Quand l’intérêt de l’enfant se heurte au dysfonctionnement administratif…

« Depuis 2005 et l’obligation de scolarisation, j’ai accueilli des enfants porteurs d’un handicap à de multiples reprises.

Cette année, dans ma classe de MS-GS, 2 enfants de GS sont maintenus. Ils sont accompagnés depuis l’année dernière par une AVS, qui au fil des mois, a réussi à instaurer une relation de confiance propice à leur épanouissement.

Cette année encore, elle a vu son contrat reconduit et intervient dans ma classe pour les 2 mêmes élèves. L’un des 2 bénéficie de 12h (mutualisées avec son camarade) réparties dans la semaine. Jusque là tout allait bien…

Depuis fin septembre, elle doit également accompagner un enfant autiste dans une classe de PS de notre école. Cet enfant bénéficie de 10h hebdomadaires et ne vient à l’école que le matin. Le calcul est donc simple : 12h+10h= 22h. Le contrat de Fatima n’étant que de 20h, mes élèves ont vu leur aide amputée de 2h et leur emploi du temps modifié.

Ma directrice et moi-même avons téléphoné à l’inspection académique, à l’enseignant-référent qui nous ont répondu « qu’ils cherchaient quelqu’un d’autre pour les 2h manquantes, qu’il n’y avait pas assez d’AVS dans le département et que je ne devais pas me plaindre puisque j’avais tout de même une AVS».

J’ai parlé de « l’intérêt de l’enfant, de stabilité, de qualité relationnelle », on m’a répondu « restriction, budget… ».

Nous avons reçu les parents, les incitant à réagir le plus vite possible. Ce qu’ils ont fait. Mais la MDPH les ayant renvoyé vers l’inspection académique, c’est en bataillant ferme qu’ils ont obtenu gain de cause. L’AVS est à nouveau présente dans la classe avec les horaires qui correspondent à la prise en charge de mes élèves. Happy end donc !

Béatrice, professeure d’écoles de classe normale en Haute-Vienne

Intégration réussie d’un élève autiste en 5ème, Michaël témoigne

« K. est un élève qui fréquente l’Ulis. Atteint de troubles autistiques, il a intégré ma classe de 5ème SVT en octobre qui compte une vingtaine d’élèves.

L’accueil de cet élève s’est fait dans de bonnes conditions : des d’élèves compréhensifs et empathiques, un programme concret qui remobilise des notions déjà abordées en primaire. K. est accompagné d’un AESH. Au début de l’inclusion, il était assis à côté de K. qui était demandeur et qui se sentait rassuré. Au fur et à mesure de l’avancement du trimestre, l’assistant a pris ses distances et s’est installé dans le fond de la salle. K. s’est bien adapté au rythme de travail de cette classe de 5ème. Un peu effacé au début, il s’est progressivement intégré au groupe-classe et participe régulièrement à l’oral. Il prend son cours avec soin et fait preuve d’un très bon raisonnement. Cependant, il manque parfois d’attention et met un peu plus de temps à faire le travail demandé.

K. a été évalué selon les mêmes exigences que celles attendues d’un élève de 5ème. Il a obtenu de très bons résultats. Comme il est très sensible aux notes, ces évaluations « réussies » l’ont encouragé à poursuivre ses efforts. Il a pris ses aises, apprécie la matière, pose des questions, me salue et me donne rendez-vous pour le prochain cours, il s’est ouvert aux autres et commence à s’habituer à l’émulation d’une salle de classe. Son inclusion a été bénéfique pour lui et pour les autres élèves qui ont une vision plus large de la diversité des élèves d’un collège. »

Michaël, professeur de SVT dans le Bas-Rhin

Accueil d’un enfant autiste en MS/GS, le témoignage de Sarah

« J’ai appris en fin d’année dernière qu’un élève souffrant de troubles autistiques intégrerait ma classe déjà nombreuse à la rentrée (27 élèves). Cet enfant souffrait particulièrement des changements et des situations collectives trop longues. Un déménagement, un changement d’école et une classe nombreuse et bruyante… tous ces facteurs m’inquiétaient. Ce qui m’a fait peur c’est la totale absence de formation pour l’accueillir ainsi que la réaction de ses camarades devant ses éventuelles crises. Heureusement, j’ai pu rencontrer la collègue qui avait cet enfant et qui m’a beaucoup conseillée. Nous avons eu également la chance que son AESH accepte de suivre l’enfant dans notre école.  Je me suis beaucoup documentée et j’ai essayé de préparer cette arrivée au mieux.

Finalement, après une période d’adaptation, de nombreuses réunions de concertations avec les personnels soignants et les parents, cet enfant s’est parfaitement intégré à la classe et à ses camarades. Sa présence dans la classe est un réel enrichissement pour tous, enfants comme adultes. Ses camarades l’ont accepté et le considèrent comme un camarade ordinaire.

C’est également une victoire personnelle. Grâce à lui, j’ai appris beaucoup et j’ai su adapter ma pédagogie à sa différence. »

Sarah, classe de MS/GS

La loi handicap a 10 ans

 

Cela fait 10 ans que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe que « tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant est inscrit dans l’école ou l’établissement le plus proche de son domicile qui constitue son établissement de référence. ». Où en sommes-nous aujourd’hui ?

L’engagement du SE-Unsa dans ce dossier n’est pas nouveau ! Depuis deux ans d’ailleurs, dans la perspective de cet anniversaire, nous avons organisé de nombreuses réunions dans les départements. Ce sont plusieurs centaines de collègues qui ont pu s’y exprimer : grâce à eux, nous disposons d’une photographie assez précise des besoins et des manques dont nous vous livrons les contours aujourd’hui.

Un peu plus de 240 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire et un peu moins de 100 000 bénéficient d’un accompagnement individuel. C’est une augmentation de plus de 55% depuis 2004. Cependant, les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire sont loin d’être à la hauteur des besoins. Sans l’engagement des enseignants, rien n’aurait été possible. Quel est le ressenti de la profession aujourd’hui ? Que reste-t-il à faire ? Quels sont les principaux obstacles ? Quelles améliorations doivent voir le jour ?

Cet anniversaire, c’est aussi le vôtre, enseignants, personnels d’éducation, d’orientation et d’accompagnement. Avec ce dossier, nous donnons la parole à ceux qui s’engagent au quotidien dans la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Tout au long de cette année-anniversaire, le SE-Unsa conduira d’autres initiatives pour améliorer les conditions de travail des enseignants et de réussite de tous les élèves dans l’école inclusive que nous défendons.

Gilles Laurent, Délégué national ASH

Lien vers le dossier complet sur le blog

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Témoignage de Stéphanie, AESH dans l’académie de DIJON

Depuis combien de temps exerces-tu ce métier ?

Je suis AESH depuis 7 ans, j’entame ma 8ème année. Mais avant cela j’ai été E.V.S à fonction d’AVS pendant 1 année en maternelle. C’est comme cela que j’ai découvert ce métier que j’ai tout de suite adoré. Aider, partager soutenir, écouter, patienter, échanger etc…
J’ai fait tous les niveaux de la maternelle à la 3ème en en passant par l’ULIS et la SEGPA.
J’ai débuté avec un contrat à 50%, puis à 60% pour finir à 70%. L’année dernière j’étais à 80% et cette année je suis repassée à 70% lors de mon CDI.

Ce métier te plait-il ? Pourquoi ?

Tout n’a pas toujours été rose. Certaines années sont plus difficiles que d’autres. Je me souviens d’une année particulièrement douloureuse moralement et physiquement pour moi. Je suivais un élève ayant des troubles du comportement (surtout ne pas dire violences verbales et physiques….) c’était un élève violent avec tout le monde. J’ai tenu quelques mois mais j’ai finalement « supplié » qu’on me change d’établissement. De plus je ne me sentais pas vraiment soutenue par ma hiérarchie… Cette année là, j’ai changé plusieurs fois d’établissements, entre le départ d’un autre élève, un enseignant qui ne voulait pas changer son emploi du temps afin que ma présence serve à quelque chose (je suivais également un autre élève dans un autre établissement), ce fut une année chaotique.

Mais il y a également des superbes années, on est fière que nos élèves se battent et réussissent ! Sans compter les remerciements et le soutien des parents qui nous font chaud au cœur,

Souhaites-tu continuer à faire ce métier ?

Aujourd’hui je suis en CDI et j’espère pouvoir continuer encore un moment.

Mon seul regret est notre salaire. Jusqu’à l’année dernière, nous n’étions pas payées en septembre, un acompte était versé début octobre puis régularisé fin octobre. Lorsque vous n’avez que ce seul salaire pour une famille, cela nous met pas mal dans l’embarras au niveau des banques…. Cette année, j’ai eu mon salaire fin septembre mais sur la fiche de paie, il y a plein d’erreurs. Le combat n’est pas fini !

La Réunion : témoignage

Une expérience hors du commun : enseigner à Mafate

« Pour enseigner à Mafate, il faut être capable de supporter la solitude toute la semaine et ne pas être exigeant quant aux conditions de logement (on a le strict minimum dans le logement mis à disposition par la mairie et il n’y a pas de loisirs ici). Mafate étant enclavé, il faut faire au minimum 4 kilomètres pour rejoindre son poste. Je travaille à l’îlet à Bourse, îlet situé au cœur du cirque et je dois emprunter la Rivière des Galets. Quand la piste des 4×4 de la rivière est praticable, je marche 9 kilomètres. Sinon, comme en ce moment, je dois parcourir 22 kilomètres. Cela ne me gêne pas quand je rentre chez moi, c’est pour rejoindre mon poste que ça me pose problème: c’est trop long et j’arrive à l’école très fatiguée. Alors, je fais un demi tour de l’île en voiture et je ne marche que 3 heures.

J’ai en charge une classe unique de 11 élèves âgés de 3 à 12 ans (de la TPS au CM2).

Dans le Cirque de Mafate, il y a 8 écoles et une dizaine d’élèves dans 6 écoles.

À l’îlet de la Nouvelle et celle de Roche – Plate, l’école comprend 2 classes.

On y travaille du lundi 13 h au vendredi 11 h 30 et le mercredi toute la journée ; cela a toujours été ainsi car les enseignants viennent de la côte. Ils rejoignent leur poste le lundi matin et regagnent leur domicile le vendredi après-midi. Une fois par mois, tous les enseignants de Mafate se retrouvent à l’Inspection pour les concertations avec la coordinatrice des écoles de Mafate et certaines fois pour les animations pédagogiques. L’IEN nous rend visite une fois dans l’année et  vient à pied. En septembre dernier, monsieur le Recteur est venu se rendre compte de l’équipement de nos écoles accompagné de monsieur l’Inspecteur et de l’équipe de la mairie.

La mairie prend en compte nos doléances en ce qui concerne l’école et les élèves. Nous voyons aussi le médecin scolaire, le dentiste, l’assistance sociale et les gendarmes quelquefois nous rendent visite.

À l’îlet à Bourse, les parents sont formidables et toujours partants pour ce que nous proposons aux élèves. Il existe une solidarité qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Cet îlet est peu habité : moins de 50 habitants. Lorsque l’école fait une manifestation, tous les habitants répondent présent et chacun apporte son aide.

L’école est bien équipée : tableau mobile, tableau numérique, 6 ordinateurs portables, 2 photocopieurs. On a Internet avec un routeur de SFR.

J’ai 2 élèves en CM2 qui vont aller en 6ème sur la côte : l’une à la Possession,l’autre à St Paul. Elles seront dans des familles d’accueil et ne monteront dans le cirque que pendant les vacances. Le départ de ces élèves est une déchirure pour les familles qui se font du souci et se posent beaucoup de questions.

Parfois, les enfants changent de famille quand ça ne fonctionne pas.

J’ai voulu retourner à Mafate par amour de Mafate : il y a ses paysages grandioses, ses habitants réservés, accueillants et attachants si on les respecte, ses élèves qui ne sont pas blasés, qui ne demandent qu’à apprendre et qui ont de grandes possibilités. Ici, on pratique la pédagogie différenciée. Les grands s’occupent des petits, les consolent. Ici, l’enseignant apprend aussi des élèves (en ce qui concerne la faune et la flore). Ils ne sont pas timides engagent des discussions, posent des questions et font des propositions.

Les difficultés que je rencontre à Mafate : ma radio ne capte pas ; je n’ai pas de télé donc je ne suis pas au courant des actualités ; la rivière en crue m’oblige à faire un demi-tour de l’île. Parfois on n’a pas Internet.

Il y a aussi des avantages : la sérénité, le calme, la beauté du site, la gentillesse des habitants. En termes pécuniers, je dispose de 150 € pour gérer les affaires de l’école. On a l’eau chaude et l’électricité par énergie solaire.

Je ne pouvais pas retourner à Mafate tant que mes enfants étaient en bas âge. Bientôt la boucle sera bouclée pour moi : il y a trente ans, je commençais ma carrière à Mafate la Nouvelle et je vais la terminer à l’îlet à Bourse. Au début de ma carrière dans le cirque, l’école n’était pas dotée. Il n’y avait que des meubles (vieilles tables d’écoliers avec bancs incorporés, tableau noir et armoire). Il fallait mendier auprès des écoles de la côte pour avoir des manuels, des jeux . . . il n’y avait pas de coopérative scolaire. Aujourd’hui, toutes les écoles du cirque sont équipées de la même manière et la coopérative existe. Pour approvisionner le compte, nous faisons des actions : kermesse, vente de tee-shirts de l’école, de confiture maison fournie par les parents, bijoux . . . »

Témoignage de Solange

Crédit photo : Rivière des galets, cirque de Mafate par Laurent Echiniscus

 

 

Le bilinguisme : un cheval de bataille du SE-Unsa

Le SE-Unsa a toujours pensé que la langue et la culture réunionnaises devaient avoir leur place dans l’enseignement à la Réunion.

Si les débats polémiques ont laissé la place à des considérations plus pédagogiques, il n’en demeure pas moins que le combat est loin d’être terminé.

En 2001, est créé le Conseil académique pour les langues et la culture réunionnaises chargé de promouvoir les langues et les cultures régionales et leur enseignement. Ce conseil, qui devrait affirmer une volonté académique, se réunit trop rarement et selon la volonté des différents Recteurs.

En 2012, il y avait 210 enseignants habilités pour seulement 20 classes bilingues… Les choses avancent mais trop lentement par rapport à l’urgence de la situation.

Le SE-Unsa se bat pour un véritable développement de l’enseignement bilingue, pour que les petits réunionnais, grâce à une meilleure maîtrise des deux langues, puissent améliorer l’apprentissage du français mais aussi d’autres langues.

Crédit photo : Jean-Pierre Dalbéra

Focus sur les DOM : Enseigner dans nos départements d’Outre-mer

Nombreux sont ceux qui pensent que DOM rime avec décors de rêve, soleil et cocotiers…

Mais cette image de carte postale cache une toute autre réalité. Loin des clichés, il s’agit de donner la parole à ceux qui vivent et travaillent dans ces départements et qui attendent des réponses concrètes correspondant aux situations spécifiques auxquelles ils sont confrontés. Syndicat utile, le SE-Unsa souhaite également sensibiliser l’ensemble des collègues qui envisagent d’aller y exercer.

Les départements d’Outre-mer sont des collectivités territoriales françaises au même titre que les départements ou régions métropolitaines. Chacun de ces départements constitue une région mono-départementale, dite « région d’outre-mer » depuis la révision constitutionnelle de 2003. Les cinq Dom sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte (depuis mars 2011). Éloignés les uns des autres et de la métropole, soumis à des climats et à des conditions matérielles souvent difficiles, héritiers d’une culture forte et d’une histoire qu’il faut assumer, les Dom font partie intégrante de l’École de la République. Leur éloignement géographique ne doit être synonyme ni d’oubli ni de désintérêt.

Les fonctionnaires des DOM : des privilégiés ?
Le statut particulier des fonctionnaires qui travaillent dans les DOM a été établi à une époque où il était plus difficile d’attirer des fonctionnaires dans ces départements. Enseigner dans les DOM signifie aussi travailler en Amazonie guyanaise, entre autres, un lieu qui n’est pas spécialement paradisiaque. Ainsi, des rémunérations plus importantes, des congés majorés, une retraite majorée, la « sur-pension » dont la disparition est programmée pour janvier 2028… tous ces « avantages » sont censés attirer les vocations.

On mute en claquant des doigts ?
C’est loin d’être aussi simple ! Il faut s’inscrire en tout état de cause, dans le dispositif national de permutation (dans le 1er degré) et de mutation. Comme les autres départements français, il faut remplir un certain nombre de conditions et passer à travers le tamis du « barème » mais aussi du calibrage des emplois. Plus la demande est forte, plus les chances d’obtenir un poste sont faibles. Cependant, la Guyane ou encore Mayotte étant moins demandées que la Guadeloupe, il sera plus facile d’y trouver un poste. Si les rémunérations des fonctionnaires qui partent enseigner danslesDOM sont plus élevées qu’en métropole, il ne faut pas oublier que le coût de la vie est aussi très élevé. L’avantage est donc relatif.

Les candidats au départ peuvent obtenir des renseignements plus précis auprès des rectorats de chacun des départements qui les intéressent. Se renseigner sur www.outre-mer.gouv.fr et sur le site des académies de chaque DOM.

Vous êtes enseignant en Guadeloupe ou vous vous préparez à partir enseigner dans ce DOM, renseignez vous sur www.ac-guadeloupe.fr et n’hésitez pas à contacter les représentants du SE-Unsa par mail et à vous rendre sur ce site.

Crédit photo : Vincent H

L’École pour tous : un défi à la Réunion

Ce n’est qu’en 1946 et avec la départementalisation que l’École a commencé à se développer.

Jusqu’en 1997, l’académie était la plus mal dotée de France, mais après de longues luttes syndicales, nous avons obtenu un plan de rattrapage de 1 900 postes sur quatre ans.

Si, de facto, cela a entraîné une amélioration du taux d’encadrement, il nous faut maintenant passer à une phase plus qualitative prenant en compte nos spécificités. La Réunion reste confrontée à un taux d’illettrisme élevé : en 2011, l’Insee dénombre 116 000 illettrés dont un jeune sur sept (sur environ 850 000 habitants) et démontre que les jeunes les plus touchés sont ceux dont la seule langue parlée dans leur famille est le créole.

Pour mieux lutter contre le décrochage de nombreux jeunes, nous avons besoin de moyens supplémentaires notamment en ASH.

Le SE-Unsa et l’Unsa-Éducation militent depuis toujours pour une reconnaissance de la langue et de la culture réunionnaise afin que soient prises en compte les réalités de l’apprenant pour un meilleur apprentissage du français : des classes bilingues doivent être développées dès l’école maternelle.

Sacrifiée ces dernières années, la scolarisation des enfants de 2 ans est une priorité, il faut renverser la tendance.

 

 Jean-François RIALHE, Secrétaire départemental du SE-Unsa

 Crédit photo : DrWNaucala

 

Mayotte : témoignage d’une enseignante de Rased

« Je m’appelle F. et je suis enseignante spécialisée au sein d’un Rased à Mayotte. Il est 6h et je suis déjà en route pour me rendre dans une école à 7 km de chez moi, car à Mayotte, la circulation est très problématique le matin et le trajet ne me prendra pas moins de 50 minutes, s’il n’y a pas de travaux !

L’école commence à 7h et finit à 12H15. À Mayotte, 24% des salles de classe fonctionnent par rotations. Quand il n’y a pas assez de salles de classes pour le nombre de divisions dans une école, l’école fonctionne alors en rotation: 7h-12h15, 12h30-17h45. Selon les écoles, certaines classes ne « rotent pas », ce sont souvent les CP. Les rotations peuvent s’effectuer toutes les semaines, tous les 15 jours ou par période, il faut donc partager sa salle de classe avec un autre enseignant.

6h55, je traverse lentement le village pour éviter les gouffres qui jalonnent la route, salue les familles qui emmènent les enfants à l’école. La pluie ne va pas tarder et la chaleur est déjà étouffante.
Bonjour à toute l’équipe : 11 enseignants travaillent ce matin et autant travailleront cet après-midi. À Mayotte, plus de 50% des écoles ont huit classes voire davantage (20% en métropole). 17 écoles ont plus de 500 élèves et 3 plus de 700. Et dire qu’il manque plus de 500 salles de classe !

Je vais chercher S. dans sa classe, je travaille avec elle chaque semaine. Elle m’accueille avec le sourire : les enfants sont contents de travailler en petit groupe, ils appartiennent souvent à de grandes fratries et les mamans ont peu de temps à leur consacrer. Aujourd’hui, elle a pu se rendre à l’école ce qui n’est pas toujours possible par temps de pluie : les bangas sont construits dans les pentes qui deviennent si boueuses qu’ils ne peuvent alors plus se déplacer. Parfois, les pluies ont inondé l’habitation et les vêtements sont trempés.
Je travaille toute la matinée dans cette école. Une petite salle a été aménagée pour accueillir le personnel itinérant : maîtres de Clin (il y a un nombre important d’élèves allophones nouvellement arrivés), maîtres + (ils travaillent essentiellement sur la langue française)*, enseignants spécialisés du Rased. Il nous a fallu organiser notre emploi du temps les uns en fonction des autres, puisqu’une seule salle est disponible et ici, il y en a une ce qui n’est pas toujours le cas.
La chaleur est étouffante: pas de ventilateurs dans les salles, ni de clim bien évidemment. Cet après-midi, il deviendra insupportable d’enseigner par cette chaleur, sous les tôles, et certains élèves s’endormiront.

9h : c’est l’heure de la collation. À Mayotte, les apprentissages sont d’autant plus difficiles que nombre d’enfants arrivent le ventre vide à l’école. Certes, une collation payante est proposée aux élèves et d’autres achètent des friandises aux « mamas » qui en vendent devant les grilles des écoles mais ces encas sont souvent gras et sucrés. Le personnel de santé redoute une augmentation très significative des cas de diabète dans l’avenir. Les enfants de familles pauvres ne mangent pas et restent 5h30 le ventre vide ce qui n’aide ni à la concentration ni à l’investissement scolaire.

Pendant la récréation, un maître contractuel parle de ses difficultés à enseigner et de son manque de formation. Un autre est à la recherche de paires de ciseaux : le matériel manque cruellement dans les classes. Parfois, les écoles sont cambriolées et se retrouvent démunies. La conversation s’oriente vers les rythmes scolaires qui ne concerneront pas cette école puisqu’elle est en rotation. Mais les questionnements sont là ; se pose le souci du repas de midi car il n’y a pas de cantine à Mayotte. Se pose aussi la question de l’école coranique, quand aura-t-elle lieu et l’enfant ne risque-t-il pas de vivre alors une journée très fatigante, loin des objectifs recherchés par cette organisation scolaire ?
Les enfants livrés à eux-mêmes pendant la journée reviendront-ils à l’école l’après-midi ?

Le directeur, lui, est en discussion téléphonique avec la mairie car une fois de plus, la fosse septique déborde. Les écoles sont souvent très délabrées : il n’est pas rare de voir les fosses septiques déborder, ou de ne plus avoir d’eau dans les toilettes. Les locaux peuvent être sales, peu entretenus. Peu d’écoles respectent les normes de sécurité. Les cours d’école ne sont pas équipées.
La matinée s’achève par une rencontre avec une maman. Les familles rencontrent des difficultés dans la compréhension des parcours scolaires, et manquent de repères dans le système scolaire. Très souvent, les mères s’occupent seules de l’éducation de leurs enfants. Les fratries sont nombreuses, les mères sont dépassées, démunies et ne sont pas en mesure d’aider leurs enfants scolairement. La maman me remercie de m’occuper de son enfant, c’est touchant.

La matinée s’achève. Demain, je travaillerai le matin et l’après midi. Ainsi se succèdent les journées du lundi au vendredi, mercredi compris. »

*Beaucoup d’enfants ne parlent pas le français, ils ne fréquentent d’ailleurs cette langue qu’à l’école. Aucun enseignement de leur langue ne les aide à en comprendre la structure ce qui ne les aide pas non plus à comprendre celle du français. Le niveau scolaire est très faible, les effectifs des classes sont chargés.

Crédit photo : mwanasimba

Mayotte : des conditions d’enseignement précaires

La forte démographie est accompagnée d’une augmentation forte des effectifs scolaires, + 68 % en maternelle (64% des enfants seraient scolarisés à 3 ans) et + 8,3% en élémentaire, qui n’est pas sans poser des difficultés au niveau des infrastructures scolaires.
Certaines écoles fonctionnent par rotation en raison d’un manque de salles de classes (des élèves ont cours le matin et d’autres l’après-midi). Ce fonctionnement retarde la préscolarisation et nuit grandement aux apprentissages des élèves, donc à leur réussite scolaire, d’autant plus que pour la très grande majorité d’entre eux, le français n’est pas la langue maternelle et peut être partiellement (ou non) maîtrisée par les parents.
Les infrastructures souffrent également d’un manque criant d’équipement en matériel pédagogique et environ ¾ des écoles ne satisfont pas aux exigences des commissions d’hygiène et de sécurité.

Un département largement déficitaire en moyens humains
18% des enseignants exerçant dans le 1er degré sont des contractuels.
Mayotte souffre d’un déficit de maîtres formateurs (2.4%) qui jouent un rôle important dans la formation des collègues en formation initiale et continue des enseignants.

L’ASH en construction
Depuis quelques années, les structures, dispositifs et procédures propres à l’ASH tendent à se rapprocher des « standards » nationaux. Des structures propres à Mayotte disparaissent tandis que se développent les structures « classiques » :

o 44 Clis (+60% sur 5 ans)
o 12 Ulis (x3 en 5 ans)
o 71 ETP AVS (x5 en 5 ans)
o 50 ETP Rased
o 52 divisions de Segpa

Beaucoup de dispositifs sont récents (la Maison des Personnes Handicapées n’est créée que depuis 2010, alors qu’en métropole elles le sont depuis 2005), ce qui explique de nombreuses difficultés.
Beaucoup d’élèves sont scolarisés en Clis par défaut de places en IME, les plateaux techniques des ateliers de Segpa ne sont pas encore livrés alors que les élèves sont là, au regard des difficultés rencontrées par certains élèves, les Rased rencontrent des difficultés pour travailler dans de bonnes conditions.
Cette culture de l’aide spécialisée auprès des élèves en difficulté est également à construire au sein de certaines écoles.

Éric Hourcade, Secrétaire départemental du SE-Unsa 

Crédit photo : mariesophie Bock Digne

Martinique : témoignages

«Ce n’est pas facile tous les jours… mais je reconnais tous les efforts fournis par le syndicat pour nous aider, notamment concernant la procédure d’indemnisation. »

Sabine LOUIS-CORALIE, enseignante non titulaire 2nd degré

  «Nous avons pu conserver des postes cette année dans notre établissement grâce à l’action syndicale. C’est une chance que je mettrai à profit pour valoriser la filière bois autour de projets innovants sur la construction parasismique. »

Jérémie BOISSON, PLP génie-industriel Bois

  «J’ai enseigné la LVR pendant 3 ans. Ce fut pour moi très enrichissant et j’ai pu constater que l’enseignement du créole avait tout autant sa place que celui du français dans nos programmes du primaire. Mais, il reste encore beaucoup à faire ! »

Nathalie SAINT-LOUIS-AUGUSTIN, co-enseignante du programme « PARLER »

Crédit photo : Salim Shadid

 

Guyane : témoignages

«Je garde un excellent souvenir du fleuve à Maripasoula, les élèves sont agréables et la vie est très calme.»

Smith NOZAR, PE

 

«Le métissage culturel de mes élèves m’a permis de réajuster mes pratiques professionnelles et de les enrichir.»

Jocelyne DEFORT-VALERE, enseignante en Segpa

 

«La majorité de mes élèves sont allophones. J’ai donc suivi une formation en FLE pour être plus efficace.»

Ingrid MENCE, PLC stagiaire

 

«J’ai été affecté sur le fleuve à Grand-Santi et ne voulais pas aller aussi loin. Souvent confronté à des coupures d’eau, d’électricité et de télécommunications, je retiens le bon côté des choses, mon travail contribue au succès des élèves du fleuve.»

Ludovic MONCY, contractuel  2nd degré

Crédit photo : Jo Be

 

 

Un combat de tous les instants, combler le déficit d’enseignants

Nous luttons pour une université de qualité en Guyane qui permettra, avec l’Espé, de former sur place nos futurs enseignants.

Nous militons auprès des collectivités locales et des responsables politiques pour un accompagnement de ces étudiants dès le Bac afin d’augmenter le taux de réussite en master et ainsi avoir plus de candidats potentiels aux concours (CRPE, CAPES).

Nous avons refusé la délocalisation du CRPE proposée par le Recteur car elle n’aurait pas réglé la question du turn-over des enseignants.

Nous continuons à  réclamer l’amélioration du taux de satisfaction des permutations informatisées afin de garantir une compensation des départs. L’attractivité de notre académie est en question, l’un des leviers en est l’IGS (prime).

En attendant, nous incitons nos contractuels (20% des enseignants) à accéder à la titularisation.

 Didier Dorlipo, Secrétaire départemental du SE-Unsa

Crédit photo : Yannick TURBE

Comprendre Mayotte en quelques chiffres

  • 31 mars 2011 : accession au statut de DOM
  • Population multipliée par 3 entre 1985 et 2012
  • Natalité élevée (près de 7000 naissances en 2012) qui se traduit par une augmentation des effectifs chaque année de 2000 à 4000 élèves
  • Mayotte est le département français où la part d’étrangers est la plus importante (avant le département de la Guyane). Entre 40% et 50% de la population n’est pas de nationalité française, beaucoup d’entre eux sont en situation irrégulière.
  • 2 résidences principales sur 3 sont encore dépourvues du  confort de base(1).

Les habitats en tôle restent très présents, seul 1 sur 3 bénéficie d’un point d’eau à l’intérieur du logement, et la quasi- totalité ne dispose d’aucune installation sanitaire.

  • Parmi les 15 ans ou plus, un habitant de Mayotte sur trois n’a jamais été scolarisé (contre moins de 2 % en France métropolitaine).
  • 56 % des jeunes de 15 à 29 ans qui ont achevé leur scolarité n’ont obtenu aucun diplôme qualifiant (19 % en France métropolitaine).

 

Résultats de l’année 2013 CM2
Math Fran
Evaluations « nationales »Acquis insuffisants 58% 64%
Evaluations « nationales »Acquis fragiles 17% 16%
75% 80%
Taux de réussite (%)
DNB BAC Général BAC Techno. BAC Pro.
65.7 67.2 54.7 68.2

(1)Pour l’INSEE, un logement est considéré sans confort de base s’il ne dispose pas à l’intérieur d’au moins un équipement suivant : eau courante, électricité, WC, douche ou bain.

Crédit photo : mariesophie Bock Digne

 

Guyane : terre d’accueil et d’innovation !

Le public scolaire en Guyane est essentiellement regroupé dans les communes du littoral (Cayenne, Kourou, Matoury) et au bord des grands fleuves, le Maroni à l’ouest (Saint-Laurent, Maripasoula, Grand-Santi) et l’Oyapock à l’est. Ces communes sont très éloignées les unes des autres. Ainsi, certains élèves sont  transportés vers leurs écoles en pirogue, ce qui n’est pas sans originalité !

 

Autre particularité, le français, le créole, le brésilien, l’espagnol, le bushinenge (langue du fleuve), le chinois, et le surinamais se pratiquent dans les cours de récréation. Notre population scolaire est multi-ethnique, multi-culturelle et multi-langues.

 

Notre démographie galopante (taux de natalité élevé, immigration), entraîne des besoins en construction scolaire et en personnels toujours croissants.

 

La maîtrise de la langue est la « priorité des priorités ». Des réponses innovantes ont été apportées et complètent les dispositifs nationaux (maîtres surnuméraires) :

–        intervenants en langue maternelle (ILM) dans les classes primaires ;

–        classes bilingues (français/créole) du primaire au collège ;

–        classes de proximité dans les sites isolés ou difficile d’accès ;

–        maîtres itinérants ;

–        multiplication des formations FLE  et FLS au PAF académique.

 

Pour tous renseignements complémentaires se rendre sur www.ac-guyane.fr ou contactez votre section locale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Martinique : du dynamisme dans un contexte morose

La Martinique est une académie de 74 877 élèves, 1er et 2nd degré confondus.

Plus de 8 680 adultes (dont 7 643 enseignants) se répartissent dans les 237 écoles et 66 EPLE publics.

La population scolaire représente ainsi 20% de la population totale de l’île.

Derrière ces chiffres, qui mettent en exergue le dynamisme de notre académie, se cache une toute autre réalité ; celle d’une Martinique qui vieillit ! Selon l’Insee, les personnes âgées de 60 ans et plus, estimées à 20% de la population en 2009, représenteront près de 40% en 2040. En outre, notre académie se singularise par l’ampleur du décrochage scolaire. Ainsi, on estime à 22% les jeunes de 20 à 24 ans non scolarisés qui n’ont pas obtenu de diplôme du second cycle de l’enseignement secondaire. Enfin, nous sommes confrontés à un taux de chômage très élevé, soit 21% de la population active, qui touche fortement les femmes et les jeunes de moins de 30 ans sans diplôme.

Ce contexte démographique et social assez morose devrait bien évidemment avoir un impact direct quant à la mise en œuvre, par les autorités rectorales, d’une politique éducative adaptée et de qualité. Or, depuis 10 ans, leur réponse implacable, unilatérale et indifférenciée à une problématique qui réclame pourtant une approche innovante, ambitieuse et spécifique, consiste à supprimer des postes, soit près de 800, pour répondre à des injonctions budgétaires ministérielles !

Le SE-Unsa sur le terrain

Notre combat consiste à trouver des solutions adaptées afin de pallier les effets négatifs de ces phénomènes.

C’est ainsi que nous avons réussi, après 3 ans d’efforts et de rapport de forceavec le rectorat et le ministère, à affecter sur les postes vacants les stagiaires et les néo-titulaires du 2nd degré qui le souhaitent, et freiner ainsi le départ de nos forces vives.

De même, nous avons lutté pour obtenir le maintien des petites écoles de quartier, pour agir lutter contre la désertification des services publics dans les campagnes et ses conséquences tant démographiques qu’économiques.

Nous plaidons également en faveur d’un « label qualité » de notre enseignement en promouvant une formation générale, et post-bac en particulier, assez diversifiée pour permettre à nos jeunes de poursuivre leurs études dans l’île.

Nous réfléchissons en ce moment avec les enseignants et directeurs de Segpa, (en y associant les PLC et PLP) à des propositions concrètes de mise en œuvre d’une politique spécifique de l’enseignement spécialisé adaptée et dénuée de toute connotation péjorative.

Notre syndicalisme est un syndicalisme de terrain, très actif et très au fait des réalités locales : une réelle force de propositions et d’actions.

Marlène LECEFEL, Secrétaire départementale du SE-Unsa

Crédit photo : Tach_RedGold&Green

 

 

 

 

 

 

Des gestes professionnels à affiner

Accompagner les élèves en primaire, c’est d’abord dans la classe pendant les activités d’apprentissage. Cela suppose des organisations pédagogiques adaptées et une formation à des gestes professionnels spécifiques (observation, écoute active, entretien d’explicitation…) qui pour le moment manque cruellement.

Outre les temps de classe et l’indispensable accompagnement effectué par les personnels RASED ( ceux qui restent !) un nouvel espace peut être investi dans ce but : celui des APC. En effet il est possible de prendre des groupes restreints d’élèves, pas forcément en difficulté, pour organiser des accompagnements adaptés à leurs besoins. Quels besoins ? Il y en a beaucoup auxquels il est plus facile de répondre avec un petit effectif : s’exprimer à l’oral, coopérer, s’organiser dans son travail, préparer un exposé, mener à bien un projet…
Ce sont des occasions à saisir pour observer finement nos élèves au travail, se retenir de parler et de trop intervenir pour les regarder faire et échanger entre eux.

Accompagner, c’est d’abord essayer de comprendre comment ils fonctionnent, débusquer leurs points forts et leurs points faibles, chercher avec leur aide comment ils pourraient progresser sur tel ou tel point, construire des réponses à tester, réajuster, tâtonner avec eux en quelque sorte…

Les APC devraient pouvoir être notre “laboratoire” de l’accompagnement, un moment privilégié pour mieux connaître nos élèves et tester des façons d’accompagner, à réinvestir dans le temps de classe.

Crédit photo : flickingerbrad via photopin cc

Accompagner, jusqu’où ?

Nathalie Liotard est enseignante en Coordination pédagogique, ingénierie de formation (CPIF). Elle exerce  dans l’académie de Lille sur la Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS). Nathalie intervient sur des actions de remobilisation et des actions de qualifications de niveau IV, sur le bassin d’éducation et de formation de Béthune Bray la Buissière. Deux autres collègues CPIF, soit 3 ETP (emploi temps plein) au total œuvrent à lutter contre le décrochage scolaire sur un bassin qui compte 24 collèges, 10 SEGPA, 7 LP et 7 LGT. 

Peux tu nous préciser en quoi consiste ton activité professionnelle ?

Mon activité professionnelle répond à une mission de l’Ecole : « garantir l’égalité des chances »  pour que chaque élève en construisant son avenir professionnel devienne un acteur au sein de la société  et donc un citoyen épanoui. Notre mission est donc de prévenir le décrochage scolaire mais aussi d’y remédier en favorisant le retour en formation afin que l’élève décrocheur accède à une qualification. Cette activité professionnelle, cette mission, s’inscrit également dans un contexte européen (Stratégie Europe 2020). Enfin, la France s’est fixée comme objectif le retour en formation en 2013/2014 de 20 000 jeunes ayant abandonné la scolarité sans atteindre un niveau de qualification de type CAP au minimum. Afin de répondre aux objectifs, La Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire (MLDS) s’articule autour de deux objectifs principaux :

  • Prévenir les sorties prématurées du système scolaire en anticipant les causes,
  • Garantir à tous les élèves un plus large accès à un niveau de qualification reconnu.

La MLDS accueille toute l’année les jeunes en rupture scolaire pour les remobiliser et préparer ou conforter les bases de l’accès à l’entrée en formation qualifiante. Elle coordonne et gère ces sorties au niveau académique et décide des structures à mettre en place dans les établissements avec leur collaboration. Différentes actions de formation sont proposées allant de la remobilisation avec une découverte des métiers et un travail d’élaboration de projet professionnel à des repréparation aux examens (du cap au bac). Cette mission est transversale car elle concerne l’ensemble des acteurs de la communauté scolaire. La réalisation de ces deux objectifs suppose une logique de projet en établissant un diagnostic des besoins identifiés selon la méthodologie de l’ingénierie de formation et de la coordination pédagogique. Les actions sont cofinancées en partie par l’Europe dans le cadre du Fonds Social Européen. Enfin, notre activité professionnelle est déclinée dans le référentiel d’activités  des personnels titulaires du CAPES ou PLP dans la spécialité « Coordination Pédagogique et Ingénierie de Formation » (arrêté du 27/04/2001).

Quelle type de formation exige-t-elle ?

Je  suis entrée à l’Education Nationale en septembre 1999 avec un DESS (master) Ingénierie des Ressources Humaines des Institutions Educatives. Avec  une maîtrise du système éducatif français et des notions de ceux de nos voisins européens ; un cadre de réflexion complété par une méthodologie de projet, furent de bonnes bases solides pour démarrer dans le métier. Ce master est, entre autres, dispensé à Lille 3, académie où j’exerce, sous l’intitulé : « MASTER sciences et métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation Encadrement, conseil et orientation en éducation Ressources Humaines dans les Institutions éducatives ».

Selon toi l’accompagnement des élèves décrocheurs requiert il des compétences spécifiques ?

Il est essentiel d’établir un diagnostic de situation pour pouvoir l’analyser et en dégager les besoins en l’articulant aux objectifs nationaux et européens. Il s’agit d’anticiper et de concevoir ; puis viennent le conseil, l’impulsion, la coordination, l’animation, la communication et l’évaluation.

Accompagner de jeunes décrocheurs, nécessite de posséder des connaissances et des compétences en psychologie de l’adolescent ainsi que sur les pratiques d’entretien. En effet, être dans une  posture injonctive, de commentaires, de jugement nuit à l’approche réflexive dont le jeune a besoin pour se projeter et faire des choix.

C’est aussi consolider une dynamique d’insertion en instaurant et en confortant un réseau partenarial pour créer des « alliances pédagogiques » Les fonctions du Coordonnateur MLDS peuvent se décliner en quatre catégories :

  • Ingénierie de Formation,
  • Coordination Pédagogique,
  • Enseignement des Techniques de Recherche d’Emploi (TRE),
  • Accompagnement individualisé, personnalisé.

Il est à noter que la part administrative et financière (projet/budget) liée aux exigences de l’Europe dans le cadre de sa contribution financière, s’accroît à chaque rentrée.

En quoi l’accompagnement est ou n’est pas un acte pédagogique ?

C’est une notion qui intervient dans de nombreux domaines : médical, social, éducatif, enseignement… J’entends, dans l’accompagnement, la notion d’aide. C’est aider à prendre conscience, à procéder à un changement. Ce processus passe par une connaissance de soi, de ses potentialités. C’est par ailleurs mettre du sens sur une situation, dans ce cas précis le décrochage scolaire. C’est également analyser et lever les freins. L’accompagnement comprend aussi la notion de guidance. C’est favoriser l’action de faire un ou des choix possibles, prendre une direction, celle d’un parcours scolaire réussi. Ce cheminement se réalise grâce à la prise de conscience de l’existence de compétences en matière de savoir, de savoir-faire et de savoir-être. C’est enfin rendre autonome l’élève, acteur dans l’élaboration de son projet professionnel. L’accompagnement est un acte pédagogique qui est d’ailleurs une pratique reconnue dans l’Education Nationale :

  • L’accompagnement éducatif dans les écoles de l’éducation prioritaire avec l’aide personnalisée et les stages de remises à niveau pour les CM1 et CM2
  • L’accompagnement personnalisé de la sixième à la terminale générale, technologique et professionnelle.
  • L’accompagnement éducatif
  • le Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE)…

Cet acte pédagogique répond à la lutte contre le décrochage scolaire.

Propos recueillis par Christine Savantré

Le temps de l’accompagnement

La démarche d’accompagnement n’est pas nouvelle.

Depuis les années 80, beaucoup de dispositifs se déclarent relever de celle ci : counselling, coaching, mentoring…

Ces pratiques coexistent avec le tutorat, le conseil, le parrainage, la guidance, le soutien, la supervision….

Que ce soient l’accompagnement de projet, l’accompagnement au travail d’équipe, l’accompagnement social ou l’accompagnement des élèves, ces pratiques sont souvent mises en place lors de bouleversements, de changements.  Crises économiques (précarisation, chômage), organisation de travail, difficultés de l’école face aux difficultés des élèves incitent à la création de dispositifs de médiation. En fonction des lieux et des champs d’exercice, les formes d’accompagnement relèvent toutes d’un fond commun : une forte base relationnelle, dans laquelle la fonction de l’un est de faciliter l’apprentissage et de mieux présumer pour l’autre, l’univers des possibles à venir. Aider en quelque sorte le sujet, à construire des liens qu’il ne saurait établir spontanément seul.

Qu’en est-il de l’accompagnement de l’élève ?

Élève en tant que personne au singulier. L’individualisation des parcours sous-tend d’une part,  un engagement renforcé et opéré en proximité et d’autre part une co-responsabilisation des deux parties pour favoriser l’entrée dans les apprentissages. L’accompagnement est complexe. Il demande du temps. Or, la difficulté,  est l’articulation des temps collectifs programmés, (ceux de la classe), et celui du temps individuel, avec un temps plus long, c’est-à-dire, celui du développement, de l’épanouissement, du devenir. Pour cela, l’accompagnant doit faire preuve de compétences d’écoute, d’aide à l’explicitation et à la prise de décision « Celui qui accompagne occupe une position particulière, où les problèmes de l’altérité se présentent aigus, exigeants et incontournables » (M.Cifali*). Or, l’enseignant, trop souvent livré à lui-même, aurait lui aussi besoin de se sentir… accompagné, soutenu et conseillé dans sa démarche.

Christine Savantré

 

*Historienne, docteur en sciences de l’éducation, psychanalyste, elle enseigne les dimensions intersubjectives de l’acte professionnel
Crédit photo : EPLEFPA Perpignan Roussillon via photopin cc