Lutter contre le harcèlement, un CPE s’empare de la question et témoigne…

Bertrand Gardette, CPE au lycée La Fayette de Clermont-Ferrand, s’est attelé à la lutte contre le harcèlement scolaire, jusqu’à créer une association, écrire des ouvrages et mener des formations sur le sujet. Il nous raconte pourquoi et comment…

Quelles sont les principales caractéristiques du harcèlement en milieu scolaire ?

Le harcèlement, ce sont ces mille et une façons qu’utilise un élève pour tourmenter un camarade en ayant l’illusion que cette attitude peut lui apporter un bénéfice de notoriété au niveau de la classe (ou de tout autre groupe). Les caractéristiques fondamentales du harcèlement sont la répétition, sur la durée, de micro-agressions physiques ou psychologiques, l’incapacité de la victime à se défendre dans ce contexte précis et pour l’agresseur de mettre un terme, de lui-même, à cet engrenage. La particularité du harcèlement scolaire est d’être structurée en une relation triangulaire victime-agresseur(s)-pairs dans laquelle chacune des composantes joue un rôle dans la dynamique d’ensemble, mais également, porte potentiellement en elle la solution au problème.

 

Les études montrent qu’un collégien sur 10 est victime de harcèlement. Comment expliquer le développement de ce phénomène durant ces dernières années ? Quels liens faites-vous avec la notion de climat scolaire ?

En ce qui concerne le harcèlement « conventionnel » qui n’inclut pas le cyberharcèlement, 10% d’élèves victimes de harcèlement au cours de leur scolarité est plus un seuil-repère qu’une proportion objective. Les taux mesurés dans les différents pays gravitent autour de ce seuil. Cette proportion symbolique, mais consensuelle, permet de dresser un constat sur l’ampleur du phénomène. En France, Jean-Pierre Bellon et moi-même avions avancé dès 2007 le chiffre de 8.4% d’élèves victimes de harcèlement. En 2014, cette proportion, calculée selon les mêmes méthodes, est passée à 7.3%. Les raisons de cette baisse sont à chercher dans la prise de conscience et le travail de prévention des acteurs de terrain du système éducatif, dans l’instauration progressive d’une politique ministérielle spécifique et dans les interférences, ponctuelles mais retentissantes, du traitement médiatique. La bonne nouvelle est que la baisse du taux de harcèlement conventionnel est effective. La mauvaise est que nous sommes probablement entrés dans l’ère du cyberharcèlement dont certaines formes sont particulièrement ravageuses. Charge à nous d’inventer les réponses éducatives appropriées.

Harcèlement et climat solaire sont des notions interdépendantes, la prévention du premier étant une condition d’amélioration du second. Mais d’autres composantes du climat scolaire influent directement sur l’efficacité des actions de prévention. La cohérence de la justice scolaire, la qualité de vie à l’école, mais, avant toute autre chose, la capacité des professionnels à travailler en équipe sont des facteurs qui induisent une baisse significative du taux de harcèlement. S’il est illusoire de penser pouvoir éradiquer cette forme de violence parce qu’elle est un dysfonctionnement malheureusement indissociable de l’apprentissage de la relation de sociabilité, il est tout à fait envisageable d’en ramener le taux à 4%-5% ce qui permettrait de détecter et de traiter rapidement –donc efficacement- les cas restants.

 

La lutte contre le harcèlement a été inscrite dans la loi de Refondation de l’École de 2013. Quel regard portez-vous sur les mesures ministérielles qui en ont découlé ? Diriez-vous que la prise de conscience de la communauté éducative pour endiguer cette forme de maltraitance est en bonne voie ?

Même si elle ne tient pas lieu d’engagement inaltérable, l’inscription de la lutte contre le harcèlement qui figure, me semble-t-il, en toute fin de la loi de Refondation de 2013 engage le système éducatif pour plusieurs années. C’est heureux car depuis 2011, les avancées ont été irrégulières. La cause paraissait entendue en 2011-2012 avant de subir un trou d’air en 2012-2013. Les textes officiels publiés fin 2013 sur la prévention du harcèlement et du cyberharcèlement constituent les fondements de l’engagement actuel des établissements, mais c’est l’implication massive des élèves et des personnels autour du premier concours « mobilisons-nous contre le harcèlement » en janvier 2014 qui nous a convaincus que le retour en arrière n’était plus possible.

La prise de conscience de la communauté éducative est réelle. Pour intervenir dans de nombreux établissements en France comme à l’étranger, Jean-Pierre Bellon et moi sommes surpris de l’engagement des équipes dans des projets ambitieux et innovants. Équipe de direction, CPE, enseignants, personnels du secteur médico-social œuvrent en la matière parfois depuis des années. Sans vouloir réécrire l’histoire de la lutte contre le harcèlement en France, nous avons été marqués, tout au long de nos années de travail, par le déficit de valorisation des projets pédagogiques innovants et le poids d’un système hiérarchique très dépendant des titres et des statuts. Nos préoccupations actuelles portent sur le contenu de formation initiale, en matière de sensibilisation au harcèlement, des personnels néo-recrutés. En outre, la prévention du sexting (diffusion d’images d’élèves à caractère implicitement ou explicitement sexuel) doit faire l’objet d’une campagne de prévention nationale. Depuis 2013, nous demandons la mise en place d’une action de sensibilisation spécifique, en vain. Nous sommes obligés d’utiliser des films de prévention Suisse ou Australien pour travailler avec les élèves.

 

Comment devient-on un spécialiste de la prévention du harcèlement en milieu scolaire ? Comment concrètement décrire votre implication ?

Méfions-nous du terme de «spécialiste». Depuis que la prévention du harcèlement est devenue un sujet médiatiquement et financièrement rentable, des «spécialistes» auto-désignés ou portés à l’écran sans investigations journalistiques rigoureuses sortent du bois. Je prendrai donc la distance nécessaire avec ce qualificatif.

Mon engagement dans la lutte contre le harcèlement est indissociable de celui de Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie. Notre rencontre en 2001 a marqué le début de notre collaboration que nous poursuivons encore aujourd’hui. Entre 2001 et 2008, nous avons mené des investigations théoriques que nous transposions en expérimentations dans nos établissements. Nous intervenions également dans d’autres écoles en soutien aux équipes, actions que nous menions en dehors de nos temps de travail puisque nous ne bénéficiions pas de cadre légal. Nous avons créé notre association en 2006 pour avoir une existence statutaire et poursuivre nos recherches. A partir de 2011, années de reconnaissance des phénomènes de harcèlement, les demandes de formation se sont multipliées, mais pas nos disponibilités. Nous avons donc privilégié les formations des personnels tout en continuant à travailler avec les élèves dans nos établissements respectifs. Notre travail en équipe explique la pérennité de notre implication. Cette solidarité sans faille nous a permis de surmonter les difficultés et les blocages. Nos approches pédagogiques et éducatives respectives nous ont permis d’être complémentaires, j’espère que cela se ressent dans les ouvrages que nous avons co-écrits.

Actuellement, nous élaborons une plateforme Internet collaborative autour de la méthode de la préoccupation partagée, stratégie de traitement du harcèlement qui conduit le harceleur à trouver, de sa propre initiative, une issue au problème. Cet outil est opérationnel. Il s’adresse aux professionnels français, Suisses, Belges et Luxembourgeois que nous avons formés.

En quoi la responsabilisation des adultes et des élèves est une réponse efficace pour lutter contre ce fléau ? Quelles actions ou quels projets vous semblent prioritaires à mettre en œuvre dans les établissements ?

 

Plus que la responsabilisation, ce sont l’implication et la force de conviction des adultes qui sont déterminantes. Lutter contre le harcèlement revient à constituer un front commun des adultes, professionnels et parents d’élèves. Cette posture éducative qui allie fermeté et détermination face aux agresseurs n’empêche en rien la bienveillance. J’ai la chance de travailler dans un lycée où l’ensemble des collègues a totalement intégré ce positionnement. Nous sommes, bien entendu, confrontés à des cas de harcèlement, mais notre capacité à détecter rapidement les situations et à apporter une réponse d’équipe cohérente améliore significativement les chances de résolution des problèmes. Quant aux élèves, ils sont à la fois le public prioritaire des actions de sensibilisation et des partenaires incontournables désireux de s’impliquer dans cette prévention comme le montrent les 750 projets présentés au concours «mobilisons-nous contre le harcèlement» de 2014.

Dans les établissements scolaires français, écoles, collèges ou lycées, la priorité doit être la formation des personnels. Sous l’impulsion du ministère des efforts ont été faits depuis 2013, mais le contenu des stages proposés aux enseignants est bien souvent plus informatif que didactique. La remarque d’un professeur de collège à l’issue d’une formation de ce type : «maintenant le harcèlement, on sait ce que c’est, mais qu’est qu’on peut faire ?» illustre le désarroi des collègues.

L’autre priorité, toujours pour les personnels, est d’intégrer un principe de vigilance active à notre culture professionnelle et de partager l’information selon un protocole préalablement défini. Par exemple, l’isolement d’un élève dans une classe doit activer ce principe de vigilance (40% des élèves à faible sociabilité sont victimes de harcèlement). L’information est ensuite partagée avec l’ensemble de l’équipe pédagogique, des stratégies concertées visant à favoriser l’intégration sont décidées, un suivi individuel préventif peut être envisagé et bien sûr, les moqueries ou remarques désobligeantes à l’encontre de cet élève sont immédiatement corrigées. Le simple fait, pour les élèves, de constater que l’information circule au sein de l’équipe pédagogique et que la réponse éducative est cohérente suffit à dissuader une majorité d’agresseurs potentiels.

 

Quelle place particulière le CPE prend-il dans la gestion et la prévention des situations de harcèlement ?

La circulaire de 2015 souligne que les CPE «participent à la prévention et à la lutte contre toutes les formes de discrimination, d’incivilité, de violence et de harcèlement», mais nous n’avons pas attendu ce texte pour nous engager. Si les CPE se sont emparés spontanément de la problématique du harcèlement à l’école, c’est peut-être parce qu’elle trouve immédiatement sa place au sein de notre identité professionnelle. Notre formation initiale, pluridisciplinaire et polyvalente, nous donne des compétences dans le suivi individuel et collectif des élèves. En matière de traitement des situations de harcèlement, cette double entrée est un atout. Nos relations avec les professeurs, les personnels du secteur médico-social et les parents d’élèves pourraient nous amener, assez naturellement, à endosser le rôle de référent harcèlement à la condition que nous y soyons identifié pour notre expertise et nos compétences, c’est-à-dire comme personne ressource, et non comme celui ou celle qui va décharger l’équipe d’un colis embarrassant.

Le CPE peut également intégrer un module sur la prévention à sa formation des délégués. L’enjeu prioritaire de la lutte contre le harcèlement est la détection précoce des cas. Plus une situation est repérée rapidement, plus la probabilité de neutralisation du phénomène est importante. Or les élèves, de surcroît formés, sont les mieux placés pour repérer l’émergence d’une situation de harcèlement, pour la signaler à un adulte de l’établissement ou pour la réguler d’eux-mêmes.

La formation des assistants d’éducations obéit à la même stratégie. Leur proximité avec les élèves favorise le recueil d’observations. Ces informations, transmises au CPE nous permettront de gagner un temps précieux. La formation doit également inciter les AED à éviter les postures éducatives préjudiciables. Je pense, par exemple, aux surveillants d’internat qui peuvent parfois se faire berner par des harceleurs qui parviennent à détourner leur vigilance en se montrant soit trop conviviaux soit menaçants.

En matière de prévention du harcèlement, la plus-value que les CPE peuvent apporter à nos écoles est évidente. Notre engagement professionnel en la matière bénéficie à l’ensemble de la communauté éducative à la condition que la politique d’établissement ne fasse pas de la relation à l’élève une variable d’ajustement.

Bertrand Gardette – CPE au lycée La Fayette de Clermont-Ferrand
Vice-président de l’APHEE (Association pour la Prévention des phénomènes de Harcèlement Entre Élèves)

 

Co-auteur (avec Jean-Pierre Bellon) de 4 ouvrages sur le harcèlement à l’école :

 

Les devoirs, une question professionnelle

Donner des devoirs ou non, de quelle nature, avec quelle organisation et pour quelle efficacité ?

Voilà une question professionnelle majeure qui préoccupe tous les enseignants…

Dans l’Enseignant de septembre 2017 vous trouverez un dossier sur cette thématique complété ici par une série de témoignages de collègues qui seront publié fin août…

Crédit photo : Pixabay CCO Public Domain

Pour Laurent ce qui est essentiel c’est la question du travail personnel

Laurent Fillion est prof d’histoire géographie EMC en collège dans le Pas de Calais, il pratique l’évaluation sans notes et encadre une mini entreprise dans le cadre de la DP3 puis des EPI.
Il co-anime le site de partage de tâches complexes « Les tacos de Thucydide » et tient le blog « Peut mieux faire« . Adhérent au CRAP – Cahiers Pédagogiques il a coordonné plusieurs numéros “ et le livre “Éduquer à la citoyenneté : construire des compétences sociales et civiques”. Il est également coauteur des manuels lelivrescolaire.

La question des devoirs est elle une problématique professionnelle importante pour vous ? Pourquoi ?

Oui et non.

  • Oui parce que donner des devoirs reste une pratique largement répandue et c’est donc difficile de ne pas s’y intéresser.
  • Oui parce que ces devoirs à la maison créent de profondes inégalités entre les élèves et créent aussi assez souvent (et on a tendance à l’oublier) des tensions entre les élèves et les parents.
  • Non parce que la problématique essentielle à mes yeux est celle du travail personnel des élèves qui ne se cantonne pas aux seuls devoirs à la maison, bien au contraire.

Quelles réponses apportez-vous aux questions qu’elle suscite ?

Limiter le travail à la maison à la mémorisation des leçons, aux exercices d’application et à quelques recherches complémentaires.

Votre regard sur les devoirs a-t-il évolué au cours de votre carrière ?

Oui. Quand on débute, on est formaté à ce qui nous paraît être des incontournables du métier. Donner des devoirs, comme mettre des notes et des moyennes, en fait partie. Dans mes premières années d’enseignement, j’ai donc donné des exercices de préparation aux leçons comme je l’avais connu moi-même en temps qu’élève et comme on me l’avait appris à l’IUFM.
Assez vite, je me suis aperçu de l’inutilité voire la nocivité de ces devoirs pour plusieurs raisons :

  •  certains élèves ne les faisaient pas ou mal et étaient donc grandement pénalisés
  • la perte de temps pour vérifier voire corriger
  • et surtout l’activité essentielle de l’apprentissage était renvoyée à la maison sans l’accompagnement du professeur.

J’ai donc décidé assez vite que ces exercices d’apprentissage seraient faits en classe, avec mon aide et avec une différenciation bien plus facile à mettre en oeuvre que quand on les externalise.
Ce qui était devoir est devenu travail personnel, réalisé en classe, avec mon aide, en cooppérant, parfois différencié, parfois intégré à un plan de travail.

Ce temps ainsi dégagé à la maison, les élèves peuvent le consacrer à la mémorisation, à des exercices d’entraînements, d’application. (qui peuvent d’ailleurs être effectués ou commencés aussi dans la classe)

Le nouveau ministre a fait des annonces sur le dispositif « Devoirs faits ». Quelle mise en œuvre vous paraîtrait la plus pertinente dans votre établissement ?

Il faudrait réunir plusieurs conditions pour que cette mesure qui vise juste ne fasse pas au final pire que mieux :

  • ne pas nécessairement placer ces heures en fin de journée
  • placer ces heures dans l’emploi du temps de la classe et les rendre obligatoires à tous. Si c’est aux professeurs de désigner les élèves, ils risquent de prendre cela comme une sanction et rendre la mesure contre productive. Si c’est sur la base du volontariat ( cela semble être le choix retenu par le ministre) les élèves présents risquent de ne pas être ceux qui en ont le plus besoin (ce qui au final continuer à creuser les inégalités). De plus, on risque alors de faire reposer la faute de l’échec sur les seuls élèves dans des discours du type « et il ne va même pas aux heures devoirs faits ».
  • penser au cadre : comment permettre les travaux de groupe, les échanges entre élèves …
  • veiller à ce que ce dispositif ne traduise pas par une inflation du nombre des devoirs et une diminution des travaux personnels réalisés en classe. Ce serait vraiment dommage au regard des progrès réalisés ces derniers temps dans ce domaine, notamment dans le cadre de l’AP.
  • et surtout être accompagnée d’une véritable réflexion sur le bien fondé et la nature des devoirs

Pour Céline les devoirs sont utiles

La question des devoirs est elle une problématique professionnelle importante pour toi ? Pourquoi ?

Oui parce que les devoirs écrits sont interdits et à mon sens ce n’est pas une « faute » de donner des devoirs. Nous n’avons pas de liberté de ce côté là (les parents disent c’est interdit) mais si les devoirs sont réfléchis de la part de l’enseignant, je les trouve utiles.

Quelles réponses apportes-tu aux questions qu’elle suscite ?

Les mots clés :

  • Temps court
  • Entrainement
  • Devoirs individualisés (selon le niveau et la possibilité des parents à suivre leur enfant)
  • Lien avec les parents qui peuvent suivre les progrès de leur enfant

Votre regard sur les devoirs a-t-il évolué au cours de votre carrière ?

Oui au départ je donnais des devoirs avec moins de réflexion (sur le temps, la différenciation…) mais dans l’idée globale non. J’ai toujours considéré les devoirs comme des entrainements et une continuité de l’école à la maison. L’élève ne doit pas être en difficulté face aux devoirs et doit pouvoir les faire seul (ex: lire un peu chaque soir, réviser des tables de multiplications, poser des additions, réviser différentes leçons vues en classe, apprendre les mots de la dictée…)

Au fur et à mesure je me suis aperçue que les élèves étaient demandeurs et j’ai testé plusieurs supports pour le soir à la maison: cahier de leçon, porte-vue avec fiches, cahier de révision, de devoirs… À creuser encore !

Le nouveau ministre a fait des annonces sur le dispositif « Devoirs faits ». Quelle mise en œuvre te paraîtrait la plus pertinente dans ton établissement ?

Proposer un lieu (étude) pour faire ses devoirs.

Dernière remarque !!

Les assistants de vie scolaire peuvent aider et la question de la formation se pose « ils ne sont pas enseignants ils peuvent expliquer mal » mais c’est la même chose pour les parents ! C’est pour cela qu’à mon sens les devoirs ne doivent être que de l’entrainement/révision/mémorisation. Si le parent doit expliquer c’est qu’il y a un problème dans l’enseignement au départ.

Céline enseignante en ULIS collège

Photo en Une : Pixabay CCO Public Domain

Comment Frédéric a changé de regard à propos des devoirs

Frédéric Davignon, professeur d’anglais en internat, a raconté sur son excellent blog « J’adore mon job » comment il a changé de regard à propos des devoirs et ce qu’il a mis en place pour accompagner ses élèves dans leur travail personnel. Il nous a semblé que ces réflexions éclairent bien le sujet de notre dossier « Les devoirs, une question professionnelle » et c’est avec son autorisation que nous republions ici ces 2 billets : 

J’adore… l’aide aux devoirs (publié le 3 décembre 2011 sur le blog « J’adore mon job »)

Et je suis même fan de la chose.

Il y a plus d’un an et demi, j’ai découvert l’aide aux devoirs. Un peu par hasard, il est vrai. Au départ, je faisais déjà des heures supplémentaires, j’avais beaucoup de trajets, donc en faire plus et finir encore plus tard, non merci.

Et puis un jour, j’ai eu l’occasion d’en faire. Et j’ai découvert à quel point cela, si bien mené, avec les moyens nécessaires, pouvait être utile à l’élève et à sa réussite.

Comme beaucoup de professeurs, je ne me suis que peu intéressé à la partie non visible mais essentielle de l’élève: l’élève en dehors du cours, face à ses devoirs. J’ai tenté d’ignorer ce que nous savons pour la plupart tous: faute de temps, de lieu adapté parfois, faute de soutien à la maison disponible pour diverses raisons, une grande partie des élèves des établissements que j’ai fréquentés, ne font pas leurs devoirs, tout simplement. Ils ne travaillent que pour les évaluations, et encore. J’ai tenté d’ignorer que les élèves n’avaient pas les méthodes pour apprendre, même si on en parlait parfois en classe, que c’est au moment de travailler qu’il faut être là avec eux. J’ai tenté d’ignorer que l’école publique républicaine que j’aime tant et à laquelle je suis si attaché, celle qui fait réussir tout le monde, y compris les plus fragiles, les plus pauvres et qui les aide à grimper l’échelle sociale ou tout simplement à atteindre leur plein potentiel, ne le fait finalement que très mal. Je faisais mon job, en classe, avec enthousiasme, essayant de leur faire aimer la matière, après à eux de faire le leur chez eux, apprendre, comprendre.

Sauf que ça ne marche pas.

Apprendre, ce n’est pas un jeu d’enfant.

Apprendre, comprendre, ce n’est pas la chose simple et rapide que je pensais que c’était.

Et c’est lors de l’aide aux devoirs que je l’ai découvert. J’ai découvert à quel point je pouvais être vraiment utile là aussi. Rien qu’en étant là. En donnant des conseils pour mémoriser, et aider à répéter et réciter une leçon, et travaillant l’accent (bah oui, enfin, si vu en classe le mot était su et mémorisé et bien prononcé…). J’ai découvert à quel point cela changeait mes relations aux élèves, y compris ceux avec qui il y avait des tensions en classe. J’ai découvert à quel point ils appréciaient qu’on les aide, même si certains n’étant là que contraints et forcés car inscrits par les parents. Ne serait-ce qu’un instant, être là et les aider. J’ai découvert aussi le temps qu’il faut à certains élèves pour apprendre et mémoriser. J’ai découvert à quel point cela était synonyme de travail dur. J’ai découvert qu’en fait moi, j’étais à l’époque un bon élève et que je ne savais pas du tout ce qu’être un élève moyen ou en difficulté voulait dire. J’ai découvert que je pensais que tous les élèves étaient comme moi, moi élève… Et je n’en suis pas fier de cette découverte.

Je suis pleinement leur professeur depuis l’aide aux devoirs, à mon sens. Je les accompagne sur tout le processus, suivant les besoins, en classe mais aussi après, quand ils apprennent et travaillent.

Alors oui, il y a sans doute à améliorer là dedans, il faudrait pérenniser les moyens, faire que ça ne soit pas encore en plus dans l’emploi du temps des professeurs mais dedans mais il faut vraiment que l’aide aux devoirs demeure dans l’école.

J’ai la chance que cela soit inclus dans mon emploi du temps et dans celui des élèves (internes). En échange, je reste souvent tard, jusqu’à 19h, pour les aider. Mais je me sens utile. Et ils progressent.

Ca ne donne pas une solution à tout, mais on avance dans le bon sens.

Donc oui, j’adore l’aide aux devoirs. Les élèves aussi !

J’adore…réussir ma rentrée (ou l’aide aux devoirs) (Publié le 1er novembre 2014 sur le blog « J’adore mon job »)

Les prochains billets vont vous parler de ma rentrée. Tout n’a pas été rose, mais c’est une des (la ?) plus belles et plus intéressantes que j’ai vécues, j’ai beaucoup à partager.

Mon établissement est un internat. Les élèves ont donc du temps pour travailler dans l’établissement puisqu’ils ne le font pas chez eux.

Plutôt que de mettre ce temps de façon classique de 5 à 6 voire 7, le parti-pris a toujours été de l’intégrer à l’emploi du temps, qui du coup s’élargit au-delà de 5h de l’après-midi.

Cette année, notre Proviseur a décidé d’intégrer une demi-heure de « travail », permanence, étude dirigée – peu importe le nom – à l’horaire de certaines matières dont la mienne, l’anglais.

Je me retrouve donc avec mes 3h classiques, plus une demi-heure. J’ai concrètement 2 fois une heure, et une fois une heure et demie. L’engagement pris par les enseignants était d’utiliser au moins une demi-heure de ces 3h30 pour faire de « l’aide aux devoirs ». J’ai choisi pour ma part de diviser cet horaire en 2, 45 minutes de cours, 45 minutes « autres ».

Au départ, cela m’inquiétait un peu d’avoir une heure trente. Est-ce que cela n’allait pas être trop long ? Nos élèves en difficulté allaient-ils adhérer ?

J’ai choisi de faire cours sur la première partie, et d’accompagner leur apprentissage du cours (en anglais, il faut pratiquer, mais aussi apprendre). Tout le monde doit apprendre, puis chacun utilise le temps comme il le souhaite : pour pratiquer, pour finir quelque chose, recopier un cours manquant, lire en anglais, écouter des ressources, créer des ressources, créer des fiches mémos. Les élèves ont d’emblée adhéré. J’ai pu travailler avec eux sur ce que ça veut dire « d’apprendre son cours ». J’ai donné diverses méthodes pour mémoriser. Certains, les plus petits, ont beaucoup aimé aussi venir me réciter ce qui était à apprendre, ou me montrer leur cahier.

En seconde, après une première interrogation de cours, une élève m’a dit : « Mais en fait, c’est facile d’apprendre ! Ca marche votre truc ! Pendant des années, je m’y suis mal prise ! » Cet aveu m’a beaucoup touché, et en même temps énormément chagriné. N’avons-nous là pas raté l’essentiel si une élève de 2nde découvre seulement cette année-là comment apprendre ? L’arrivée dans le projet de socle commun d’une section là-dessus me fait très plaisir, je dois dire.

Mes petits 6e, mais aussi les 4e ont bien peu d’idées sur ce que veut dire apprendre un cours, et surtout comment on fait. Ils pensent aussi qu’ils sont « nuls », pas adaptés à l’école et ont une très médiocre image d’eux-mêmes. S’ils n’arrivent pas à apprendre alors que d’autres savent faire, c’est forcément que quelque chose ne va pas chez eux. Ce sont bien souvent des élèves qui pour diverses raisons ne sont pas aidés à la maison. On touche là pour moi un point essentiel. En donnant des devoirs à la maison, des exercices, on favorise certains élèves : ceux qui réussissent déjà à l’école, ceux qui peuvent être aidés par leurs parents, et on laisse de côté ceux qui n’y arrivent pas et pour qui on devrait être là. Ceux-là mêmes pour qui l’école telle que je la conçois doit être là.

Attention, je ne dis pas que les élèves ne doivent rien faire en dehors du cours. Mais à mon sens ce qui est donné en dehors du cours doit être très réfléchi et ne doit pas placer les élèves dans une situation qui amène de l’inégalité et qui les met en difficulté si personne n’est là pour les aider.

La classe inversée m’a aussi beaucoup apporté, je donne à faire hors du cours des choses simples, regarder une vidéo portant sur un point dont ils auront besoin, quelque chose à lire, puis on fait le point en classe et on utilise ces connaissances pour pratiquer la règle. Je donne à faire quelque chose qui aidera l’élève pendant le cours, qui lui permettra d’avancer. Parfois, mes 45 minutes servent aussi à cela pour ceux qui ne peuvent pas le faire hors de la classe (pas d’accès à Internet par exemple). Mais je reviendrai dans un autre billet sur la classe inversée.

Je perdrai sans doute un jour cette demi-heure en plus, mais je pense que je militerai alors pour 2 créneaux de 1h30 durant lesquels j’aiderais les élèves à faire le travail que l’on donne à faire normalement « à la maison ».

On a donc beaucoup travaillé sur comment apprendre et quoi. Qu’est-ce que ça veut dire savoir un cours ? Savoir un mot, c’est savoir ce qu’il veut dire, savoir le dire, savoir l’écrire ? Les 3 ? Ah bon, Monsieur ? Les évaluations orale ou écrites de cours sont vécues différemment depuis aussi. Ce moment commun de « travail » est devenu un vrai moment de plaisir. On fait cours, et après on apprend. Est-ce que je perds du temps? Je ne crois pas. Et puis cela pacifie énormément le déroulement du cours. Les élèves savent que je serai là, pour aider, pour expliquer à nouveau, pour clarifier, même après le cours classique. Bref, que je serai leur professeur. Pleinement.

Céline ne donne pas de « devoirs » mais propose des activités

Tout d’abord peux-tu te présenter en quelques mots ainsi que ton contexte de travail ?

J’ai commencé ma carrière en 2002. Je suis depuis 7 ans directrice d’une école de 6 classes en région parisienne et j’enseigne en classe de cycle 3. Le public est dit « socialement mixte », la grande majorité des parents travaille, souvent jusque tard le soir.

Concrètement que donnes-tu en devoirs à tes élèves ? (type, quantité, fréquence, organisation…)

Je ne donne à mes élèves aucun devoir : quel mot péjoratif, je trouve… un devoir, après 8h voire 11h de collectivité dont 6h d’apprentissage… dans ce cadre, ce mot s’apparente à corvée, non ?
En revanche je leur propose des activités, celles-ci pouvant se faire sur le temps de classe (sur les 15 premières et 15 dernières minutes de la journée).
Proposer est un terme choisi : si les activités ne sont pas faites, les élèves savent que je ne les blâmerais pas.
Je leur exprime mon souhait en début d’année :
– lire tous les jours 20 minutes, le choix du support étant libre : roman, album, bande-dessinée, etc. Je les aide si besoin dans le choix, je leur prête les livres s’ils n’ont pas la possibilité d’aller à la médiathèque, etc.
– je leur propose aussi une liste de sites et/ou d’applications gratuites via notre Espace Numérique de Travail permettant de travailler en calcul mental de manière ludique.
– régulièrement, ils relisent les leçons apprises en classe, et peuvent visionner les capsules vidéos associées.

Quels moyens mets-tu en œuvre pour que ces devoirs soient faisables par tous ? Comment gères-tu ceux qui ne les font pas ?

Ces activités sont accessibles à tous : il serait paradoxal pour moi de différencier ma pédagogie sur le temps scolaire et de proposer à tous la même chose alors que je ne suis plus aux côtés des élèves pour les aider. La différenciation en lecture se fait en variant le support, et les différents jeux de calcul mental prennent en compte les progrès de l’élève pour les faire évoluer à leur rythme.

Si tous, dans un premier temps, ne font pas les activités, le moment de mise en commun les y incite : nous prenons 5 minutes le matin pour partager nos progrès, notre avancée dans l’intrigue du livre en cours, ou notre avis sur la capsule vue la veille au soir. C’est ce temps qui est aussi formateur, si ce n’est plus, que celui de l’activité.

Comment présentes-tu cela à tes élèves ? À leurs parents ?

Je ne rencontre aucune difficulté à partager cette vision avec les élèves, c’est en revanche beaucoup plus délicat avec les parents : ne pas donner de devoir est un acte de résistance ! J’expose mon fonctionnement lors de ma réunion de rentrée en tentant de convaincre les irréductibles mais je ne me fais pas trop d’illusions : certains investissent sans doute dans de célèbres cahiers de révisions quotidiennes… peu importe, je propose aux parents qui voient les devoirs comme un « moment de partage » (déjà entendu !) de profiter de ces 15 ou 30 minutes gagnées pour faire un jeu de société en famille. Autant dire, s’il fallait le préciser, que peu de mes élèves ont eu la chance de jouer en famille…
Pour beaucoup les devoirs sont synonymes d’efficacité et de réussite en classe. Une enseignante ne donnant pas de devoir est vue comme laxiste, peu exigeante voire cataloguée « mauvaise maitresse ».

Quels effets observes-tu sur les élèves (et éventuellement sur les parents) dans ta façon de gérer les devoirs ?

Le rythme scolaire est perpétuellement source de débat. En l’occurrence ma gestion des devoirs fait que l’élève retrouve après l’école un temps à la maison calme et sans tension. Il se réapproprie ses loisirs sans avoir la contrainte d’un travail attendu par l’enseignante pour le lendemain.
Les devoirs sont devenus le lien entre l’école et les familles. Ce lien ne peut-il donc pas se créer autrement ?
En début d’année j’invite tous les parents qui le souhaitent à passer avec nous 1h, 2h voire une demi-journée pour ceux qui le peuvent. Depuis 4 ans que je propose cela, environ 1 ou 2 familles/an seulement sont venues en classe, et ce n’est malheureusement pas mes irréductibles qui estiment que « je couve trop les élèves ».

Tes collègues font-ils comme toi ? Quel est leur regard sur ta façon de faire ?

Il a fallu plusieurs années pour que la quantité de devoirs des collègues diminuent. Nous n’avons pas la même manière de fonctionner. Des pratiques perdurent , et pour certaines collègues, l’association « devoirs = maîtresse sérieuse » est tout aussi ancrée que pour certaines familles.

Comment ta vision des devoirs à la maison a-t-elle évoluée au cours de ta carrière ?

Au début de ma carrière, je reproduisais ce que j’avais pu voir lors de mes stages. Je donnais à mes élèves quelques opérations, de la lecture avec questionnaire à l’appui, voire (« halte-là, malheureuse ! » ) un exercice de grammaire.
Puis, comme tout le monde, je me suis construite en tant qu’enseignante, je fais évoluer mes pratiques.
Le plus difficile est d’assumer ce choix vis-à-vis des parents.

Qu’est-ce-que tu souhaiterais encore améliorer dans ton dispositif ?

Je me nourris des échanges de pratiques et des témoignages de collègues, il me reste énormément à apprendre, rien n’est figé !

Qu’est-ce-que tu conseillerais à un jeune collègue débutant pour aborder cette question ?

Ne pas confondre « devoirs à la maison » et apprentissages, c’est la clé !

Céline Martinage, École Pablo Picasso à St Michel sur orge

Pas de devoirs en lycée pro, Marie Anne nous explique son choix

Enseignante en économie gestion en lycée professionnel au Lycée des Métiers Jean Caillaud à Ruelle sur Touvre depuis 10 ans, j’ai débuté ma carrière (14 ans à ce jour) en MFR (Maisons Familiales et Rurales) puis suis passée par un centre de formation des apprentis. J’ai aussi enseigné l’anglais en collège pendant deux ans avant de choisir d’enseigner l’économie gestion.

Je n’ai jamais donné de devoirs à la maison à mes élèves, qu’il s’agisse des apprentis, des collégiens ou bien maintenant de mes lycéens. Ne pas donner de devoirs à mes apprentis me semblait une évidence car leur semaine de travail est déjà assez chargée. Même si leur temps de formation est moins conséquent qu’en lycée, je ne voyais pas vraiment comment ils auraient pu s’organiser pour travailler en plus à la maison !

Quand j’ai commencé à enseigner en collège, je n’ai pas non plus voulu donner de devoirs à la maison. Surprenant peut-être ! En fait, j’ai le souvenir ému du premier professeur pendant ma scolarité qui nous avait dit : « vous n’aurez pas de devoir à la maison ! » Non seulement ça avait été une énorme surprise mais en plus une vraie libération ! Je suis la première bachelière de ma famille. Faire les devoirs à la maison relevait parfois du cauchemar car il n’était pas facile de trouver quelqu’un pour m’aider. Dans certaines matières, je sentais un peu la détresse de mes parents qui ne savaient comment m’aider, n’en avaient d’ailleurs pas toujours le temps ou bien exprimaient le regret de ne pas avoir pu poursuivre des études car, à l’époque… (un certificat d’études pour mon père et un apprentissage de couturière pour ma mère). Cela m’a-t-il marqué au point que je me dise qu’il y avait quelque chose d’un peu injuste dans le fait de donner des devoirs à la maison ? Très certainement !

Au-delà de cette injustice (qui peut aider l’enfant, l’adolescent quand il a des devoirs parfois un peu complexes à faire ?), il me semble que nos adolescents ont des semaines chargées. J’enseigne dans un lycée avec une population défavorisée. Il n’est pas rare qu’à la sortie des cours, les premières préoccupations soient d’aller chercher petits frères ou sœurs, de faire les courses, d’aider à la maison, etc. et qu’à tout ceci s’ajoute le fait de gérer le manque d’espace dans la maison ou l’appartement familial. Dans ces conditions et compte tenu du fait que nos lycéens en voie professionnelle cumulent parfois jusqu’à 32 heures de cours par semaine (grand choc quand ils débutent en seconde), il est, pour moi, impensable de leur rajouter une charge de travail.

Qui plus est, j’ai en face de moi des élèves qui arrivent avec un sentiment d’échec (le discours : « tu ne travailles pas assez, tu n’as pas assez de capacités… donc tu iras en lycée professionnel » a la vie dure). De ce fait, mon premier travail est de leur redonner confiance mais aussi de leur redonner de l’envie, du goût, du plaisir même à aller à l’école ! Cela ne passe certainement pas par un travail à la maison, souvent peu ludique, voire rébarbatif, mais plutôt par des activités en classe qui leur redonneront confiance en eux et les valoriseront.

Alors effectivement, je suis souvent pour ne pas dire toujours en porte-à-faux avec de nombreux collègues pour ne pas dire tous !

Mais qu’il m’est pénible de voir sur un bulletin : « la moyenne est mauvaise car plusieurs devoirs maison n’ont pas été remis » ou encore pire : « zéro car devoir non rendu » ! Mais le problème des appréciations sur le bulletin est aussi un vaste et autre sujet ! Pour moi, ce genre de comportement relève de la double peine ! Le jeune a un devoir à faire à la maison, ce qui, bien sûr, ne l’enchante guère dès le départ (je le comprends !) mais en plus il se voit attribuer un beau zéro en guise de notation pour un trimestre voire un semestre ! Concrètement, j’ai du mal à voir le bénéfice !

J’avoue m’être battue un peu au début pour tenter de faire comprendre à des collègues que je trouvais ça particulièrement injuste. Mais j’ai honte d’avouer que j’ai baissé les bras au nom de la sacro-sainte liberté pédagogique ! En même temps, je peux aussi comprendre que, pour certains collègues qui ont une heure seulement par semaine les élèves, il n’est pas toujours évident de gérer un programme, des évaluations en classe et donc très certainement existe-t-il une quasi obligation d’avoir recours aux devoirs à la maison. Mais, à ce moment-là, pourquoi ne pas essayer d’y apporter un peu plus de souplesse ou du moins un peu plus de « fun » ?

Il existe maintenant des solutions plus « sympathiques » pour évaluer non ? J’utilise plutôt Plickers par exemple pour une petite évaluation ponctuelle plutôt que de leur donner quelque chose à la maison.

Depuis presque deux ans, je me suis lancée dans l’aventure de la classe inversée, ce qui sous-entend de travailler un peu à la maison. Mais, comme le dit si justement Marcel Lebrun (notre référence à tous) il existe plusieurs classes inversées !

Me lancer dans la classe inversée remettait donc en cause tout ce que j’avais mis en place depuis que j’enseigne puisque pour moi c’était zéro travail à la maison. Mais la réaction de mes élèves a été absolument géniale et très encourageante ! En effet, le travail en amont dans ma classe inversée consiste à visionner une capsule puis à répondre à un quiz réalisé sur Google form. Ce qui, au pire, leur prendra une dizaine de minutes (3 à 5 minutes pour visualiser la capsule, 3 à 5 minutes pour répondre au quiz). Mais là encore, pas d’obligation de faire ça à la maison (puisque tout le monde ne dispose pas de moyen d’accès à Internet chez lui) et donc on peut prendre 10 minutes en début de cours pour que tout le monde en soit au même point. En fait, les élèves trouvent ça plus sympathique à faire qu’un devoir maison « classique » et ont vite pris le pli de visionner la capsule et de compléter le quiz. C’est même moi qui avais plus de réticence qu’eux au début. Ce à quoi, l’un d’entre eux a répondu : « mais Madame, vous rigolez, 10 minutes, on peut quand même faire ça pour vous ! ». Mais c’est surtout qu’ils peuvent le faire avec leur smartphone, avec leur tablette, dans le bus, à la maison, dans la cour… Il y a un côté « pratique » à ce type de devoirs à faire à la maison. Mais non ! Rien que le nom « devoirs » me gêne toujours autant ! On crée l’obligation alors que moi je recherche le fait que le travail à faire se fasse par choix. C’est aussi cela que m’apporte la classe inversée.

Donc, si je devais démarrer ma carrière aujourd’hui, j’essaierais d’abord de voir ce qui se fait, ce que le numérique peut m’apporter comme avantage. Je testerais, je tenterais mais surtout, surtout, je ferais en fonction du ressenti de mes élèves et de l’envie que je décèlerais chez eux.

Car, oui, cette année, et pour la première fois depuis que j’enseigne en lycée professionnel, j’ai eu une petite Laurine, élève de seconde, qui me demandait et me redemandait du travail. Heureusement, elle avait accès à des missions que j’avais préparées dans le cadre de ma classe inversée en économie droit. Elle a réalisé beaucoup plus de missions que la plupart de ses camarades de classe mais en tout cas, elle les a réalisées parce qu’elle en avait envie et que cela lui faisait plaisir. Après, la question de la notation se pose mais en l’occurrence j’ai valorisé son travail.

Donc concrètement, le travail en dehors de la classe, cela passe par une véritable envie de l’élève et aussi une possibilité de le valoriser plutôt que de le rabaisser. Cela reste ma ligne de conduite et ce que j’ai envie d’améliorer encore et encore : voir mes élèves arriver avec de l’envie en cours d’économie gestion et pas avec la peur au ventre parce que les devoirs maison n’ont pas pu être faits. Enfin, tel est mon sentiment mais compte tenu du retour que je peux observer chez mes élèves, je pense être dans le vrai !

Marie Anne Dupuis, Professeur Economie Gestion, Académie de Poitiers

Delphine ne donne pas de devoirs à ses élèves d’ULIS, témoignage

­Tout d’abord peux-tu te présenter en quelques mots ainsi que ton contexte de travail ?

Je suis coordonnatrice d’ULIS en collège depuis cinq ans. Auparavant j’étais en CLIS dans une école très hétérogène où je m’occupais aussi de la cantine et de l’étude du soir. Enfin, j’ai commencé en IME (Institut Médico Éducatif) auprès d’élèves souffrant de troubles cognitifs importants avec souvent des troubles associés.
Dans ce contexte particulier, je suis au plus près les besoins et le rythme des élèves en m’appuyant sur une évaluation diagnostique en début d’année scolaire et une observation fine. Et je ne donne pas de devoirs : parce que mes élèves et leurs parents ont souvent un vécu difficile avec l’école et entre eux à cause de l’école, parce que j’aime voir comment ils entrent dans la tâche, comment ils se débrouillent devant l’exercice pour utiliser aussi ce levier là afin de leur permettre d’avancer dans leurs apprentissages.

­Concrètement que donnes-tu en devoirs à tes élèves ?

Donc : pas de devoirs du tout ! Juste la consigne de lire un peu et de participer à la vie de leur famille pendant les vacances.

Apprendre et progresser sans avoir de devoirs à faire, est-ce possible selon toi ?

Et bien, malgré toutes leurs difficultés et malgré le fait de ne pas avoir de devoirs, ils progressent plutôt bien ! À leur rythme !

Comment présentes-tu cela à tes élèves ? À leurs parents ?

Je leur évite les conflits qu’ils connaissent par cœur et qu’ils appréhendent (et je permets même à mes élèves de ne pas ramener leur cahier à la maison )! Ils ont besoin qu’on leur « foute la paix » et qu’on leur fasse confiance, je leur permet de cloisonner. Les parents savent qu’ils peuvent me joindre facilement pour discuter s’ils en ont besoin.
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Quels effets observes-tu sur les élèves (et éventuellement sur les parents) avec ton choix de ne pas donner de devoirs ? Quels autres liens école-famille proposes-tu ?

Le problème des devoirs avec mes élèves, c’est que cela confronte les parents à tout ce que leur enfant ne sait pas faire. Par contre, c’est assez simple en fait de transférer les compétences que je vise dans le quotidien familial et d’en faire des « devoirs » (prise d’initiative, autonomie, être attentif à une consigne, la garder en mémoire, planifier les tâches). Pour les connaissances pures, nous avons les affichages, les aides mémoire et les applis pour palier aux difficultés. Mais encore une fois, je travaille dans un contexte particulier.
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Tes collègues font-ils comme toi ? Quel est leur regard sur ta façon de faire ?

Mes collègues connaissent mon fonctionnement et le respectent notamment lors des inclusions : je leur explique les difficultés de mémoire de mes élèves et surtout mes objectifs : l’important n’est pas de connaître la leçon par cœur mais de comprendre les questions et de trouver la bonne réponse dans le cours. Du coup, ils travaillent de plus en plus de cette manière là avec les élèves en difficulté. Surtout, il faut d’abord proposer ce fonctionnement aux parents qui en général sont plutôt contents que l’on prenne en compte les difficultés de leur enfant. Pour le travail écrit, la plupart du temps, mes collègues le débutent en classe, pour aider les élèves les plus en difficulté.
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Comment ta vision des devoirs à la maison a-t-elle évoluée au cours de ta carrière ?

Au début, ces devoirs ne servaient que de rituels afin de faire du lien avec le « hors-école », notamment les éducateurs. Mais j’ai vite vu les problèmes auxquels chaque enseignant est confronté : Quelle aide apportée ? Combien de temps ? Quelle « ambiance » ? Et puis l’observation de mes élèves est très importante pour moi, et les remédiations que je leur propose sont souvent transposables dans le quotidien (attention, planification, gestion de la mémoire court et moyen terme, accompagnement pour l’entrée dans la tâche). C’est alors ça que je donne comme « devoirs » !
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Qu’est-ce-que tu souhaiterais encore améliorer dans ton dispositif ?

À la rentrée, je souhaite développer l’utilisation des outils numériques pour palier aux difficultés afin que mes élèves acquièrent le plus d’autonomie possible. J’aimerais qu’ils transfèrent cette utilisation sur leurs téléphones portables afin de les utiliser au quotidien. Le but étant qu’ils puissent vraiment se concentrer sur le plus important : comprendre, analyser, développer leur esprit critique, prendre des initiatives, avoir confiance en eux.
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­Qu’est-ce-que tu conseillerais à un jeune collègue débutant pour aborder cette question ?

Les premières questions à se poser sont : À quoi ça sert ? Quel est l’objectif de ces devoirs ? Les conditions nécessaires pour atteindre cet objectif sont-elles remplies ?

 

Delphine SAULNIER, coordonnatrice de l’ULIS du collège Ledoux à Dole

Le numérique au service de l’accompagnement des devoirs par Julien

Tout d’abord peux-tu te présenter en quelques mots ainsi que ton contexte de travail ?

Je suis Julien Crémoux, enseignant en CM1-CM2 depuis 2 ans, ayant essentiellement fait du cycle 3 depuis mon arrivée dans le métier en 2005. Je suis aussi directeur de l’école H Challand de Nuits-Saint-Georges en Côte d’Or qui compte 6 classes. Depuis mon arrivée dans le métier, j’ai toujours essayé de faire évoluer mes pratiques pour aider au mieux tous les élèves et notamment ceux en difficulté. Ainsi, depuis 2011, j’ai conçu des outils numériques sur notre site d’école. Puis grâce aux discussions sur internet je me suis lancé il y a 5 ans dans les ceintures de compétences. Je me suis mis dès lors à partager mon travail en créant un blog supermaitre.eklablog.fr. De fil en aiguille, je me suis aussi lancé dans une pédagogie plus coopérative, avec aussi un système de classe inversée. Enfin depuis 1 an, j’ai aussi lancé mes élèves dans l’aventure d’une twittclasse.

Concrètement que donnes-tu en devoirs à tes élèves ? (type, quantité, fréquence, organisation…)

Je donne concrètement quasiment les mêmes devoirs tous les soirs. Il y a systématiquement 2 à 3 fois par semaine une nouvelle leçon à apprendre (français maths + histoire ou sciences…) et aussi une vidéo de classe inversée à visionner. Je donne aussi tous les jours à revoir les leçons faites depuis une dizaine de jours et les mots du cahier de mots à revoir (ce cahier complété par l’élève recense tous les mots à connaitre mais aussi tous les mots mal orthographiés par l’élève au cours de ses travaux). Ensuite, il y a pour la semaine la ou les ceintures à passer qui impliquent que les élèves revoient une leçon connue (et au programme du plan de travail individuel de l’élève). Enfin, et ce sera la nouveauté de cette année, je ferai noter la lecture de 5 pages d’un livre tous les soirs (le livre sera choisi par l’élève dans le cadre d’un rallye lecture sur un semestre).
Sinon occasionnellement, les élèves pourront avoir à préparer des travaux à l’oral qui auront été travaillés en classe (exposé, rituel en histoire des arts).

Quels moyens mets-tu en œuvre pour que ces devoirs soient faisables par tous ? Comment gères-tu ceux qui ne les font pas ?

Pour que ces devoirs soient faisables et faits, j’ai choisi de :
– noter sur le site de la classe les devoirs chaque jour afin que tous, élèves et parents, puissent savoir ce qui est prévu. Cela implique que je ne vérifie pas les agendas des élèves (sauf gros souci) et que les parents savent qu’ils peuvent trouver les devoirs à un endroit.
– proposer pour chaque leçon à apprendre des outils sur le site internet de classe qui doivent permettre aux élèves de savoir ce qu’ils doivent retenir et de vérifier s’ils ont bien compris. Pour ce faire, chaque leçon donnée renvoie vers ce site (généralement 100% des élèves de ma classe ont les moyens de se connecter).
– informer en début d’année les familles de mon fonctionnement, de mes exigences mais aussi des moyens d’aider ou d’accompagner leur enfant (je fais de même avec l’accompagnement à la scolarité de la ville).
– me tenir à disposition des familles qui peuvent avoir besoin d’aide en répondant à leurs questions au sujet des devoirs.
– d’informer les parents par un petit mot à signer quand un travail n’est pas fait.

Comment présentes-tu cela à tes élèves ? À leurs parents ?

C’est expliqué au-dessus mais j’essaie surtout d’expliciter aux élèves et parents le pourquoi de mes demandes. Concernant les leçons, je leur explique qu’il est important que les élèves puissent expliquer en quelques mots (les leurs) le contenu de la leçon, puissent répondre à 2 ou 3 questions ou faire un exemple. Pour les aider, je mets sur le site de la classe ces différents éléments.

Quels effets observes-tu sur les élèves (et éventuellement sur les parents) dans ta façon de gérer les devoirs ?

Je n’ai pas de retour particulier des familles sur ce fonctionnement. Par contre, les, élèves ont l’impression qu’ils n’ont pas grand chose à faire mais se rendent vite compte que si des choses ne sont pas faites, cela crée un décalage sur ce qu’ils maitrisent et ils ont tendance à se rattraper. Par contre, c’est compliqué pour des élèves qui fonctionnent seuls à la maison car ceux qui sont en difficulté ont l’impression de connaitre leur leçon mais ne savent pas au retour en classe faire une seule phrase ou même donner le titre de la leçon.

Tes collègues font-ils comme toi ? Quel est leur regard sur ta façon de faire ?

Mes collègues de cycle 3 ne fonctionnent pas toujours comme moi, notamment en ne donnant la leçon à apprendre qu’une fois ou en donnant des exercices à faire à la maison qui seront corrigés en classe. Nos pratiques sont variées, nous n’avons pas su ou pu harmoniser nos pratiques mais il n’y a pas de regard négatif les uns envers les autres.

Comment ta vision des devoirs à la maison a-t-elle évoluée au cours de ta carrière ?

Au début je donnais les leçons à apprendre une fois et je donnais des travaux écrits régulièrement. Et puis, je me suis rendu compte que je perdais déjà 5 minutes le matin à savoir qui avait ou n’avait pas fait pour telle ou telle raison. En outre, je ne pensais pas à informer les familles de mon fonctionnement et de mes exigences. Quand j’ai commencé à évoluer, je me suis dit qu’il fallait aussi permettre à tous de faire ce qui est demandé comme si j’étais là.

Qu’est-ce-que tu souhaiterais encore améliorer dans ton dispositif ?

Les améliorations sont en cours pour cette rentrée avec la volonté de faire lire plus les élèves en instaurant une lecture de 5 pages à la maison mais aussi 10 minutes en classe chaque jour.

Qu’est-ce-que tu conseillerais à un jeune collègue débutant pour aborder cette question ?

Je conseillerais de se mettre à la place d’un élève en difficultés qui doit faire seul son travail à la maison. S’il ne peut pas faire une des choses demandées, ce n’est pas la peine de l’inscrire sur l’agenda mais cela demande de réfléchir à ce qu’on fait en classe pour s’assurer de la présence d’un certain nombre d’éléments quant aux travaux des élèves.

 

Julien Crémoux, directeur de l’école H Challand de Nuits-Saint-Georges en Côte d’Or

Professeur de philosophie en classe préparatoire réservée aux bacheliers techno, Pierre témoigne…

Dans le système scolaire français les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) occupent une place particulière. Pour le SE-Unsa, elles ne sont pas sans défaut puisqu’elles participent de fait à une certaine reproduction sociale des élites. Le SE-Unsa souhaite que le rapprochement entre CPGE et université se poursuive dans le respect du statut des divers personnels (enseignants de CPGE, enseignants-chercheurs, agrégés et certifiés dans les universités) avec comme objectif à terme l’unification de l’enseignement supérieur. Dans le monde des CPGE, existent depuis quelques années des classes prépa réservées aux élèves issus des voies technologique ou professionnelle. Ces structures contribuent indéniablement à la démocratisation de l’accès aux grandes écoles. C’est pourquoi, le SE-Unsa s’y intéresse et les défendra, tant que les choses resteront en l’état, par ailleurs.
Nous avons rencontré Pierre Carrique, professeur de Philosophie, dans une de ces classes.

Pierre, tu es enseignant en CPGE-ECT dans un lycée de l’agglomération rouennaise. Peux-tu nous rappeler ce qu’est une CPGE-ECT, à quels élèves ces classes s’adressent-elles ? Et quels concours préparent-ils ?

Une CPGE-ECT est une classe préparatoire réservée aux bacheliers des bacs technologiques des filières STMG. Elle prépare à tous les concours d’écoles de commerce et de management, comme les bacheliers ES le sont par les ECE et les S par les ECS. Elle s’adresse aux élèves désireux de poursuivre et d’approfondir leurs études pour en tirer professionnellement le meilleur parti possible.

Comment se passe la sélection à l’entrée dans ces classes ? Y a-t-il un fort taux de pression ?

La sélection se fait à partir du dossier scolaire du bachelier, de la teneur des appréciations de ses professeurs, de son niveau de résultats dans toutes les disciplines, dans lequel nous essayons de déceler le potentiel et l’endurance du candidat. Il faut éviter d’engager sur des voies impossibles à tenir des jeunes gens qui risquent de n’en rien tirer d’autre qu’une impression d’échec. À de rares exceptions près, nos étudiants achèvent leurs deux ans de préparation, nous parvenons à un recrutement unifié autour du projet d’études. Par ailleurs, il existe sur le territoire une quarantaine de ces classes, et si l’on ôte les candidatures illusoires (il y en a de plus en plus), j’ai l’impression qu’un bachelier STMG capable d’y réussir trouvera un lycée preneur.

La sociologie du recrutement est-elle semblable à une CPGE ordinaire (on sait, par exemple qu’en moyenne, 57 % des étudiants en CPGE-ECE ont des parents cadres sup.) ?

Ce chiffre ne me paraît pas celui d’une CPGE « ordinaire » ! Cette ECE-là est plutôt d’arrondissements aisés de la capitale ! Ce n’est assurément pas un tel pourcentage qui se retrouve dans l’ECE du lycée Flaubert, où j’ai enseigné dix ans. Quant à notre ECT, j’évalue à 70 % le taux d’enfants d’ouvriers, d’employés, de paysans, de fonctionnaires de catégorie D. Il y a nombre de familles dont nos étudiants sont historiquement les premiers bacheliers. Un autre indicateur, le nombre de boursiers, offre cette année l’un de ses plus hauts étiages en seconde année : 25 étudiants sur 39, et son plus bas en première année : 6 étudiants sur 31.

Y a-t-il des différences avec une CPGE ordinaire en ce qui concerne la pédagogie mise en œuvre ?

Elles tendent nettement à se réduire, au point que je ne vois plus guère ce que signifie « CPGE ordinaire ». J’enseigne simultanément dans une classe préparatoire littéraire, et les obstacles à l’expression syntaxiquement correcte et lexicalement précise des idées sont identiques, la déshérence des textes est la même, la pauvreté du vocabulaire aussi sensible ; et dans les deux cas, l’adoption de séquences langagières de substitution, largement « médiatiques », qui figent la réflexion au lieu de la stimuler, apparait comme la signature de l’attitude intellectuelle ! Il faut partout commencer par déconstruire les obstacles scolairement accumulés afin de les réveiller de la « relation molle » entretenue jusqu’ici par la plupart avec l’école.

Les élèves réussissent-ils à intégrer une école ? Dans quelle proportion ?

Chez nous, quasiment tous y parviennent. 96 % en 2011, 95 % en 2012, 100 % en 2013, 2014 et 2015 – et dans l’une des 30 meilleures écoles de France (sur les plus de 700 existantes…).

Future professeure de SVT, Léa témoigne de son parcours…

Étudiante à l’ESPÉ, vous venez d’obtenir votre Master MEEF. Votre mémoire a traité principalement du thème de la différenciation pédagogique. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce choix et nous faire partager la synthèse des conclusions de votre travail de recherches ?

À travers mes observations sur le terrain, que ce soit au collège ou au lycée, j’ai pu remarquer que les élèves utilisaient des stratégies très différentes pour résoudre les activités proposées, qu’elles soient expérimentales ou théoriques. J’ai constaté que certains élèves exploitaient de manière plus efficace certains supports, là où d’autres pouvaient peiner. En revanche ces derniers élèves étaient plus compétents dans l’analyse d’un autre type de support.

Il devenait donc évident pour moi que mettre en place une pédagogie différenciée allait me permettre d’élever tous les élèves à un plus grand niveau de compétence.

Afin de mettre en pratique cette différenciation, je me suis appuyée sur les recherches d’Howard Gardner, lequel a défini huit types d’intelligences qui permettent à une personne de résoudre des problèmes ou de concevoir un produit. J’ai expérimenté cette théorie avec les moyens mis à ma disposition dans le cadre de mon stage. Force est de constater que cette stratégie de différenciation s’avère efficace en terme de stratégie pédagogique et dans le constat des résultats obtenus au regard d’une classe témoin.

Donner la possibilité à l’enfant d’apprendre à apprendre et lui faire prendre conscience que chacun apprend différemment vont rester pour moi une préoccupation première dans mon enseignement.

Votre parcours de formation universitaire vous a amené à préparer à la fois un master MEEF cursus spécifique et le CAPES de SVT. Quel regard portez-vous sur le déroulement de la formation ? Quels leviers d’améliorations pourriez-vous proposer ?

L’entrée en deuxième année de master MEEF sans l’obtention du CAPES m’interpellait : Comment allais-je pouvoir me former au métier d’enseignant sans un stage annuel professionnalisant ? Dans ce cursus spécifique, on m’a proposé un stage filé sur douze semaines à raison d’un jour par semaine. Malgré un accueil chaleureux de l’établissement et des conseils pertinents de la part du tuteur, j’ai ressenti une frustration : ne pas avoir assez de temps pour expérimenter davantage avec les élèves et pour progresser dans ma façon d’enseigner.

Nous avons donc mis en place, au sein de ma promotion, une stratégie de médiation par les pairs : celle-ci consistait à aller nous visiter entre étudiants, nous observer et échanger.

Cette stratégie m’a beaucoup apporté et malgré le déficit de temps passé avec les élèves, ma pédagogie s’est affinée.

Pour les étudiants motivés de deuxième année de master MEEF, avec ou sans CAPES, le cursus devrait être identique, notamment pour les formations communes et spécifiques partagées par toutes les disciplines, et qui sont nécessaires à notre posture d’enseignant.

Quels sont les points forts des stages d’observation et de pratique accompagné auxquels vous avez participé ? Quelles sont les séquences qui vous ont particulièrement marqué ? Pourquoi ?

L’immersion en collège ou en lycée pour observer et mettre en pratique son enseignement est indispensable. Le recul de l’observation permet de prendre de la distance et laisse l’esprit analyser plus efficacement, notamment après un échange avec le professeur.

La pratique nous oblige à prendre en compte des paramètres de gestion de classe en plus de l’objectif pédagogique à atteindre.

La séquence liée à l’expérimentation de mon mémoire fût la plus marquante. Partir d’une hypothèse, la tester et la valider ou non, m’a obligée à approfondir ma réflexion, à aller plus loin dans mon questionnement et m’a conforté dans mon envie d’exercer le métier de professeur de SVT.

Vous avez présenté une candidature pour occuper un poste de professeur contractuel de SVT à la prochaine rentrée. Quelles sont vos motivations pour tenter cette expérience ?

Forte de mes années de master MEEF et notamment lors de mes stages pratiques, mes motivations pour enseigner se sont renforcées :

  • Faire partager ma passion pour les SVT
  • Aller à la rencontre d’un public d’adolescents
  • Travailler au sein d’une équipe éducative
  • Mettre en place des stratégies pour donner envie apprendre et les voir aboutir
  • Susciter des curiosités, ouvrir à d’autres horizons
  • Travailler en collaboration avec les partenaires médico- sociaux
  • Inclure les parents dans le projet de réussite de l’élève.

Dans le domaine sportif, vous avez encadré des adolescents à plusieurs reprises. En quoi cette responsabilité vous a-t-elle donné des clés pour comprendre vos futurs élèves ?

Au sein du Club Alpin Français, et plus particulièrement dans la section escalade, j’ai encadré à de nombreuses reprises des adolescents et des adultes. Cette expérience est un premier pas vers la transmission de techniques et de la gestion de l’autre. J’ai pu aborder différents aspects cognitifs et affectifs. En ce qui concerne les aspects cognitifs, il s’agit de connaître son corps, connaître la nature et ses substrats, et connaître les dynamiques associées.

En ce qui concerne les aspects affectifs, il s’agit plus précisément de l’estime de soi, la confiance en soi et en l’autre, la gestion de la peur et la connaissance de ses capacités.

Ces divers paramètres, je les rencontre également da ma pratique d’enseignante, ils ont facilité ma posture en classe.

Vous projetez à court terme une carrière dans l’éducation nationale. Quelles sont les qualités requises pour être un « bon prof » selon vous ? Quelles sont vos aspirations à moyen terme ?

Selon moi, un « bon prof » est quelqu’un de passionné, il est capable à la fois de faire preuve d’autorité, mais aussi de compréhension et de bienveillance. Il prend en compte l’hétérogénéité du public, essaye de faire avancer chacun selon ses possibilités vers ses réussites à la limite de ses échecs. Son attitude est dynamique, quelquefois humoristiques, toujours respectueuse. Il est exigeant envers lui-même et envers les autres, mais fait preuve de tolérance. Il stimule, encourage et étaye.

À court terme, mon souhait est de devenir enseignante à part entière, me forger une expérience sur le terrain. Cependant en approfondissant la théorie, je souhaiterais développer quelques aspects spécifiques, notamment le numérique au service de la différenciation pédagogique et des apprentissages. Je souhaiterais par la suite, me spécialiser et proposer aux autres enseignants des méthodes et des outils afin de s’inscrire au mieux dans une société qui évolue.

Léa FLAGE
Étudiante ESPÉ de Franche Comté
Académie de BESANÇON

Vers une évolution de nos pratiques et de l’évaluation…

Notre souci de la réussite pour tous et du bien-être à l’école, nous amène à envisager des évolutions dans nos pratiques professionnelles pour atteindre des objectifs certes ambitieux mais essentiels : construire un parcours de réussite pour chacun, renforcer durablement l’estime de soi et la motivation, conduire les élèves vers un niveau d’ambition plus soutenu.

Sous l’impulsion du chef d’établissement, Daniel Vienney, plus d’une vingtaine d’enseignants sont mobilisés pour modifier leurs pratiques professionnelles dans ce sens. Notre dispositif d’enseignement et d’évaluation par compétences en classe de 6ème voit alors le jour à la rentrée 2013. Il est coordonné par Sandrine Jouvenot, professeure de mathématiques.

Dans le contexte national, celui de l’école de la république, nous souhaitons faire évoluer les modalités d’évaluation et de notation des élèves :
– éviter la notation sanction et privilégier une évaluation positive qui valorise les réussites et les progrès
– une évaluation simple et lisible : objectifs clarifiés, accessibles et compréhensibles
– une évaluation qui mesure les acquisition mais aussi les progrès de l’élève

Dans le contexte professionnel, guidé par le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation, nous souhaitons faire évoluer les objectifs d’évaluation dans le sens d’une évaluation des progrès.

L’entrée en vigueur du nouveau Socle Commun de Connaissances, de Compétences et de Culture et des nouveaux programmes donnent une toute nouvelle impulsion au travail par compétences. Ils nécessitent de faire évoluer nos pratiques tant dans la formation que dans l’évaluation de nos élèves.

Il est donc nécessaire de développer des outils de repérage, de mesure des progrès et des degrés d’acquisition pour analyser et accompagner nos élèves tout au long de leur parcours d’apprentissage.
Ces outils doivent prendre sens chez les élèves et qu’ils se les approprient dans la but de comprendre les principes de l’évaluation et de l’auto-évaluation.
Ces outils doivent également aider à la communication des résultats, des progrès et des acquisitions aux élèves et aux familles.

Dans le contexte de notre établissement, nous avons ciblé trois axes qui ont créés le besoin de faire évoluer l’évaluation :
– le SCCCC : la logique du socle commun implique une acquisition progressive et continue des connaissances et des compétences par les élèves. Pour favoriser cette maitrise, le travail par compétences prend tout son sens. Il nécessite alors de faire évoluer nos pratiques tant dans la formation que dans l’évaluation de nos élèves.
– le cycle III : le conseil école-collège réaffirme la nécessité de travailler sur la notion de compétence et sur l’évaluation, pour donner du sens au cycle 3 de consolidation : prise en compte de la progressivité des apprentissages, regard croisé sur la notion de compétence, échange sur l’évaluation.
– la scolarisation des élèves à besoin éducatifs particuliers : pour les élèves des structures ULIS et UPE2A, le suivi et l’orientation nécessitent un dispositif personnalisé et spécifique.

Depuis septembre 2013, nous avons donc mis en place une évaluation par compétences sans avoir recours à la note pour toutes nos classes de 6e. Ce projet concernait initialement deux classes de 6ème sur cinq et l’année suivante, toutes les classes de 6ème soit cinq puis six classes.
Le dispositif a permis de dynamiser le travail en équipe pluridisciplinaire. Le travail de concertation s’est enrichi. Nous avons élaboré un référentiel commun de compétences, partagé par toutes les disciplines. Nous avons adapté les bulletins de fin de trimestre, la communication aux familles. Nous avons également mis en place une progression pour l’Accompagnement Personnalisé impliquant toutes les disciplines.

L’évaluation sans note permet de clarifier les attentes, de favoriser l’appropriation des apprentissages en travaillant sur une évaluation « au fil de l’eau », aux objectifs identifiés, plus proche des besoins de chacun. L’évaluation a ainsi plus de sens en identifiant de manière plus lisible les objectifs, les réussites et les points de faiblesse. Elle redonne confiance aux élèves en étant plus motivante que stressante. Nous tendons vers une évaluation relative au progrès qui ne classe pas les élèves. Pour l’enseignant, elle change le regard sur les productions des élèves, elle conforte les pratiques de pédagogie différenciée.

Le travail par compétences a permis de développer des stratégies pédagogiques adaptées et qui valorisent les compétences transversales entre autres : l’oral, le travail collectif et collaboratif, la conduite de projet, l’estime de soi,…

L’absence de note a permis de redonner du sens aux évaluations : les enseignants explicitent plus les objectifs d’évaluation en ciblant et en explicitant les compétences évaluées. Le positionnement des élèves au regard de chacune des compétences évaluées se fait selon quatre niveaux de maîtrise. La note, qui est essentiellement un indicateur de positionnement par rapport aux autres élèves, laisse place à des couleurs.
Les acquis sont valorisés et ce qui reste à acquérir est plus clairement ciblé. On passe d’une évaluation de savoirs et savoirs faire à une évaluation de compétences plus larges au service de la validation des cinq domaines du Socle.

Les effets mesurés à l’échelle de notre établissement montrent une évolution chez nos élèves les plus fragiles notamment de la confiance en leur potentiel et une valorisation de leur capacité. La qualité des apprentissages n’en est que meilleure.

Le constat fait par l’équipe pédagogique est que toutes les stratégies et postures pédagogiques mises en œuvre au niveau 6ème sont transférables aux autres niveaux. Le travail et l’évaluation par compétences devient, avec l’évolution de nos programmes, un incontournable. La note est encore utilisée en cycle 4 : le projet vise à ce que la note qui figure sur le livret scolaire transmis aux élèves et leurs parents à la fin de chaque trimestre, ne soit plus nécessairement une moyenne dont le principe est désormais très contesté mais un indicateur des compétences acquises.

Votre établissement s’est lancé dans l’évaluation sans notes en 2013. Quel a été l’argument qui vous a convaincu de commencer cette transformation ?

À l’origine, nous étions un groupe de quatorze professeurs en questionnement sur l’évolution de notre métier en termes de formation et d’évaluation de nos élèves. L’entrée en vigueur du Socle Commun en 2005 a nécessité de faire évoluer nos pratiques tant dans la formation que dans l’évaluation de tous nos élèves. La réussite et le bien-être à l’école pour nos élèves dits ordinaires comme pour ceux issus des dispositifs ULIS ou UPE2A nécessitent des parcours d’apprentissage adaptés, des évaluations qui donnent du sens aux apprentissages et favorisent l’estime de soi. Sous l’impulsion de notre chef d’établissement, nous nous sommes mobilisés pour modifier nos pratiques professionnelles dans ce sens.

D’une part nous avons reconsidéré nos évaluations pour les faire évoluer vers une évaluation par compétences :
– une évaluation formative, intégrée aux apprentissages et dans une logique de progrès
– une évaluation informative, fondée sur un référentiel de connaissances et de compétences critérié et explicite
– une évaluation positive et bienveillante par la mise en exergue de ce que l’élève sait et sait faire.

D’autre part, nous avons abandonné la note pour un positionnement selon quatre niveaux de maitrise en total cohérence avec l’évaluation du Socle Commun d’aujourd’hui. La note est trop souvent source de démotivation pour certains élèves, en particulier les plus en difficulté. Elle ne donne que très rarement une information de nature à permettre aux élèves de progresser. Au contraire, la mauvaise note vient « casser » l’estime de soi qui est l’élément fondamental pour faire progresser l’élève. Il nous a apparu essentiel de reconsidérer le positionnement de nos élèves pour passer d’une logique de comparaison à une dynamique d’encouragement.

« La grande transformation est alors en marche et aujourd’hui, notre dispositif implique plus de la moitié des enseignants de notre établissement ».*

Pour mettre en œuvre ce projet, avez-vous été accompagnés, sur le plan pédagogique et organisationnel, par les corps d’inspection ou par des formateurs ?

Pour mettre en œuvre un tel projet, il faut d’abord une équipe de personnels motivés. Ensemble, en concertation disciplinaire ou interdisciplinaire, nous avons mis en œuvre des référentiels, de nouvelles évaluations et travaillé à une communication accessible à tous. L’accompagnement personnalisé des élèves est au cœur de nos préoccupations.

Le pilotage de notre projet par le PARDIE (Pôle Académique Recherche Développement Innovation Expérimentation) permet d’être accompagné par des experts pour la mise en œuvre de l’action et la concertation d’équipe. Nous avons pu compter sur l’appui des IA-IPR de certaines disciplines : réflexion sur l’évolution de l’évaluation, accompagnement à la création de référentiels explicites. Le travail avec des formateurs de différentes disciplines a permis de mutualiser les pratiques d’évaluation d’une discipline à l’autre de réfléchir à une cohérence commune.

Quels ont été les principaux effets que vous avez pu constater, tant sur le plan des apprentissages que du climat scolaire ?

Les effets mesurés à l’échelle de notre établissement montrent une évolution chez nos élèves les plus fragiles notamment de la confiance en leur potentiel et une valorisation de leur capacité. Ils adoptent un autre regard sur leurs productions, apprennent à cerner leurs points de force et leurs faiblesses. La qualité des apprentissages n’en est que meilleure. L’absence de note rend l’évaluation moins stressante et centre le regard sur le potentiel de chacun.
Mais tout ceci n’est possible qu’en changeant les pratiques pédagogiques. Le développement de compétences implique nécessairement un changement dans la conception de l’apprentissage : développer le travail collaboratif, l’oral, le travail interdisciplinaire… Cela exige du temps, de la continuité et un investissement. En quatre ans, les projets se sont enrichis dans ce sens (projet autour de l’Accompagnement Personnalisé, projets interdisciplinaires…), les espaces ont évolués (classes en îlots, espaces de partage, d’exposition…).
Le constat fait par l’équipe pédagogique est que toutes les stratégies et postures pédagogiques mises en œuvre au niveau sixième sont transférables aux autres niveaux. Le travail et l’évaluation par compétences devient, avec l’évolution de nos programmes, un incontournable.

L’évaluation par compétences a-t-elle eu des effets inattendus ?

Trop souvent, il y a confusion entre évaluer par compétences et évaluer sans notes.
Plusieurs professeurs, des élèves et des parents ne veulent pas d’évaluation par compétences parce qu’ils veulent la note mais adhèrent à une évaluation informative, en cohérence avec le parcours de l’élève. L’évaluation par compétences a donc focalisé les débats sur la note. Cela a permis d’engager une réflexion sur la fabrication de la note, sur l’intérêt d’avoir une meilleure cohérence de notation dans les disciplines.
Nous veillons à être explicites pour que chacun comprenne que d’une part évaluer par compétences c’est évaluer selon un référentiel explicite, critérié, que d’autre part, le positionnement des élèves au regard des compétences évaluées peut se faire avec ou sans note.

Est-ce qu’au contraire, vous aviez envisagé certains obstacles que vous n’avez pas eu à affronter ?

Nous avons dès le début eu le souci de communiquer sur notre projet, auprès des parents, des élèves, des professeurs et de l’institution. Il a fallu apprendre à communiquer, faire évoluer les réseaux et les outils de communication. Nous avons donc eu très peu de réticence de la part des parents d’élèves et globalement une bonne voire très bonne adhésion à notre projet.

Pensez-vous que cette expérimentation peut, au final, s’étendre au cycle 4 ?

Il le faut et cela est cohérent avec l’évolution des programmes et de la société.
L’évaluation doit retrouver son rôle fondamental d’être informative. Utiliser des référentiels de compétences explicites, positionner les élèves au regard de ces compétences pour le faire évoluer vers une meilleure maitrise, c’est essentiel.
Changer les pratiques d’évaluation, c’est aussi changer ses pratiques d’enseignement pour que les élèves rendent utiles les savoirs, les mettent en œuvre en élaborant leur propre stratégie (non nécessairement experte). Il s’agit de mettre en activité les élèves selon leur propre potentiel, de les rendre actif dans leurs apprentissages.

Quel conseil donneriez-vous aux collègues qui envisagent de changer leurs pratiques d’évaluation ?

Il faut observer et s’observer. Nous devons devenir des « observateurs-évaluateurs » selon les propos de Philippe Perrenoud (Évaluer des compétences). Nos activités en classe permettent de développer et évaluer des compétences mais il faut savoir observer ce qu’elles mettent en évidence.
Dans un premier temps, il faut changer le regard porté sur les évaluations : regarder globalement ce que l’élève sait, cibler les forces et les faiblesses sans chercher l’exhaustivité. La compétence « Calculer » par exemple, ce n’est pas nécessairement réussir dix calculs, avec tous les types de nombres, sans recours à la calculatrice. Alors qu’est-ce que « Calculer » ? Selon les situations, le professeur devra lister des observables comme « l’élève conduit des calculs numériques de technicité modérée avec des nombres familiers, en utilisant la calculatrice ; il gère des carrés avec le théorème de Pythagore ; il calcule des aires ». Pour chacune des compétences développées et évaluées, le professeur aura à identifier ce qui la construit (donner du sens), à la décrire explicitement en acte (descripteurs).
Ce changement de regard, nécessitera de changer aussi les pratiques d’enseignement. Il faut que les élèves soient régulièrement amenés à résoudre des problèmes, à prendre des décisions, à gérer des situations complexes, à conduire des recherches, des projets. Si l’on veut que les élèves construisent des compétences, c’est à de telles tâches qu’il faut les confronter, chaque semaine, chaque jour, dans toute sorte de configurations. Il est nécessaire d’enrichir notre enseignement de situations auxquelles chacun peut être au départ démuni parce que le problème est encore à identifier ou à construire. Ce n’est pas une rupture par rapport aux pratiques de certains enseignants mais il s’agit d’une évolution des pratiques. Il faut accepter d’être pragmatique et de considérer que c’est une évolution qui prendra du temps tout en ayant conscience que nous n’avons pas de temps à perdre…
Enfin, le travail en équipe doit être valorisé. Le changement ne peut concerner un professeur individuellement. Il s’agit d’un travail collectif, source d’inspiration et de stimulation.

 

Sandrine Jouvenot, Professeure de mathématiques et formatrice à l’ESPE dans l’académie de Besançon

* en référence à l’ouvrage École : la grande transformation ? François Muller et Romuald Normand

D’AED à CPE, le parcours d’Héléna…

Vous avez débuté votre parcours dans l’éducation nationale en tant qu’AED en exerçant notamment dans un établissement de l’éducation prioritaire. Quels souvenirs en gardez-vous ? Que diriez-vous des particularités d’exercice dans les établissements dits « difficiles » en termes d’accompagnement des élèves et des personnels ?

Mon parcours dans l’Éducation Nationale a commencé en 2004 en tant qu’assistante d’éducation. Après avoir exercé une année dans un lycée polyvalent avec internat, j’ai souhaité approfondir mon expérience dans un collège classé en éducation prioritaire. J’ai rapidement dépassé mes quelques a priori et j’en garde, au final, un très bon souvenir. C’est d’ailleurs dans cet établissement que j’ai siégé pour la première fois en tant que membre élu au CA.

Durant mes deux années dans cet EPLE, j’ai travaillé au sein d’une équipe vie scolaire nombreuse mais très soudée. L’entraide, face à une heure de permanence difficile ou à un passage de demi-pension chargé, était une évidence pour toute l’équipe. Nous avions été recrutés avec des profils différents ce qui nous faisait intervenir sur des tâches spécifiques à certains moments. La complémentarité de l’équipe était un vrai + dans le service rendu aux élèves.

Après une licence d’espagnol obtenue en France, vous faites le choix d’une année universitaire en Espagne. Quelles différences avez-vous repéré entre le fonctionnement des 2 universités ? Pourquoi ne pas avoir décidé alors de préparer le CAPES d’espagnol ?

Suite à l‘obtention de ma licence d’Espagnol mention FLE (Français Langue Étrangère) à l’université de Lille 3 en 2005, je suis partie poursuivre ma formation universitaire en Espagne. J’ai alors intégré une première année de Master de « filosofia francésa ». À l’époque je souhaitais devenir professeur de français en Espagne. Dès les premiers jours j’ai pu observer plusieurs différences entre les deux systèmes universitaires (français et espagnol).

Tout d’abord au niveau du plan de formation qui est personnalisé. En tant qu’étudiant, nous connaissions à notre inscription le nombre d’unités de valeur à valider et le listing des matières proposées. Nous devions constituer notre propre plan de formation à partir de ces éléments.

L’autre point qui diffère de notre système selon moi, c’est la proximité avec les enseignants. Dès leur entrée à l’université les étudiants espagnols sont considérés « d’égal à égal » avec les enseignants. Il n’existe aucun clivage. Par exemple, il est tout à fait normal de se tutoyer et de s’appeler par nos prénoms respectifs. Néanmoins, malgré cette familiarité, la place des formateurs et l’autorité qui en découle restent claires pour tous.
Mon projet professionnel de devenir enseignante, principalement de français à l’étranger, n’était pas une vocation mais plutôt une opportunité :
D’origine espagnole, je maîtrisais la langue et souhaitais vivre en Espagne. C’est en discutant avec une amie des différences entre nos deux pays que je me suis aperçue que le statut de CPE n’existait pas en Espagne. J’ai alors effectué des recherches pour lui expliquer les missions de ce métier et c’est devenu une évidence pour moi. La polyvalence de la profession m’a particulièrement séduite.

Vous découvrez le métier de CPE en tant que contractuel pendant 6 années. Dans quels types d’établissement avez-vous exercé ? Comment avez-vous vécu la situation de non titulaire ?

J’ai été contractuelle de 2008 à 2014. Durant ces six années, j’ai exercé dans différents types d’établissements, en cité scolaire avec internat, en collège de centre-ville, en collège rural et en lycée professionnel. Cette diversité m’a permis d’acquérir une certaine expérience et surtout de conforter mon choix professionnel.

Le statut de contractuel comporte des points positifs comme négatifs. Pour ma part, cette expérience de non titulaire a été très constructive et très enrichissante. J’ai eu la chance d’être nommée sur des affectations à l’année pendant six ans et d’être toujours très bien accueillie et intégrée aux équipes. Le point négatif réside dans l’incertitude de quoi sera fait le lendemain : ne pas savoir si l’on va être nommé, pour combien de temps et dans quel établissement suscitent énormément d’interrogations. Tous les collègues contractuels redoutent cette période de fin août, début septembre durant laquelle on attend l’appel du rectorat pour obtenir notre affectation…ou pas!

Après une année de formation à l’ESPE, vous êtes lauréate du concours externe en 2015. Diriez-vous que cette formation a répondu à vos attentes ? Sur quel thème portait le contenu de votre mémoire ?

Je suis entrée en Master MEEF en septembre 2014. La formation à laquelle j’ai participé était très complète. Le suivi pédagogique était assuré par différents personnels : des universitaires, des chefs d’établissement et des CPE en poste. Cette année de formation nous a permis de croiser les regards sur notre système éducatif. Les préparations aux épreuves écrites et orales étaient exigeantes et individualisées. Ma deuxième année de Master, en tant que stagiaire, a été pour moi très intense. Il a fallu jongler entre l’ESPE et ma fonction de CPE stagiaire en établissement. D’un côté, les différents dossiers à rendre et le mémoire à rédiger ; de l’autre, une présence à mi-temps au collège, un suivi partiel de la vie scolaire et une évaluation professionnelle (visites conseil, projets à mener et inspection). Afin de me faciliter la tâche, j’ai décidé de faire porter mon mémoire sur l’internat scolaire. C’est un thème qui m’a toujours beaucoup plu et passionné. Pour la petite anecdote, mon premier poste en tant que contractuelle était en internat, j’ai également tiré ce sujet lors de mon épreuve orale du concours interne et ce thème a refait surface pour mon épreuve d’entretien sur dossier !!!!

La fibre pédagogique du métier de CPE suscite chez vous un intérêt particulier. Quelles sont vos motivations pour vous investir à moyens termes dans la formation des étudiants et des collègues ?

Je confirme que la dimension pédagogique du métier de CPE retient toute mon attention. C’est pour cela, qu’à long terme, je serais très intéressée par la formation des futurs collègues. Lors de ma formation à l’ESPE, j’ai énormément apprécié les cours avec les formateurs de terrain. Ils nous faisaient partager leur expérience et la réalité du métier. Le métier de CPE est un métier en constante redéfinition, notamment parce que les élèves évoluent très rapidement. Je préconise qu’une formation soutenue et de qualité doit accorder autant d’importance à une formation « pratique » qu’à une formation théorique.

Héléna Beauloye,
CPE dans l’académie de Lille

Être AEP, un vrai plus pour entrer dans le métier, Mégane témoigne

Vous avez bénéficié d’un emploi d’avenir professeur pendant 2 ans. Quels sont les points forts de ce dispositif ?

Avant tout, je dirais que l’atout majeur de ce dispositif est, sans hésitation, l’expérience pratique que cela apporte sur le terrain. En effet, il n’y a rien de plus formateur que la confrontation au métier en tant que tel, devant les élèves, en enseignant, en les préparant mais aussi en découvrant et en participant à la vie de l’établissement.

J’ai eu la chance d’avoir une tutrice qui m’a donné sa confiance dès le début en me traitant d’égale à égale et en me faisant participer à toutes sortes d’activités en lien avec la vie de l’établissement (conseils d’administration, conseils d’enseignements, réunions diverses etc.).

De plus, durant ces deux années, j’ai contribué à part entière à l’élaboration de deux projets menés avec les élèves en interdisciplinarité avec notre collègue d’allemand puisque cela concernait des classes bi-langues. La première année, nous avons réalisé de toutes pièces un jeu de société ayant pour sujet la culture générale allemande, irlandaise et européenne. Lors de la deuxième année, les élèves devaient écrire leur propre livre bilingue en anglais et en allemand, retraçant la vie d’une jeune héroïne au XXième siècle, descendante des figures historiques Emmeline Pankhurst et Sophie Scholl. Grâce à ces deux projets, j’ai pu expérimenter diverses approches auprès des élèves, il ne s’agissait plus seulement d’une approche classique où le professeur délivre des connaissances, mais d’un véritable travail d’accompagnement et d’échange.

Toute la dimension « pratique » de ce dispositif est vraiment fondamentale, cela permet de se rendre compte des réalités du métier et a, pour ma part, confirmé ma vocation.

Durant cette expérience, vous avez notamment mené des séquences pédagogiques au sein d’une classe-relais. Quels atouts en avez-vous tirés dans la gestion du groupe classe ?

À travers mon engagement auprès de la classe-relais, il a été très important d’instaurer une relation de confiance avec les élèves. Ces élèves sont en grande difficulté et nous sommes là pour les aider au mieux à renouer avec leur scolarité. Je dirais qu’il faut avant tout savoir s’adapter à eux, à leurs besoins et donc, être à leur écoute. Créer une relation de confiance et de respect mutuel facilite énormément la gestion du groupe classe. De plus, cette expérience fut très intéressante et m’aide encore aujourd’hui avec les classes « classiques » puisqu’il s’agit tout simplement d’être capable de mettre en place une pédagogie différenciée. Savoir adapter son contenu et ses supports pour qu’ils soient à la portée de tous.

Aujourd’hui, vous exercez dans un autre établissement en tant qu’enseignante stagiaire d’anglais. Quelles méthodes pédagogiques privilégiez-vous pour susciter la participation orale chez les élèves ?

La participation orale des élèves de manière générale en classe, n’est pas chose simple. D’autant plus en cours de langue. Les élèves ont peur de mal faire, mal dire et souvent ils n’osent pas intervenir. Ils sont en pleine adolescence et pour certains, la transition est loin d’être facile. C’est pourquoi, encore une fois, je pense que la confiance et le respect ont une place importante dans une classe. Il faut savoir instaurer un climat propice à l’échange, mais cet échange ne doit pas se faire seulement entre professeur et élèves, mais aussi entre les élèves eux-mêmes. Ils doivent apprendre à s’écouter, se respecter et, petit à petit, cela débouche sur un esprit d’entraide et de solidarité.

D’un point de vue pratique, la variation des supports est un bon moyen pour susciter la participation orale. Encore une fois, il faut s’adapter aux élèves, à ce qu’ils connaissent (sans pour autant négliger des apports totalement nouveaux bien sûr).

Je trouve qu’il est facile en anglais de varier les supports. J’ai eu l’occasion de faire des séquences avec les super-héros « Avengers », l’univers de « Harry Potter », des chansons/des extraits de films de Tim Burton, j’ai également travaillé sur la distinction « Junk food vs Healthy food » en utilisant des interventions authentiques de Michelle Obama, par exemple. Les ressources sont multiples. Des apports variés suscitent toujours l’intérêt des élèves et vont surtout les rendre à l’aise, et plus enclins à la communication et à l’échange.

Enfin, il m’arrive aussi d’instaurer le célèbre système des « bonus » visant à bonifier la participation orale de chacun. J’ai constaté que cette disposition était toujours très motivante pour les élèves.

L’année de formation initiale a t-elle globalement répondu à vos attentes ? Pourquoi ?

Je ne pense pas pouvoir dire que l’année de formation initiale a entièrement répondu à mes attentes. En effet, il est très difficile de devoir gérer son Master à l’ESPE ainsi que ses propres cours en établissement. C’est pourquoi, je m’attendais, surtout après l’obtention du CAPES, à ce que la pratique soit entièrement mise au centre de cette formation, ce qui ne fut pas toujours le cas. Ayant une expérience d’EAP pendant 2 ans, la pratique me faisait beaucoup moins peur, mais certains collègues de ma promotion se retrouvaient devant des élèves pour la première fois. Il est tout de même plus important d’aider les professeurs stagiaires à se sentir bien dans ce métier complexe en leur donnant les bons outils et les bonnes clés pour bien démarrer leur carrière, plutôt que d’accaparer leur temps et leur énergie dans des travaux de type « disciplinaire », comme la plupart ont déjà pu en faire l’expérience durant une licence ou d’autres masters.

Néanmoins, de manière générale, le statut de stagiaire est bénéfique et très enrichissant, notamment grâce à la partie pratique en établissement qui permet vraiment de se familiariser avec toutes les composantes du métier. Le suivi par un(e) tuteur(trice) est aussi très rassurant et permet de faire évoluer sa pratique tout au long de l’année.

Quelles sont vos envies, vos aspirations, vos projets pour la suite de votre carrière ?

J’aimerais, en tant que titulaire, pouvoir organiser des projets divers et variés avec mes élèves. Que ce soit des voyages ou des projets plus innovants comme j’ai déjà pu le réaliser en tant qu’ EAP. Pouvoir élargir la culture des élèves me semble être important, tout comme le fait de les rendre réellement actifs dans leur enseignement. L’idéal serait également de pouvoir partager avec mes collègues autour de projets interdisciplinaires par exemple. La communication mais surtout le partage des informations et des outils sont des points essentiels à mes yeux, que ce soit entre professeurs/élèves mais aussi entre collègues.

Ce qui m’amène à une autre de mes aspirations : la formation. En effet, j’aimerais avoir l’occasion de me spécialiser à l’avenir, en enseignant à des publics plus spécifiques (élèves souffrant de handicaps, élèves allophones ou même à des adultes). Pourquoi ne pas être aussi tutrice à mon tour ? Pouvoir transmettre et partager son expérience me semble être quelque chose de primordial, on ne finit jamais d’apprendre.

Mégane Boubrit, stagiaire d’anglais dans l‘académie de Besançon

Retrouvez son projet de visioconférence en classe d’anglais sur notre blog « École de demain »

D’AESH à CPE, Caroline témoigne…

Avant de préparer le concours de CPE, vous avez mené des études universitaires en psychologie. Quels sont les grands enseignements que vous en tirez dans votre connaissance du public adolescent ?

Mon intérêt particulier pour la psychologie du développement m’a notamment permis d’appréhender les différents stades que traverse le jeune au cours de sa croissance, m’incitant à penser mon action en regard de l’âge de l’élève, en fonction de ses capacités motrices, cognitives, et de ses compétences sociales. Aussi, les connaissances acquises dans le champs de la psychologie sociale m’ont sensibilisée à l’importance du groupe de pairs dans la construction identitaire du jeune, et m’ont conduite à faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard de son influence sur l’attitude et le comportement de l’adolescent.

Recrutée comme AESH dans un lycée professionnel, vous avez été chargée de l’accompagnement d’un élève présentant des troubles autistiques. Dans quelle mesure cette expérience professionnelle vous a-t-elle davantage sensibilisée à la problématique des élèves à besoins éducatifs particuliers ?

Lorsque j’ai été recrutée en tant qu’AESH, je me figurais que les obstacles rencontrés par les jeunes en situation de handicap se résumaient à des contraintes techniques susceptibles d’être palliées par une aide matérielle et/ou l’intervention d’un adulte. Or, cette première expérience au contact des élèves à besoins éducatifs particuliers m’a permis de prendre conscience de l’isolement social dont peuvent souffrir ces élèves et leurs familles, et par conséquent, de l’importance d’une prise en charge individualisée de leur problématique.

Votre mémoire de stage porte sur le thème de la violence scolaire et sur les représentations que s’en font les élèves. Considérez-vous que, dans votre établissement, la gestion des conflits occupe une place majeur dans l’emploi du temps du CPE ? Pourquoi ?

En tant que CPE en poste dans un établissement classé REP et caractérisé par une grande mixité sociale et culturelle, je suis souvent confrontée aux conflits. Ces conflits sont, selon moi, souvent le reflet de la difficulté pour les jeunes que nous accueillons de cohabiter avec d’autres qui sont très différents d’eux (conflits entre élèves de quartiers différents, d’origines différentes, de cultures différentes…) et traduisent également la difficulté pour certains d’entre eux de trouver leur place au sein de l’École. De plus, l’utilisation massive des réseaux sociaux paraît souvent exacerber l’ampleur de ces conflits, permettant à ces derniers de s’insinuer jusque dans les foyers, et faisant apparaître de nouvelles formes de violence : cyberharcèlement, diffusion de rumeurs…

Pensez-vous que votre attention particulière aux élèves en difficultés pourrait vous amener à diversifier votre carrière à un moment donné ? De quelle façon ? Avec quelles motivations ?

Aujourd’hui, et au regard de l’évolution des missions du CPE, j’ai le sentiment d’avoir un rôle important à jouer dans l’accompagnement des élèves en difficulté. Cela dit, il est vrai que j’aimerais parfois être en capacité d’en faire davantage, notamment en travaillant en collaboration plus étroite avec nos partenaires sociaux et de santé (ASS, éducateurs, psychologues, IME, ITEP…). Pour ces raisons, j’imagine me tourner dans quelques décennies vers un poste me permettant d’acquérir de plus grandes responsabilités à l’égard de l’accompagnement des élèves en grande difficulté

Caroline EVRARD

De CPE à enseignante, Christine témoigne

Quelles sont les raisons fondamentales qui ont présidé à votre choix de passer de la fonction de CPE à la fonction enseignante ?

J’ai travaillé sept ans dans un établissement de l’académie de Créteil où les rapports de forces internes étaient particulièrement pesants et sclérosants. J’avais l’impression que la vie scolaire devait en permanence justifier de son action et de son positionnement auprès des chefs d’établissements mais aussi auprès des collègues enseignants.

Je précise que l’établissement accueillait un public varié et que les problématiques scolaires et sociales des élèves étaient préoccupantes. Cependant, j’ai toujours eu le sentiment que ce qui était le plus compliqué dans cet établissement ce n’était pas les élèves, mais les adultes.

Je ne sais pas à quel point cet établissement était exceptionnel dans ses dysfonctionnements mais j’ai fait le constat que la place très exposée des CPE ne me convenait pas du tout. Je me posais donc de plus en plus de questions sur mon avenir dans cette fonction.

Lorsque j’ai enfin obtenu ma mutation dans l’académie de Bordeaux d’où je suis originaire, j’ai un peu déchanté en raison des difficultés posées par les mutations intra. Peu de postes de CPE étaient offerts dans le département que je visais et le résultat d’affectation après la CAPA ne me convenait pas vraiment.

J’ai donc sollicité un congé parental pour une année scolaire afin de privilégier ma vie familiale et l’éducation de mes enfants. Cette parenthèse dans ma vie professionnelle m’a permis de prendre du recul et de réaliser à quel point je ne souhaitais pas reprendre mon activité en tant que CPE.

J’ai donc cherché de quelle manière je pouvais évoluer et j’ai décidé, en lien avec mes études universitaires, de formuler une demande de reconversion professionnelle vers le métier de professeur d’anglais.

Comment vivez-vous le changement entre une gestion individuelle et une gestion collective des élèves ?

Je cherche à mettre tous les élèves au travail mais je n’y arrive pas toujours… ! Je m’efforce de travailler sur des sujets qui vont éveiller l’intérêt des élèves. En cours de langue vivante, nous sommes encouragés à multiplier les mises en situations d’élèves, ce qui peut prendre une tournure assez ludique. Je suis consciente que j’ai des progrès à faire en gestion de classe mais je ne me sens pas pour autant mise en difficulté par mes élèves.

Dans quelle mesure les compétences relationnelles acquises dans le métier de CPE viennent elles compléter vos compétences didactiques ?

Mon expérience de CPE est forcément utile. Je connais bien le public adolescent et je sais être un peu théâtrale quand il le faut ! J’ai souvent recours à l’humour mais je sais aussi poser des limites. Ce qui me semble fondamental, c’est de vraiment s’intéresser aux personnes que sont les élèves. Je veux que leur temps passé à l’école ait du sens, soit source d’épanouissement et d’enrichissement.

En choisissant la profession d’enseignante, l’organisation de votre temps de travail a changé. Comment vivez-vous les temps de préparation des cours et de corrections des copies que vous ne connaissiez pas dans votre fonction précédente ?

Il faut reconnaître que c’est très lourd. Même si je m’attendais à une telle charge de travail, je n’ai pas encore trouvé le meilleur équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle. J’ai deux jeunes enfants et un conjoint souvent en déplacement professionnel et je suis stagiaire 18h en lycée avec des 2ndes, des premières et des terminales…le rythme est donc soutenu !

J’aspire à des temps de formations me permettant de prendre du recul sur ma pratique professionnelle et j’apprécierais aussi de pouvoir observer les séquences des collègues de ma discipline. Cela dit, j’ai la chance de bénéficier des conseils d’une tutrice très attentive et d’un emploi du temps au lycée que je trouve assez équilibré.

Dans le cadre du nouveau collège, l’approche transversale des enseignements trouve un écho particulier dans les EPI ? Qu’en pensez-vous ? Quelle est votre implication dans ce dispositif ? Pensez-vous qu’une collaboration entre votre discipline et la vie scolaire soit imaginable dans le cadre des EPI ? Sous quelle forme ?

Difficile pour moi de répondre à cette question car j’ai toujours travaillé en lycée, mais je pense qu’on peut tout à fait imaginer des projets en lien avec la vie scolaire. Par contre, je sais aussi que les CPE en collège sont généralement seuls et ont déjà fort à faire !

Envisagez-vous un jour d’enseigner à l’étranger ? Si oui, quels points positifs voyez-vous à ce type d’expérience ?

En effet, cela pourrait m’intéresser de travailler à l’étranger pour l’enrichissement personnel et professionnel que cela représente. Je pense qu’il est d’ailleurs plus facile d’exercer à l’étranger en tant qu’enseignant qu’en tant que CPE. En effet, les postes de CPE proposés sont souvent liés à des missions de faisant fonction chef d’établissement et les spécificités éducatives du CPE en font souvent les frais !

Photo : Pixabay CCO Public Domain

Témoignage deMyriam, en poste PDMQDC à Perpignan

Myriam Mansuy occupe un poste « Plus de Maîtres Que De Classes » (PDMQDC)sur deux groupes scolaires de Perpignan Grand Centre depuis le 1er septembre 2016, elle nous apporte son témoignage.

As-tu bénéficié d’un accompagnement de l’administration pour ta prise de poste ?

Oui. Une première réunion fin juin avec l’équipe des enseignants sur numéraires (6 !) et l’équipe de circonscription pour définir les objectifs à mettre en place pour la rentrée 2016. Puis, le coordonnateur de réseau et moi-même, sommes allés début juillet dans chacune de mes écoles pour une réunion afin de me présenter et d’informer des nouvelles directives nationales sur les fonctions de maître supplémentaire.

Enfin, à la rentrée une nouvelle réunion entre « nous » et l’équipe de coordonnateurs a eu lieu pour répondre aux questionnements rencontrés dans les équipes pédagogiques quant à notre rôle.

Te considères-tu suffisamment au clair sur le dispositif (rôle de chacun, fonctionnement,…) ?

J’ai lu plus qu’attentivement le rapport du comité national de suivi du dispositif « plus de maîtres que de classes » qui fait un bilan sur les trois premières années de la mise en place de ce dispositif, et qui définit l’évolution des pratiques et l’efficience du dispositif.

Je suis nouvelle dans cette fonction, je me suis donc approprié le dispositif, ce que serait mon rôle au sein de l’équipe enseignante, avec ce qui est décrit dans ce dernier rapport.

Mais les collègues ayant bénéficié depuis trois ans d’un « surnum », sur la base d’un dispositif dans lequel le maître sup intervenait plus à l’extérieur de la classe qu’en co-enseignement, ils n’ont pas tout de suite adhéré au format « deux en classe », et d’un co-enseignant qui ne suit pas les élèves les plus en difficultés.

Il ne faut plus saupoudrer les aides, mais je suis sur deux groupes scolaires, sur un cycle d’enseignement qui prend en charge les élèves jusqu’au CE2. Cela réparti mon action sur 10 classes… Comment alors co-enseigner, donc co-préparer avec 10 collègues qui n’ont pas que, mes heures d’interventions à prévoir ?

De quoi aurais-tu besoin pour tes débuts sur ce poste ?

De ne surtout pas me sentir seule… et je ne le suis pas. D’une part parce qu’avec mon équipe de PDMQDC nous partageons un espace numérique sur lequel nous éditons nos fiches de projets, nos fiches d’observations et de suivis des élèves, nos fiches d’actions. D’autre part, parce que des collègues sont venus vers moi pour partager très vite leurs attentes et je suis aussi allée vers les autres collègues pour présenter des outils facilitants le co-enseignement.

Y aura-t-il des formations mises en place au cours de l’année scolaire ?

Oui. Chaque école peut faire le choix de consacrer 6h de leurs animations pédagogiques pour un travail spécifique avec moi.

Et, il est aussi prévu 6h spécifique pour les PDMQDC.

Comment les priorités ont-elles définies ?

Elles nous ont été exposées par l’équipe de circonscription dans le respect des directives nationales et des besoins spécifiques du public scolaire concerné.

Il s’agit d’améliorer les méthodes de travail de l’élève, d’apprendre à apprendre, et de travailler sur l’attitude de l’enfant dans son rôle d’élève. Pour cela il faut s’appuyer en français sur la compréhension en lecture et la production d’écrits, en mathématiques sur la résolution de problèmes et le domaine numérique.

J’enseigne, dans le deuxième groupe scolaire, sur un projet spécifique autour de la maîtrise du langage et l’enrichissement du lexique auprès d’élèves qui n’utilisent pas le français à la maison. Ce ne sont pas des ENA (Elève Nouvellement Arrivé en France), mais des élèves d’un quartier particulier.

Quelles sont les modalités d’intervention ?

75% de mon temps est en co-enseignement, le maître de la classe et le maître supplémentaire sont ensemble dans l’espace de la classe. Parfois l’un enseigne, l’autre aide les élèves ou les deux aident ou l’un enseigne, l’autre observe (évaluations) ou l’enseignement se fait en ateliers ou avec des groupes différenciés ou encore en parallèle (2 niveaux de classes).

Puis 25% de mon temps est soit en décloisonnement avec tous les collègues du cycle, soit en groupe restreint sorti de l’espace classe pour un travail précis (projet maîtrise de la langue).

Quelles classes sont prises en charge et dans quels domaines ?

C’est le cycle 2 qui bénéficie de ce dispositif, mais je m’occupe de GS pour le langage, des CP et des CE1 pour la lecture/compréhension etdu geste d’écriture, en maths je travaille sur la résolution de problèmes autour du nombre. En CE2, j’interviens sur la fluence en lecture et sur les résolutions de problèmes qui rassemblent la lecture/compréhension et le domaine des nombres.

Comment se passe la concertation avec les membres de l’équipe pédagogique ?

Dans le rapport national pour cette rentrée, cela est explicité comme un élément essentiel de ma fonction, le co-enseignement n’est possible et cohérent qu’en co-préparant… Oui, mais être un maître sup pour 10 maîtres en classe n’est pas aussi évident. En plus des concertations dans chaque classe après ou avant chaque intervention, j’ai mis en place un calendrier d’heures de régulation dans les deux écoles, afin d’avoir un moment commun assuré pour envisager de nouvelles séquences, de nouveaux outils que je présente, ou bien faire des bilans de fin de période .

Enfin, il y a en plus les conseils de cycles spécifiques à ce dispositif.

Existe-t-il un lien entre le dispositif et le projet d’école ? Si oui, sur quels axes ?

Je ne peux pas me prononcer à ce sujet, car nous devons éditer un nouveau projet d’école 2016/2019 en référence au nouveau projet de réseau, mais je crois cependant qu’une partie sera prévue puisque les collègues vont s’investir pendant 6h sur le dispositif PDMQDC.

As-tu des attentes particulières de la part de l’administration ?

L’équipe des maîtres surnuméraires assistera à une réunion à la DSDEN tous les deux mois. J’espère que ce sera l’occasion de faire le point pour nous accompagner et pas seulement pour relever les résultats de nos interventions.

Témoignage de Marie-Paule, CPC, à propos du dispositif PDMQDC

Marie-Paule Lapaquette est conseillère pédagogique dans le circonscription « Haute-Vienne 2 ». Les deux principes majeurs de la refondation de l’éducation prioritaire (refondation pédagogique, travail en équipe, réflexion et formation soutenus) ont constitué le cadre d’ancrage du dispositif « maitre + » dans la circonscription « Haute-Vienne 2 » et ce, précisément au moment de l’implantation du premier REP+ préfigurateur de l’académie de Limoges. Depuis, le dispositif a été déployé à la fois dans la circonscription avec d’autres moyens établis dans chaque école élémentaire du REP+, dans chaque école en REP et en dehors de l’éducation prioritaire, dans certaines zones rurales du département.

Quel accompagnement l’administration a -t-elle mis en place pour le dispositif ?

Dès cette première mise en place, l’IEN de circonscription-éducation prioritaire (systématiquement présente lors des première et dernière journées et ponctuellement pendant les autres journées) a souhaité un accompagnement du dispositif par les conseillères pédagogiques, accompagnement concrétisé sous la forme d’une journée et demie par période :

– une demi-journée de temps de régulation / concertation

-une journée de formation :

  • apports de contenus en lien avec les besoins, mais aussi et surtout fonction des derniers apports de la recherche –IFÉ notamment (recherche de Goigoux sur le lire-écrire / influence des pratiques d’enseignement sur la qualité des apprentissages, enseignement explicite, langage mathématique…),

  • apports relatifs aux différents rapports nationaux d’étude sur le dispositif

  • travail de construction d’outils (évaluations communes à l’échelle de la circonscription) et aide à l’écriture du projet d’actions des maitres +, selon la matrice élaborée par l’équipe de circonscription

En parallèle, un groupe Viaéduc « maitres + » de la circonscription a été créé. Il est à la fois vecteur d’échanges entre l’équi

Enfin, au printemps 2016, un séminaire départemental engageant l’université et la DSDEN a été organisé à la FLSH de Limoges. Il a été précédé par le tournage d’une vidéo et par une série d’observations croisées entre maitres+ du département, observations dont la restitution a été réalisée, lors de ce séminaire, par une étudiante de master

Dans les écoles, les concertations se font principalement lors des conseils de maitres de cycle ou plus ponctuellement, de manière plus informelle.

Quelles plus-values le dispositif apporte-t-il pour les élèves ? pour les équipes ?*

Bien sûr une aide aux élèves en difficulté (dans la circonscription, une attention à l’articulation entre les enseignants RASED et les maitres+ est par ailleurs particulièrement observée et ciblée), mais aussi pour les enseignants par un travail collaboratif (titulaire de la classe, équipe de cycle et maitre+) il s’agit -au sein du collectif de la classe, du cycle et de l’école- d’identifier les enjeux d’apprentissage et de les expliciter pour organiser la différenciation pédagogique et les procédures opérationnelles.

Comment sont définies les priorités et les modalités d’intervention ?

Les modalités d’intervention (co-enseignement, co-présence et co-intervention) sont organisées en fonction des évaluations de circonscription, des besoins identifiés par les équipes d’école et en relation avec les conclusions et préconisations du Comité national de suivi «Plus de maîtres que de classes»

Quelles pistes d’amélioration proposeriez-vous pour encore plus d’efficacité ?

Des notions interrogées par le dispositif restent en tension :

  • Anticipation/remédiation
  • Motivation/adhésion
  • Pratique ordinaire/innovante
  • Pilotage/réponse spontanée…

Une communication sur le dispositif envers les parents a-t-elle lieu ? Si oui, par qui et selon quelle modalité ?

Lors des réunions de parents de rentrée par les enseignants de cycle 2 ou lors de rencontres ponctuelles avec les familles, mais c’est variable d’une école à l’autre

Quelles classes sont prises en charge et dans quels domaines ?

Le cycle 2 est très fortement priorisé (préconisation des textes), toutefois dans une volonté de prévention et en fonction des emplois du temps, il peut arriver –de façon ponctuelle- que les classes de GS soient identifiées. Les enseignements concernés sont le français (lire, écrire) et les mathématiques. Cependant, les maitres+ de la circonscription s’inscrivent également dans des projets spécifiques dans lesquels l’interdisciplinarité est convoquée

Existe-t-il un lien entre le dispositif et le projet d’école ? Si oui, sur quels axes ?

Il y a emboitement d’échelles entre les différents projets (projet de réseau -contractualisant et contractualisé, d’écoles et de cycles) constituant des outils de pilotage (IEN et chefs d’établissement pour le 1er niveau et directeurs et équipes d’école au niveau des écoles).

Les objectifs thématisés des dispositifs sont donc une déclinaison directe de certains des axes des projets de réseau :

  • Améliorer le parcours de réussite des élèves pour élever le niveau de qualification, travailler à la fluidité des parcours des élèves
  • Innover pour une école des réussites

Témoignage d’Isabelle sur un poste PDMQDC à Perpignan

Isabelle Hourcadette est affectée sur un poste PDMQDC* depuis septembre 2015 sur la circonscription Perpignan1 – dans les écoles élémentaires et maternelles du secteur de la Garrigole, identifiées en réseau d’éducation prioritaire. Elle témoigne…

Quel accompagnement l’administration a-t-elle mis en place pour le dispositif ?

Le secteur de la Garrigole a été doté d’un poste de maitre supplémentaire en septembre 2015.

Le poste a évolué au cours de l’année scolaire, l’intervention s’est centrée sur une école de cycle 2 comprenant 8 classes de septembre 2015 à avril 2016, pour s’étendre sur 4 écoles supplémentaires en dernière période.

Pour la rentrée 2016, l’IEN a souhaité, sur la base des équipes éducatives, étendre l’intervention du maitre supplémentaire sur l’ensemble des 4 écoles maternelles du secteur dans le domaine du langage oral.

Afin d’optimiser mes interventions sur les 7 écoles, il a été décidé avec les différentes équipes d’enseignants pour l’année scolaire 2016-2017 d’intervenir par période et par niveau. Ainsi de septembre à décembre, la priorité est donnée aux classes de CE1 et CE2 sur les 3 écoles élémentaires, puis à partir de janvier aux classes de CP et GS.

L’administration a mis en place différents dispositifs pour accompagner les équipes d’enseignants :

  • un stage école de 3 jours sur le thème de la lecture, dés le mois de septembre 2015 pour permettre à l’équipe d’enseignants de s’approprier le dispositif et de réfléchir à la façon d’intégrer le maitre supplémentaire dans le dispositif « décloisonnement lecture » déjà existant sur l’école.

  • la participation de l’équipe de circonscription aux conseils d’école permettant d’apporter une information aux parents, à la municipalité et aux conseils des maîtres pour présenter le dispositif aux équipes d’enseignants

  • des journées de formation, soit avec l’ensemble des maitres supplémentaires de la circonscription et des enseignants des écoles concernées par le dispositif, soit avec les différentes écoles où j’interviens.

Comment sont définies les priorités et les modalités d’intervention ?

Les priorités et les modalités d’intervention sont définies par l’IEN de la circonscription, puis présentées aux différentes équipes d’enseignants avec l’appui de l’équipe de circonscription.

Quelles sont les modalités d’intervention en classe ? Quelles classes sont prises en charge et dans quels domaines ?

Les modalités d’intervention ont évolué entre 2015 et 2016, du fait de l’augmentation des écoles qui sont rentrées dans le dispositif.

De septembre à avril 2015, le poste était affecté à plein temps sur une école de cycle 2 comprenant 8 classes. Les interventions ont été réalisées à 91 % dans les domaines des apprentissages fondamentaux (français et mathématiques).

La co-intervention 7 (enseignement parallèle) représente 44 % des interventions. Elle s’applique lors du décloisonnement lecture. La co-intervention 6 (enseignement avec groupe différencié) représente 38 % des interventions.

Modalités d’intervention

%

1

co enseignement 1 – enseignement en tandem

15

2

co enseignement 2 – l’un enseigne l’autre aide

3

3

co enseignement 3 – les deux aident

0

4

Co-présence 4- l’un enseigne, l’autre observe

0

5

Co-intervention 5- enseignement en ateliers

0

6

Co-intervention 6- enseignement avec groupe différencié

38

7

Co-intervention 7- enseignement parallèle

44

De septembre à décembre 2016, la modalité d’intervention principale retenue est la co-intervention en atelier au sein de l’espace classe dans un domaine d’apprentissage identique : la lecture et la compréhension de l’écrit en cycle 2. Elle représente 75% du temps d’intervention.

Ce dispositif permet de privilégier l’hétérogénéité d’un petit groupe dont l’effectif réduit favorise les interactions. On observe plus de « motivation » et une meilleure « concentration » des élèves. Il permet d’essayer, d’expérimenter des outils qui sont difficiles à mettre en œuvre en classe entière.

Quelles plus-values le dispositif apporte-t-il pour les élèves ? pour les équipes ?

Il est encore trop tôt pour évaluer les effets du dispositif sur les élèves. En effet, le poste a été créé il y a un an. L’analyse d’indicateurs (résultats des élèves aux évaluations, l’évolution de l’écart des résultats entre élèves…) nécessite une stabilisation de l’organisation. On peut également noter que le croisement des regards sur l’élève permet une évaluation plus précise et une observation enrichie.

Les effets sur les enseignants sont plus facilement évaluables, dans les différentes écoles, le travail en équipe est renforcé. Sur deux écoles élémentaires afin d’optimiser les interventions du maître surnuméraire en lecture, les enseignants ont décidé de travailler sur un album commun. Les enseignants se répartissent la réalisation des supports. Il s’agit d’adapter les besoins de lecture et les supports à chaque groupe de niveau. Les outils et les pratiques sont ainsi mutualisés.

Existe-t-il un lien entre le dispositif et le projet d’école ? Si oui, sur quels axes ?

L’axe 2 du projet d’école de d’Alembert 1 : « Permettre à tous les élèves de réussir en adaptant leur parcours tout au long du cycle » et notamment « Améliorer les conditions d’apprentissage de la lecture » s’appuie sur la présence du maitre supplémentaire.

*PDMQDC = Plus De Maitres Que De Classe

Mon mémoire en 180 secondes : un moment tonifiant !

Trois minutes pour présenter son mémoire de master, c’est le défi relevé par dix enseignants et personnels d’éducation stagiaires lors de la finale du concours « Mon mémoire MEEF en 180s » le mercredi 29 juin dernier à Paris.

En effet, pour la 1ère année et sur le modèle de « Ma thèse en 180s », ce concours organisé conjointement par le MENESR et le Réseau des ESPE a pour objectif de valoriser la recherche effectuée par les professeurs stagiaires au sein des ESPE dans le cadre de leur 2ème année de Master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation).

Après un appel à candidature suivi d’une première sélection académique, c’est devant un jury pluri catégoriel et en la présence de Najat Vallaud-Belkacem, que les finalistes ont, pour la finale nationale, présenté en 3 minutes leur sujet de recherche et expliquer comment la recherche avait été menée.
Au programme, 4 thématiques fortes des enseignements du tronc commun : la “laïcité et l’éthique professionnelle”, “les gestes professionnels liés aux situations d’apprentissage”, les “connaissances liées aux parcours des élèves” et des “thématiques transversales”.
Et oui, nos collègues entrant dans la profession ont choisi ce métier par vocation et oui, ils sont en mesure de très bien l’exercer !
Voici le témoignage de Mickael Idrac, finaliste du concours et auteur d’un mémoire sur l’éducation des enfants déplacés intitulé « L’éducation des migrants : Une comparaison entre la prise en charge de l’Ecole de la République et celle des structures non officielles« 

Sur quelle thématique as-tu réalisé ton mémoire ?

J’ai travaillé sur l’éducation des enfants déplacés en justifiant l’emploi d’un nouveau concept qui est l’éducation d’urgence, l’objectif que je poursuis étant que, concernant l’éducation en contexte migratoire, on fasse la même dichotomie entre éducation d’urgence et éducation de développement comme on fait la dichotomie entre humanitaire d’urgence et humanitaire de développement. Je crois à la force des mots et c’est important de mettre les bons mots sur les bonnes choses, ce qui n’est plus le cas tant les migrations actuelles sont nouvelles. C’est comme quand on parle de réfugiés, souvent on se trompe car ce terme est une question de statut juridique… C’est pourquoi je parle plutôt de « déplacés » pour ma part, simple traduction du concept de « displaced people » qui est utilisé par les anglo-saxons. Les flux migratoires que l’on connaît en ce moment, où beaucoup de CSP+ quittent leurs pays d’origine, génèrent vraiment des nouvelles dynamiques en termes d’éducation humanitaire.

Pourquoi ce choix ?

J’ai eu l’occasion et la chance de pouvoir enseigner dans une migrant school en Thailande auprès d’enfants déplacés birmans il y a quelques années. Les enfants birmans ne vont pas dans les écoles Thaï et on voit fleurir des migrants school, non autorisées et non déclarées, tout le long de la frontière. Je me suis passionné pour le contexte et j’ai tout fait pour visiter des camps. Je crois que quand à 20 ans on se retrouve dans un camp 55 000 personnes on est marqué pour longtemps. Mon réseau m’a permis de me voir confier une seconde mission environ une an plus tard : la réalisation d’une étude comparative sur l’éducation des enfants déplacés birmans dans les camps de Thailande et hors les camps. Puis j’ai pu travailler à Beyrouth aux Nations-Unies sur des problématiques liées aux réfugiés palestiniens, dont le statut est encore particulier puisque leur exode a commencé avant les accords de Genève relatifs au droit des réfugiés. Aujourd’hui professeur des écoles je ne suis jamais resté loin de ces thématiques et la crise en Syrie, la chute du régime libyen qui sont des éléments clés des nouvelles typologies de migrations conjuguées à la situation de Calais tout proche de nous… Tout ça m’a donné envie de replonger, pour moi c’était même une nécessité d’aller dire à Calais que je connaissais le sujet et que j’avais quelque chose à leur apporter, en toute humilité, car cela reste bien différent de ce que j’ai pu voir dans les pays du sud et j’apprends énormément de choses au quotidien, puisque je suis toujours le projet.

Qu’est-ce qui t’a motivé à participer au concours ?

La possibilité de parler d’un sujet que l’on nie et face auquel on détourne souvent le regard, nous sommes en France donc en France on ne peut pas être confronté aux mêmes problématiques que les pays du sud. Or, c’est totalement faux, d’ailleurs prenez un camp en Thailande et vous verrez que ses administrateurs ont beaucoup de choses à nous apprendre sur la gestion d’un camp. Aujourd’hui le bidonville de Calais est un No Mans Land administratif et le manque de puissance publique génère des catastrophes humaines, et comme dans ce No Mans Land administratif il y a 10% de mineurs isolés il faut tirer la sonnette d’alarme par tous les moyens. J’avais besoin de le dire devant des professionnels de l’éducation aguerris, quitte à faire grincer des dents. Ma motivation elle a une vraie dimension militante. Et je pense que je n’ai pas trop mal visé même si je n’ai pas gagné puisque j’ai reçu pas mal de questions et d’interrogations de certaines personnes de l’auditoire qui étaient interloquées par mon propos.

Quelle préparation spécifique vis à vis d’une soutenance classique ?

La préparation pour moi a eu un côté plus excitant que contraignant, l’exercice me plaît, je prends toujours ça comme une chance que d’avoir un auditoire. La seule « chose » spécifique à laquelle je me suis attaché c’est de dépasser le cadre du discours déclaratif classique, j’avais besoin d’un peu d’humour et quelques phrases choc. Et le choix de présenter mon projet avec des rimes s’est un peu imposé de lui même finalement… J’ai eu la chance de pouvoir répéter dans un amphithéâtre, ça par contre c’est un gros plus, et je suis d’ailleurs reconnaissant envers la personne de l’ESPE de Perpignan qui m’a aidé.

Quelles difficultés as-tu rencontrées pour soutenir ton mémoire en 180 secondes ?

La contrainte temps est la plus difficile à gérer, on a tous envie de parler des heures sur un sujet qui nous passionne, en tout cas pour moi c’est comme ça, donc j’ai du faire des coupes dans mon texte qui m’ont fait très mal au cœur !

Quel bilan tires-tu de cette expérience ?

Le bilan pour moi est plus que positif car déjà dans la période de réalisation du projet j’ai rencontré des gens fantastiques, passionnés et passionnants sur le terrain. J’ai eu des contacts avec des chercheurs enchantés par ma démarche, dans un contexte ou on observe un net regain d’intérêt de la communauté scientifique pour la question migratoire on m’a facilement pris au sérieux.

Et le jour de la finale je me suis amusé, je pense que c’est important aussi de parler de plaisir quand on arrive à finaliser quelques petites bribes de ce travail de longue haleine.

Quel climat le jour de la finale nationale ?

Le climat était plutôt détendu, le staff nous mettait dans de bonnes conditions, je me suis senti plutôt à l’aise. Puis le lieu était magnifique, ça ajoute au fait que nous étions tous plutôt emballés et contents de la où nous étions.

Maintenant mis en lumière, quelle suite à ton mémoire ?

Pour répondre je vais revenir quelques questions en arrière quand je parle de la somme étonnante de gens que ce projet m’a permis de rencontrer. J’ai eu la possibilité de travailler avec des chercheurs canadiens pour la réalisation d’un ouvrage qui s’appelle « Communication Interculturelle et nouveaux visages de la mobilité. » Dans les nouveaux visages de la mobilité nous mettons, et nous ne sommes pas les seuls, les enfants. C’est donc le chapitre sur les enfants que j’ai rédigé avec une chercheuse de l’Université du Québec à Montréal qui s’appelle Lilyane Rachédi et qui est spécialisée en travail social en contexte migratoire. Elle m’a accordé sa confiance et on reste en contact pour d’autres projets. Enfin j’ai profité de cette période de bouillonnement intellectuel pour rechercher un directeur de thèse qui me permette de poursuivre l’aventure et j’ai trouvé mon bonheur au sein du CEPED, c’est un laboratoire pluridisciplinaire qui travaille sur les relations entre populations et développement au sud, avec plein de potentiels transfert d’idées au nord. Je vais être inscrit en doctorat en sociologie auprès de Madame Véronique Petit qui a une expertise pointue sur les questions migratoires donc je serai entre de bonnes mains !