente. De quoi parle-t-on ? De « Faire entrer l’école dans l’ère du numérique » ! Et depuis le début, je trouve que la phrase est obsolète avant même d’avoir été énoncée, car à bien y regarder, cela faisait longtemps qu’on y était. Il reste donc à imaginer, et produire la suite.

Mon dernier point, puisque la question est de savoir quel est l’impact de tout cet exposé sur mon quotidien, est de dire que pour en arriver à ce que vous me sollicitiez, vous ainsi que d’autres, il aura fallu passer par certains sacrifices fondamentaux qui devaient aboutir à faire en sorte que nous puissions développer des applications, suivre les évolutions, apporter du matériel sur le terrain, pousser la réflexion au-delà de l’outil et opposer des idées à des lignes tracées en dépit de certaines précautions à prendre. C’est ainsi qu’une part non négligeable de mon temps (mais aussi celui de deux de mes collègues, David Perissinotto et Eric Dalewski, tous deux enseignants et proches des élèves et des équipes pédagogiques) est donné au développement de PDAgogie.com qui permet à des structures comme notre GEP, ou CANOPE de bénéficier de compétences qui ne se développent pas dans les circuits classiques.

Par l’intégration numérique, on a retrouvé certaines manières de travailler (classe inversée, mode de production des élèves, autonomie intelligente) et on en crée de nouvelles (organisation des espaces et du temps, dialogue hors la classe avec l’enseignant, ouverture des ressources). La vraie révolution se situe là, dans la relation pédagogique. Et soyez assuré que de tout cela, les plus grands bénéficiaires sont et demeurent, nos élèves !

Martial Pinkowski

 

3 questions à Mathieu, professeur d’histoire-géographie-EMC en lycée

J’ai 43 ans, j’enseigne l’histoire-géographie-EMC dans un lycée général du centre-ville de Caen.

1. Quelle est la place du numérique aujourd’hui dans ton travail ?

Le numérique est omniprésent dans mon travail : cela va de la mise en page des documents « papiers » distribués à la classe à la préparation « d’activités numériques » « en ligne » pour mes élèves, en passant par l’animation d’un blog personnel destiné (entre autres choses) à développer l’autonomie de chacun !

2. Quels sont les avantages et les inconvénients de cet outil ?

Le numérique n’est pas une solution magique pour répondre à tous les problèmes de l’enseignant ou de la classe. C’est un outil qui offre la possibilité de diversifier les pratiques, de varier et d’adapter les activités proposées aux élèves. Le préalable est pour moi d’exploiter cet outil si les objectifs le justifient, pas simplement « pour faire du
numérique » !

Deux difficultés majeures persistent toutefois aujourd’hui : d’une part la dimension matérielle de l’affaire… à chaque fois que je prévois une longue séquence en salle informatique, je suis contraint de tester la compatibilité des ordinateurs de l’établissement, d’installer éventuellement les logiciels requis (et de passer par l’administrateur
réseau) de prévoir une solution « bis » au cas où il y aurait un « plantage du serveur » ou pas de connexion internet ! Ce qui arrive relativement fréquemment. D’autre part quand on réfléchit à partir des besoins des élèves, le temps de conception de l’exercice / de l’activité peut être considérable car il est rare de trouver le logiciel (libre) parfaitement
adapté à ce que l’on cherche et le temps d’auto-formation (jamais réellement pris en compte par l’institution) se révèle au final très important. Choisir le numérique, c’est gagner en efficience sur le plan professionnel, mais c’est aussi empiéter de manière marquée sur son temps personnel.

3. Et si tu devais t’en passer ?

J’ai du mal à imaginer mon travail sans le numérique: revenir aux feutres pour transparents, à la colle et aux ciseaux, et pourquoi pas à « l’épiscope » ? attendre que le collègue « ait fini » avec les bulletins des secondes 2 pour pouvoir les remplir ? Renoncer à mes séquences d’écriture collaborative ou de travail individualisé sur archives vidéos documentaires soigneusement mises au point et en perpétuel ajustement ? Je trouverais sans doute des solutions de remplacement, mais s’il peut s’avérer difficile de s’initier et de monter en compétence dans le domaine du numérique, il me semble encore plus compliqué d’y renoncer une fois que l’on a franchi le pas !

Mathieu Deforge

3 questions à Manon, AESH

Je suis Manon AESH depuis 4 ans en CDD. J’exerce actuellement dans un collège mais avant j’ai fait 3 ans en lycée. Je suis également étudiante en Licence 2 de psychologie et intervenante à domicile auprès d’un enfant autiste le soir.


1- Vous utilisez le numérique au quotidien dans votre métier. Expliquez-nous dans quelle mesure et dans quel objectif.

En tant qu’AESH, j’aide un jeune adolescent de 12 ans qui lui-même utilise le numérique car il a des difficultés pour écrire.  Il utilise donc un ordinateur pour prendre ses notes. Lorsque j’ai pris mes fonctions en début d’année, ce jeune garçon (que j’appellerai « L ») ne prenait pas ses cours en notes sur son ordinateur. Ses parents m’ont alors proposé d’utiliser l’ordinateur de l’élève et d’ écrire pour lui. J’ai d’emblée refusé, expliquant que si j’écrivais à sa place, jamais il ne progresserait et que s’il était passif toute la journée sans écrire il risquait de s’endormir en classe (en début d’année ce fut d’ailleurs le cas). J’ai donc soumis l’idée d’utiliser mon ordinateur pour écrire ses cours en même temps que lui. « L » me voyant écrire, eut envie d’en faire autant. Nous sommes maintenant en janvier et il prend entre 50 et 85 % de ses cours alors qu’en septembre c’était 0 à 10 % et que l’année dernière il n’a jamais écrit aucun cours. J’aurais pu écrire à la main mais j’ai pensé que le mimétisme serait plus facile pour lui si j’utilisais le même outil. Cela lui permet également de pouvoir recopier le cours en regardant directement mon ordinateur et non pas le tableau, comme il a des troubles moteurs, visuels, auditifs et des troubles DYS, regarder le support placé à côté de lui est bien plus facile pour lui. Enfin je lui envoie tous les soirs les cours par mail (ainsi qu’aux 2 parents), il est plus facile pour lui d’utiliser le numérique que des feuilles de papier.

2- Quels sont les avantages de l’utilisation du numérique pour votre métier ?

C’est un gain de temps ! Si j’écrivais à la main, je passerais plus de temps à écrire. Alors que là, j’écris le cours très rapidement et je peux ensuite surveiller, aider et booster l’élève. De plus,  les professeurs me donnent certains supports (contrôles, exercices etc…  à l’avance) je peux donc retravailler la mise en page, augmenter la taille de la police, mettre en couleur certaines choses (ce qui est important pour cet élève).

3- Quelles en sont les limites ?

Avoir mon propre matériel est assez contraignant pour moi. De plus, il faut être certain que les parents prennent le temps le soir d’aider « L » à enregistrer les cours que je lui envoie, sans cela, il n’aura rien pour réviser (lorsque je peux mettre certains fichiers directement sur son ordinateur je le fais, mais étant au collège, nous avons rarement le temps de tout faire, et les parents sont dans la demande que je leur envoie les cours). Et enfin, lorsque l’outil ne fonctionne pas, l’adaptation à d’autres supports pour pallier le manque de l’ordinateur est plus difficile à gérer.
Bien sûr cela me demande un travail supplémentaire avec le numérique, des heures supplémentaires non payées, car je prends sur mon temps perso pour envoyer les cours, parfois réintégrer certains supports vus en cours, et pour adapter les supports que les profs me donnent.
Enfin, pour l’instant mon ordinateur tient la route, et la charge aussi, mais qu’en sera-t-il le jour où ça ne sera plus le cas ?!