D’AED vers CPE, le parcours de Justine…

Après un parcours universitaire en sciences du langage, vous préparez dans un premier temps le concours du professorat des écoles. Quelles sont les raisons profondes qui vous ont poussé à choisir cette orientation ?

J’ai toujours souhaité travailler dans l’enseignement, partager et transmettre des connaissances. Je me suis donc naturellement dirigée vers le professorat. J’ai passé le concours de professeur des écoles mais je ne l’ai malheureusement pas obtenu. Puis, j’ai été recrutée en tant qu’AED dans un lycée où j’ai compris ce que je voulais transmettre : ce n’était pas un savoir mais un savoir vivre, une compétence sociale. C’est à ce moment-là que j’ai découvert le métier de CPE.

Assistante d’Education pendant 3 ans et demi dans un lycée bisontin, vous devenez une étroite collaboratrice des CPE. Quelles sont les responsabilités qui vous ont été confiées ? Que vous-ont-elles apportées ?

Je suis arrivée en cours d’année scolaire sur le poste de « bureau de vie scolaire ». Il a fallu s’adapter très vite. J’étais chargée, par délégation du CPE, du suivi des élèves absentéistes avec deux autres de mes collègues. Selon la légitimité des motifs et la régularité des absences, nous opérions une pré-sélection des élèves que le CPE convoquait ensuite. La préparation du baccalauréat était également une lourde responsabilité. J’organisais avec deux AED de confiance la mise en place des salles et je préparais aussi tous les documents officiels. Nous nous assurions de la présence de chacun et du bon déroulement des épreuves. L’anonymisation des copies et l’envoi de chaque paquet au rectorat ou dans les autres établissements était un moment déterminant. Grâce à ce poste d’AED j’ai découvert le contact avec les élèves, une proximité essentielle pour les aider à grandir. L’écoute m’a permis de soulever certains problèmes d’élèves. Il y a eu des moments difficiles où il a fallu prendre une décision, pour le bien de l’élève, en accord avec le CPE et le chef d’établissement.

Depuis cette rentrée, vous êtes en poste dans un collège rural à gros effectif. Quels points communs et quelles différences voyez-vous entre les missions d’un AED en collège et en lycée ?

Il y a moins de responsabilités administratives en collège. Le nombre d’absences étant moindre, c’est le CPE qui gère les absences directement. En revanche, la surveillance est plus importante en collège qu’elle ne l’était au lycée. En effet, les élèves, plus jeunes sont plus dissipés. Leur comportement vis-à-vis de l’adulte est également plus immature. Je me rends compte qu’être devenue mère de famille m’a permis de mieux comprendre les élèves et de les accompagner au plus près de leurs besoins.

Au sein de votre village de Haute-Saône, vous êtes membre active du comité des fêtes et vous mettez en place plusieurs actions dont certaines bénéficient aux écoliers et aux collégiens. Lesquelles ? Quelle est votre place au sein de l’équipe organisatrice ?

Je suis membre du comité des fêtes, au même titre que les 19 autres personnes qui le constituent. Nous organisons plusieurs manifestations durant l’année qui profitent aux jeunes du village, dont certains font partie du collège dans lequel je travaille. Lors de la fête patronale, nous offrons une boisson et un tour de manège à chacun des enfants et adolescents du village. La « marche gourmande » est également un moment convivial où petits et grands se promènent et mangent ensemble, dans une ambiance festive. Les bénéfices de l’association nous permettent d’offrir des fournitures de bureau aux enfants du village tels que des sacs ou des feutres. Nous organisons également, plusieurs fois par an, des soirées “jeux de société” où tous sont invités. J’ai bien évidemment un contact privilégié avec les élèves de mon village et j’ai pu constater qu’ils me respectaient plus.

Vous avez représenté votre CPE à un stage de formation continue destiné aux référents citoyenneté. Quel a été le programme de cette journée et quels sont les points saillants que vous avez retenus ? Quels sont les projets d’animation que vous avez en tête dans votre établissement ?

Lors de cette journée, j’ai pu constater les différents fonctionnements propres à chacun des établissements représentés. Nous avons d’abord construit collectivement un récapitulatif du rôle du référent citoyenneté, du CVL et du CVC. Nous avons comparé ce qui se faisait dans chacun des établissements en prenant en compte les différences de publics et de locaux. Cette journée fut très intéressante car elle m’a confortée dans l’idée que nous pouvons atteindre les mêmes objectifs en prenant divers chemins. J’ai pu, grâce aux personnes rencontrées ce jour mettre en place une journée de Noël : élèves et surveillants sont venus avec un pull de Noël ou un bonnet. J’aimerais également organiser un carnaval, chaque élève viendrait déguisé, le thème changerait chaque année. Nous pourrions organiser un concours de déguisements sur le temps de pause méridienne.

Vous envisagez de candidater à la prochaine rentrée sur la fonction de CPE contractuel et de préparer le concours. Quels sont les aspects du métier qui vous intéressent le plus ? Pourquoi ?

Le métier de CPE est très complexe et très complet. J’ai exercé dans deux types d’établissement et j’ai mesuré la diversité des fonctionnements. Le CPE a des missions inscrites dans une circulaire nationale. Pour autant, dans chaque établissement il effectue des taches propres au fonctionnement interne et au contexte local. De nature sociable, je sais pouvoir faire le lien entre un élève et un enseignant qui est un passage obligé pour le CPE. Nous savons que sans le lien entre la famille et l’école il n’y a pas de réussite possible. C’est donc un gros défi que de réussir à combiner les envies et besoins de chacune des parties pour en retirer le meilleur. La gestion de la vie scolaire est également un point qui me tient à cœur. Il faut savoir repérer les compétences particulières à chaque AED, leur permettre de faire leur travail dans les meilleures conditions possibles afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Mais ce qui m’intéresse le plus dans le métier de CPE, c’est la capacité d’évolution de l’élève, le principe d’éducabilité. Donner à chacun, selon son profil et ses spécificités, l’envie de réussir et révéler à chacun ses potentialités. Garder en tête l’objectif de permettre à chaque élève de devenir un citoyen adulte responsable.

Déjà formatrice de vos collègues dans l’établissement, vous souhaiteriez étendre votre champ d’action aux AED du bassin en lien avec les CPE du secteur. Qu’est-ce qui vous semblerait prioritaire à faire figurer dans un module de formation de nouveaux AED ?

Il y a bien évidemment le point primordial qui consiste à comprendre qu’une surveillance est d’autant plus efficace qu’elle est active et permanente. La mobilité des AED renvoie une image dynamique aux élèves et les rend imprévisibles. Les AED doivent montrer leur capacité à faire confiance aux élèves sans jamais les sous-estimer. Il faudrait, à mon sens, responsabiliser les AED sur l’aide aux devoirs et leur donner des outils pédagogiques. En étude, il arrive souvent que les élèves ne travaillent pas car ils ne savent pas comment s’y prendre et rencontrent des soucis méthodologiques. C’est d’autant plus vrai pour les élèves à besoins éducatifs particuliers. Un AED doit être capable également de repérer un élève en difficulté et de le diriger vers les personnes compétentes. Les AED sont souvent mal perçus par les élèves et associés spontanément à la police qui ne fait que brimer. Je crois que nous sommes aussi « les oreilles » des CPE ou de l’infirmier(e) en cas de problème plus grave. Personnellement, il m’arrive d’échanger avec les élèves sur des plans plus personnels de ma vie afin de créer une proximité et une relation de confiance. Je crois qu’un élève qui se sent bien dans son établissement aura plus envie de s’investir dans son travail. Ce côté humain n’est souvent pas assez présent dans les formations AED actuelles alors que nous sommes les personnes qu’ils côtoient le plus dans la journée. Utiliser la méthode d’analyse de pratiques professionnelles me semble utile car elle permet de traiter de cas concrets et de les distancier.

Justine Kvartskhava, AED au collège Rioz de l’académie de Besançon

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