Accueillir un élève autiste en CP, Xavier témoigne…

Xavier est professeur des écoles depuis 2005. Il a toujours été dans des zones prioritaires et a pu travailler sur tous les niveaux de l’école élémentaire. Actuellement, il a une classe de CP sur Drancy en REP.

Il accueille un enfant dans sa classe dont le diagnostic serait un trouble autistique.  Il a fait ses trois années de maternelle puis est arrivé en classe de CP. La MDPH lui a accordé 18h avec une AESH sur le temps scolaire, les 6h restantes il est en prise en charge extérieure.

1. Comment s’est passée l’arrivée de ton élève en situation de handicap ?

Les élèves le connaissent de la maternelle. Ils étaient dans la même classe pour certains et dans la même école pour d’autres. Il y a une bonne intégration au sein de sa classe. Les autres élèves l’aident, ils sont gentils et bienveillants. Il n’est pas stigmatisé. Il est, cependant, assez solitaire, il ne va pas vers les autres. Dans la cour, il ne participe pas aux jeux collectifs. Cela vient de son trouble, il a des difficultés à entrer en communication avec les autres, à être en relation duelle.

Malgré les inclusions, il n’y a pas de réels échanges entre les élèves. Souvent, on constate dans les cours d’école que les élèves de CLIS ne jouent pas avec les autres.

Il a 2 AESH réparties sur 18h avec lui. Elles l’aident à le canaliser dans les apprentissages. Il n’est ni violent, ni perturbateur. Elles sont deux parce que leur contrat est établi pour un nombre d’heures pour plusieurs élèves. L’une d’elles travaillaient déjà avec lui l’année dernière.

Il sait des choses mais a des difficultés à les utiliser à bon escient. C’est difficile pour lui de réinvestir les apprentissages. Il n’a pas un énorme retard par rapport aux autres élèves pour le moment. Pour moi, le temps sans l’AESH est difficile, c’est un élève qui a besoin de la présence permanente de l’adulte sinon il se disperse, il se lève, se lave les mains plusieurs fois dans le point d’eau de la classe. Quand on lui rappelle les règles de la classe, cela le recentre.

L’année dernière, quand j’ai su que j’étais affecté sur cette école sur une classe de CP, j’ai demandé à assister à la réunion parents/professeurs. Nous ne savions pas encore quelle serait sa classe. Je n’ai eu aucune information sur la situation.

2. As-tu bénéficié d’une aide, d’une formation ou d’information pour l’accueillir ?

Je n’ai bénéficié d’aucune aide et encore moins d’information.

Nous sommes obligés de chercher par nous-même. Quand je dis nous je parle des AESH et moi.

3. Comment cela se passe-t-il en classe ? y-a-t-il un aménagement spécifique ? une prise en charge autre que celle de la classe ? Rôle de l’AVS ?

Les AESH ont eu une formation, cependant, aucune sur l’autisme spécifiquement. Elles sont très compétentes mais par rapport à ce qu’elles devraient apporter à cet élève, elles sont limités faute de formation. Nous n’avons aucune information sur la ou les prises en charge extérieures. Je ne sais pas qui s’occupe de lui en dehors de l’école. De plus, j’ai rarement vu les parents.

Cet élève a une bonne mémoire, il s’en sort sur tout ce qui concerne les apprentissages automatiques, il est rentré dans une lecture globale. MAIS entrer dans la syllabique, la combinatoire ce n’est pas possible pour l’instant. Je n’ai pas les moyens ni les connaissances pour l’aider et je ne dispose d’aucune formation pour m’aider à l’aider. Je suis obligé de faire avec mes propres moyens.

Ni moi, ni les AESH ne sommes formés pour l’accueillir dans de véritables conditions d’inclusion.

4. Quelles seraient tes attentes pour améliorer cette inclusion ?

J’aimerais un minimum de formation. Mes limites sont réelles, je n’ai pas été formé à enseigner aux élèves en situation de handicap « je ne sais pas faire ».

En discutant avec la psychologue scolaire, on s’est rendu compte des limites de l’inclusion. Elle-même a des connaissances limitées dans le domaine de l’autisme.

L’inclusion sociale est relativement bien faite. L’inclusion du handicap « y a rien ». Personne ne m’a jamais contacté pour m’expliquer quoi faire. La psychologue scolaire m’a donné des pistes mais encore une fois rien de vraiment spécifique à l’autisme.

La loi de 2005 est une bonne loi, mais ce qui est mis en œuvre ne suffit pas. Ce qui devrait être mené pour que cette loi soit efficace n’est pas fait. Il n’y a ni les moyens humains ni les moyens financiers. Il est impossible de mettre en place une bonne inclusion sans les moyens. Nous avoir imposé une loi sans nous expliquer comment nous donne l’impression qu’il s’agissait d’une loi pour faire plaisir aux parents, à un électorat.

Je suis incapable de le faire progresser comme il faudrait. L’année prochaine « qu’est qu’on va faire » ? Il va sûrement aller en ULIS. « Comment l’aider si nous ne sommes même pas formés ? ».

Nous sommes dans un secteur géographique où les REP et les REP+ sont en grand nombre. Nous devons faire face à des problèmes économiques, sociaux. Nous avons beaucoup d’élèves en difficulté sans être dans le champ du handicap. J’ai été formé pour ces élèves en difficulté mais pas pour ceux en situation d’handicap.

Je suis dans une classe avec un effectif idéal, je n’imagine même pas les collègues avec des classes à 30 et plus ! « On nous demande de réaliser des miracles ».

Je me demande si les adultes en situation d’handicap sont eux-mêmes bien inclus dans notre société. Est-ce que les moyens mis en place sont à la hauteur de la loi ou est-ce juste pour faire plaisir à un électorat ?

Quand j’étais en formation à l’IUFM c’était en 2004, la loi était en pleine conception. Je n’ai rien eu en relation avec l’ASH ou même l’idée d’accueillir des enfants en situation de handicap. Aujourd’hui, j’ai dix ans d’ancienneté et je n’ai toujours rien. La formation continue ne m’a pas non plus permis de pallier mes carences. Si on veut vraiment que les élèves soient dans une réelle inclusion, il faut former les PE pour qu’ils puissent répondre aux besoins.

 

 

L’école ne peut pas tout ! Lettre à Madame la Ministre…

Madame la Ministre Najat Vallaut-Belcacem,

 

C’est davantage en tant que citoyenne, que de fonctionnaire que je vous écris.

Je me permets de porter à votre connaissance un problème que je considère comme majeur en ce qui concerne l’enseignement en maternelle. Enseignante depuis 1988, je travaille depuis plus de 15 ans sur un secteur en ZEP, qui cette année, est passée en REP+.

J’aime passionnément mon métier que je tente d’exercer avec sérieux, énergie et enthousiasme ; mes  collègues et moi-même menons de multiples projets, nous investissant de façon solidaire, dans le désir d’apporter les enseignements fondamentaux pour le développement de nos élèves qui seront les citoyens de demain.

La misère sociale et culturelle s’est accrue dans notre quartier, générant des difficultés croissantes pour les familles. Certains parents peinent à accomplir leur devoir d’éducateurs ; nous devons pallier ce déficit d’éducation en assurant toujours davantage l’enseignement des règles et des devoirs. Nous faisons face à cette tâche et nous avons le sentiment d’accomplir une noble mission, déterminante dans cette zone où certaines valeurs semblent émoussées, auprès de tous les enfants, y compris les élèves en situation de handicap depuis la loi de 2005.

Je me permets d’attirer votre attention sur un élément qui dégrade fortement nos conditions d’enseignement. Nous devons de plus en plus intégrer des élèves qui présentent des « troubles envahissant du comportement » : ces élèves relèvent davantage d’une pathologie que d’un handicap. Ces situations sont de plus en plus pesantes d’année en année et trop envahissantes pour être gérées au sein de groupes d’enfants non préparés à cette singularité. Ces trois dernières années, notre école a dû accueillir quatre élèves présentant des troubles du comportement extrêmement importants.

Ces enfants en souffrance auraient besoin d’être accueillis dans des structures adaptées et encadrés par des personnels spécialisés et compétents. Ils se comportent souvent de façon agressive, parfois violente ; d’une part cela engendre des situations complexes qui contribuent à créer un climat de classe tendu, lequel génère des problèmes d’attention et de concentration de la part de tous, d’autre part cela suscite des attitudes moins respectueuses entre les élèves ainsi que, par effet modélisant, des comportements agressifs croissants. Cette situation est atypique : on ne peut ainsi prétendre enseigner dans des conditions optimales et sereines.

D’autres handicaps, ne mettant pas en cause le comportement, posent moins de problème et l’intégration de ces élèves est plus aisée. Par contre, il est impossible de répondre à des déficiences de comportement trop importantes surtout quand elles mettent en danger les apprentissages des autres élèves.

L’école maternelle est un lieu d’enseignement qui édifie les bases des apprentissages fondamentaux. Les objectifs sont majeurs et exigeants. Les enfants doivent apprendre à devenir élèves et pouvoir travailler dans un climat de sérénité, de fraternité, de sérieux et de rigueur. Il s’agit de susciter le plaisir d’apprendre. C’est ce que j’essaie de leur insuffler depuis des années.

Alors que ces élèves ont fait l’objet de signalements dès la petite section, la prise en charge réelle par le réseau d’aide ne s’opère qu’en grande section, faute de moyens et de structures adaptées pour les accueillir avant ; ils sont seulement accompagnés (ou pas) par le CMP (une heure, une  ou deux fois par semaine ; c’est variable). L’un d’entre eux, dont le dossier a été validé par la MDPH, bénéficie d’une auxiliaire de vie scolaire pour sa deuxième année de grande section. Cette jeune femme suit une formation spécifique intitulée « Adaptation à l’emploi » qui se déroulera sur dix jours ; je me félicite de ce temps de formation mais regrette qu’elle ne soit pas remplacée.

Pour les autres, les dossiers sont transmis à la MDPH, suite aux réunions des équipes éducatives ; les demandes sont nombreuses et le traitement des dossiers est trop long. La MDPH ne peut apporter des réponses adaptées tant les moyens s’avèrent insuffisants : il n’y a plus de places dans les établissements spécialisés (IME, hôpital de jour) ; à défaut on envisage ensuite un accueil en CLIS. Mais là encore, on souffre d’un manque de places disponibles. Les propositions consistent finalement en un maintien en Grande section ou en un passage au CP avec l’aide d’une AVS : retour à la situation initiale ! Pour certains enfants ces réponses sont totalement inadaptées. La charge est très lourde pour les enseignants et notre cas n’est pas isolé ; de très nombreuses écoles subissent ces contraintes en maternelle et en élémentaire, voire au collège dans notre académie, mais aussi partout en France. De nombreux enseignants doivent mener un véritable combat pour gérer à la fois leur classe et accueillir des enfants souffrant de ces troubles importants.

Je pense également que les parents concernés sont dans une grande détresse. Ils ne sont pas ou peu accompagnés, ne savent pas entreprendre des démarches et/ou encore n’assument pas le handicap de leurs enfants.  Le ressenti de la profession aujourd’hui laisse à penser que la situation est très préoccupante et qu’il est urgent d’entendre les témoignages des enseignants. Il ne s’agit pas de remettre en cause cette loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, mais il faut réfléchir à l’accueil de certains enfants dans des établissements adaptés lorsque le handicap est trop lourd pour être géré dans une classe traditionnelle.

L’école ne peut pas tout !

De nombreux inspecteurs connaissent ces situations alarmantes qui mettent en danger tous les élèves d’une même classe, parfois d’une école, mais sont tout autant démuni. De nombreux collègues sont en détresse et malgré leur courage, n’ont d’autre solution que de prendre un congé maladie ou de changer de poste, tant la tâche est éprouvante. Ces classes sont alors souvent « récupérées » par des jeunes enseignants pour qui la mission se révèle encore plus ardue.

Je suis consciente des moyens qui ont été injectés dans l’Education Nationale et particulièrement dans les zones sensibles. J’espère qu’ils seront profitables dans l’avenir, pour pouvoir simplement enseigner sereinement. Nos élèves ont besoin de rigueur, d’apaisement, de règles sécurisantes pour se construire et apprendre. Je pense qu’il faut surtout renforcer le travail en équipe, localement. Des moyens intéressants ont été accordés et il faut profiter de cette opportunité pour construire ensemble, avec les acteurs de terrain, un projet plus adéquat(e) aux besoins de notre public. Je suis favorable à la réforme mais elle doit prendre appui sur l’avis des professionnels de terrain qui ont la connaissance et les savoirs faire.

Ma principale inquiétude concerne les déficits d’éducation parentaux auxquels nous sommes confrontés quotidiennement ; cela englobe l’attention portée aux enfants, l’échange avec eux, le respect aux adultes et celui des règles de civilités… Je suis convaincue qu’il est urgent de poser le problème de la responsabilité des parents. Il est bien sûr difficile d’assumer cette tâche surtout à notre époque mais il est grave de constater combien certains semblent désinvestis ou désorientés. Les enfants ne peuvent se construire sans règles ni repères, sans conscience du respect d’autrui. Il est temps de travailler ensemble (gouvernement, enseignants, syndicats, parents) pour construire une société plus humaine. Il est temps  de s’opposer à la diffusion d’images et de pensées imposées par les médias, regardés ou écoutés par les enfants, qui véhiculent tant de médiocrité et de violence.

Ma réflexion est abondamment nourrie par le témoignage de nombreux amis et collègues vivant des situations alarmantes dans leurs écoles dues à l’augmentation de problèmes comportementaux chez nos élèves. Des classes de plus petits effectifs seraient nécessaires dans ces situations.

Un dernier point me préoccupe : la formation des futurs enseignants.

Je reconnais que de gros efforts ont été consentis pour remettre en place la formation par la création des ESPE ; mais des insuffisances demeurent surtout quant à l’enseignement en maternelle. Je suis Maîtresse d’Accueil Temporaire depuis quelques années et je constate que les stagiaires, souvent sérieux et investis, sont contraints de « bachoter » le Concours, plutôt que de bénéficier d’une réelle formation dirigée par leurs professeurs (ces derniers endurant également cet état de fait).

Les jeunes subissent une pression extrême de préparations et d’évaluations, qui ne sont pas forcément constructives, en tous cas qui semblent éloignées de la réalité du terrain.

Je vous remercie de considérer mes observations et espère recevoir des réponses à mes inquiétudes. Je ne souhaite pas mettre en lumière particulièrement mon école, mais surtout souhaite que l’on engage une réflexion profonde sur les conditions d’accueil des enfants relevant de troubles du comportement, que l’on réfléchisse à une nouvelle adaptation de la loi sur le handicap de 2005.

Je me tiens à votre disposition pour échanger sur ces sujets si vous le souhaitez. Je vous adresse également ci-joints des dossiers non nominatifs qui permettront de mieux saisir la teneur des difficultés auxquelles nous sommes confrontées.

Je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’expression de ma très haute considération.

 

Marie LEROY
Académie de Rouen

Être enseignant référent, témoignage

Il y a 10 ans, le 11 février 2005 une loi nouvelle naissait. Impulsée par les Associations de parents d’enfants handicapés cette loi imposait à chaque établissement scolaire, l’accueil des élèves handicapés avec leurs besoins spécifiques et les compensations qui en découlaient.

Pour veiller à l’application de cette loi une nouvelle fonction apparaissait au sein de l’éducation nationale : celle d’enseignant référent de la scolarisation.
Qui est cet enseignant référent ? Quelle est sa fonction ? Qu’elles sont ses prérogatives? Ses champs d’action ? Ses moyens d’action ?
Pour ma part je suis un Maître E qui ayant vu son RASED vaciller sous les coupes successives des gouvernements Sarkozy, a désiré mettre son expérience professionnelle et personnelle au service de ce pourquoi la fonction d’ER a été créée.
Il est commun de dire que l’ER est l’interface entre la famille de l’enfant handicapé, la MDPH et l’établissement de scolarisation.
L’ER doit être constamment réactif, connaître chaque dossier sur le « bout des doigts », les spécificités familiales de l’enfant concerné, les différentes formes de handicaps et les besoins qui s’y rattachent, les enseignants des différents établissements de son secteur d’intervention, les programmes des différents niveaux (de la maternelle au BTS pour ma part), la personnalité des chefs d’établissements, les fonctionnements de chaque service de soins , de chaque profession paramédicale, des services sociaux (SSP, ASE, AEMO), les horaires des écoles (nouveaux rythmes…) , les compagnies de taxis… les fonctionnements des différentes MDPH de son académie (fonctionnement départemental et exigences diverses).
Il doit faire montre de diplomatie, d’empathie, d’adaptabilité, de souplesse d’esprit, d’inventivité, de curiosité, d’assurance, mais surtout de modestie.
Tout cela durant plus de 1600 heures annuelles, avec des journées aux horaires élastiques, des ESS durant la pause méridienne, le soir entre 17H et parfois 20H ou 21H, avec des vacances écourtées (il faut attendre les décisions des dernières CDA).
Tout cela pour 72 euros supplémentaires chaque mois, sous forme de prime (qui ne seront donc pas pris en compte pour le calcul de la retraite), sans ISAE, il est clair que l’enseignant référent n’est pas le responsable des élèves dont il instruit le dossier !!!??
Cependant il s’enrichit du partenariat qu’il tisse avec d’autres structures et d’autres services, avec les professionnels des EMS, des services de soins; il s’ouvre au monde et à la tolérance. Il a un regard pluriel et se remet constamment en question.
Enseignant référent, rime sans aucun doute avec inconscient
La fonction, quant à elle, rime assurément avec passion !

 

Témoignage de Dominique Lomberger
Enseignant Référent de la Scolarisation

 

Sigles
AEMO : Action Educative en Milieu Ouvert
ASE : Aide Sociale à l’Enfance
CDA : Commission des Droits et de l’Autonomie
EMS : Etablissements Médico-sociaux
ER : Enseignant Référent
ESS : Equipe de Suivi de Scolarisation
ISAE : Indemnité de Suivi et d’Accompagnement des Elèves
MDPH : Maisons Départementales des Personnes Handicapées
RASED : Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté
SSP : Service Social de Prévention

Crédit photo : mozzoom via photopin cc

Compléments au dossier « La loi handicap a 10 ans »

Quelques chiffres

Élèves en situation de handicap, tous troubles confondus :

1er degré : 141 565 – 2nd degré : 97 595

Dans le 1er degré

Élèves en situation de handicap, en classe ordinaire

  • Préélémentaire : 28 340
  • Élémentaire : 66 442

Élèves en situation de handicap, en Clis

  • Préélémentaire : 7 174
  • Élémentaire : 39 609

Dans le 2nd degré

Élèves en situation de handicap :

  • En Ulis : 29 122
  • En classe ordinaire (y compris Segpa et Érea) : 68 473

source : Men-Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche – édition 2014

 

C’est souvent à la maternelle que se révèle le handicap. Le neuvième volume des « Dossiers de la maternelle » s’adresse aux enseignant(e)s et à toute personne travaillant en maternelle afin de les aider à mieux comprendre les différentes situations et à agir de façon adaptée et pertinente. « Handicap et scolarité. La maternelle, école de tous les enfants » de Betty Bouchoucha

 

Pour en savoir plus sur l’inclusion scolaire, retrouvez notre dossier «Tu inclus, nous incluons » paru dans l’Enseignant n° 173 et consultable ici.

 

Que proposent nos voisins européens en termes d’inclusion ?

La scolarisation des enfants handicapés dans les écoles ordinaires apparaît aujourd’hui comme un modèle de plus de plus répandu dans les pays de l’Union européenne.

Toutefois, on peut classer les pays européens en trois groupes distincts (*) :

  • les pays qui ont privilégié « la voie de la trajectoire unique », « one track approach » : les plus anciens (la Suède, la Norvège, l’Italie), et les nouveaux (l’Espagne, le Portugal et la Grèce) se sont engagés pour l’intégration de tous les élèves à besoins spécifiques dans les établissements d’enseignement ordinaires et ne font appel qu’exceptionnellement aux écoles spécialisées ;
  • les pays qui continuent à pratiquer « deux systèmes éducatifs distincts », « two track approach ». Les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers fréquentent des écoles spécialisées ou des classes spéciales, selon la nature et la gravité de leur(s) handicap(s). C’est le cas en Belgique, en Suisse, aux Pays-Bas et en Allemagne.
  • les pays qui privilégient « une approche multiple de l’intégration », « multi track approach » : la France, l’Angleterre, l’Autriche, la Finlande, le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg et la Pologne appliquent un traitement ouvert et varié, adapté aux enfants concernés selon leur handicap.

(*) classification de l’Agence européenne pour le développement de l’éducation des personnes ayant des besoins particuliers

Crédit photo : JaHoVil via photopin cc

Bémols sur les modifications concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap

Même si le SE-Unsa soutient les objectifs de la loi, il ne se satisfait pas pour autant des conditions actuelles de sa mise en œuvre. Il se doit de rester vigilant face aux propositions ministérielles et précise chacune des modifications.

Le ministère nous propose trois modifications du code de l’éducation concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap. Elles devraient entrer en application à la rentrée prochaine.

Première modification : le terme « AVS » est remplacé par celui d’« AESH ».

L’appellation change mais la précarité de l’emploi persiste. Pour accompagner la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap le SE-Unsa  revendique la pérennisation des missions d’accompagnement. Elles seraient assurées par des personnels bénéficiant d’une formation initiale et continue ou d’une validation d’une expérience professionnelle débouchant sur une véritable profession pour garantir la continuité éducative.

Seconde modification : l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation doit être complétée par un enseignant dès lors que sont traitées des questions d’inclusion scolaire.

ENFIN ! Restent cependant en suspens les modalités de désignation de l’enseignant qui aura à siéger dans cette équipe. Jusqu’alors, une EPD pouvait construire un PPS sans enseignant… Le SE-Unsa revendique la présence au sein de la CDA des organisations syndicales représentées au CDEN.

Troisième modification : elle concerne le parcours scolaire des élèves :

  • Le  maintien en maternelle sera possible pour les enfants en situation de handicap  (PPS obligatoire) qui en auront besoin.

Une mesure parfois nécessaire qui ne sera possible que dans le cadre d’un PPS.

  • Les dispenses d’enseignement seront délivrées sur avis de la MDPH et notifiées par le recteur.

Cette dispense d’enseignement n’exonère pas les élèves des épreuves qui permettent l’obtention d’un diplôme ce qui pourrait les amener à suivre des formations sans possibilité de diplôme à terme. Nous souhaitons que les médecins scolaires soient consultés.

  • Le PPS sera désormais obligatoirement envoyé aux établissements et aux équipes éducatives.

ENFIN ! Jusqu’à ce décret, seuls en étaient destinataires les parents. Il n’avait pas été jugé nécessaire d’en informer les lieux de scolarisation… C’est chose faite. Reste maintenant à faire vivre cette disposition dans les faits.

  • L’uniformisation du Gevasco* et du PPS : Jusqu’ici, ces documents avaient été construits localement. Le ministère devrait engager un vaste travail pour uniformiser les pratiques sur tout le territoire pour en permettre une utilisation nationale.

Le SE-Unsa exige que soient développés des modules dans la formation initiale et continue de tous les personnels afin que les enseignants maitrisent les outils mis à leur disposition.

 

* Guide d’évaluation de la scolarisation

Crédit photo : adamthelibrarian via photopin cc

L’accompagnement en quelques dates

Des auxiliaires d’intégration scolaire aux AESH…

1980 : premiers pas vers l’accompagnement. Des parents se mobilisent pour l’accompagnement de leurs enfants et développent le concept d’auxiliaires d’intégration scolaire (jeunes sous contrat aidés par l’État, emplois associatifs…).

1999 : mise en place du plan Handiscol  par le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de l’Emploi et de la solidarité

2003 : création assistants d’éducation / auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i) et auxiliaires de vie scolaire collectifs (AVS-co) avec un contrat de droit public de 6 ans maximum.
2005 : loi du 11 février

  • Renforcement des actions en faveur de la scolarisation des élèves handicapés.
  • EVS recrutés pour assurer les fonctions d’aide à l’accueil et à l’intégration : contrat de droit privé de deux ans maximum.

2009 : signature de la convention-cadre entre le MEN et des associations pour assurer la continuité de l’accompagnement auprès des élèves en situation de handicap.

2012 :, création des auxiliaires de vie scolaire pour l’aide mutualisée (AVS-M).

2013 : groupe de travail sur la professionnalisation des accompagnants handicap (Rapport Komitès).

2014: création des AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) : contrat de droit public qui permet d’accéder à un CDI au bout de 6 ans d’ancienneté.

 

 

 

Quand l’intérêt de l’enfant se heurte au dysfonctionnement administratif…

« Depuis 2005 et l’obligation de scolarisation, j’ai accueilli des enfants porteurs d’un handicap à de multiples reprises.

Cette année, dans ma classe de MS-GS, 2 enfants de GS sont maintenus. Ils sont accompagnés depuis l’année dernière par une AVS, qui au fil des mois, a réussi à instaurer une relation de confiance propice à leur épanouissement.

Cette année encore, elle a vu son contrat reconduit et intervient dans ma classe pour les 2 mêmes élèves. L’un des 2 bénéficie de 12h (mutualisées avec son camarade) réparties dans la semaine. Jusque là tout allait bien…

Depuis fin septembre, elle doit également accompagner un enfant autiste dans une classe de PS de notre école. Cet enfant bénéficie de 10h hebdomadaires et ne vient à l’école que le matin. Le calcul est donc simple : 12h+10h= 22h. Le contrat de Fatima n’étant que de 20h, mes élèves ont vu leur aide amputée de 2h et leur emploi du temps modifié.

Ma directrice et moi-même avons téléphoné à l’inspection académique, à l’enseignant-référent qui nous ont répondu « qu’ils cherchaient quelqu’un d’autre pour les 2h manquantes, qu’il n’y avait pas assez d’AVS dans le département et que je ne devais pas me plaindre puisque j’avais tout de même une AVS».

J’ai parlé de « l’intérêt de l’enfant, de stabilité, de qualité relationnelle », on m’a répondu « restriction, budget… ».

Nous avons reçu les parents, les incitant à réagir le plus vite possible. Ce qu’ils ont fait. Mais la MDPH les ayant renvoyé vers l’inspection académique, c’est en bataillant ferme qu’ils ont obtenu gain de cause. L’AVS est à nouveau présente dans la classe avec les horaires qui correspondent à la prise en charge de mes élèves. Happy end donc !

Béatrice, professeure d’écoles de classe normale en Haute-Vienne

Intégration réussie d’un élève autiste en 5ème, Michaël témoigne

« K. est un élève qui fréquente l’Ulis. Atteint de troubles autistiques, il a intégré ma classe de 5ème SVT en octobre qui compte une vingtaine d’élèves.

L’accueil de cet élève s’est fait dans de bonnes conditions : des d’élèves compréhensifs et empathiques, un programme concret qui remobilise des notions déjà abordées en primaire. K. est accompagné d’un AESH. Au début de l’inclusion, il était assis à côté de K. qui était demandeur et qui se sentait rassuré. Au fur et à mesure de l’avancement du trimestre, l’assistant a pris ses distances et s’est installé dans le fond de la salle. K. s’est bien adapté au rythme de travail de cette classe de 5ème. Un peu effacé au début, il s’est progressivement intégré au groupe-classe et participe régulièrement à l’oral. Il prend son cours avec soin et fait preuve d’un très bon raisonnement. Cependant, il manque parfois d’attention et met un peu plus de temps à faire le travail demandé.

K. a été évalué selon les mêmes exigences que celles attendues d’un élève de 5ème. Il a obtenu de très bons résultats. Comme il est très sensible aux notes, ces évaluations « réussies » l’ont encouragé à poursuivre ses efforts. Il a pris ses aises, apprécie la matière, pose des questions, me salue et me donne rendez-vous pour le prochain cours, il s’est ouvert aux autres et commence à s’habituer à l’émulation d’une salle de classe. Son inclusion a été bénéfique pour lui et pour les autres élèves qui ont une vision plus large de la diversité des élèves d’un collège. »

Michaël, professeur de SVT dans le Bas-Rhin

Accueil d’un enfant autiste en MS/GS, le témoignage de Sarah

« J’ai appris en fin d’année dernière qu’un élève souffrant de troubles autistiques intégrerait ma classe déjà nombreuse à la rentrée (27 élèves). Cet enfant souffrait particulièrement des changements et des situations collectives trop longues. Un déménagement, un changement d’école et une classe nombreuse et bruyante… tous ces facteurs m’inquiétaient. Ce qui m’a fait peur c’est la totale absence de formation pour l’accueillir ainsi que la réaction de ses camarades devant ses éventuelles crises. Heureusement, j’ai pu rencontrer la collègue qui avait cet enfant et qui m’a beaucoup conseillée. Nous avons eu également la chance que son AESH accepte de suivre l’enfant dans notre école.  Je me suis beaucoup documentée et j’ai essayé de préparer cette arrivée au mieux.

Finalement, après une période d’adaptation, de nombreuses réunions de concertations avec les personnels soignants et les parents, cet enfant s’est parfaitement intégré à la classe et à ses camarades. Sa présence dans la classe est un réel enrichissement pour tous, enfants comme adultes. Ses camarades l’ont accepté et le considèrent comme un camarade ordinaire.

C’est également une victoire personnelle. Grâce à lui, j’ai appris beaucoup et j’ai su adapter ma pédagogie à sa différence. »

Sarah, classe de MS/GS

La loi handicap a 10 ans

 

Cela fait 10 ans que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe que « tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant est inscrit dans l’école ou l’établissement le plus proche de son domicile qui constitue son établissement de référence. ». Où en sommes-nous aujourd’hui ?

L’engagement du SE-Unsa dans ce dossier n’est pas nouveau ! Depuis deux ans d’ailleurs, dans la perspective de cet anniversaire, nous avons organisé de nombreuses réunions dans les départements. Ce sont plusieurs centaines de collègues qui ont pu s’y exprimer : grâce à eux, nous disposons d’une photographie assez précise des besoins et des manques dont nous vous livrons les contours aujourd’hui.

Un peu plus de 240 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire et un peu moins de 100 000 bénéficient d’un accompagnement individuel. C’est une augmentation de plus de 55% depuis 2004. Cependant, les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire sont loin d’être à la hauteur des besoins. Sans l’engagement des enseignants, rien n’aurait été possible. Quel est le ressenti de la profession aujourd’hui ? Que reste-t-il à faire ? Quels sont les principaux obstacles ? Quelles améliorations doivent voir le jour ?

Cet anniversaire, c’est aussi le vôtre, enseignants, personnels d’éducation, d’orientation et d’accompagnement. Avec ce dossier, nous donnons la parole à ceux qui s’engagent au quotidien dans la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Tout au long de cette année-anniversaire, le SE-Unsa conduira d’autres initiatives pour améliorer les conditions de travail des enseignants et de réussite de tous les élèves dans l’école inclusive que nous défendons.

Gilles Laurent, Délégué national ASH

Lien vers le dossier complet sur le blog

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Témoignage de Stéphanie, AESH dans l’académie de DIJON

Depuis combien de temps exerces-tu ce métier ?

Je suis AESH depuis 7 ans, j’entame ma 8ème année. Mais avant cela j’ai été E.V.S à fonction d’AVS pendant 1 année en maternelle. C’est comme cela que j’ai découvert ce métier que j’ai tout de suite adoré. Aider, partager soutenir, écouter, patienter, échanger etc…
J’ai fait tous les niveaux de la maternelle à la 3ème en en passant par l’ULIS et la SEGPA.
J’ai débuté avec un contrat à 50%, puis à 60% pour finir à 70%. L’année dernière j’étais à 80% et cette année je suis repassée à 70% lors de mon CDI.

Ce métier te plait-il ? Pourquoi ?

Tout n’a pas toujours été rose. Certaines années sont plus difficiles que d’autres. Je me souviens d’une année particulièrement douloureuse moralement et physiquement pour moi. Je suivais un élève ayant des troubles du comportement (surtout ne pas dire violences verbales et physiques….) c’était un élève violent avec tout le monde. J’ai tenu quelques mois mais j’ai finalement « supplié » qu’on me change d’établissement. De plus je ne me sentais pas vraiment soutenue par ma hiérarchie… Cette année là, j’ai changé plusieurs fois d’établissements, entre le départ d’un autre élève, un enseignant qui ne voulait pas changer son emploi du temps afin que ma présence serve à quelque chose (je suivais également un autre élève dans un autre établissement), ce fut une année chaotique.

Mais il y a également des superbes années, on est fière que nos élèves se battent et réussissent ! Sans compter les remerciements et le soutien des parents qui nous font chaud au cœur,

Souhaites-tu continuer à faire ce métier ?

Aujourd’hui je suis en CDI et j’espère pouvoir continuer encore un moment.

Mon seul regret est notre salaire. Jusqu’à l’année dernière, nous n’étions pas payées en septembre, un acompte était versé début octobre puis régularisé fin octobre. Lorsque vous n’avez que ce seul salaire pour une famille, cela nous met pas mal dans l’embarras au niveau des banques…. Cette année, j’ai eu mon salaire fin septembre mais sur la fiche de paie, il y a plein d’erreurs. Le combat n’est pas fini !