Formatrice FLE, AED en atelier relais… le parcours d’Hélène

Durant votre Master en FLE (Français Langue Etrangère), vous avez mené un atelier sur le thème « École et Parentalité ». Quel était l’objectif de cet atelier et comment les séances étaient-elles organisées ?

Cet atelier sociolinguistique mis en place sur trois quartiers de Besançon avait pour but de permettre aux stagiaires allophones et analphabètes d’entrer dans l’écrit via le thème de l’école et de la parentalité. En binôme, nous avons conçu une programmation durant 3 mois, à raison de deux demi-journées par semaine dans chaque quartier.

Il y avait donc un double objectif, celui de l’apprentissage de la langue, notamment écrite, et la connaissance du système scolaire français. Il s’agissait de permettre aux parents de participer activement à la scolarité de leurs enfants et tenter de réduire les risques de décrochage scolaire chez les élèves de familles issues de l’immigration. Pour cela nous avons utilisé des documents authentiques (carnets de liaison, documents informatifs) pris dans les établissements scolaires fréquentés par les enfants des stagiaires. Nous avons travaillé la phonétique et la graphie à partir du vocabulaire scolaire (les matières enseignées, les fournitures…).

Dans la continuité de vos études universitaires, votre première vie professionnelle s’est déclinée comme formatrice FLE et formatrice conseil au sein de plusieurs organismes de formation. Lesquelles ? En quoi consistaient principalement vos missions ? Comment s’est terminée cette aventure ?

J’ai très vite commencé à travailler en tant que formatrice conseil en Français Langue Etrangère, auprès de publics primo-arrivants dans le cadre de formations CAI (Contrat d’Accueil et d’Intégration) devenues aujourd’hui CIR (Contrat d’Intégration Républicaine). Cette formation est obligatoire pour les personnes étrangères arrivant sur le sol français. Il s’agit d’amener les stagiaires à un niveau A1, par le biais de thèmes tels que le logement, la santé, le travail, l’école, la culture. Ces formations doivent permettre, au-delà de l’apprentissage de la langue française de s’approprier les savoirs-être et les connaissances nécessaires pour vivre en France. La mission est ici de répondre à la demande de l’Office Français de l’Immigration et d’Intégration tout en prenant en compte les besoins et attentes des stagiaires.

Toujours en tant que formatrice FLE j’ai eu en charge divers ateliers sociolinguistiques, de réinsertions, cette fois le public était composé de personnes résident en France depuis plusieurs mois, années, voire décennies. Le but de ces ateliers est l’apprentissage de la langue, en particulier l’écrit, au travers de sortie dans des lieux tels que les bibliothèques, la Poste, la Caf… des ateliers cuisine, des récits de vie…

J’ai aussi été en charge de groupes en DFL (Dispositif de Formation Linguistique), pour préparer les stagiaires ayant fait leurs heures obligatoires (CIR) au Diplôme En Langue Française (DELF) du niveau A1 au niveau B2.

La particularité de ces différents dispositifs est l’hétérogénéité des publics, tant par leur niveau que par leur langue maternelle et leur date d’arrivée en France.

Dans une moindre mesure j’ai aussi travaillé pour le CREEDEV (Centre Régional d’Enseignement et d’Education Spécialisés pour Déficients Visuels) de Besançon en tant qu’assistante socio-éducative auprès de jeunes non et malvoyants. Mais aussi comme formatrice conseillère en insertion professionnelle en charge de la formation « élaboration de projet professionnel ».

Au fil des années j’ai exercé mon métier de formatrice dans divers centres de formation et associations, ce qui m’a permis de connaitre les différentes actions existantes dans le domaine du FLE. C’est alors que j’ai eu envie de changer de métier, de me réinventer. J’aime transmettre, accompagner, me sentir utile aux stagiaires.

Vous exercez actuellement comme assistante d’éducation dans un collège de Haute-Saône où l’on vous a proposé un poste à profil au sein d’un ateliers-relais. Quel public accueillez-vous au sein de ce dispositif ? Comment définiriez-vous le travail éducatif mené avec les élèves ?

J’ai donc postulé pour être assistante d’éducation à la rentrée 2020. J’ai eu la chance de me voir proposer un poste à profil, à 60% en atelier relais, en binôme avec l’enseignant référent de l’atelier. J’ai découvert le public adolescent en difficulté. Difficulté scolaire, sociale, psychologique et émotionnelle. L’atelier relais accueille des élèves en rupture/décrochage scolaire. Les causes de ce décrochage sont multiples. Certains élèves ont « juste » des problèmes d’absentéisme qui créent un retard dans les apprentissages, d’autres de comportement (violence physique, verbale). Certains paraissent même souffrir de troubles du comportement.

A l’atelier relais nous essayons de comprendre l’élève dans son individualité, les raisons de son comportement, de relever les indices qui permettent d’anticiper le point de rupture, de trouver des solutions avec lui pour éviter d’en arriver là, ce qui n’est pas toujours possible dans un groupe classe de 25. Il s’agit ici d’apporter un cadre, d’amener les élèves à renouer le dialogue avec les adultes référents, l’autorité, mais aussi avec les apprentissages dans le but qu’ils réintègrent leurs établissements d’origine de manière sereine, pour eux comme pour l’équipe pédagogique et éducative. Il ne s’agit pas là de remettre à niveau les élèves qui ont des lacunes ou du retard, mais de travailler sur les comportements individuels et au sein du groupe classe. J’aime beaucoup l’approche pluridisciplinaire que nous adoptons à l’atelier, les dimensions psychologique et sociale se mêlent à la dimension éducative et pédagogique de l’enseignement ordinaire. Il y a une fonction d’apaisement de l’enseignant/accompagnateur qui est très intéressante.

Cette expérience m’a donné envie de poursuivre ma carrière professionnelle auprès des enfants et adolescents à besoins éducatifs particuliers.

Pourriez-vous nous faire partager le portait d’un élève que vous avez suivi et nous décrire l’accompagnement dont il a bénéficié ?

Nous avons rencontré des profils très différents au sein de l’atelier relais. Un des élèves que nous appellerons Antoine a particulièrement marqué mon esprit. Antoine, élève de 5ème parait avoir des difficultés à entrer dans les activités pédagogiques, il met en place diverses stratégies d’évitement pour ne pas les faire. Il embête ses camarades en les regardant de manière insistante et moqueuse, leur fait des doigts d’honneur sans qu’on le voit, fait du bruit avec sa chaise ou ses pieds, se déplace pour prendre un Rubik’s cube, demande sans cesse quand est ce qu’on va en récréation, qu’on joue au Uno… Lorsqu’on le reprend, il entre « en crise ». Il se mure dans un silence sans fin, on ne parvient même plus à établir un contact visuel avec lui. La seule chose qui semble l’apaiser c’est les écrans : la tablette ou l’ordinateur. Dans son établissement d’origine il apparait que lorsqu’il fait une crise ou qu’il refuse de faire une activité, on lui donne sa tablette pour « avoir la paix ». Pour éviter qu’il ne perturbe trop les autres élèves dans leurs activités pédagogiques nous lui créons un espace en retrait des autres. Nous l’autorisons à garder un Rubik’s cube à sa table. Nous l’accompagnons dans toutes ses activités pédagogiques, il a un besoin constant de la présence rassurante de l’adulte. Nous la lui apportons autant que faire se peut. Nous limitons son accès aux écrans petit à petit. Nous étions d’accord sur le fait qu’Antoine devrait avoir un suivi spécifique, son attitude relevant du trouble du comportement. Grâce à la persévérance de l’enseignant de l’atelier relais auprès de l’équipe éducative de l’établissement d’origine d’Antoine et de ses parents, Antoine a bénéficié d’une seconde session à l’atelier relais, et de la mise en place d’un GEVASCO pour une prise en charge adaptée à son profil.

En appui à votre pratique professionnelle, vous manifestez de l’intérêt pour diverses lectures liées à votre champ de compétences. Quelle est celle qui a récemment retenu votre attention ?

J’ai récemment lu le mémoire d’une avocate qui est devenue enseignante en ITEP (Institut Thérapeutique éducatif et pédagogique). Cette lecture a retenu mon intention car les profils des élèves dont elle fait la description sont similaires aux profils de certains des élèves accueillis à l’atelier relais. Y sont décrits des enfants/adolescents qui sont en recherche de limites, qui attaquent le cadre, refusent d’entrer dans les activités bien souvent par le rejet et les insultes ; des enfants qui ont été mal-maternés, mal-construits, qui se cachent derrière une carapace agressive ; qui ont recours à des stratégies d’évitement comme une extrême lenteur, une grande agressivité envers les autres et/ou l’équipe pédagogique, de l’excitation extrême… des enfants psychiquement et émotionnellement indisponibles pour les apprentissages.

Votre passé de formatrice revient au galop avec le projet de transmettre vos savoir-faire aux personnels non-titulaires de votre bassin d’éducation. Quelles sont vos motivations pour un tel projet ?

J’ai toujours aimé mon métier de formatrice : transmettre des savoirs (être, faire), accompagner les stagiaires, les élèves dans l’acquisition de compétences, concevoir des ressources pédagogiques, une progression, adapter mes pratiques pédagogiques à mon public… tout cela fait partie de moi. Mes multiples expériences professionnelles m’ont amenée à un certain degré d’expertise concernant la gestion d’un groupe classe (adultes ou adolescents). Mon expérience en tant qu’assistante d’éducation a révélé mon aptitude à créer à la fois un rapport de confiance et de respect avec les élèves. L’équipe éducative est là pour faire respecter le cadre, les règles mais doit aussi apporter un sentiment de sécurité afin que les élèves puissent se confier en cas de problème. L’idée de transmettre les savoirs et compétences que j’ai pu acquérir au fil de mes expériences professionnelles me motive énormément. Savoir que mes compétences pourraient aider certains AED à adopter la bonne posture face aux élèves (gestion des conflits, recherche de solutions face à certains comportements) me donne envie d’explorer cette piste.

Vous appréciez particulièrement le visionnage de documentaires et films liés à la nature, à la cause animale et végétale, à l’environnement. En quoi ces reportages sont-ils source d’inspiration et d’épanouissement pour vous ?

Je suis quelqu’un de sensible à l’avenir de notre planète, aux questions environnementales et écologiques. J’aime m’instruire à ce sujet, comprendre le fonctionnement du règne animal, la manière dont les arbres communiquent entre eux… la magie de la vie. Je trouve particulièrement intéressant des films comme Okja du réalisateur Bong Joon-ho, qui mélange science-fiction et dénonciation de l’élevage industriel avec tout ce que cela implique de cruauté. Des reportages comme Home de Yann Arthus Bertrand, qui permettent à tous de voir la beauté de notre Terre et les dangers qui la menacent. Ces films et documentaires sont aussi facilement exploitables en classe afin de sensibiliser les enfants ou adultes aux questions environnementales.

Hélène Pernot, AED dans un collège de Haute-Saône

De CPE à directrice de SEGPA, le parcours de Charline

Depuis combien de temps es-tu CPE et quelles ont été tes expériences professionnelles précédentes ?

J’ai obtenu mon concours de CPE en 2004, dans l’académie de Rennes après avoir été MI/SE pendant 5 ans en Mayenne. J’ai effectué mon année de stage en lycée général, à Château Gontier puis j’ai été mutée en région parisienne… direction l’académie de Créteil ! J’y ai passé 6 ans, 6 super années nourries de rencontres.
J’ai, en effet, été nommée au sud de la Seine et Marne (77) au collège Robert Doisneau de Dammarie Les Lys. Ce collège comptait environ 450 élèves dont une centaine d’élèves d’EGPA ainsi qu’une ULIS handicap moteur. Nous étions 2 CPE. Il y avait également un directeur de SEGPA ainsi qu’un adjoint en plus du principal.
C’est là-bas que j’ai découvert l’enseignement spécialisé et l’accompagnement des élèves à besoins spécifiques. L’accompagnement proposé et les différentes prises en charge ont été très formateurs pour moi. J’ai découvert le travail en équipe ainsi que le travail en projets.
En 2011, j’ai obtenu l’académie de Nantes et ai été affectée au collège Berthelot, dans le centre de la ville du Mans. C’est un collège qui accueille 600 élèves dont une UPEAA. Ce fut une nouvelle expérience très riche puisque je me retrouvais seule à la tête de la vie scolaire. J’ai pu lors des 6 années, que j’ai passées dans cet établissement, construire le service vie scolaire tel que je l’imaginais mais aussi travailler en étroite collaboration avec les enseignants et ainsi appréhender davantage l’entrée en pédagogie de la vie scolaire.

Tu exerces depuis 2 ans la fonction de directrice de SEGPA. Comment est née chez toi l’idée de postuler sur une mission de ce type ?

L’idée n’était pas nouvelle pour moi. Lorsque j’étais en région parisienne je travaillais en étroite collaboration avec le Directeur de SEGPA (quelqu’un de formidable !) qui a été un exemple pour moi aussi bien dans son approche des élèves que des projets. Cette année (je suis toujours en contact avec lui), il est par exemple parti à Cuba avec les élèves de l’EGPA. Il m’a montré que les choses étaient possibles…
Je me suis toujours dit que cela me plairait d’autant que j’ai l’impression d’avoir toujours eu un intérêt pour les élèves « différents ». Comment travailler avec eux ? comment entrer en lien avec eux ? Comment les faire venir à l’école et faire en sorte qu’ils s’y sentent bien ?
Cela faisait 6 ans que j’étais au collège et pour beaucoup de raisons, l’année était difficile. J’avais besoin de prendre de la distance, de changer, de faire autre chose… J’ai alors postulé auprès des services de l’inspection académique. J’ai été appelée et un poste de faisant fonction de directeur adjoint chargé de la SEGPA (DACS) m’a été proposé. J’ai accepté et j’occupe donc ces fonctions pour la deuxième année.
Occuper ces fonctions était aussi l’occasion pour moi d’aller mettre en pratique mon engagement dans la lutte contre les discriminations et phénomènes de boucs émissaires. Les élèves d’EGPA sont pour moi des élèves qui restent marqués d’une étiquette… Depuis 2 ans, j’essaie de travailler avec eux (pas seule bien sûr, avec les collègues…) l’estime de soi et le fait que l’on puisse être fier d’être un élève d’EGPA. Le sigle EGPA ou SEGPA reste souvent une insulte pour les élèves ou est souvent utilisé comme tel.

Comment as-tu vécu ce « glissement » de fonction ? Quels points communs et quelles différences vois-tu avec la fonction de CPE ?

Ce changement de fonction est arrivé à point nommé. J’avais besoin prendre du recul et de réfléchir à ma professionnalité. Ce changement a donc été très bénéfique pour moi.
J’ai d’abord apprécié le fait de n’avoir que 4 classes de 16 élèves sous ma responsabilité ainsi que le travail avec les équipes de professeurs des écoles et professeurs de lycée professionnel. Leur approche des élèves et la prise en charge qu’ils proposent n’est pas la même. J’ai fait un pas de plus dans l’approche pédagogique des élèves, dans la connaissance des niveaux de maîtrise du socle ainsi que dans la connaissance des cycles. J’ai eu, contrairement à ce que je pouvais vivre en vie scolaire l’impression d’avoir du temps. Il faut dire que les heures de synthèses (1h30 par semaine de concertation en équipe) permettent de coordonner le quotidien mais aussi de chercher des solutions adaptées pour chaque élève. Le croisement des regards est extrêmement important et très riche.
Je dois aussi dire que le fait de travailler avec les services ASH de l’inspection académique était une nouveauté et j’ai beaucoup appris sur le fonctionnement de ce service.
Le rapport aux sanctions et punitions n’est pas non plus toujours le même en EGPA. La prise en charge des retenues ou le travail donné aux élèves par exemple.
En revanche la relation aux élèves est pour moi restée la même. J’ai essayé de continuer à être en relation avec eux tout en ayant une autorité qui leur permet d’avancer et de réfléchir aux actes qu’ils posent. J’ai retrouvé un rôle éducatif dans ces nouvelles fonctions.

Exercer d’autres fonctions permet de prendre du recul sur la fonction. Quels sont les premiers enseignements retirés de cette expérience qui pourront impacter ta vie de CPE ?

Oui bien sûr, j’ai d’ailleurs pu le mentionner précédemment. Changer de fonction m’a permis de me rendre compte de plusieurs choses :
Le métier de CPE est une excellente formation. On y apprend tellement. On a une très bonne connaissance du système éducatif, on a une approche des élèves différentes, nous connaissons bien les élèves et sommes capables de mobiliser énormément de ressources.
Je me suis aussi rendue compte du sentiment de responsabilité, de la charge de travail et de la charge mentale que j’avais en tant que CPE. Changer de fonction m’a permis de prendre conscience des compétences que j’avais développées et que ces dernières ont pu être utiles dans la découverte de nouvelles fonctions.

Quelle est ta vision de l’École inclusive ?

L’inclusion est une vaste question. Elle m’interroge et continuera de m’interroger longtemps je pense… Inclure n’est pas forcément lisser et faire la même chose pour tous.
L’inclusion est pour moi un concept difficile qui interroge à la fois la question du collectif et de l’individu…
Par exemple, cette année au collège les élèves d’EGPA sont répartis avec les autres élèves du collège, ils pratiquent l’EPS en groupe… Cela a été très bénéfique pour certains et assez violent pour d’autres dans la mesure où ils devaient assumer le regard des autres, le fait d’être moins performants au niveau de la psychomotricité ou de la compréhension des consignes alors que d’autres au contraire se sont épanouis.
On pense que ce sont les élèves d’EGPA qui sont inclus mais pourquoi ne serait-ce pas l’inverse ?
Une collègue a réalisé un film cette année pour faire connaître l’EGPA et sortir des préjugés qui pouvaient les concerner.
Avec la question de l’inclusion on aborde aussi la question de l’empathie et du bien être à l’école, de la norme. Beaucoup de notions que je trouve très importantes et qui, selon mon regard de CPE, ont un rôle essentiel à jouer dans la question du climat scolaire.

Quelle est ta relation avec les personnels de l’établissement dans tes nouvelles fonctions ? Quelle comparaison fais-tu avec celle d’un CPE et des AED ?

Je dirais qu’il y a moins de management à faire dans le sens où il n’y a pas de rapport hiérarchique entre le Directeur adjoint chargé de la SEGPA et les professeurs qu’ils soient PLP ou PE contrairement au CPE avec les AED. Les PE sont des personnels formés, qui ont passé leur concours et qui pour la plupart ont choisi d’être en EGPA.
On en ne peut pas comparer avec les AED. Leur rôle est profondément différent tout comme le sentiment que l’on peut avoir en tant que CPE, de responsabilité et d’organisation de service qui va avec…
Je trouve toutefois que la gestion des ressources humaines reste une chose difficile. Il faut que chacun trouve sa place dans l’équipe tout en acceptant les désaccords qui peuvent exister et faire en sorte que les choses fonctionnent pour rester au service de l’intérêt des élèves.
À mon sens, les questions d’organisation et relations humaines cohabitent… ce qui n’est pas une mince affaire.
J’ai, dans les deux fonctions, essayé de faire en sorte de fédérer les équipes et de travailler avec les collègues avec des relations de confiance. Le travail en équipe restera toujours un moteur pour moi !

À quels projets de développement professionnel ou d’évolutions de carrière as-tu réfléchi (à moyen ou long terme) ?

J’avoue ne pas trop savoir… tout est possible ! Si je ne peux pas continuer dans ces fonctions j’envisage tout à fait de reprendre celles de CPE. C’est un métier que j’aime énormément. J’ai simplement découvert que j’avais personnellement besoin de changer régulièrement de poste, qu’après un certain temps dans un établissement je m’installe dans une zone de confort qui ne me convient pas forcément… J’ai besoin de mouvement !

Charline Landemaine, CPE dans l’académie de Nantes
et faisant-fonction de directrice de SEGPA au collège la madelaine au Mans (72)

Le parcours de Virginie, PE

Vous faites le choix d’un parcours universitaire en Biologie générale et sciences et vie de la terre. Quelles ont été vos motivations à l’époque pour vous diriger vers cette discipline ?

J’ai choisi cette licence car depuis toute petite j’étais plus à l’aise dans les matières scientifiques que littéraires. Et c’était la suite logique de mon parcours scolaire : 1ère S, Bac D et c’était la licence conseillée pour être professeur des écoles.

Vous découvrez le monde de l’Éducation nationale par un contrat d’aide-éducatrice obtenu dans le département de l’Allier. Quels ont été les contours de vos missions ? Diriez-vous que cette expérience a été décisive dans votre orientation vers le métier d’enseignant ?

N’ayant pas réussi le concours d’entrée à l’IUFM, ne voulant pas rester inactive, j’ai postulé pour cet emploi qui me permettrait de vérifier si c’était vraiment le métier qui me convenait.

J’étais affectée dans deux écoles rurales. J’intervenais dans les différents niveaux pour effectuer du soutien, de l’aide administrative, de l’informatique et participer à l’encadrement, les mercredis, des sorties USEP.

Après votre année de stage, votre première affectation a lieu dans un EREA de Haute-Loire. Comment l’avez-vous vécu ? Considérez-vous que cette année a eu un impact sur votre appétence dans la gestion des élèves en difficulté ?

L’EREA a été une expérience très enrichissante. Elle m’a permis de me rendre compte de l’importance du travail en équipe et de la démarche à adopter avec des élèves en difficulté.

J’ai eu de la chance d’être nommée remplaçante rattachée à l’EREA, si bien que j’ai exercé la mission d’enseignante (maths, français, physique, anglais) et éducatrice (surveillance de cantine, de nuit, et gestion d’ateliers divers les mercredi après-midi, les soirs). J’étais donc soutenue, guidée par les enseignants et les éducateurs. Ils m’ont appris qu’il fallait être claire avec les élèves sur mes attentes, qu’il fallait fonctionner en contrat et s’y tenir. Le respect doit être mutuel.

Si j’avais construis ma vie dans cette région, je pense que j’aurais poursuivi ma carrière dans cet établissement.

Depuis votre arrivée en Haute-Saône, vous avez enseigné dans les 3 cycles d’enseignement. Comment vivez-vous la polyvalence des âges liée à votre métier ? Avez-vous aujourd’hui une préférence pour l’un des cycles ? Pourquoi ?

Le fait d’avoir enseigné dans les différents cycles permet d’avoir une vue générale des attentes de l’école primaire, les liens entre les différents cycles, les méthodes d’apprentissages et l’évolution de l’élève. Il a été pour moi plus facile de passer du cycle 1 au cycle 3, que de passer de CM2 au CP où l’enseignante passe d’une certaine autonomie de l’élève à une demande constante d’accompagnement dans les apprentissages.

Cette année, vous accueillez tous les après-midis 2 élèves d’une classe ULIS et plusieurs élèves confrontés à des DYS. Quels sont les stratégies pédagogiques que vous mettez en œuvre pour prendre en compte leurs spécificités ?

Nous avons de plus en plus d’élèves diagnostiqués dys, mais nous avons peu de solutions proposées pour nous aider, nous conseiller et adapter notre travail. Nous tâtonnons, nous essayons certaines adaptations, que nous améliorons ou abandonnons suivant les résultats de chaque élève. Mais pour la majorité ce qui fonctionne bien c’est le passage à des codes couleur pour se repérer ou limiter l’écrit. Pas de doubles tâches, d’où la numérotation des différentes actions ou d’un guide rappelant les tâches à faire dans l’ordre. Les traces écrites sont réduites (texte à trous ou photocopie de l’intégralité de la leçon), les textes de travail sont écrits en police 14, avec un interligne de 1.5, avec la police Opendyslexic et la mise en avant des syllabes avec le logiciel Lire couleur. Les lignes pour les réponses doivent se situer juste en dessous de la question…

Toutes ces adaptations sont discutées avec les orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes… pour que nous travaillions tous de la même façon et que nous ne submergions pas l’élève avec différentes méthodes.

Certaines de ces adaptations peuvent servir à toute la classe et chacun a besoin de « ses petites béquilles » pour progresser. Einstein qui était dys a dit : « Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur sa capacité à grimper dans un arbre, il passera sa vie entière à croire qu’il est stupide ».

Quels sont les points forts de vos méthodes de travail ? Dans quel sens vous reconnaissez-vous dans l’approche de la pédagogie Freinet ?

Mes méthodes de travail se rapprochent de la pédagogie Freinet car elles passent par le respect de l’élève et de ses différences. Par le fait d’imposer un cadre de fonctionnement et des attentes précises, nous empêchons certains élèves de progresser en les enfermant dans un carcan. Personne ne peut régler tous ses problèmes en même temps. Un élève qui arrive le matin en classe porte avec lui ses connaissances, ses savoir –faire, ses peurs, ses problèmes et bonheurs personnels qui vont jouer sur sa disponibilité à entrer dans les apprentissages.

Envisagez-vous la préparation du CAPPEI et la suite de votre carrière dans l’enseignement spécialisé ? Si oui, plutôt sur quel type de poste ? Si non, pour quelles raisons ?

Je n’envisage pas pour le moment de repartir dans l’enseignement spécialisé car je dois être disponible pour mes enfants et surtout pour celui qui est dyslexique. Pendant sa scolarité, il aura besoin de mon aide pour que son trouble soit pris en compte en classe et pour l’aider dans ses devoirs. Tout ne sera pas adapté pour le rendre autonome.

Quand ils n’auront plus besoin de mon coup de pouce, je repartirai peut être vers le spécialisé qui sait !?

Virginie Dubois, professeure des écoles dans le 70

Le parcours de Marion AESH

Après un Bac Littéraire, vous préparez un BTS NRC (Négociation Relations Clients). Sur quoi reposait à l’époque votre motivation pour envisager une carrière commerciale ?

J’ai toujours aimé le contact avec les gens, rencontrer les clients, échanger.
J’ai effectué plusieurs stages en Haute Saône où j’ai découvert divers milieux professionnels notamment dans le domaine de l’équipement sportif et les collectivités. J’aimais aussi le fait qu’en devenant commercial on avait une mobilité en venant à la rencontre du client. La diversité du travail me semblait aussi intéressante, et il n’y avait pas une répétition quotidienne dans les tâches à accomplir.

Assistante d’éducation dans un collège classé en éducation prioritaire, votre CPE vous a confié des responsabilités particulières dont le suivi quotidien des absences des élèves. Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience, notamment dans vos relations avec les élèves, les familles et les enseignants ?

J’ai gardé un souvenir extraordinaire de mon expérience d’AED au collège. J’ai établi au fil des années des liens de confiance avec les élèves. Ils savaient qu’ils pouvaient toujours compter sur moi en cas de besoin. Je pouvais aussi être autoritaire quand cela était nécessaire mais tout en restant juste à leur égard. Le respect allait dans les deux sens ce qui au final apportait un climat beaucoup plus calme lors de mes surveillances en salle de permanence (surtout en cas d’effectif lourd comme 30 à 40 élèves).
J’ai aimé aussi travailler avec les enseignants, nous pouvions échanger ensemble, j’estime qu’il est important au sein d’un établissement de communiquer avec eux. J’ai toujours considéré que l’équipe pédagogique et éducative formait un tout.
Au fil des années les parents me connaissaient et savaient comment je travaillais. J’étais aussi un repère pour eux et ils m’identifiait comme une personne-ressource. Tout comme avec leurs enfants, j’ai noué des liens de confiance avec eux.

AVS-Co dans une classe Ulis, vous avez joué un rôle d’accompagnement en direction des élèves les plus fragiles de notre système éducatif. En quoi consistait concrètement votre rôle ? Quelles qualités personnelles avez-vous développées tout au long de cet engagement ?

En tant qu’AVS-Co en classe Ulis mes missions étaient diverses. J’intervenais pour de l’aide aux devoirs avec les élèves, nous préparions des dictées données par l’enseignante.
Les élèves en classe ULIS sont tous inscrits dans leur classe de référence et, quand cela leur est possible, ils suivent certains cours avec leurs camarades : par exemple en histoire géographie, en mathématiques… À la demande de l’enseignante, je me rendais de temps en temps aux cours avec l’élève.
Les élèves de 3ème Ulis préparent comme pour les élèves de Segpa le CFG. Je les aidais à préparer leur dossier du rapport de stage, à s’entraîner pour l’oral et l’écrit. Le jour de l’examen, je les accompagnais, c’était pour eux une façon de les rassurer, de leur donner le dernier petit conseil.
J’ai développé durant ces deux années, beaucoup plus de patience car j’ai eu différents profils dont certains pouvaient être difficiles à gérer par moments. On devient beaucoup plus tolérant et j’ai appris aussi à prendre du recul.

Quelques années plus tard, vous décidez de vous investir en direction d’un autre public scolaire et dans une gestion individuelle des élèves. De quels publics s’agit-il et pour quelles missions ? Quels points communs et quelles différences entre chacun d’eux ?

Je suis AESH depuis un peu plus de deux ans, j’ai encadré de façon individuelle un élève de collège mais surtout des lycéens.
J’ai accompagné un élève de seconde autiste Asperger. Depuis l’année dernière, j’encadre deux jeunes filles : l’une en 1ère STMG atteinte d’une maladie génétique et l’autre en terminale ES qui est hémiplégique.
Le point commun que je retiens est d’abord que la présence de l’AESH les rassure beaucoup. Par contre les personnalités sont très différentes, les besoins aussi. Je suis « la secrétaire » de mon élève de terminale ES, je note ses cours, elle me dicte les réponses à écrire pour les DS ou les bacs blancs. Avec l’élève autiste Asperger, j’étais là pour l’aider à noter ses cours mais aussi pour le motiver à se concentrer en classe car il avait tendance à rêvasser, à décrocher. C’est pour cela que nous avions plusieurs heures d’aide aux devoir pour reprendre les cours qui lui manquaient et faisions les devoirs ensemble de façon à ce qu’il rentrer chez lui avec le travail déjà fait.

Votre investissement dans le suivi des élèves vous a amené à participer à plusieurs conseils de classe. Comment avez-vous vécu ces réunions ? Votre vision des élèves se trouvait-elle identique ou complémentaire à celles des enseignants ?

J’ai assisté au collège aux conseils de classe quand j’étais AVS-Co Ulis. Je notais les avis des enseignants dans les matières auxquelles les élèves assistaient.
Nous échangions beaucoup, les professeurs me donnaient aussi le ressenti des élèves, comment ils appréhendaient leur intégration dans la classe, si le niveau n’était pas trop difficile.
Je pense que l’échange avec les enseignants est très important, on peut recevoir ou donner des informations utiles concernant les élèves.

Sur un plan personnel et familial, vous êtes maman de 2 filles. Diriez-vous que votre rôle de mère a donné une autre dimension à votre fonction d’accompagnante d’élèves en difficultés ?

Oui, absolument, on n’a plus du tout le même regard vis-à-vis de la profession et de l’encadrement des élèves. J’ai développé une compassion beaucoup plus forte, je me mets davantage à la place des parents des élèves. Constamment, je me remets en question sur ma façon d’accompagner les élèves, de répondre à leurs attentes, à celles de leurs parents…
C’est aussi une vraie responsabilité, se dire que les parents nous confient leurs enfants afin qu’ils puissent suivre une scolarité la plus « normale » qui soit. Je me dis que j’ai accompli ma mission quand j’entends des parents me dire que leur enfant est plus en confiance en classe, que ma présence a été bénéfique dans leurs apprentissages.

Comment voyez-vous la suite de votre carrière ? Quel métier aimeriez-vous exercer dans 10 ans ?

Dans un premier temps, j’espère pouvoir obtenir un contrat AESH en CDI afin d’avoir une situation professionnelle plus stable.
J’ai toujours été baigné dans le monde de l’enseignement d’une part grâce à ma famille et à celle de mon mari où nous comptons beaucoup de personnes dans l’enseignement. J’aimerais peut-être essayer de repartir dans des études pour à mon tour enseigner. Mais pour cela j’attends que mes filles grandissent un peu pour avoir le temps de préparer ce projet ambitieux.

Marion Ben Ismael, AESH dans le 70

Le parcours d’Arnaud, autiste Asperger élève de terminale STMG

La maman d’Arnaud, jeune autiste de 17 ans actuellement en terminale STMG, nous raconte son parcours scolaire. Une inclusion qui ne relevait pas de l’évidence mais qui s’est révélée tout à fait réalisable et profitable malgré les nombreuses réticences et obstacles rencontrés…

À chaque rentrée, c’est la même chose : on parle des réformes, des effectifs, et aussi, parfois, de l’inclusion scolaire des élèves porteurs de handicap. Une inclusion qui ne coule pas encore de source, treize ans après la loi handicap, notamment du fait du manque d’accompagnants pour ces enfants et adolescents à besoins particuliers.

Pourtant, l’inclusion, ça peut marcher même si c’est compliqué, même si ça demande des efforts. Ça a marché pour mon fils Arnaud, 17 ans, atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme sans retard intellectuel.

Arnaud vient de faire son entrée en terminale STMG dans le lycée de secteur. Il part avec un bon matelas de 34 points d’avance pour le bac, après les épreuves anticipées de première pour lesquelles il a bénéficié d’un tiers temps et de la présence d’un AESH pour reformulation des consignes. Il n’a jamais redoublé, n’a jamais eu d’heure de colle ou de sanction, n’a jamais eu un seul retard. Et pourtant, tout n’a pas été simple et il a fallu sans cesse qu’il fasse ses preuves, année après année. Et l’école, il a bien failli ne jamais la connaître…

En maternelle, c’était la catastrophe : il ne restait pas en place, se levait pendant la classe pour sortir et restait en marge de ses camarades. Il refusait de suivre la moindre consigne. Ses cahiers restaient désespérément vides. Pour l’entrée en CP, nous avons constitué un dossier MDPH pour obtenir une AVS. Première difficulté pour nous : encaisser le « H » de l’acronyme, ce H qui veut dire handicapé…

C’est pendant les années de maternelle que nous avons débuté une prise en charge en CMPP, qui allait durer plusieurs années et s’avérer catastrophique, à l’image de cette première séance où le psychiatre nous a abruptement annoncé que notre fils serait incapable de suivre une scolarité ordinaire et que sa place était en IME (Institut Médico Educatif).

Nous avons été très chanceux car dès l’entrée en CP, Arnaud a bénéficié de l’aide de deux AVS, qui se relayaient au cours de la semaine, sur 18 heures. L’un comme l’autre étaient pleins de bonne volonté, mais sans formation, ils en étaient réduits à « naviguer à vue ».

Arnaud a aussi été suivi par un enseignant rééducateur dans le cadre du RASED1 pendant quelques séances.

L’AVS a été reconduite d’année en année, ce qui a permis à Arnaud de faire de très gros progrès sur le plan comportemental et scolaire. Le rôle de l’AVS consistait principalement à le rassurer et à reformuler certaines consignes trop abstraites.

La bienveillance des enseignants de l’école a par ailleurs joué un grand rôle dans cette évolution positive : ils ont souvent été désarmés, mais ils ont su trouver les mots et l’approche pédagogique pour lui permettre d’évoluer à son rythme, en tenant compte au maximum de ses particularités. Je leur en serai éternellement reconnaissante.

À l’école, chaque année a été rythmée par les réunions de l’équipe de suivi, une véritable épreuve pour nous : à chaque fois, on nous disait que si, jusqu’à présent, il avait réussi à s’en sortir à force de persévérance et de volonté, il en irait autrement l’année suivante, où de nouvelles compétences, plus compliquées, allaient être mobilisées. L’impression d’être constamment en sursis, alors pourtant qu’il ne déméritait pas.

Au moment de l’entrée au collège, un bilan réalisé dans un hôpital psychiatrique bien connu a conclu à la nécessité d’une prise en charge psychanalytique au long cours et à une orientation en hôpital de jour. Je dois préciser qu’à cette époque, alors qu’Arnaud avait 10 ans, le diagnostic n’était toujours pas posé par le CMPP, pour ne pas, nous disait-on, « figer les choses ».

Nous avons radicalement changé de prise en charge pour nous orienter vers les thérapies cognitivo-comportementales et refusé cette orientation en hôpital de jour. Nous avons opté pour le collège de secteur. Un choix qui s’est révélé payant, puisqu’il y a poursuivi une scolarité normale, en se situant toujours dans la moyenne de sa classe, et sans autre aménagement que la présence d’une AVS, 18 heures par semaine, puis 12 heures. On nous avait dit qu’il serait perdu dans un grand collège : il s’y est pourtant senti comme un poisson dans l’eau, mettant ses facultés de mémorisation au service de ses camarades pour leur indiquer leurs salles de cours et leurs emplois du temps !

Chaque année, j’ai conçu et distribué à l’équipe enseignante un petit fascicule de quatre pages expliquant simplement ce qu’est le syndrome d’Asperger et quelles en sont les manifestations chez Arnaud. Tous les enseignants m’ont dit s’en être beaucoup servi pour trouver comment aborder mon fils.

Tout n’a pas toujours été rose : il y a eu quelques moqueries, quelques incompréhensions, quelques difficultés d’intégration avec ses pairs, davantage d’ailleurs avec les élèves « têtes de classe » qu’avec les camarades moins scolaires. La scolarité en milieu ordinaire a exigé de nous, ses parents, certains sacrifices : nous avons mis en place une « machine de guerre » pour l’aider au maximum dans ses apprentissages. L’investissement a été immense, à coup de week-ends et de vacances sacrifiés pour réviser tout le programme, mais le jeu en valait la chandelle.

Après le collège, Arnaud a poursuivi sa scolarité au lycée de secteur, en seconde générale, malgré les doutes de l’équipe pédagogique – je serais tentée de dire « comme d’habitude » – sur ses capacités à investir les apprentissages au lycée. Comble de l’ironie : il a tellement bien investi ces apprentissages qu’en fin de seconde, quand nous avons opté pour une première technologique (STMG), qui correspond mieux à son profil, nous nous sommes entendu dire que nous manquions d’ambition !

L’ambition, nous en avons pourtant toujours eu pour lui, convaincus qu’il pouvait largement être à la hauteur. Même s’il a fallu parfois batailler pour le faire admettre aux autres. Le fait d’avoir été constamment en sursis et sommé de faire ses preuves lui a donné une motivation et une volonté que beaucoup d’élèves neurotypiques (non autistes) pourraient lui envier.

Tous les Aspies (autistes Asperger) n’en sont peut-être pas capables. Ce n’est que notre expérience, et je ne prétendrai jamais parler au nom de tous les parents, tant l’autisme a des visages divers, et tant les atteintes sont variables d’un individu à un autre. Mais je suis convaincue que la plupart de ces enfants ont les capacités d’évoluer, pour peu qu’on les aide, qu’on leur fasse confiance et surtout, qu’on ne les exclut pas par principe, du seul fait de leur différence.

Les Aspies ont souvent d’immenses ressources, des surcapacités qui peuvent être exploitées, mais cela suppose de s’adapter un peu à eux et d’être attentif à leurs rapports avec les autres. J’ai l’espoir que ce type de témoignage ne sera un jour plus nécessaire, parce que la scolarisation et la réussite de ces enfants seront devenus tellement naturelles qu’il n’y aura même plus besoin d’en témoigner. Ce jour-là, c’est la société tout entière, et pas seulement l’école, qui sera devenue inclusive.

1 Réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté

Crédit image : Pixabay CCO Public Domain

La vie trépidante d’une Enseignante Référente !

J’assume depuis plus de 10 ans les fonctions d’Enseignante Référente pour les Elèves en Situation de Handicap. J’ai vu les missions évoluer, la charge de travail augmenter, les incompréhensions accroître … et je souhaite contribuer à mieux faire connaître cet être étrange qu’on nomme ER.

Décrire une « journée type » … Exercice Refusé … ça n’existe pas !

Enseignant Référent, ER, rime au quotidien avec :

  • Engagement Reconduit chaque jour … au service des élèves en situation de handicap, de leurs parents, de leurs enseignants.
  • Echanges Rencontres, Ecoute Réflexion … avec les équipes pédagogiques, les partenaires, les familles, la direction académique, la MDPH.
  • Enthousiasme Renouvelé … chaque fois qu’une situation se « débloque », qu’un élève voit son parcours scolaire adapté à ses besoins spécifiques, qu’une famille se trouve soulagée, que des collègues se sentent soutenus et que notre société avance en matière de prise en compte du handicap.
  • Emploi du temps Remanié … au hasard des sollicitations, imprévus, urgences qui supposent chamboulement, ajout, report.
  • Energie Ressources … indispensable pour anticiper les attentes, programmer, préparer, mener les réunions d’ESS, répondre aux questions, rédiger les comptes-rendus, rassembler les éléments des professionnels pour transmettre à la MDPH … faire face.
  • Ethique Respectée … dans toutes les actions et interventions.
  • Excellente Routière … se déplace d’école en collège, de collège en lycée, de lycée en établissement spécialisé souvent contrainte à des Ecarts Rocambolesques d’une situation à l’autre : à 9h00 en collège pour un jeune dyslexique, à 11h00 en école maternelle pour un petit autiste, l’après-midi en lycée pour une autre problématique … Evacuer toute Routine.
  • Equilibre du Régime … sandwich dans la voiture entre deux établissements, salade vite faite pendant une synthèse avec les psychologues, fruit devant l’ordinateur et parfois, quand-même, repas complet au self du collège.

L’ER a un bureau ou plutôt une salle de transit. Il n’use pas son fauteuil … pas le temps de s’éterniser. Il y passe, de bonne heure le matin, écoute les messages téléphoniques, lit les mails, établit la liste des choses à faire qui en découlent, prépare la pile de dossiers du jour, commence un compte-rendu, s’aperçoit qu’il est en retard pour sa tournée d’ESS … laisse tout en plan, court, roule … revient, reprend où il en était … mais doit repartir … finit par y revenir, en fin de journée, souvent tard, dépose les dossiers du jour, prépare ceux du lendemain … et prend un peu de boulot pour la maison, histoire de ne pas perdre l’Entrainement et le Rythme.

Quand l’ER peut se poser dans son bureau, c’est le champion de la multitâche ! 2 choses à la fois …. Même pas peur ! … au risque d’Entraver le Résultat.

L’ER partage avec ses collègues une Envie Refoulée : celle de pouvoir travailler sereinement, effectuer une tâche après l’autre, prendre le temps de se rendre plus disponible … sans être Envahi de Remords parce qu’il ne peut pas tout faire.

Si bien que l’ER c’est aussi l’Epuisement Récurrent … physique, moral…. S’arrêter ? … difficile. Toute absence potentielle est synonyme d’Enervement au Retour car pendant qu’il se repose, tout s’accumule !

Malgré tout, l’ER reste un Enseignant Rassuré par la confiance qu’on lui accorde et la reconnaissance qu’on lui montre.

Alors l’ER, en Eternelle Recherche de perspectives meilleures – charge de travail supportable permettant la satisfaction professionnelle du devoir accompli pour chacun des élèves dont il est en charge du suivi de la scolarité et auprès de chacun des collègues concernés – montre son Entêtement Réaffirmé à faire entendre l’urgence de la prise en compte de ses conditions de travail par l’administration.

Je garde mes Espoirs et mes Rêves … même si je semble parfois Enragée et en Révolution.

Sandrine HURPIN, Côtes d’Armor

 

Collègues référents, n’hésitez plus ! Vous aussi témoignez de votre quotidien.
À envoyer à cette adresse, votre témoignage sera publié après acceptation de la rédaction. 

D’AESH à CPE, Caroline témoigne…

Avant de préparer le concours de CPE, vous avez mené des études universitaires en psychologie. Quels sont les grands enseignements que vous en tirez dans votre connaissance du public adolescent ?

Mon intérêt particulier pour la psychologie du développement m’a notamment permis d’appréhender les différents stades que traverse le jeune au cours de sa croissance, m’incitant à penser mon action en regard de l’âge de l’élève, en fonction de ses capacités motrices, cognitives, et de ses compétences sociales. Aussi, les connaissances acquises dans le champs de la psychologie sociale m’ont sensibilisée à l’importance du groupe de pairs dans la construction identitaire du jeune, et m’ont conduite à faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard de son influence sur l’attitude et le comportement de l’adolescent.

Recrutée comme AESH dans un lycée professionnel, vous avez été chargée de l’accompagnement d’un élève présentant des troubles autistiques. Dans quelle mesure cette expérience professionnelle vous a-t-elle davantage sensibilisée à la problématique des élèves à besoins éducatifs particuliers ?

Lorsque j’ai été recrutée en tant qu’AESH, je me figurais que les obstacles rencontrés par les jeunes en situation de handicap se résumaient à des contraintes techniques susceptibles d’être palliées par une aide matérielle et/ou l’intervention d’un adulte. Or, cette première expérience au contact des élèves à besoins éducatifs particuliers m’a permis de prendre conscience de l’isolement social dont peuvent souffrir ces élèves et leurs familles, et par conséquent, de l’importance d’une prise en charge individualisée de leur problématique.

Votre mémoire de stage porte sur le thème de la violence scolaire et sur les représentations que s’en font les élèves. Considérez-vous que, dans votre établissement, la gestion des conflits occupe une place majeur dans l’emploi du temps du CPE ? Pourquoi ?

En tant que CPE en poste dans un établissement classé REP et caractérisé par une grande mixité sociale et culturelle, je suis souvent confrontée aux conflits. Ces conflits sont, selon moi, souvent le reflet de la difficulté pour les jeunes que nous accueillons de cohabiter avec d’autres qui sont très différents d’eux (conflits entre élèves de quartiers différents, d’origines différentes, de cultures différentes…) et traduisent également la difficulté pour certains d’entre eux de trouver leur place au sein de l’École. De plus, l’utilisation massive des réseaux sociaux paraît souvent exacerber l’ampleur de ces conflits, permettant à ces derniers de s’insinuer jusque dans les foyers, et faisant apparaître de nouvelles formes de violence : cyberharcèlement, diffusion de rumeurs…

Pensez-vous que votre attention particulière aux élèves en difficultés pourrait vous amener à diversifier votre carrière à un moment donné ? De quelle façon ? Avec quelles motivations ?

Aujourd’hui, et au regard de l’évolution des missions du CPE, j’ai le sentiment d’avoir un rôle important à jouer dans l’accompagnement des élèves en difficulté. Cela dit, il est vrai que j’aimerais parfois être en capacité d’en faire davantage, notamment en travaillant en collaboration plus étroite avec nos partenaires sociaux et de santé (ASS, éducateurs, psychologues, IME, ITEP…). Pour ces raisons, j’imagine me tourner dans quelques décennies vers un poste me permettant d’acquérir de plus grandes responsabilités à l’égard de l’accompagnement des élèves en grande difficulté

Caroline EVRARD

Accueillir un élève autiste en CP, Xavier témoigne…

Xavier est professeur des écoles depuis 2005. Il a toujours été dans des zones prioritaires et a pu travailler sur tous les niveaux de l’école élémentaire. Actuellement, il a une classe de CP sur Drancy en REP.

Il accueille un enfant dans sa classe dont le diagnostic serait un trouble autistique.  Il a fait ses trois années de maternelle puis est arrivé en classe de CP. La MDPH lui a accordé 18h avec une AESH sur le temps scolaire, les 6h restantes il est en prise en charge extérieure.

1. Comment s’est passée l’arrivée de ton élève en situation de handicap ?

Les élèves le connaissent de la maternelle. Ils étaient dans la même classe pour certains et dans la même école pour d’autres. Il y a une bonne intégration au sein de sa classe. Les autres élèves l’aident, ils sont gentils et bienveillants. Il n’est pas stigmatisé. Il est, cependant, assez solitaire, il ne va pas vers les autres. Dans la cour, il ne participe pas aux jeux collectifs. Cela vient de son trouble, il a des difficultés à entrer en communication avec les autres, à être en relation duelle.

Malgré les inclusions, il n’y a pas de réels échanges entre les élèves. Souvent, on constate dans les cours d’école que les élèves de CLIS ne jouent pas avec les autres.

Il a 2 AESH réparties sur 18h avec lui. Elles l’aident à le canaliser dans les apprentissages. Il n’est ni violent, ni perturbateur. Elles sont deux parce que leur contrat est établi pour un nombre d’heures pour plusieurs élèves. L’une d’elles travaillaient déjà avec lui l’année dernière.

Il sait des choses mais a des difficultés à les utiliser à bon escient. C’est difficile pour lui de réinvestir les apprentissages. Il n’a pas un énorme retard par rapport aux autres élèves pour le moment. Pour moi, le temps sans l’AESH est difficile, c’est un élève qui a besoin de la présence permanente de l’adulte sinon il se disperse, il se lève, se lave les mains plusieurs fois dans le point d’eau de la classe. Quand on lui rappelle les règles de la classe, cela le recentre.

L’année dernière, quand j’ai su que j’étais affecté sur cette école sur une classe de CP, j’ai demandé à assister à la réunion parents/professeurs. Nous ne savions pas encore quelle serait sa classe. Je n’ai eu aucune information sur la situation.

2. As-tu bénéficié d’une aide, d’une formation ou d’information pour l’accueillir ?

Je n’ai bénéficié d’aucune aide et encore moins d’information.

Nous sommes obligés de chercher par nous-même. Quand je dis nous je parle des AESH et moi.

3. Comment cela se passe-t-il en classe ? y-a-t-il un aménagement spécifique ? une prise en charge autre que celle de la classe ? Rôle de l’AVS ?

Les AESH ont eu une formation, cependant, aucune sur l’autisme spécifiquement. Elles sont très compétentes mais par rapport à ce qu’elles devraient apporter à cet élève, elles sont limités faute de formation. Nous n’avons aucune information sur la ou les prises en charge extérieures. Je ne sais pas qui s’occupe de lui en dehors de l’école. De plus, j’ai rarement vu les parents.

Cet élève a une bonne mémoire, il s’en sort sur tout ce qui concerne les apprentissages automatiques, il est rentré dans une lecture globale. MAIS entrer dans la syllabique, la combinatoire ce n’est pas possible pour l’instant. Je n’ai pas les moyens ni les connaissances pour l’aider et je ne dispose d’aucune formation pour m’aider à l’aider. Je suis obligé de faire avec mes propres moyens.

Ni moi, ni les AESH ne sommes formés pour l’accueillir dans de véritables conditions d’inclusion.

4. Quelles seraient tes attentes pour améliorer cette inclusion ?

J’aimerais un minimum de formation. Mes limites sont réelles, je n’ai pas été formé à enseigner aux élèves en situation de handicap « je ne sais pas faire ».

En discutant avec la psychologue scolaire, on s’est rendu compte des limites de l’inclusion. Elle-même a des connaissances limitées dans le domaine de l’autisme.

L’inclusion sociale est relativement bien faite. L’inclusion du handicap « y a rien ». Personne ne m’a jamais contacté pour m’expliquer quoi faire. La psychologue scolaire m’a donné des pistes mais encore une fois rien de vraiment spécifique à l’autisme.

La loi de 2005 est une bonne loi, mais ce qui est mis en œuvre ne suffit pas. Ce qui devrait être mené pour que cette loi soit efficace n’est pas fait. Il n’y a ni les moyens humains ni les moyens financiers. Il est impossible de mettre en place une bonne inclusion sans les moyens. Nous avoir imposé une loi sans nous expliquer comment nous donne l’impression qu’il s’agissait d’une loi pour faire plaisir aux parents, à un électorat.

Je suis incapable de le faire progresser comme il faudrait. L’année prochaine « qu’est qu’on va faire » ? Il va sûrement aller en ULIS. « Comment l’aider si nous ne sommes même pas formés ? ».

Nous sommes dans un secteur géographique où les REP et les REP+ sont en grand nombre. Nous devons faire face à des problèmes économiques, sociaux. Nous avons beaucoup d’élèves en difficulté sans être dans le champ du handicap. J’ai été formé pour ces élèves en difficulté mais pas pour ceux en situation d’handicap.

Je suis dans une classe avec un effectif idéal, je n’imagine même pas les collègues avec des classes à 30 et plus ! « On nous demande de réaliser des miracles ».

Je me demande si les adultes en situation d’handicap sont eux-mêmes bien inclus dans notre société. Est-ce que les moyens mis en place sont à la hauteur de la loi ou est-ce juste pour faire plaisir à un électorat ?

Quand j’étais en formation à l’IUFM c’était en 2004, la loi était en pleine conception. Je n’ai rien eu en relation avec l’ASH ou même l’idée d’accueillir des enfants en situation de handicap. Aujourd’hui, j’ai dix ans d’ancienneté et je n’ai toujours rien. La formation continue ne m’a pas non plus permis de pallier mes carences. Si on veut vraiment que les élèves soient dans une réelle inclusion, il faut former les PE pour qu’ils puissent répondre aux besoins.

 

 

L’école ne peut pas tout ! Lettre à Madame la Ministre…

Madame la Ministre Najat Vallaut-Belcacem,

 

C’est davantage en tant que citoyenne, que de fonctionnaire que je vous écris.

Je me permets de porter à votre connaissance un problème que je considère comme majeur en ce qui concerne l’enseignement en maternelle. Enseignante depuis 1988, je travaille depuis plus de 15 ans sur un secteur en ZEP, qui cette année, est passée en REP+.

J’aime passionnément mon métier que je tente d’exercer avec sérieux, énergie et enthousiasme ; mes  collègues et moi-même menons de multiples projets, nous investissant de façon solidaire, dans le désir d’apporter les enseignements fondamentaux pour le développement de nos élèves qui seront les citoyens de demain.

La misère sociale et culturelle s’est accrue dans notre quartier, générant des difficultés croissantes pour les familles. Certains parents peinent à accomplir leur devoir d’éducateurs ; nous devons pallier ce déficit d’éducation en assurant toujours davantage l’enseignement des règles et des devoirs. Nous faisons face à cette tâche et nous avons le sentiment d’accomplir une noble mission, déterminante dans cette zone où certaines valeurs semblent émoussées, auprès de tous les enfants, y compris les élèves en situation de handicap depuis la loi de 2005.

Je me permets d’attirer votre attention sur un élément qui dégrade fortement nos conditions d’enseignement. Nous devons de plus en plus intégrer des élèves qui présentent des « troubles envahissant du comportement » : ces élèves relèvent davantage d’une pathologie que d’un handicap. Ces situations sont de plus en plus pesantes d’année en année et trop envahissantes pour être gérées au sein de groupes d’enfants non préparés à cette singularité. Ces trois dernières années, notre école a dû accueillir quatre élèves présentant des troubles du comportement extrêmement importants.

Ces enfants en souffrance auraient besoin d’être accueillis dans des structures adaptées et encadrés par des personnels spécialisés et compétents. Ils se comportent souvent de façon agressive, parfois violente ; d’une part cela engendre des situations complexes qui contribuent à créer un climat de classe tendu, lequel génère des problèmes d’attention et de concentration de la part de tous, d’autre part cela suscite des attitudes moins respectueuses entre les élèves ainsi que, par effet modélisant, des comportements agressifs croissants. Cette situation est atypique : on ne peut ainsi prétendre enseigner dans des conditions optimales et sereines.

D’autres handicaps, ne mettant pas en cause le comportement, posent moins de problème et l’intégration de ces élèves est plus aisée. Par contre, il est impossible de répondre à des déficiences de comportement trop importantes surtout quand elles mettent en danger les apprentissages des autres élèves.

L’école maternelle est un lieu d’enseignement qui édifie les bases des apprentissages fondamentaux. Les objectifs sont majeurs et exigeants. Les enfants doivent apprendre à devenir élèves et pouvoir travailler dans un climat de sérénité, de fraternité, de sérieux et de rigueur. Il s’agit de susciter le plaisir d’apprendre. C’est ce que j’essaie de leur insuffler depuis des années.

Alors que ces élèves ont fait l’objet de signalements dès la petite section, la prise en charge réelle par le réseau d’aide ne s’opère qu’en grande section, faute de moyens et de structures adaptées pour les accueillir avant ; ils sont seulement accompagnés (ou pas) par le CMP (une heure, une  ou deux fois par semaine ; c’est variable). L’un d’entre eux, dont le dossier a été validé par la MDPH, bénéficie d’une auxiliaire de vie scolaire pour sa deuxième année de grande section. Cette jeune femme suit une formation spécifique intitulée « Adaptation à l’emploi » qui se déroulera sur dix jours ; je me félicite de ce temps de formation mais regrette qu’elle ne soit pas remplacée.

Pour les autres, les dossiers sont transmis à la MDPH, suite aux réunions des équipes éducatives ; les demandes sont nombreuses et le traitement des dossiers est trop long. La MDPH ne peut apporter des réponses adaptées tant les moyens s’avèrent insuffisants : il n’y a plus de places dans les établissements spécialisés (IME, hôpital de jour) ; à défaut on envisage ensuite un accueil en CLIS. Mais là encore, on souffre d’un manque de places disponibles. Les propositions consistent finalement en un maintien en Grande section ou en un passage au CP avec l’aide d’une AVS : retour à la situation initiale ! Pour certains enfants ces réponses sont totalement inadaptées. La charge est très lourde pour les enseignants et notre cas n’est pas isolé ; de très nombreuses écoles subissent ces contraintes en maternelle et en élémentaire, voire au collège dans notre académie, mais aussi partout en France. De nombreux enseignants doivent mener un véritable combat pour gérer à la fois leur classe et accueillir des enfants souffrant de ces troubles importants.

Je pense également que les parents concernés sont dans une grande détresse. Ils ne sont pas ou peu accompagnés, ne savent pas entreprendre des démarches et/ou encore n’assument pas le handicap de leurs enfants.  Le ressenti de la profession aujourd’hui laisse à penser que la situation est très préoccupante et qu’il est urgent d’entendre les témoignages des enseignants. Il ne s’agit pas de remettre en cause cette loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, mais il faut réfléchir à l’accueil de certains enfants dans des établissements adaptés lorsque le handicap est trop lourd pour être géré dans une classe traditionnelle.

L’école ne peut pas tout !

De nombreux inspecteurs connaissent ces situations alarmantes qui mettent en danger tous les élèves d’une même classe, parfois d’une école, mais sont tout autant démuni. De nombreux collègues sont en détresse et malgré leur courage, n’ont d’autre solution que de prendre un congé maladie ou de changer de poste, tant la tâche est éprouvante. Ces classes sont alors souvent « récupérées » par des jeunes enseignants pour qui la mission se révèle encore plus ardue.

Je suis consciente des moyens qui ont été injectés dans l’Education Nationale et particulièrement dans les zones sensibles. J’espère qu’ils seront profitables dans l’avenir, pour pouvoir simplement enseigner sereinement. Nos élèves ont besoin de rigueur, d’apaisement, de règles sécurisantes pour se construire et apprendre. Je pense qu’il faut surtout renforcer le travail en équipe, localement. Des moyens intéressants ont été accordés et il faut profiter de cette opportunité pour construire ensemble, avec les acteurs de terrain, un projet plus adéquat(e) aux besoins de notre public. Je suis favorable à la réforme mais elle doit prendre appui sur l’avis des professionnels de terrain qui ont la connaissance et les savoirs faire.

Ma principale inquiétude concerne les déficits d’éducation parentaux auxquels nous sommes confrontés quotidiennement ; cela englobe l’attention portée aux enfants, l’échange avec eux, le respect aux adultes et celui des règles de civilités… Je suis convaincue qu’il est urgent de poser le problème de la responsabilité des parents. Il est bien sûr difficile d’assumer cette tâche surtout à notre époque mais il est grave de constater combien certains semblent désinvestis ou désorientés. Les enfants ne peuvent se construire sans règles ni repères, sans conscience du respect d’autrui. Il est temps de travailler ensemble (gouvernement, enseignants, syndicats, parents) pour construire une société plus humaine. Il est temps  de s’opposer à la diffusion d’images et de pensées imposées par les médias, regardés ou écoutés par les enfants, qui véhiculent tant de médiocrité et de violence.

Ma réflexion est abondamment nourrie par le témoignage de nombreux amis et collègues vivant des situations alarmantes dans leurs écoles dues à l’augmentation de problèmes comportementaux chez nos élèves. Des classes de plus petits effectifs seraient nécessaires dans ces situations.

Un dernier point me préoccupe : la formation des futurs enseignants.

Je reconnais que de gros efforts ont été consentis pour remettre en place la formation par la création des ESPE ; mais des insuffisances demeurent surtout quant à l’enseignement en maternelle. Je suis Maîtresse d’Accueil Temporaire depuis quelques années et je constate que les stagiaires, souvent sérieux et investis, sont contraints de « bachoter » le Concours, plutôt que de bénéficier d’une réelle formation dirigée par leurs professeurs (ces derniers endurant également cet état de fait).

Les jeunes subissent une pression extrême de préparations et d’évaluations, qui ne sont pas forcément constructives, en tous cas qui semblent éloignées de la réalité du terrain.

Je vous remercie de considérer mes observations et espère recevoir des réponses à mes inquiétudes. Je ne souhaite pas mettre en lumière particulièrement mon école, mais surtout souhaite que l’on engage une réflexion profonde sur les conditions d’accueil des enfants relevant de troubles du comportement, que l’on réfléchisse à une nouvelle adaptation de la loi sur le handicap de 2005.

Je me tiens à votre disposition pour échanger sur ces sujets si vous le souhaitez. Je vous adresse également ci-joints des dossiers non nominatifs qui permettront de mieux saisir la teneur des difficultés auxquelles nous sommes confrontées.

Je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’expression de ma très haute considération.

 

Marie LEROY
Académie de Rouen

Être enseignant référent, témoignage

Il y a 10 ans, le 11 février 2005 une loi nouvelle naissait. Impulsée par les Associations de parents d’enfants handicapés cette loi imposait à chaque établissement scolaire, l’accueil des élèves handicapés avec leurs besoins spécifiques et les compensations qui en découlaient.

Pour veiller à l’application de cette loi une nouvelle fonction apparaissait au sein de l’éducation nationale : celle d’enseignant référent de la scolarisation.
Qui est cet enseignant référent ? Quelle est sa fonction ? Qu’elles sont ses prérogatives? Ses champs d’action ? Ses moyens d’action ?
Pour ma part je suis un Maître E qui ayant vu son RASED vaciller sous les coupes successives des gouvernements Sarkozy, a désiré mettre son expérience professionnelle et personnelle au service de ce pourquoi la fonction d’ER a été créée.
Il est commun de dire que l’ER est l’interface entre la famille de l’enfant handicapé, la MDPH et l’établissement de scolarisation.
L’ER doit être constamment réactif, connaître chaque dossier sur le « bout des doigts », les spécificités familiales de l’enfant concerné, les différentes formes de handicaps et les besoins qui s’y rattachent, les enseignants des différents établissements de son secteur d’intervention, les programmes des différents niveaux (de la maternelle au BTS pour ma part), la personnalité des chefs d’établissements, les fonctionnements de chaque service de soins , de chaque profession paramédicale, des services sociaux (SSP, ASE, AEMO), les horaires des écoles (nouveaux rythmes…) , les compagnies de taxis… les fonctionnements des différentes MDPH de son académie (fonctionnement départemental et exigences diverses).
Il doit faire montre de diplomatie, d’empathie, d’adaptabilité, de souplesse d’esprit, d’inventivité, de curiosité, d’assurance, mais surtout de modestie.
Tout cela durant plus de 1600 heures annuelles, avec des journées aux horaires élastiques, des ESS durant la pause méridienne, le soir entre 17H et parfois 20H ou 21H, avec des vacances écourtées (il faut attendre les décisions des dernières CDA).
Tout cela pour 72 euros supplémentaires chaque mois, sous forme de prime (qui ne seront donc pas pris en compte pour le calcul de la retraite), sans ISAE, il est clair que l’enseignant référent n’est pas le responsable des élèves dont il instruit le dossier !!!??
Cependant il s’enrichit du partenariat qu’il tisse avec d’autres structures et d’autres services, avec les professionnels des EMS, des services de soins; il s’ouvre au monde et à la tolérance. Il a un regard pluriel et se remet constamment en question.
Enseignant référent, rime sans aucun doute avec inconscient
La fonction, quant à elle, rime assurément avec passion !

 

Témoignage de Dominique Lomberger
Enseignant Référent de la Scolarisation

 

Sigles
AEMO : Action Educative en Milieu Ouvert
ASE : Aide Sociale à l’Enfance
CDA : Commission des Droits et de l’Autonomie
EMS : Etablissements Médico-sociaux
ER : Enseignant Référent
ESS : Equipe de Suivi de Scolarisation
ISAE : Indemnité de Suivi et d’Accompagnement des Elèves
MDPH : Maisons Départementales des Personnes Handicapées
RASED : Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté
SSP : Service Social de Prévention

Crédit photo : mozzoom via photopin cc

Compléments au dossier « La loi handicap a 10 ans »

Quelques chiffres

Élèves en situation de handicap, tous troubles confondus :

1er degré : 141 565 – 2nd degré : 97 595

Dans le 1er degré

Élèves en situation de handicap, en classe ordinaire

  • Préélémentaire : 28 340
  • Élémentaire : 66 442

Élèves en situation de handicap, en Clis

  • Préélémentaire : 7 174
  • Élémentaire : 39 609

Dans le 2nd degré

Élèves en situation de handicap :

  • En Ulis : 29 122
  • En classe ordinaire (y compris Segpa et Érea) : 68 473

source : Men-Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche – édition 2014

 

C’est souvent à la maternelle que se révèle le handicap. Le neuvième volume des « Dossiers de la maternelle » s’adresse aux enseignant(e)s et à toute personne travaillant en maternelle afin de les aider à mieux comprendre les différentes situations et à agir de façon adaptée et pertinente. « Handicap et scolarité. La maternelle, école de tous les enfants » de Betty Bouchoucha

 

Pour en savoir plus sur l’inclusion scolaire, retrouvez notre dossier «Tu inclus, nous incluons » paru dans l’Enseignant n° 173 et consultable ici.

 

Que proposent nos voisins européens en termes d’inclusion ?

La scolarisation des enfants handicapés dans les écoles ordinaires apparaît aujourd’hui comme un modèle de plus de plus répandu dans les pays de l’Union européenne.

Toutefois, on peut classer les pays européens en trois groupes distincts (*) :

  • les pays qui ont privilégié « la voie de la trajectoire unique », « one track approach » : les plus anciens (la Suède, la Norvège, l’Italie), et les nouveaux (l’Espagne, le Portugal et la Grèce) se sont engagés pour l’intégration de tous les élèves à besoins spécifiques dans les établissements d’enseignement ordinaires et ne font appel qu’exceptionnellement aux écoles spécialisées ;
  • les pays qui continuent à pratiquer « deux systèmes éducatifs distincts », « two track approach ». Les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers fréquentent des écoles spécialisées ou des classes spéciales, selon la nature et la gravité de leur(s) handicap(s). C’est le cas en Belgique, en Suisse, aux Pays-Bas et en Allemagne.
  • les pays qui privilégient « une approche multiple de l’intégration », « multi track approach » : la France, l’Angleterre, l’Autriche, la Finlande, le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg et la Pologne appliquent un traitement ouvert et varié, adapté aux enfants concernés selon leur handicap.

(*) classification de l’Agence européenne pour le développement de l’éducation des personnes ayant des besoins particuliers

Crédit photo : JaHoVil via photopin cc

Bémols sur les modifications concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap

Même si le SE-Unsa soutient les objectifs de la loi, il ne se satisfait pas pour autant des conditions actuelles de sa mise en œuvre. Il se doit de rester vigilant face aux propositions ministérielles et précise chacune des modifications.

Le ministère nous propose trois modifications du code de l’éducation concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap. Elles devraient entrer en application à la rentrée prochaine.

Première modification : le terme « AVS » est remplacé par celui d’« AESH ».

L’appellation change mais la précarité de l’emploi persiste. Pour accompagner la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap le SE-Unsa  revendique la pérennisation des missions d’accompagnement. Elles seraient assurées par des personnels bénéficiant d’une formation initiale et continue ou d’une validation d’une expérience professionnelle débouchant sur une véritable profession pour garantir la continuité éducative.

Seconde modification : l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation doit être complétée par un enseignant dès lors que sont traitées des questions d’inclusion scolaire.

ENFIN ! Restent cependant en suspens les modalités de désignation de l’enseignant qui aura à siéger dans cette équipe. Jusqu’alors, une EPD pouvait construire un PPS sans enseignant… Le SE-Unsa revendique la présence au sein de la CDA des organisations syndicales représentées au CDEN.

Troisième modification : elle concerne le parcours scolaire des élèves :

  • Le  maintien en maternelle sera possible pour les enfants en situation de handicap  (PPS obligatoire) qui en auront besoin.

Une mesure parfois nécessaire qui ne sera possible que dans le cadre d’un PPS.

  • Les dispenses d’enseignement seront délivrées sur avis de la MDPH et notifiées par le recteur.

Cette dispense d’enseignement n’exonère pas les élèves des épreuves qui permettent l’obtention d’un diplôme ce qui pourrait les amener à suivre des formations sans possibilité de diplôme à terme. Nous souhaitons que les médecins scolaires soient consultés.

  • Le PPS sera désormais obligatoirement envoyé aux établissements et aux équipes éducatives.

ENFIN ! Jusqu’à ce décret, seuls en étaient destinataires les parents. Il n’avait pas été jugé nécessaire d’en informer les lieux de scolarisation… C’est chose faite. Reste maintenant à faire vivre cette disposition dans les faits.

  • L’uniformisation du Gevasco* et du PPS : Jusqu’ici, ces documents avaient été construits localement. Le ministère devrait engager un vaste travail pour uniformiser les pratiques sur tout le territoire pour en permettre une utilisation nationale.

Le SE-Unsa exige que soient développés des modules dans la formation initiale et continue de tous les personnels afin que les enseignants maitrisent les outils mis à leur disposition.

 

* Guide d’évaluation de la scolarisation

Crédit photo : adamthelibrarian via photopin cc

L’accompagnement en quelques dates

Des auxiliaires d’intégration scolaire aux AESH…

1980 : premiers pas vers l’accompagnement. Des parents se mobilisent pour l’accompagnement de leurs enfants et développent le concept d’auxiliaires d’intégration scolaire (jeunes sous contrat aidés par l’État, emplois associatifs…).

1999 : mise en place du plan Handiscol  par le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de l’Emploi et de la solidarité

2003 : création assistants d’éducation / auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i) et auxiliaires de vie scolaire collectifs (AVS-co) avec un contrat de droit public de 6 ans maximum.
2005 : loi du 11 février

  • Renforcement des actions en faveur de la scolarisation des élèves handicapés.
  • EVS recrutés pour assurer les fonctions d’aide à l’accueil et à l’intégration : contrat de droit privé de deux ans maximum.

2009 : signature de la convention-cadre entre le MEN et des associations pour assurer la continuité de l’accompagnement auprès des élèves en situation de handicap.

2012 :, création des auxiliaires de vie scolaire pour l’aide mutualisée (AVS-M).

2013 : groupe de travail sur la professionnalisation des accompagnants handicap (Rapport Komitès).

2014: création des AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) : contrat de droit public qui permet d’accéder à un CDI au bout de 6 ans d’ancienneté.

 

 

 

Quand l’intérêt de l’enfant se heurte au dysfonctionnement administratif…

« Depuis 2005 et l’obligation de scolarisation, j’ai accueilli des enfants porteurs d’un handicap à de multiples reprises.

Cette année, dans ma classe de MS-GS, 2 enfants de GS sont maintenus. Ils sont accompagnés depuis l’année dernière par une AVS, qui au fil des mois, a réussi à instaurer une relation de confiance propice à leur épanouissement.

Cette année encore, elle a vu son contrat reconduit et intervient dans ma classe pour les 2 mêmes élèves. L’un des 2 bénéficie de 12h (mutualisées avec son camarade) réparties dans la semaine. Jusque là tout allait bien…

Depuis fin septembre, elle doit également accompagner un enfant autiste dans une classe de PS de notre école. Cet enfant bénéficie de 10h hebdomadaires et ne vient à l’école que le matin. Le calcul est donc simple : 12h+10h= 22h. Le contrat de Fatima n’étant que de 20h, mes élèves ont vu leur aide amputée de 2h et leur emploi du temps modifié.

Ma directrice et moi-même avons téléphoné à l’inspection académique, à l’enseignant-référent qui nous ont répondu « qu’ils cherchaient quelqu’un d’autre pour les 2h manquantes, qu’il n’y avait pas assez d’AVS dans le département et que je ne devais pas me plaindre puisque j’avais tout de même une AVS».

J’ai parlé de « l’intérêt de l’enfant, de stabilité, de qualité relationnelle », on m’a répondu « restriction, budget… ».

Nous avons reçu les parents, les incitant à réagir le plus vite possible. Ce qu’ils ont fait. Mais la MDPH les ayant renvoyé vers l’inspection académique, c’est en bataillant ferme qu’ils ont obtenu gain de cause. L’AVS est à nouveau présente dans la classe avec les horaires qui correspondent à la prise en charge de mes élèves. Happy end donc !

Béatrice, professeure d’écoles de classe normale en Haute-Vienne

Intégration réussie d’un élève autiste en 5ème, Michaël témoigne

« K. est un élève qui fréquente l’Ulis. Atteint de troubles autistiques, il a intégré ma classe de 5ème SVT en octobre qui compte une vingtaine d’élèves.

L’accueil de cet élève s’est fait dans de bonnes conditions : des d’élèves compréhensifs et empathiques, un programme concret qui remobilise des notions déjà abordées en primaire. K. est accompagné d’un AESH. Au début de l’inclusion, il était assis à côté de K. qui était demandeur et qui se sentait rassuré. Au fur et à mesure de l’avancement du trimestre, l’assistant a pris ses distances et s’est installé dans le fond de la salle. K. s’est bien adapté au rythme de travail de cette classe de 5ème. Un peu effacé au début, il s’est progressivement intégré au groupe-classe et participe régulièrement à l’oral. Il prend son cours avec soin et fait preuve d’un très bon raisonnement. Cependant, il manque parfois d’attention et met un peu plus de temps à faire le travail demandé.

K. a été évalué selon les mêmes exigences que celles attendues d’un élève de 5ème. Il a obtenu de très bons résultats. Comme il est très sensible aux notes, ces évaluations « réussies » l’ont encouragé à poursuivre ses efforts. Il a pris ses aises, apprécie la matière, pose des questions, me salue et me donne rendez-vous pour le prochain cours, il s’est ouvert aux autres et commence à s’habituer à l’émulation d’une salle de classe. Son inclusion a été bénéfique pour lui et pour les autres élèves qui ont une vision plus large de la diversité des élèves d’un collège. »

Michaël, professeur de SVT dans le Bas-Rhin

Accueil d’un enfant autiste en MS/GS, le témoignage de Sarah

« J’ai appris en fin d’année dernière qu’un élève souffrant de troubles autistiques intégrerait ma classe déjà nombreuse à la rentrée (27 élèves). Cet enfant souffrait particulièrement des changements et des situations collectives trop longues. Un déménagement, un changement d’école et une classe nombreuse et bruyante… tous ces facteurs m’inquiétaient. Ce qui m’a fait peur c’est la totale absence de formation pour l’accueillir ainsi que la réaction de ses camarades devant ses éventuelles crises. Heureusement, j’ai pu rencontrer la collègue qui avait cet enfant et qui m’a beaucoup conseillée. Nous avons eu également la chance que son AESH accepte de suivre l’enfant dans notre école.  Je me suis beaucoup documentée et j’ai essayé de préparer cette arrivée au mieux.

Finalement, après une période d’adaptation, de nombreuses réunions de concertations avec les personnels soignants et les parents, cet enfant s’est parfaitement intégré à la classe et à ses camarades. Sa présence dans la classe est un réel enrichissement pour tous, enfants comme adultes. Ses camarades l’ont accepté et le considèrent comme un camarade ordinaire.

C’est également une victoire personnelle. Grâce à lui, j’ai appris beaucoup et j’ai su adapter ma pédagogie à sa différence. »

Sarah, classe de MS/GS

La loi handicap a 10 ans

 

Cela fait 10 ans que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe que « tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant est inscrit dans l’école ou l’établissement le plus proche de son domicile qui constitue son établissement de référence. ». Où en sommes-nous aujourd’hui ?

L’engagement du SE-Unsa dans ce dossier n’est pas nouveau ! Depuis deux ans d’ailleurs, dans la perspective de cet anniversaire, nous avons organisé de nombreuses réunions dans les départements. Ce sont plusieurs centaines de collègues qui ont pu s’y exprimer : grâce à eux, nous disposons d’une photographie assez précise des besoins et des manques dont nous vous livrons les contours aujourd’hui.

Un peu plus de 240 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire et un peu moins de 100 000 bénéficient d’un accompagnement individuel. C’est une augmentation de plus de 55% depuis 2004. Cependant, les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire sont loin d’être à la hauteur des besoins. Sans l’engagement des enseignants, rien n’aurait été possible. Quel est le ressenti de la profession aujourd’hui ? Que reste-t-il à faire ? Quels sont les principaux obstacles ? Quelles améliorations doivent voir le jour ?

Cet anniversaire, c’est aussi le vôtre, enseignants, personnels d’éducation, d’orientation et d’accompagnement. Avec ce dossier, nous donnons la parole à ceux qui s’engagent au quotidien dans la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Tout au long de cette année-anniversaire, le SE-Unsa conduira d’autres initiatives pour améliorer les conditions de travail des enseignants et de réussite de tous les élèves dans l’école inclusive que nous défendons.

Gilles Laurent, Délégué national ASH

Lien vers le dossier complet sur le blog

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Témoignage de Stéphanie, AESH dans l’académie de DIJON

Depuis combien de temps exerces-tu ce métier ?

Je suis AESH depuis 7 ans, j’entame ma 8ème année. Mais avant cela j’ai été E.V.S à fonction d’AVS pendant 1 année en maternelle. C’est comme cela que j’ai découvert ce métier que j’ai tout de suite adoré. Aider, partager soutenir, écouter, patienter, échanger etc…
J’ai fait tous les niveaux de la maternelle à la 3ème en en passant par l’ULIS et la SEGPA.
J’ai débuté avec un contrat à 50%, puis à 60% pour finir à 70%. L’année dernière j’étais à 80% et cette année je suis repassée à 70% lors de mon CDI.

Ce métier te plait-il ? Pourquoi ?

Tout n’a pas toujours été rose. Certaines années sont plus difficiles que d’autres. Je me souviens d’une année particulièrement douloureuse moralement et physiquement pour moi. Je suivais un élève ayant des troubles du comportement (surtout ne pas dire violences verbales et physiques….) c’était un élève violent avec tout le monde. J’ai tenu quelques mois mais j’ai finalement « supplié » qu’on me change d’établissement. De plus je ne me sentais pas vraiment soutenue par ma hiérarchie… Cette année là, j’ai changé plusieurs fois d’établissements, entre le départ d’un autre élève, un enseignant qui ne voulait pas changer son emploi du temps afin que ma présence serve à quelque chose (je suivais également un autre élève dans un autre établissement), ce fut une année chaotique.

Mais il y a également des superbes années, on est fière que nos élèves se battent et réussissent ! Sans compter les remerciements et le soutien des parents qui nous font chaud au cœur,

Souhaites-tu continuer à faire ce métier ?

Aujourd’hui je suis en CDI et j’espère pouvoir continuer encore un moment.

Mon seul regret est notre salaire. Jusqu’à l’année dernière, nous n’étions pas payées en septembre, un acompte était versé début octobre puis régularisé fin octobre. Lorsque vous n’avez que ce seul salaire pour une famille, cela nous met pas mal dans l’embarras au niveau des banques…. Cette année, j’ai eu mon salaire fin septembre mais sur la fiche de paie, il y a plein d’erreurs. Le combat n’est pas fini !

Témoignage de Lise, AESH dans l’Académie de Lille

Depuis combien de temps exerces-tu ce métier d’accompagnant handicap ?
Je commence ma 8ème année dans un collège.

Comment es-tu arrivée dans ce métier ?
J’ai un BTS Assistante de direction. J’étais secrétaire dans une école maternelle, en contrat CAE. Comme j’avais du temps libre et que le contact avec les enfants était bon, la directrice m’a proposé de m’occuper de la bibliothèque, d’animer un atelier de conscience phonologique. J’encadrais aussi des groupes d’élèves en motricité et lors de jeux à règles. C’est comme ça que l’idée m’est venue de devenir AVS. J’ai postulé, et j’ai eu la chance qu’une AVS démissionne : il fallait la remplacer rapidement. Je me suis retrouvée au collège.

Ce métier te plait-il ? Pourquoi ?
J’aime beaucoup ce métier car auprès des élèves, je me sens utile. J’ai eu l’occasion de travailler avec des dyslexiques, dyspraxiques, dyscalculiques… avec des élèves ayant un syndrome autistique ou des troubles de l’attention… Chacun m’a appris quelque chose. J’essaie toujours de me documenter sur les « DYS », pour mieux comprendre et aider. J’ai eu l’occasion de faire un stage « Apprendre à apprendre », des formations internes dyslexie et dyspraxie. Il y a toujours des choses intéressantes à apprendre auprès des ergothérapeutes, éducateurs spécialisés. C’est un métier très enrichissant !

Te sens-tu intégrée à l’équipe éducative ?
J’ai eu l’occasion de m’occuper de « l’accompagnement anglais » pour des élèves de 5ème et 3ème (j’adore), je suis allée deux fois en séjour en Espagne (5 jours), une fois en Angleterre (5 jours), et participé à de nombreuses sorties scolaires d’une journée (Allemagne, Paris, Angleterre…). Je fais aussi partie depuis trois ans de la comédie musicale du collège. Je pense être intégrée à l’équipe éducative et jamais on ne m’a fait ressentir que j’étais « inférieure » aux profs, bien au contraire. On me demande mon avis, c’est valorisant.

Souhaites-tu continuer à exercer ce métier ?
Je veux continuer, bien sûr ! Il faut dire que je voulais être professeur d’anglais, mais à cause d’une erreur de jeunesse je n’ai pas continué mes études. Là, je suis dans mon élément, dans le domaine de l’éducation. Je savais, quand j’ai commencé, que je ne pourrais pas faire plus de six ans, mais je n’ai pas voulu quitter cet emploi, malgré la précarité… Je voulais faire, au moins six ans dans ma vie, un travail que j’aime vraiment. Aller jusqu’au bout. À la fin de mes 6 ans, on m’a proposé de continuer un an, puis de signer un CDI. Je suis très contente de l’avoir ce CDI, même  si j’aurais préféré être titularisée et même si les conditions ne sont pas idéales. J’espère que les choses vont évoluer, que le travail des AESH sera mieux reconnu.

Pour toi, quel est le combat principal que le SE-Unsa doit mener pour défendre les AESH ?
Le salaire ! Il n’est pas normal de devoir autant se serrer la ceinture ! Notre rôle est important, mais pas reconnu. Je fais 30h45/semaine, mais je suis payée 27h/semaine au SMIC. Je vis seule avec mes deux enfants. Jamais de vacances, pas de ciné, pas de resto… ou très rarement. Quand ma voiture, qui est loin d’être neuve tombe en panne, j’ai du mal à payer les réparations. Quand elle sera fichue, je ne pourrai pas en racheter une. Pourtant, je travaille, c’est injuste. Et il y a pire… j’ai encore la chance de ne pas faire encore moins d’heures, comme beaucoup. Pour vivre décemment, il faudrait être mieux payé. Je n’ose pas imaginer la retraite…

Lise, AESH dans l’académie de Lille