De CPE à musicien, témoignage

1) Qu’est ce qui est fondamentalement à l’origine de votre bifurcation professionnelle ? Quels sont les arguments qui vous ont fait basculer vers une autre situation professionnelle ?

L’origine fondamentale de ma bifurcation professionnelle est la redondance du métier ainsi que ses limites. En effet, après avoir exercé 10 ans en tant que CPE, j’ai eu l’impression d’avoir fait le tour du métier. C’est en partie dû au fait que j’ai exercé 7 années en tant que TZR et que j’ai pu exercer dans tous les types d’établissement. Le fait d’être en poste fixe m’a donné l’impression de stagner, de m’engluer dans une situation et un métier sans renouveau. Malgré les changements de personnels au sein de mon établissement, la monotonie est réapparue rapidement. Pour moi, les politiques ont dénaturé le système éducatif en superposant leurs réformes à tour de rôle, ce qui engendre un état de stagnation au sein de l’école. On met en place pour démenteler ensuite ce qui a été fait, on innove puis on recule, bref, on ne cesse de jouer avec le système sans réellement traiter les problèmes de fond. J’ai donc compris que malgré ma volonté et mes missions de CPE, rien ne changerait fondamentalement dans l’école.

C’est donc naturellement que j’ai décidé de changer de voie professionnelle pour d’une part me renouveler après 10 années dans l’éducation nationale mais aussi pour suivre une passion qui existe depuis toujours : la musique. Je me suis alors intéressé au congé formation car il faut bien le dire peu d’explications nous sont faites sur la bifurcation professionnelle.

 
2) Quelles sont les compétences que vous avez transférez de votre fonction de départ vers votre fonction d’arrivée ?

La rigueur, l’organisation, la communication, la capacité d’adaptation, le sens des responsabilités.

 

3) Dans la fonction que vous occupez aujourd’hui, quels sont vos principaux motifs de satisfaction, d’épanouissement ?

Le nouveau métier que je prépare (musicien professionnel), je suis satisfait de mes journées, de mon travail, des perspectives d’avenir. C’est un épanouissement quotidien et en perpétuelle évolution. Rien ne ressemble à ce que j’ai déjà fait, tout est créatif et donc en opposition à une quelconque monotonie.

 

4) Changer de métier lorsqu’on est CPE et que l’on n’envisage pas la carrière de chef d’établissement relève t-il d’un parcours du combattant ? Si oui, comment pourrait-on, selon vous, améliorer les choses ?

Il a été très difficile pour moi d’obtenir mon congé formation. Il a fallu que je ne cesse de communiquer avec ma hiérachie pour les persuader du bien fondé de mon choix. J’ai eu l’appui indispensable du syndicat sans qui peut-être je n’aurai pu suivre ma formation. Il est inconcevable aujourd’hui qu’un fonctionnaire de l’éducation nationale ne puisse facilement se réorienter professionnellement et il est d’autant plus inconcevable que l’administration ne mette pas tous les moyens nécessaires à la réalisation du projet. Lorsqu’un fonctionnaire souhaite changer de métier, il ne doit pas se retrouver face à des impasses et se résigner à continuer son métier faute de solutions. Les conséquences peuvent être terribles (dépression, maladie, fautes professionnelles…). L’administration doit prendre en compte le fait qu’une personne épanouie au final lui coûtera certainement moins cher qu’une personne en mal être. Pour moi, chaque demande de réorientation devrait pouvoir aboutir avec les moyens financiers qui le permettent. C’est dans ce sens que l’éducation nationale au final bénéficiera d’une reconnaissance de la qualité de ses employés.

Grégory VAJS
CPE dans l’académie de BESANÇON

 

De CPE à enseignante en classe-relais, témoignage

Hier CPE, aujourd’hui enseignante en classe-relais, Karine s’est donné les moyens de la mobilité professionnelle. D’une fonction à l’autre, une préoccupation commune : les élèves en difficultés

1) Qu’est ce qui est fondamentalement à l’origine de votre bifurcation professionnelle ? Quels sont les arguments qui vous ont fait basculer vers une autre situation professionnelle ?

Lorsque l’on pratique un métier, il arrive que l’on s’interroge sur ses pratiques, ce que l’on peut améliorer, ce qui nous manque. Puis la vie vous rattrape avec ses réalités, pour ce qui me concerne la maladie de mes proches et là plus de questionnement. La vie est courte et personne ne peut changer et choisir les choses à part soi. Je me sentais souvent à l’étroit dans mon statut de CPE donc  j’ai souhaité me tourner vers mes premières amours l’enseignement des lettres. Je suis retournée à la FAC pour me remettre à niveau et préparer le CAPES de lettres modernes : admissible mais pas admise. Le hasard faisant bien les choses le poste de coordinatrice/enseignante se libérait dans le Haut Jura, j’ai postulé sur ce poste à profil qui allie enseignement, éducation, travail en partenariat, dans et hors éducation nationale : l’idéal. Le DASEN du Jura m’a laissé ma chance et j’entame ma 5°rentrée avec autant de plaisir. La notion de plaisir est pour moi essentielle, même si le quotidien est parfois rude.

2) Quelles sont les compétences que vous avez transférez de votre fonction de départ vers votre fonction d’arrivée ?

Je dirais que la principale compétence c’est la connaissance de ce qu’est un jeune pour avoir travaillé en collège, lycée et LP.

Celle de travail en équipe pluridisciplinaire. En tant que CPE j’avais déjà cette approche, mais mon réseau est désormais considérablement agrandi, le regard de ces autres professionnels est très enrichissant et me font reconsidérer parfois avis sur certaines situations.

La relation aux jeunes et à leur famille car sans leur adhésion rien ne peut se faire.

Des formations sur la gestion des conflits, les techniques d’écoute, la crise suicidaire etc.

3) Dans la fonction que vous occupez aujourd’hui, quels sont vos principaux de motifs de satisfaction, d’épanouissement ?

Mes motifs de satisfaction sont variés. Réconcilier les jeunes  et leur famille avec l’école pour des élèves décrocheurs ce qui est le cas de mon public c’est déjà une satisfaction, même s’il n’y a pas d’effet baguette magique.

Il faut du temps pour décrocher donc il faut aussi du temps pour raccrocher. De ce fait, le retour en classe, s’il n’est pas bien travaillé durant le passage en classe relais peut sembler caduque : rien n’aurait changé.

Dans la mesure où nous suivons nos élèves à N+1 et N+2, je vois que le travail porte ses fruits, mais pour cela il faut un temps de décantation qui n’est pas forcément en adéquation avec celui de l’école.

La classe est peu à peu devenue un lieu ressource pour nos élèves ; ils nous tiennent au courant, tout comme leurs parents, de la suite de leur parcours et ils s’en sortent.

Ceci est le résultat d’un travail collectif autour du jeune et pour le jeune.

Je me dis alors que je suis à ma place comme un petit maillon de la chaîne, que je ne me suis pas trompée, même si beaucoup de choses restent à faire ou à améliorer.

4) Changer de métier lorsqu’on est CPE et que l’on n’envisage pas la carrière de chef d’établissement relève-t-il d’un parcours du combattant ? Si oui, comment pourrait-on, selon vous,  améliorer les choses ?

C’est la question piège car que peut bien savoir faire un CPE ? Je plaisante car pour passer le concours nous avons tous fait des études universitaires, il me semble.  Nous avons l’équivalent d’un CAPES sans avoir la possibilité d’accéder à équivalence de l’agrégation.

En ce qui me concerne pour avoir fait fonction de proviseur adjoint, je sais que ce n’était absolument pas ma voie.

J’ai de la chance d’exercer des fonctions mixtes sur le dispositif relais, je fais de l’enseignement comme un PE le ferait, mais sur le niveau collège. Dans le cadre de la classe et pour être plus performante sur le plan des aides à apporter à certains élèves, je souhaiterais passer le 2CASH et bien : impossible, car je n’ai pas le statut d’enseignante, un comble ! Pour cela je devrais repasser le un CAPES , passer au mouvement et de ce fait perdre mon poste. Il me semble que plus de souplesse serait nécessaire. Des VAE devraient être rendues possibles, sinon parler de mobilité me semble problématique voire un vœu pieux. Notre système est beaucoup trop cloisonné. On nous parle de livret de compétences pour les élèves qu’en est-il pour les personnels de l’EN ?

 

 

Karine CHAVANNES-MARTIN
Enseignante en classe-relais
Cité scolaire du Pré St Sauveur – ST CLAUDE (39)
Académie de BESANCON

De CPE à délégué MGEN, témoignage

Passer de la fonction de personnel d’éducation à celle de délégué MGEN. C’est la voie professionnelle que François a décidé de suivre et qu’il assume pleinement. Un autre métier donc mais qui n’est pas sans rappeler ses premières amours… 

1) Qu’est ce qui est fondamentalement à l’origine de votre bifurcation professionnelle ? Quels sont les arguments qui vous ont fait basculer vers une autre situation professionnelle ?

Paradoxalement, ce n’est pas en soi une volonté de quitter mon métier de CPE qui est à l’origine du changement. J’étais dans une situation où je voyais chaque année s’éloigner les perspectives de mutation, et donc de rapprochement de mon domicile familial. J’étais prêt à saisir les opportunités qui me permettraient de me rapprocher de ma femme et de mes enfants.

Arrivé tardivement dans l’Education Nationale, j’avais déjà un parcours professionnel assez varié. Changer à nouveau, évoluer, ne me faisait pas peur. Motivé et investi dans mon métier, je n’étais cependant pas prêt à partir dans n’importe quelle direction. Je n’étais pas séduit par la fonction de chef d’établissement.

J’avais aussi dans un coin de la tête l’idée que je ne resterais pas CPE jusqu’à la fin de ma vie professionnelle, au regard de l’énergie nécessaire à l’exercice de cette fonction telle que je la vivais. Je commençais aussi à trouver de plus en plus difficile le fait que dans les établissements, j’avais plus souvent le sentiment de subir les difficultés que d’agir collectivement pour les résoudre.

J’avais conscience que la diversité de mon parcours était un facteur plutôt favorable à une évolution future. Et l’opportunité d’un détachement s’est présenté par hasard, juste après que ma demande de mutation ait été refusée. La MGEN cherchait un délégué et le poste était dans ma ville.  Mais c’est véritablement le projet professionnel qui m’a séduit,  parce que mon engagement à la MGEN m’a aussi demandé une plus grande souplesse dans mes disponibilités.

Ce poste m’offre une belle synthèse entre différentes motivations professionnelles qui me sont chères. C’est simplement arrivé plus tôt que prévu et je me suis dit que l’occasion ne se représenterait peut-être plus.

2) Quelles sont les compétences que vous avez transférez de votre fonction de départ vers votre fonction d’arrivée ?

Ayant eu une vie professionnelle déjà variée avant de devenir CPE, j’ai mis à profit des compétences que j’avais développé tout au long de mon parcours. J’ai travaillé 10 ans dans des structures culturelles et socio-culturelles comme organisateur, animateur, médiateur, chargé de relation avec les publics… Cette expérience avait déjà pas mal imprimé mon profil de CPE mais ce que le métier de CPE m’a apporté c’est principalement un sens des responsabilités et des compétences en gestion du personnel. Ma connaissance, même partielle,  de la culture professionnelle « éducation nationale » m’a aussi été précieuse. 

3) Dans la fonction que vous occupez aujourd’hui, quels sont vos principaux de motifs de satisfaction, d’épanouissement ?

Avoir l’opportunité et les moyens de mener de projets du début à la fin.

C’est la possibilité de travailler avec une équipe plus réduite, dans un environnement professionnel plus maitrisé.

C’est de pouvoir intégrer dans mon quotidien professionnel des aspects très opérationnels et aussi très politiques et militants.

4)  Changer de métier lorsqu’on est CPE et que l’on n’envisage pas la carrière de chef d’établissement relève-t-il d’un parcours du combattant ? Si oui, comment pourrait-on, selon vous, améliorer les choses ?

Dans mon cas, comme je l’ai déjà dit, il s’agit d’une opportunité que je n’ai pas provoquée. La MGEN cherchait une personne en détachement, au moment même où je cherchais à bouger.

Cependant, je suis convaincu qu’en termes de compétences, le métier de CPE doit permettre l’ouverture à d’autres horizons que la direction d’EPLE. Ces compétences sont multiples et touchent à la formation, la gestion des ressources humaines, la communication, le travail en équipe ou encore la gestion de projet. Encore faut-il que ses compétences soient mieux définies et  reconnues. Cela relève des enjeux de la formation initiale et continue, mais aussi de ceux de l’évaluation.

 

François RABBE (CPE)
Délégué départemental MGEN 25
Académie de BESANCON