Le CPE et l’animation socio-éducative

Définie par la circulaire du 10/08/2015 comme l’une des responsabilités du CPE, l’animation socio-éducative au sein des établissements scolaires reste encore aujourd’hui reléguée au second plan. Pourquoi pouvons-nous faire ce constat ? Pourquoi est-il nécessaire que le CPE impulse des actions en matière d’animation socio-éducative dans les collèges et les lycées ?

Qu’est-ce que l’animation socio-éducative ?

Nous pouvons définir l’animation socio-éducative comme des temps de loisirs, des moments de vie collective qui permettent aux élèves d’échanger et de se socialiser. Elle encourage ces derniers à s’inscrire dans des projets favorisant l’autonomie et la prise d’initiatives […]

Quel est le rôle du CPE dans la mise en place d’animations socio-éducatives au sein des établissements scolaires ?

Si l’organisation des temps de loisirs doit mobiliser toute la communauté éducative, le conseiller principal d’éducation (CPE) reste un pilier indispensable dans cette action.
En effet, l’animation socio-éducative est une des responsabilités du CPE. Celle-ci doit le conduire à envisager des actions pour un « vivre ensemble démocratique » au sein de la vie scolaire. Pour cela, il doit tout mettre en œuvre afin d’entretenir des relations et des contacts directs avec les élèves sur le plan collectif et sur le plan individuel […]

Quels sont les effets bénéfiques de l’animation socio-éducative ?

Ils sont divers. Tout d’abord, l’animation socio-éducative favorise un climat scolaire plus serein et propice au travail car les élèves sont associés à la vie de l’établissement par l’intermédiaire, par exemple, de la prise en charge du foyer socio-éducatif ou de la maison des lycéens.
De plus, les actions éducatives renforcent la socialisation des individus en permettant de créer des contacts privilégiés entre élèves et personnels de la communauté éducative.
Par ailleurs, le système de représentation des élèves au sein des établissements initie les jeunes à la vie civique et démocratique, au sens des responsabilités et de la coopération.
Sur un plan pédagogique, les temps consacrés à l’animation éducative viennent en prolongement de la mission des professeurs et permettent de donner du sens aux enseignements.
Enfin, l’investissement des jeunes dans les actions éducatives permet un apprentissage différent de celui dans lequel ils sont parfois en échec et une valorisation des savoir-faire autres que purement disciplinaires […]

Pour terminer, quels peuvent être les obstacles à la mise en place d’animations socio-éducatives au collège et au lycée ?

Le premier obstacle concerne le manque de légitimité de l’animation socio-éducative au sein du système scolaire.
Celle-ci reste peu valorisée et entre en concurrence avec les temps d’enseignement.
Le second obstacle émane de l’investissement des acteurs de l’École, élèves comme adultes.
Pour terminer, le dernier obstacle fait référence au cadre spatial et temporel. L’absence d’espace et de salle, la journée continue et le fait de dépendre des transports scolaires pour certains élèves se révèlent être des freins à la mise en place d’actions éducatives […]

Pour aller plus loin, vous trouverez ici l’article détaillé. Bonne lecture !

Yoan DUFRENNE
Conseiller Principal d’Education
au collège Monsigny de Fauquembergues

CPE et propriétaire d’une galerie d’art, Lisa nous raconte…

Parlez-nous de ce projet original qui a consisté à ouvrir une galerie d’art dans une commune de Haute-Saône : comment est-il né ? Depuis combien de temps ? Comment le nom de votre galerie a-t-il été trouvé ?

Je suis passionnée par l’art et en particulier par la photographie. J’ai pratiqué cette activité et fait fonctionner des ateliers de pratiques artistiques avec des élèves afin de les amener à réfléchir sur l’art en visitant des expositions et des musées.

J’ai acheté une maison, un ancien relais de poste. Il y avait une ancienne pharmacie que j’ai transformé en galerie ART CADUCÉE en 2014. Le nom vient du caducée qui est inclu dans le carrelage de la devanture. Pour moi, l’art est un remède et l’idée d’utiliser la symbolique d’Hermès vers la concorde me plait.

Quelles sont vos motivations principales pour vous investir dans un tel projet ?

L’art en milieu rural est un challenge : il faut le proposer dans nos villages car les habitants ne se déplacent pas toujours vers les lieux de culture urbains par manque d’habitude ou par réserve. Je tenais à participer à cet accès à la culture pour tous dans le monde rural.

Comment choisissez-vous les œuvres d’art que vous exposez ? Suivez-vous une thématique particulière, des critères définis ou fonctionnez-vous plutôt « au fil des rencontres d’artistes  » ?

Les artistes qui souhaitent exposer proposent leurs créations, expliquent leur travail et leur passion. C’est une rencontre artistique, qui prend ou pas, et ainsi une aventure qui commence, un partenariat, un défi. Nous sommes partenaires avec l’artiste et décidons du projet à mener, pour une période donnée, ensemble. La convention-bail pour le dépôt des œuvres est peu chère pour une période de 6 semaines et l’esprit de la galerie est plus solidaire que lucratif. Ma démarche s’inscrit dans une volonté de démocratisation culturelle.

Votre projet s’inscrit-il dans un dispositif culturel en lien avec d’autres partenaires ou associations ou bien s’agit-il davantage d’une initiative individuelle ?

Mon initiative individuelle est soutenue par la commune, l’office de tourisme et la presse locale. Je m’associe à d’autres espaces culturels locaux ou extérieurs. Internet est également un moyen très performant pour développer mon activité.

Comment articulez-vous votre passion et votre vie de CPE ? Est-ce 2 domaines bien distincts ou faites-vous des ponts entre les deux ? lesquels ?

Je m’occupe de ma galerie sur mes temps libres et suis CPE dans ma vie professionnelle, les deux sont indissociables car ils sont en moi. « L’art-chéologie », mon jeu de mots, signifie que c’est ma formation et la photographie qui m’ont amenée à appréhender l’homme à travers ses témoignages. Parallèlement, mon métier de CPE me fait entrevoir dans la jeunesse une promesse d’avenir et la possibilité de partager mon regard sur l’environnement.

Éveiller, avec l’Art, la curiosité pour susciter l’intérêt est mon cheminement éducatif et culturel. Notre métier y participe, notamment dans les projets d’établissements et l’animation socio-culturelle.

Qu’est-ce que l’art vous apporte et peut apporter dans un métier relationnel comme le vôtre ? Diriez-vous que l’approche artistique vous a ouvert à d’autres dimensions dans la relation à vos élèves ? aux autres adultes de l’établissement ?

L’art apporte un dépaysement, un autre regard, une capacité d’analyse et de tolérance. La relation aux autres est fatalement développée par des confrontations. L’art permet de regarder le monde au-delà des apparences et des idées reçues, de s’ouvrir à l’autre et d’accepter les différences.

Lisa Boussakhane,
CPE dans un Lycée Professionnel Hôtelier de Haute-Saône

Transformer des collégiens « décrocheurs » en « raccrocheurs » c’est le défi relevé par Alexandra

Alexandra Piton-Ducher, CPE dans l’académie de Rouen est en charge des élèves décrocheurs dans son collège, elle témoigne…

On estime à environ 10% le nombre d’élèves en situation de décrochage scolaire avéré dans notre pays. Quelle est votre définition de l’élève décrocheur ? Quelles sont les causes majeures qui sont à l’origine du décrochage ?

L’élève décrocheur est un élève en rupture avec le système scolaire et qui n’y trouve plus sa place ; cela peut se traduire par de l’absentéisme, de multiples exclusions de cours, allant jusqu’à un ou plusieurs conseils de disciplines. Il y a aussi l’élève décrocheur passif, présent physiquement en classe mais absent des apprentissages.

Quant aux causes du décrochage, elles sont multiples ; elles peuvent être liées au jeune lui-même, au contexte familial et social, à la précarité, aux difficultés scolaires accumulées. Le décrochage est un phénomène complexe qui appelle une diversité de réponses.

Considérez-vous que ce soit à l’élève de s’adapter à l’École ou bien à l’institution scolaire de s’adapter aux besoins des jeunes en difficultés ?

S’agissant des jeunes en situation de décrochage, il me paraît primordial de construire avec chaque jeune un parcours, un projet personnalisé. L’institution ne peut plus apporter la même réponse à tous les élèves. Des aménagements sont indispensables et des partenariats sont à développer.

Quels sont les leviers mis en œuvre dans votre établissement pour prévenir et remédier aux situations de décrochage ? Comment transformer un décrocheur en « raccrocheur » ?

Nous avons renforcé le maillage pour repérer les premiers signes de décrochage (absentéisme perlé, nombreux passages à l’infirmerie, exclusions de cours, passivité en classe) ; les enseignants et les assistants d’éducation sont bien sûr associés à tout ce repérage.
De plus, la commission de suivi des élèves réunit chaque semaine la CPE, l’APS (assistant prévention sécurité), l’infirmière scolaire, l’assistante sociale, la psychologue de l’éducation nationale, le directeur de SEGPA, les chefs d’établissement et un éducateur de prévention. Elle permet de croiser les informations et d’améliorer la réactivité des différents professionnels.
Nous avons ainsi pu proposer, l’année dernière, aux familles de certains élèves de 6ème et de 5ème un dispositif expérimental pour leur permettre de reprendre de l’assurance, de travailler sur l’estime de soi.

Pour remédier aux situations de décrochage, il ne suffit pas de signaler aux autorités académiques les élèves absentéistes. Le travail entrepris avec le jeune, sa famille, les éducateurs est essentiel pour restaurer la confiance et l’envie de revenir au collège. Les parents eux-mêmes peuvent avoir eu un passé difficile avec l’école. Aussi, il importe de bien les accueillir, de prendre le temps de travailler ensemble le projet du jeune. Nous devons tous travailler dans le même sens ; cela peut prendre du temps, beaucoup d’énergie, mais cela en vaut la peine. Lorsqu’un élève décrocheur nous fait confiance, reprend confiance en lui, réussit à se remotiver, à revenir dans les apprentissages, à préparer un diplôme et à investir un projet d’orientation, cela constitue une vraie réussite non seulement pour le jeune et sa famille mais aussi pour l’institution.

Avez-vous été confrontée à des obstacles ? Lesquels ? Comment les avez-vous dépassés ?

Le jeune lui-même, son contexte familial peut être un obstacle.
Pour un élève décrocheur, il est très difficile de respecter un emploi du temps, de se lever le matin, d’être confronté à ses difficultés scolaires. Les éducateurs sont des alliés essentiels pour accompagner le jeune dans ce processus ; ils peuvent se rendre au domicile et le ramener au collège par exemple.

S’agissant de la remédiation scolaire, nous avons eu la chance de recruter une assistant pédagogique, qui a travaillé au SISP (service d’insertion socio professionnelle) ; elle a un contact facile avec les jeunes, et ce, toujours dans la bienveillance. Elle les réconcilie avec les apprentissages, le français notamment et leur permet de préparer le CFG (certificat de formation générale).

Rien n’est jamais gagné d’avance, l’important n’est pas l’objectif mais davantage le chemin parcouru pour y arriver.

Le Ministère a mis en place en 2010 un système d’informations partagées entre les acteurs de la formation initiale et de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en situation de décrochage. Qu’en pensez-vous ? Comment pourrait-on l’améliorer ?

Les outils mis à disposition pour faciliter les échanges d’informations concernant les élèves décrocheurs voire décrochés me paraissent essentiels pour améliorer la réactivité et optimiser l’accompagnement de ces jeunes.

Malheureusement dans notre BEF (bassin éducation formation), les référents FOQUALE (Réseaux Formation Qualification Emploi) de collège (majoritairement des CPE) ne sont plus réunis. Ils n’ont plus accès à la liste des élèves décrochés et n’ont donc plus à la renseigner. L’accent est désormais mis sur les référents FOQUALE de lycée. Je trouve cela regrettable de se priver des informations en provenance des collèges, surtout lorsque que l’on connaît tout le travail effectué par les équipes dans le cadre de la liaison école/collège.

En quoi l’identité professionnelle du CPE le rend légitime pour occuper la fonction de « référent décrochage » ?

Véritable interface au sein des établissements scolaires, le CPE apparaît plus que légitime pour assurer la mission particulière de référent décrochage. Il est effectivement le plus à même de coordonner l’action des différents professionnels, dispositifs, partenaires qui contribuent à cette mission. Cela a cependant un effet pervers : le manque de reconnaissance de cette mission particulière lorsqu’elle est assurée par un CPE. L’IMP correspondante est très régulièrement source de négociations dans les établissements scolaires, la dite indemnité servant de variable d’ajustement à la répartition.

Lutter contre le harcèlement, un CPE s’empare de la question et témoigne…

Bertrand Gardette, CPE au lycée La Fayette de Clermont-Ferrand, s’est attelé à la lutte contre le harcèlement scolaire, jusqu’à créer une association, écrire des ouvrages et mener des formations sur le sujet. Il nous raconte pourquoi et comment…

Quelles sont les principales caractéristiques du harcèlement en milieu scolaire ?

Le harcèlement, ce sont ces mille et une façons qu’utilise un élève pour tourmenter un camarade en ayant l’illusion que cette attitude peut lui apporter un bénéfice de notoriété au niveau de la classe (ou de tout autre groupe). Les caractéristiques fondamentales du harcèlement sont la répétition, sur la durée, de micro-agressions physiques ou psychologiques, l’incapacité de la victime à se défendre dans ce contexte précis et pour l’agresseur de mettre un terme, de lui-même, à cet engrenage. La particularité du harcèlement scolaire est d’être structurée en une relation triangulaire victime-agresseur(s)-pairs dans laquelle chacune des composantes joue un rôle dans la dynamique d’ensemble, mais également, porte potentiellement en elle la solution au problème.

 

Les études montrent qu’un collégien sur 10 est victime de harcèlement. Comment expliquer le développement de ce phénomène durant ces dernières années ? Quels liens faites-vous avec la notion de climat scolaire ?

En ce qui concerne le harcèlement « conventionnel » qui n’inclut pas le cyberharcèlement, 10% d’élèves victimes de harcèlement au cours de leur scolarité est plus un seuil-repère qu’une proportion objective. Les taux mesurés dans les différents pays gravitent autour de ce seuil. Cette proportion symbolique, mais consensuelle, permet de dresser un constat sur l’ampleur du phénomène. En France, Jean-Pierre Bellon et moi-même avions avancé dès 2007 le chiffre de 8.4% d’élèves victimes de harcèlement. En 2014, cette proportion, calculée selon les mêmes méthodes, est passée à 7.3%. Les raisons de cette baisse sont à chercher dans la prise de conscience et le travail de prévention des acteurs de terrain du système éducatif, dans l’instauration progressive d’une politique ministérielle spécifique et dans les interférences, ponctuelles mais retentissantes, du traitement médiatique. La bonne nouvelle est que la baisse du taux de harcèlement conventionnel est effective. La mauvaise est que nous sommes probablement entrés dans l’ère du cyberharcèlement dont certaines formes sont particulièrement ravageuses. Charge à nous d’inventer les réponses éducatives appropriées.

Harcèlement et climat solaire sont des notions interdépendantes, la prévention du premier étant une condition d’amélioration du second. Mais d’autres composantes du climat scolaire influent directement sur l’efficacité des actions de prévention. La cohérence de la justice scolaire, la qualité de vie à l’école, mais, avant toute autre chose, la capacité des professionnels à travailler en équipe sont des facteurs qui induisent une baisse significative du taux de harcèlement. S’il est illusoire de penser pouvoir éradiquer cette forme de violence parce qu’elle est un dysfonctionnement malheureusement indissociable de l’apprentissage de la relation de sociabilité, il est tout à fait envisageable d’en ramener le taux à 4%-5% ce qui permettrait de détecter et de traiter rapidement –donc efficacement- les cas restants.

 

La lutte contre le harcèlement a été inscrite dans la loi de Refondation de l’École de 2013. Quel regard portez-vous sur les mesures ministérielles qui en ont découlé ? Diriez-vous que la prise de conscience de la communauté éducative pour endiguer cette forme de maltraitance est en bonne voie ?

Même si elle ne tient pas lieu d’engagement inaltérable, l’inscription de la lutte contre le harcèlement qui figure, me semble-t-il, en toute fin de la loi de Refondation de 2013 engage le système éducatif pour plusieurs années. C’est heureux car depuis 2011, les avancées ont été irrégulières. La cause paraissait entendue en 2011-2012 avant de subir un trou d’air en 2012-2013. Les textes officiels publiés fin 2013 sur la prévention du harcèlement et du cyberharcèlement constituent les fondements de l’engagement actuel des établissements, mais c’est l’implication massive des élèves et des personnels autour du premier concours « mobilisons-nous contre le harcèlement » en janvier 2014 qui nous a convaincus que le retour en arrière n’était plus possible.

La prise de conscience de la communauté éducative est réelle. Pour intervenir dans de nombreux établissements en France comme à l’étranger, Jean-Pierre Bellon et moi sommes surpris de l’engagement des équipes dans des projets ambitieux et innovants. Équipe de direction, CPE, enseignants, personnels du secteur médico-social œuvrent en la matière parfois depuis des années. Sans vouloir réécrire l’histoire de la lutte contre le harcèlement en France, nous avons été marqués, tout au long de nos années de travail, par le déficit de valorisation des projets pédagogiques innovants et le poids d’un système hiérarchique très dépendant des titres et des statuts. Nos préoccupations actuelles portent sur le contenu de formation initiale, en matière de sensibilisation au harcèlement, des personnels néo-recrutés. En outre, la prévention du sexting (diffusion d’images d’élèves à caractère implicitement ou explicitement sexuel) doit faire l’objet d’une campagne de prévention nationale. Depuis 2013, nous demandons la mise en place d’une action de sensibilisation spécifique, en vain. Nous sommes obligés d’utiliser des films de prévention Suisse ou Australien pour travailler avec les élèves.

 

Comment devient-on un spécialiste de la prévention du harcèlement en milieu scolaire ? Comment concrètement décrire votre implication ?

Méfions-nous du terme de «spécialiste». Depuis que la prévention du harcèlement est devenue un sujet médiatiquement et financièrement rentable, des «spécialistes» auto-désignés ou portés à l’écran sans investigations journalistiques rigoureuses sortent du bois. Je prendrai donc la distance nécessaire avec ce qualificatif.

Mon engagement dans la lutte contre le harcèlement est indissociable de celui de Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie. Notre rencontre en 2001 a marqué le début de notre collaboration que nous poursuivons encore aujourd’hui. Entre 2001 et 2008, nous avons mené des investigations théoriques que nous transposions en expérimentations dans nos établissements. Nous intervenions également dans d’autres écoles en soutien aux équipes, actions que nous menions en dehors de nos temps de travail puisque nous ne bénéficiions pas de cadre légal. Nous avons créé notre association en 2006 pour avoir une existence statutaire et poursuivre nos recherches. A partir de 2011, années de reconnaissance des phénomènes de harcèlement, les demandes de formation se sont multipliées, mais pas nos disponibilités. Nous avons donc privilégié les formations des personnels tout en continuant à travailler avec les élèves dans nos établissements respectifs. Notre travail en équipe explique la pérennité de notre implication. Cette solidarité sans faille nous a permis de surmonter les difficultés et les blocages. Nos approches pédagogiques et éducatives respectives nous ont permis d’être complémentaires, j’espère que cela se ressent dans les ouvrages que nous avons co-écrits.

Actuellement, nous élaborons une plateforme Internet collaborative autour de la méthode de la préoccupation partagée, stratégie de traitement du harcèlement qui conduit le harceleur à trouver, de sa propre initiative, une issue au problème. Cet outil est opérationnel. Il s’adresse aux professionnels français, Suisses, Belges et Luxembourgeois que nous avons formés.

En quoi la responsabilisation des adultes et des élèves est une réponse efficace pour lutter contre ce fléau ? Quelles actions ou quels projets vous semblent prioritaires à mettre en œuvre dans les établissements ?

 

Plus que la responsabilisation, ce sont l’implication et la force de conviction des adultes qui sont déterminantes. Lutter contre le harcèlement revient à constituer un front commun des adultes, professionnels et parents d’élèves. Cette posture éducative qui allie fermeté et détermination face aux agresseurs n’empêche en rien la bienveillance. J’ai la chance de travailler dans un lycée où l’ensemble des collègues a totalement intégré ce positionnement. Nous sommes, bien entendu, confrontés à des cas de harcèlement, mais notre capacité à détecter rapidement les situations et à apporter une réponse d’équipe cohérente améliore significativement les chances de résolution des problèmes. Quant aux élèves, ils sont à la fois le public prioritaire des actions de sensibilisation et des partenaires incontournables désireux de s’impliquer dans cette prévention comme le montrent les 750 projets présentés au concours «mobilisons-nous contre le harcèlement» de 2014.

Dans les établissements scolaires français, écoles, collèges ou lycées, la priorité doit être la formation des personnels. Sous l’impulsion du ministère des efforts ont été faits depuis 2013, mais le contenu des stages proposés aux enseignants est bien souvent plus informatif que didactique. La remarque d’un professeur de collège à l’issue d’une formation de ce type : «maintenant le harcèlement, on sait ce que c’est, mais qu’est qu’on peut faire ?» illustre le désarroi des collègues.

L’autre priorité, toujours pour les personnels, est d’intégrer un principe de vigilance active à notre culture professionnelle et de partager l’information selon un protocole préalablement défini. Par exemple, l’isolement d’un élève dans une classe doit activer ce principe de vigilance (40% des élèves à faible sociabilité sont victimes de harcèlement). L’information est ensuite partagée avec l’ensemble de l’équipe pédagogique, des stratégies concertées visant à favoriser l’intégration sont décidées, un suivi individuel préventif peut être envisagé et bien sûr, les moqueries ou remarques désobligeantes à l’encontre de cet élève sont immédiatement corrigées. Le simple fait, pour les élèves, de constater que l’information circule au sein de l’équipe pédagogique et que la réponse éducative est cohérente suffit à dissuader une majorité d’agresseurs potentiels.

 

Quelle place particulière le CPE prend-il dans la gestion et la prévention des situations de harcèlement ?

La circulaire de 2015 souligne que les CPE «participent à la prévention et à la lutte contre toutes les formes de discrimination, d’incivilité, de violence et de harcèlement», mais nous n’avons pas attendu ce texte pour nous engager. Si les CPE se sont emparés spontanément de la problématique du harcèlement à l’école, c’est peut-être parce qu’elle trouve immédiatement sa place au sein de notre identité professionnelle. Notre formation initiale, pluridisciplinaire et polyvalente, nous donne des compétences dans le suivi individuel et collectif des élèves. En matière de traitement des situations de harcèlement, cette double entrée est un atout. Nos relations avec les professeurs, les personnels du secteur médico-social et les parents d’élèves pourraient nous amener, assez naturellement, à endosser le rôle de référent harcèlement à la condition que nous y soyons identifié pour notre expertise et nos compétences, c’est-à-dire comme personne ressource, et non comme celui ou celle qui va décharger l’équipe d’un colis embarrassant.

Le CPE peut également intégrer un module sur la prévention à sa formation des délégués. L’enjeu prioritaire de la lutte contre le harcèlement est la détection précoce des cas. Plus une situation est repérée rapidement, plus la probabilité de neutralisation du phénomène est importante. Or les élèves, de surcroît formés, sont les mieux placés pour repérer l’émergence d’une situation de harcèlement, pour la signaler à un adulte de l’établissement ou pour la réguler d’eux-mêmes.

La formation des assistants d’éducations obéit à la même stratégie. Leur proximité avec les élèves favorise le recueil d’observations. Ces informations, transmises au CPE nous permettront de gagner un temps précieux. La formation doit également inciter les AED à éviter les postures éducatives préjudiciables. Je pense, par exemple, aux surveillants d’internat qui peuvent parfois se faire berner par des harceleurs qui parviennent à détourner leur vigilance en se montrant soit trop conviviaux soit menaçants.

En matière de prévention du harcèlement, la plus-value que les CPE peuvent apporter à nos écoles est évidente. Notre engagement professionnel en la matière bénéficie à l’ensemble de la communauté éducative à la condition que la politique d’établissement ne fasse pas de la relation à l’élève une variable d’ajustement.

Bertrand Gardette – CPE au lycée La Fayette de Clermont-Ferrand
Vice-président de l’APHEE (Association pour la Prévention des phénomènes de Harcèlement Entre Élèves)

 

Co-auteur (avec Jean-Pierre Bellon) de 4 ouvrages sur le harcèlement à l’école :

 

D’AED à CPE, le parcours d’Héléna…

Vous avez débuté votre parcours dans l’éducation nationale en tant qu’AED en exerçant notamment dans un établissement de l’éducation prioritaire. Quels souvenirs en gardez-vous ? Que diriez-vous des particularités d’exercice dans les établissements dits « difficiles » en termes d’accompagnement des élèves et des personnels ?

Mon parcours dans l’Éducation Nationale a commencé en 2004 en tant qu’assistante d’éducation. Après avoir exercé une année dans un lycée polyvalent avec internat, j’ai souhaité approfondir mon expérience dans un collège classé en éducation prioritaire. J’ai rapidement dépassé mes quelques a priori et j’en garde, au final, un très bon souvenir. C’est d’ailleurs dans cet établissement que j’ai siégé pour la première fois en tant que membre élu au CA.

Durant mes deux années dans cet EPLE, j’ai travaillé au sein d’une équipe vie scolaire nombreuse mais très soudée. L’entraide, face à une heure de permanence difficile ou à un passage de demi-pension chargé, était une évidence pour toute l’équipe. Nous avions été recrutés avec des profils différents ce qui nous faisait intervenir sur des tâches spécifiques à certains moments. La complémentarité de l’équipe était un vrai + dans le service rendu aux élèves.

Après une licence d’espagnol obtenue en France, vous faites le choix d’une année universitaire en Espagne. Quelles différences avez-vous repéré entre le fonctionnement des 2 universités ? Pourquoi ne pas avoir décidé alors de préparer le CAPES d’espagnol ?

Suite à l‘obtention de ma licence d’Espagnol mention FLE (Français Langue Étrangère) à l’université de Lille 3 en 2005, je suis partie poursuivre ma formation universitaire en Espagne. J’ai alors intégré une première année de Master de « filosofia francésa ». À l’époque je souhaitais devenir professeur de français en Espagne. Dès les premiers jours j’ai pu observer plusieurs différences entre les deux systèmes universitaires (français et espagnol).

Tout d’abord au niveau du plan de formation qui est personnalisé. En tant qu’étudiant, nous connaissions à notre inscription le nombre d’unités de valeur à valider et le listing des matières proposées. Nous devions constituer notre propre plan de formation à partir de ces éléments.

L’autre point qui diffère de notre système selon moi, c’est la proximité avec les enseignants. Dès leur entrée à l’université les étudiants espagnols sont considérés « d’égal à égal » avec les enseignants. Il n’existe aucun clivage. Par exemple, il est tout à fait normal de se tutoyer et de s’appeler par nos prénoms respectifs. Néanmoins, malgré cette familiarité, la place des formateurs et l’autorité qui en découle restent claires pour tous.
Mon projet professionnel de devenir enseignante, principalement de français à l’étranger, n’était pas une vocation mais plutôt une opportunité :
D’origine espagnole, je maîtrisais la langue et souhaitais vivre en Espagne. C’est en discutant avec une amie des différences entre nos deux pays que je me suis aperçue que le statut de CPE n’existait pas en Espagne. J’ai alors effectué des recherches pour lui expliquer les missions de ce métier et c’est devenu une évidence pour moi. La polyvalence de la profession m’a particulièrement séduite.

Vous découvrez le métier de CPE en tant que contractuel pendant 6 années. Dans quels types d’établissement avez-vous exercé ? Comment avez-vous vécu la situation de non titulaire ?

J’ai été contractuelle de 2008 à 2014. Durant ces six années, j’ai exercé dans différents types d’établissements, en cité scolaire avec internat, en collège de centre-ville, en collège rural et en lycée professionnel. Cette diversité m’a permis d’acquérir une certaine expérience et surtout de conforter mon choix professionnel.

Le statut de contractuel comporte des points positifs comme négatifs. Pour ma part, cette expérience de non titulaire a été très constructive et très enrichissante. J’ai eu la chance d’être nommée sur des affectations à l’année pendant six ans et d’être toujours très bien accueillie et intégrée aux équipes. Le point négatif réside dans l’incertitude de quoi sera fait le lendemain : ne pas savoir si l’on va être nommé, pour combien de temps et dans quel établissement suscitent énormément d’interrogations. Tous les collègues contractuels redoutent cette période de fin août, début septembre durant laquelle on attend l’appel du rectorat pour obtenir notre affectation…ou pas!

Après une année de formation à l’ESPE, vous êtes lauréate du concours externe en 2015. Diriez-vous que cette formation a répondu à vos attentes ? Sur quel thème portait le contenu de votre mémoire ?

Je suis entrée en Master MEEF en septembre 2014. La formation à laquelle j’ai participé était très complète. Le suivi pédagogique était assuré par différents personnels : des universitaires, des chefs d’établissement et des CPE en poste. Cette année de formation nous a permis de croiser les regards sur notre système éducatif. Les préparations aux épreuves écrites et orales étaient exigeantes et individualisées. Ma deuxième année de Master, en tant que stagiaire, a été pour moi très intense. Il a fallu jongler entre l’ESPE et ma fonction de CPE stagiaire en établissement. D’un côté, les différents dossiers à rendre et le mémoire à rédiger ; de l’autre, une présence à mi-temps au collège, un suivi partiel de la vie scolaire et une évaluation professionnelle (visites conseil, projets à mener et inspection). Afin de me faciliter la tâche, j’ai décidé de faire porter mon mémoire sur l’internat scolaire. C’est un thème qui m’a toujours beaucoup plu et passionné. Pour la petite anecdote, mon premier poste en tant que contractuelle était en internat, j’ai également tiré ce sujet lors de mon épreuve orale du concours interne et ce thème a refait surface pour mon épreuve d’entretien sur dossier !!!!

La fibre pédagogique du métier de CPE suscite chez vous un intérêt particulier. Quelles sont vos motivations pour vous investir à moyens termes dans la formation des étudiants et des collègues ?

Je confirme que la dimension pédagogique du métier de CPE retient toute mon attention. C’est pour cela, qu’à long terme, je serais très intéressée par la formation des futurs collègues. Lors de ma formation à l’ESPE, j’ai énormément apprécié les cours avec les formateurs de terrain. Ils nous faisaient partager leur expérience et la réalité du métier. Le métier de CPE est un métier en constante redéfinition, notamment parce que les élèves évoluent très rapidement. Je préconise qu’une formation soutenue et de qualité doit accorder autant d’importance à une formation « pratique » qu’à une formation théorique.

Héléna Beauloye,
CPE dans l’académie de Lille

D’AESH à CPE, Caroline témoigne…

Avant de préparer le concours de CPE, vous avez mené des études universitaires en psychologie. Quels sont les grands enseignements que vous en tirez dans votre connaissance du public adolescent ?

Mon intérêt particulier pour la psychologie du développement m’a notamment permis d’appréhender les différents stades que traverse le jeune au cours de sa croissance, m’incitant à penser mon action en regard de l’âge de l’élève, en fonction de ses capacités motrices, cognitives, et de ses compétences sociales. Aussi, les connaissances acquises dans le champs de la psychologie sociale m’ont sensibilisée à l’importance du groupe de pairs dans la construction identitaire du jeune, et m’ont conduite à faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard de son influence sur l’attitude et le comportement de l’adolescent.

Recrutée comme AESH dans un lycée professionnel, vous avez été chargée de l’accompagnement d’un élève présentant des troubles autistiques. Dans quelle mesure cette expérience professionnelle vous a-t-elle davantage sensibilisée à la problématique des élèves à besoins éducatifs particuliers ?

Lorsque j’ai été recrutée en tant qu’AESH, je me figurais que les obstacles rencontrés par les jeunes en situation de handicap se résumaient à des contraintes techniques susceptibles d’être palliées par une aide matérielle et/ou l’intervention d’un adulte. Or, cette première expérience au contact des élèves à besoins éducatifs particuliers m’a permis de prendre conscience de l’isolement social dont peuvent souffrir ces élèves et leurs familles, et par conséquent, de l’importance d’une prise en charge individualisée de leur problématique.

Votre mémoire de stage porte sur le thème de la violence scolaire et sur les représentations que s’en font les élèves. Considérez-vous que, dans votre établissement, la gestion des conflits occupe une place majeur dans l’emploi du temps du CPE ? Pourquoi ?

En tant que CPE en poste dans un établissement classé REP et caractérisé par une grande mixité sociale et culturelle, je suis souvent confrontée aux conflits. Ces conflits sont, selon moi, souvent le reflet de la difficulté pour les jeunes que nous accueillons de cohabiter avec d’autres qui sont très différents d’eux (conflits entre élèves de quartiers différents, d’origines différentes, de cultures différentes…) et traduisent également la difficulté pour certains d’entre eux de trouver leur place au sein de l’École. De plus, l’utilisation massive des réseaux sociaux paraît souvent exacerber l’ampleur de ces conflits, permettant à ces derniers de s’insinuer jusque dans les foyers, et faisant apparaître de nouvelles formes de violence : cyberharcèlement, diffusion de rumeurs…

Pensez-vous que votre attention particulière aux élèves en difficultés pourrait vous amener à diversifier votre carrière à un moment donné ? De quelle façon ? Avec quelles motivations ?

Aujourd’hui, et au regard de l’évolution des missions du CPE, j’ai le sentiment d’avoir un rôle important à jouer dans l’accompagnement des élèves en difficulté. Cela dit, il est vrai que j’aimerais parfois être en capacité d’en faire davantage, notamment en travaillant en collaboration plus étroite avec nos partenaires sociaux et de santé (ASS, éducateurs, psychologues, IME, ITEP…). Pour ces raisons, j’imagine me tourner dans quelques décennies vers un poste me permettant d’acquérir de plus grandes responsabilités à l’égard de l’accompagnement des élèves en grande difficulté

Caroline EVRARD

De CPE à enseignante, Christine témoigne

Quelles sont les raisons fondamentales qui ont présidé à votre choix de passer de la fonction de CPE à la fonction enseignante ?

J’ai travaillé sept ans dans un établissement de l’académie de Créteil où les rapports de forces internes étaient particulièrement pesants et sclérosants. J’avais l’impression que la vie scolaire devait en permanence justifier de son action et de son positionnement auprès des chefs d’établissements mais aussi auprès des collègues enseignants.

Je précise que l’établissement accueillait un public varié et que les problématiques scolaires et sociales des élèves étaient préoccupantes. Cependant, j’ai toujours eu le sentiment que ce qui était le plus compliqué dans cet établissement ce n’était pas les élèves, mais les adultes.

Je ne sais pas à quel point cet établissement était exceptionnel dans ses dysfonctionnements mais j’ai fait le constat que la place très exposée des CPE ne me convenait pas du tout. Je me posais donc de plus en plus de questions sur mon avenir dans cette fonction.

Lorsque j’ai enfin obtenu ma mutation dans l’académie de Bordeaux d’où je suis originaire, j’ai un peu déchanté en raison des difficultés posées par les mutations intra. Peu de postes de CPE étaient offerts dans le département que je visais et le résultat d’affectation après la CAPA ne me convenait pas vraiment.

J’ai donc sollicité un congé parental pour une année scolaire afin de privilégier ma vie familiale et l’éducation de mes enfants. Cette parenthèse dans ma vie professionnelle m’a permis de prendre du recul et de réaliser à quel point je ne souhaitais pas reprendre mon activité en tant que CPE.

J’ai donc cherché de quelle manière je pouvais évoluer et j’ai décidé, en lien avec mes études universitaires, de formuler une demande de reconversion professionnelle vers le métier de professeur d’anglais.

Comment vivez-vous le changement entre une gestion individuelle et une gestion collective des élèves ?

Je cherche à mettre tous les élèves au travail mais je n’y arrive pas toujours… ! Je m’efforce de travailler sur des sujets qui vont éveiller l’intérêt des élèves. En cours de langue vivante, nous sommes encouragés à multiplier les mises en situations d’élèves, ce qui peut prendre une tournure assez ludique. Je suis consciente que j’ai des progrès à faire en gestion de classe mais je ne me sens pas pour autant mise en difficulté par mes élèves.

Dans quelle mesure les compétences relationnelles acquises dans le métier de CPE viennent elles compléter vos compétences didactiques ?

Mon expérience de CPE est forcément utile. Je connais bien le public adolescent et je sais être un peu théâtrale quand il le faut ! J’ai souvent recours à l’humour mais je sais aussi poser des limites. Ce qui me semble fondamental, c’est de vraiment s’intéresser aux personnes que sont les élèves. Je veux que leur temps passé à l’école ait du sens, soit source d’épanouissement et d’enrichissement.

En choisissant la profession d’enseignante, l’organisation de votre temps de travail a changé. Comment vivez-vous les temps de préparation des cours et de corrections des copies que vous ne connaissiez pas dans votre fonction précédente ?

Il faut reconnaître que c’est très lourd. Même si je m’attendais à une telle charge de travail, je n’ai pas encore trouvé le meilleur équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle. J’ai deux jeunes enfants et un conjoint souvent en déplacement professionnel et je suis stagiaire 18h en lycée avec des 2ndes, des premières et des terminales…le rythme est donc soutenu !

J’aspire à des temps de formations me permettant de prendre du recul sur ma pratique professionnelle et j’apprécierais aussi de pouvoir observer les séquences des collègues de ma discipline. Cela dit, j’ai la chance de bénéficier des conseils d’une tutrice très attentive et d’un emploi du temps au lycée que je trouve assez équilibré.

Dans le cadre du nouveau collège, l’approche transversale des enseignements trouve un écho particulier dans les EPI ? Qu’en pensez-vous ? Quelle est votre implication dans ce dispositif ? Pensez-vous qu’une collaboration entre votre discipline et la vie scolaire soit imaginable dans le cadre des EPI ? Sous quelle forme ?

Difficile pour moi de répondre à cette question car j’ai toujours travaillé en lycée, mais je pense qu’on peut tout à fait imaginer des projets en lien avec la vie scolaire. Par contre, je sais aussi que les CPE en collège sont généralement seuls et ont déjà fort à faire !

Envisagez-vous un jour d’enseigner à l’étranger ? Si oui, quels points positifs voyez-vous à ce type d’expérience ?

En effet, cela pourrait m’intéresser de travailler à l’étranger pour l’enrichissement personnel et professionnel que cela représente. Je pense qu’il est d’ailleurs plus facile d’exercer à l’étranger en tant qu’enseignant qu’en tant que CPE. En effet, les postes de CPE proposés sont souvent liés à des missions de faisant fonction chef d’établissement et les spécificités éducatives du CPE en font souvent les frais !

Photo : Pixabay CCO Public Domain

Lucie, CPE et formatrice académique à l’ESPÉ, témoigne

Vous exercez la fonction de Professeur Formateur Académique à l’ESPÉ depuis cette rentrée. Quelles sont les raisons principales qui ont motivé votre candidature ?

Depuis l’obtention du concours, j’ai toujours souhaité me former à différentes thématiques en lien avec mon métier afin d’explorer au mieux les différents champs de compétences du CPE.
J’ai participé à différentes « aventures » comme celle de membre du bureau du réseau CPE de mon département, membre du groupe de concepteurs du MOOC relation école/familles…
Cette prise de fonction en tant que Formateur Académique est un nouveau défi, une façon pour moi de sortir de cette zone de confort dans laquelle parfois on peut être tenté de rester. Depuis 7 ans dans le même établissement, avec une quasi impossibilité de muter étant donnés les barèmes appliqués, cette opportunité m’a semblé indispensable à saisir.
C’est pour moi une nouvelle façon d’exercer mon métier, de m’enrichir, d’apporter de nouveaux éclairages à mon identité professionnelle mais aussi d’être acteur du parcours de formation des futurs CPE.

Pouvez-vous décrire ce qui constitue le cœur de votre responsabilité de formatrice ?

Le formateur académique se voit confier différentes missions : une mission de formation initiale des étudiants de M1 et M2 du master MEEF encadrement éducatif, une mission de formation des personnels d’éducation titulaires (notamment les tuteurs d’étudiants en M1 et les tuteurs des CPE stagiaires en alternance en M2), ainsi qu’une mission d’animation et de coordination à destination des professeurs associés à l’ESPE. Il doit également établir un lien entre le Rectorat, les acteurs de la formation, les stagiaires et leurs tuteurs en établissement.
Ma mission principale en ce début d’année s’oriente plus spécifiquement vers les CPE stagiaires alternants que je rencontre toutes les semaines en suivi de stage. L’accompagnement à l’entrée du métier a été complètement repensé cette année et pendant tout le mois de septembre ; la prise en charge a été individualisée et généralisée pour tous les stagiaires (CPE mais aussi PE et stagiaires disciplinaires).
Je participerai également à leur évaluation dans le cadre du Master et à la validation de leur stage.
Il est également prévu que j’intervienne dans différents groupes de travail de la formation commune de l’ESPE à destination des M2 et des M1 dans un second temps.

En quoi l’exercice de cette mission pédagogique est-il complémentaire avec l’exercice du métier de CPE ?

Le CPE au départ n’est pas forcément celui que l’on s’attend à trouver dans le domaine pédagogique. Pourtant, le référentiel de 2013 reconnaît des compétences spécifiques au CPE et la nouvelle circulaire d’aout 2015 réaffirme le rôle du CPE dans le suivi pédagogique et éducatif individuel et collectif des élèves : « Les CPE sont associés aux différentes équipes pédagogiques des classes dont ils ont la charge… ils sont aussi impliqués dans les conditions d’appropriation des savoirs par les élèves et associés à la construction de leur projet personnel, notamment en collaboration avec les professeurs principaux. ».
Assurer cette mission auprès des étudiants, me pousse à explorer ce champ et à me former. Construire une séquence pédagogique, adapter la formation au besoin de son public, évaluer les progressions de chacun et apporter la réponse adaptée est déjà au cœur de mon métier de CPE : transférer mon expérience auprès de jeunes en pleine construction de leur identité professionnelle est une vraie chance. Lorsque l’on entre dans ce métier, on peut être plein de doutes et parfois d’appréhensions. Mon souci est de les rassurer au maximum et leur donner quelques clefs pour les aider à surmonter cette phase d’immersion dans la profession. Avec la masterisation, le profil des étudiants qui obtiennent le concours a beaucoup évolué. La norme a changé et j’encadre aujourd’hui de jeunes étudiants au parcours universitaire brillant mais qui arrivent dans le métier en n’ayant quasiment jamais mis les pieds dans un établissement scolaire. Mon rôle est d’autant plus important auprès d’eux pour leur apporter cet éclairage professionnel qui peut leur manquer sur le terrain.

Quelles sont vos impressions sur l’organisation du CAFFA* qui vient de se mettre en place ?

Je participe depuis longtemps à la préparation du concours pour les futurs CPE (à l’IUFM d’abord puis à l’ESPE) et j’ai assuré les fonctions de tuteur de plusieurs stagiaires ces dernières années. C’est donc tout naturellement que je me suis inscrite l’an dernier au CAFFA dès que j’ai eu connaissance de l’ouverture du registre d’inscription. Je connaissais le dispositif dans le premier degré et je trouve tout à fait normal qu’à un moment on souhaite « professionnaliser» les intervenants. Valider le CAFFA permettra également de faire valoir certaines compétences et d’officialiser la participation des collègues au processus de formation des entrants dans le métier.
La mise en place risque d’être un peu chaotique et la formation qui doit être proposée par la DIFOR et/ou l’ESPE arrivera peut-être un peu tard pour préparer les épreuves d’admission cette année. Les personnes inscrites à l’admission du CAFFA devraient être reçues par les IA-IPR pour effectuer un entretien de positionnement et définir ensemble quels sont les besoins propres à chacun. La formation sera proposées par l’ESPE, dans le cadre des UE1 et 2 du master « Parcours de recherche » ou par la DIFOR dans le cadre des dispositifs et modules inscrits au PAF et sera individualisée : analyse de pratiques, méthodologie de la recherche, nouveaux usages numériques (travail sur Moodle, classe inversée, travail collaboratif, réseaux sociaux) en fonction des parcours de chacun.
Le mémoire est à rendre pour début mars et pour l’instant aucune date de formation n’a été communiquée. Je me tiens donc régulièrement informée et je commence à réfléchir à l’objet de recherche de mon futur mémoire professionnel. Cette démarche me ramène des années en arrière et c’est plutôt excitant de se replonger dans des lectures qui ouvrent d’autres horizons à notre métier !

Avez-vous en tête des projets professionnels pour la deuxième partie de votre carrière en lien ou non avec la pédagogie ? Lesquels ?

Non, je n’ai pas de projets particuliers, cette opportunité s’est proposée à moi et je vais déjà tâcher de remplir les missions que l’on m’a confiées au mieux avant d’aller voir ailleurs. Le métier de CPE est un métier merveilleux que je ne quitterais pour rien à l’heure d’aujourd’hui, guider les entrants dans le métier comme je peux le faire d’une autre manière avec les élèves est un nouveau défi que je vais tenter de relever.

Lucie Lalorcey, CPE et professeur formateur académique à l’ESPE

*CAFFA : Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Formateur Académique

Dispositif pour élèves poly-exclus, Sofien CPE, témoigne

Depuis quand ce dispositif existe-t-il et quels ont été les motifs de sa création ?

Le dispositif d’accompagnement des élèves poly-exclus (initialement nommé dispositif double-exclus) a été créé à la rentrée 2014. Le constat durant l’année scolaire 2013/2014 du nombre élevé de multi exclusions sur le département de l’Isère a été à l’origine de la création de ce dispositif.

Quelles sont les principales modalités de fonctionnement du dispositif ?

Nous accueillons principalement des élèves soumis à l’obligation scolaire (une trentaine par an) qui ont fait l’objet d’au moins deux exclusions définitives d’un EPLE durant leur scolarité dans le 2nd degré. Il peut s’agir d’un élève en voie générale comme d’un élève bénéficiant d’une prise en charge adaptée (SEGPA*, ITEP*). Mon intervention repose sur des rencontres hebdomadaires avec les élèves, leurs familles, ou les membres de la communauté éducative. Elle se déroule en deux temps : une première phase vise à faciliter au maximum l’intégration de l’élève dans son établissement d’affectation, et une seconde a pour objectifs de donner (ou redonner) un sens à sa scolarité et d’éviter ainsi son décrochage. Les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs sont adaptés à chacun et définis avec son accord. Pour les élèves de 4ème ou 3ème, la construction du parcours d’orientation fait partie des priorités.

Quelles sont les compétences liées au métier de CPE qui vous sont utiles dans l’exercice de cette mission ?

La première compétence, la plus importante à mes yeux, est l’empathie qui me permet de créer un lien fort, une véritable relation de confiance entre l’élève, sa famille et l’école. Ensuite, au quotidien dans l’exercice de cette fonction, je suis amené à transférer des compétences organisationnelles, d’écoute, de médiation, de conduite d’entretiens, de communication et d’adaptation à un public hétérogène. La formation suivie en psychologie de l’adolescent est d’une aide précieuse dans la gestion de situations parfois très lourdes. De même , je me sens plus efficace lorsque je fais faire preuve de beaucoup de diplomatie auprès de certaines équipes d’établissement accueillant les élèves.

Quels sont les personnels de l’éducation nationale et les partenaires extérieurs avec lesquels vous travaillez le plus ?

Je suis en relation permanente avec les équipes des établissements scolaires (chef d’établissement, CPE, Enseignants, COP*, AS*…), le DAASEN* de l’Isère qui pilote activement le dispositif, les services de la DEL*, le service social de la DSDEN* et les dispositifs relais. En parallèle, en fonction des situations, je m’efforce de collaborer et de maintenir un partenariat avec les services de l’ASE*/CODASE*, l’UEAJ* (Unité Éducative d’Activité de Jour de la PJJ*) et bien évidemment les familles.

Quel bilan provisoire faites-vous de ce dispositif ? Voyez-vous des points d’amélioration qui permettraient de faire avancer les choses ?

Après ces deux années de fonctionnement, le dispositif aura permis à plusieurs élèves de se réconcilier avec l’École. En construisant un parcours d’orientation choisi, ils se sont fixés des objectifs simples à atteindre. Bien sûr, il n’y a pas 100% de réussite chaque année car certaines situations d’élèves nous échappent. Toutefois, globalement et rétrospectivement, je m’aperçois que le regard sur l’exclusion commence à évoluer petit à petit. S’agissant d’un dispositif créé à titre expérimental sur le département de l’Isère, il me semble important et légitime qu’il puisse être un jour pérennisé localement puis généralisé aux autres académies.

À titre personnel, diriez-vous que cette mission vous conforte dans votre projet de devenir CPE ? Quels sont vos souhaits, vos aspirations ?

CPE contractuel depuis maintenant 6 ans, cette mission significative a réellement conforté mon envie d’exercer le métier de CPE grâce aux responsabilités assumées et aux différentes compétences nouvellement acquises et approfondies. J’espère avoir la possibilité en 2017 de passer le cap de l’admission au concours de CPE et ainsi me sentir « légitime » dans l’exercice d’un métier qui me passionne.

Sofien Rahmani

*Glossaire :
SEGPA (Section d’Enseignement Générale et Professionnelle Adaptée)
ITEP (Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique)
DAASEN (Directeur Académique Adjoint des Services de l’Éducation Nationale)
COP (Conseiller d’Orientation Psychologue)
AS (Assistante Sociale)
DEL (Division des Élèves)
DSDEN (Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale)
ASE (Aide Sociale à l’Enfance)
CODASE (Comité Dauphinois d’Action Socio-Éducative)
UEAJ (Unité Éducative d’Activités de Jour)
PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse)

 

 

3 questions à Franck, CPE

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Les avantages sont de pouvoir communiquer de façon propre et “moderne”. La maitrise des outils permet de réaliser des présentations, des documents, des médias, des vidéos… de qualité.

Les différentes applications créent un lien plus étroit avec les familles. Celles-ci sont informées en temps réel des évènements de la vie scolaire, des notes et elles sont beaucoup plus facilement joignables par un email… Bref la coéducation s’en trouve facilitée, mais bien sûr tout dépend du rapport à l’école de la famille. En effet, ces modes de communication favorisent la réaction à chaud, une implication qui peut parfois être ressentie comme une intrusion.

Le CPE améliore sa connaissance de la globalité de l’élève en particulier au niveau pédagogique. Lors d’un entretien,  il dispose en quelques secondes d’un bilan Vie scolaire, d’un accès aux bulletins trimestriels, d’une vue sur le cahier de texte… etc.

Les limites : tout d’abord les compétences face à l’outil informatique et l’utilisation des différentes applications. Ce sont des limites qui ne devraient plus exister mais… la formation est largement déficitaire. Les nouveaux outils peuvent être vecteurs de dérives :

– le téléphone portable sert de plus en plus « à tout » (téléphone, appareil photo, appareil sonore, enregistreur, calculatrice, montre…)

– les applications ou les  réseaux sociaux sont souvent utilisés de façon inappropriée et peuvent être source de phénomènes de harcèlement, d’agressivité, d’insultes. Ils induisent une distance par rapport à l’acte, une « virtualisation » de l’acte qui pose le problème de la prise de conscience, de la réaction, de l’insécurité permanente et il est difficile pour le CPE d’intervenir dans ce monde qu’il ne connait pas, qu’il ne vit pas.

Juste pour le citer, la non constance des décisions politiques (ex : les tablettes dans le Jura) ne sont pas pour faciliter l’entrée de l’école dans le numérique.

2. L’environnement numérique de travail a-t-il changé le métier de CPE ?

Je ne suis pas sûr qu’il ait changé le métier de CPE . Il en change les modes opératoires mais ce n’est pas l’environnement numérique qui modifie le cœur du métier à savoir la relation humaine. Notre métier est un métier de communication. Certes les outils changent les habitudes, rendent certains comportements paradoxalement plus visibles (le harcèlement moral par exemple), peuvent distancier la relation aux familles. Cependant, il y a un moment où la rencontre physique s’impose, car le métier de CPE a besoin de moments solennels et réels, de moments passés ensemble, en groupe.

L’utilisation de la messagerie pour communiquer permet de multiplier les échanges, de différer sa prise en charge et ainsi d’être peut-être moins soumis à l’urgence. En revanche, étant au cœur de l’établissement, le CPE se voit littéralement envahir de messages de toutes sortes et d’une utilité quelquefois bien relative. Là non plus rien ne change, le CPE a toujours dû prioriser son action.

3. La fonction de référent numérique dans ton établissement t’a-t-elle permis de développer de nouvelles compétences professionnelles ?

Oui et non. La fonction de Référent Numérique, et plus largement la gestion du numérique, est un travail à part entière. La non prise en compte de cette nécessité explique aussi la lente mise en place du numérique au sein de nos établissements. Il suffit d’observer, après le départ d’un personnel, la difficile continuité de l’utilisation complète d’un logiciel comme Pronote (et je n’ose même pas parler d’Énoé, Siècle notes et Absences beaucoup moins faciles d’accès) ou l’actualisation du site de l’établissement. Il n’est pas exceptionnel de constater, sur certains sites, des actualités datant de plusieurs années. Le Référent Numérique est censé être centré sur le pédagogique. Mais qui s’occupe de la gestion administrative des logiciels utilisés, de la communication externe, ce n’est pas le rôle de l’AMI, donc de qui ? Du chef d’établissement ou de son adjoint ? Encore faut-il qu’il en ait les compétences et l’envie.

Les collègues sont souvent volontaires pour découvrir, conscients du manque de connaissances qu’ils ont, du fossé qui les séparent de leurs élèves. Mais qui pour les former, pour effectuer la veille numérique demandée ? et quand ? Le temps passé par le Référent Numérique à se former tout seul peut déjà largement remplir le montant de l’IMP voté en CA. La bonne volonté, oui bien sûr, on s’adresse à des « passionnés »…

Oui j’ai développé de nouvelles compétences mais loin de ce que j’aurais souhaité. En même temps ce n’est pas un métier, c’est une fonction. Les tâches quotidiennes du métier de CPE me prennent largement « tout mon temps »… mais les candidats ne se bousculent pas pour reprendre la mission de Référent Numérique.
 

Franck Lecoultre

 

3 questions à Frédéric, CPE

 

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Je vois plusieurs avantages à l’utilisation du numérique dans l’exercice de nos missions de CPE.
Tout d’abord, le gain de temps par l’accès rapide à des informations, et la possibilité de partager ces informations. Par exemple  les infos internes ou institutionnelles par mails, des bilans ou statistiques d’absences, le stockage d’infos particulières par thèmes sur un espace dédié du réseau (suivi d’une classe, sanctions…).
En fait, c’est un moyen de communication et de recherche d’informations très rapide.

Ensuite, la possibilité de créer des outils (diaporama) pour animer des réunions avec les élèves notamment les délégués mais aussi en conseil d’administration ou auprès de partenaires extérieurs.

L’usage du numérique est indispensable. Toutefois, il faut savoir l’utiliser en posant des limites. Ces limites, propres à chacun, sont nécessaires pour ne pas se faire happer par ce « numérique ». Car le numérique créé des besoins, des « commandes », des sollicitations de nos collègues, de nos partenaires, de la direction. Du coup, il s’avère chronophage ! Ne pas être « connecté » en permanence est absolument nécessaire pour continuer à  remplir certaines de nos missions. Un CPE ne peut passer la majorité de son temps de travail à son bureau derrière son ordinateur. À lui de réguler son temps « numérique » en faisant parfois comprendre à ses partenaires qu’il a d’autres missions ou d’autres  priorités.

2. En quoi l’environnement numérique de travail a-t-il professionnalisé le fonctionnement de la vie scolaire dans les EPLE ?

Le numérique est un outil incontournable de la Vie Scolaire. Que ce soit pour les CPE mais aussi les autres personnels. Aujourd’hui, l’usage de logiciels pour la gestion des absences est sans doute présent dans tous les EPLE. Les personnels de Vie Scolaire doivent savoir les utiliser. Ils doivent parfois savoir s’adapter à différents logiciels selon les établissements d’exercice. Ces logiciels évoluent presque chaque année et deviennent de plus en plus pointus, proposent toujours plus de possibilités au prix d’une maîtrise du logiciel à acquérir sur le tas ou avec des livrets papiers ou en ligne de plusieurs centaines de pages…

Le numérique est un outil quotidien de communication en interne mais aussi de plus en plus avec les parents d’élèves. Maîtriser l’outil numérique est une compétence indispensable pour les CPE et les personnels de Vie Scolaire. Nous devons faire remonter cet état de fait à nos inspecteurs pour qu’ils  veillent à proposer régulièrement des offres de formation adaptées aux différents niveaux de compétence.

 

3. Considères-tu le numérique comme un levier de développement professionnel pour les personnels d’éducation ?

La maîtrise du numérique est, effectivement pour moi, un levier de développement professionnel pour le CPE. Son savoir-faire lui permet d’être plus efficace, de gagner du temps et participe à la reconnaissance de ses  compétences professionnelles. Ces compétences favorisent  une « diversification » ou une évolution de carrière des personnels d’éducation :

– Préparer des interventions à l’ESPE ou auprès de partenaires locaux lors de colloques ou réunions diverses (collectivité, association).

– Devenir PFA ou formateur occasionnel

– Envisager une évolution de carrière dans d’autres corps de la fonction publique ou dans le privé.

Frédéric Zmarzly, CPE académie de Grenoble

Jean-Pierre, CPE, témoigne de la mise en place du parcours citoyen dans son collège

1) Pourriez-vous présenter les principaux enjeux du Parcours Citoyen et décrire comment le projet est né dans votre collège ?

Les enjeux du parcours citoyen sont multiples. L’objectif dominant est de faire connaitre aux élèves les valeurs de la république. Mais à mon sens c’est aussi les amener à exercer une citoyenneté participative. Le parcours citoyen est au cœur du domaine 3 du socle commun de connaissances, de compétences et de cultures dénommé : la formation de la personne et du citoyen.
C’est une réflexion collégiale des différentes équipes de l’établissement pour rendre plus lisible les nombreuses actions qui étaient menées au sein du collège. Cela s’est finalisé par la réalisation d’un livret de 6 pages qui recense mensuellement les actions qui vont se dérouler. Chaque mois possède une thématique propre. Par exemple pour mars, c’est le mois de l’information et de la prévention (semaine de la presse, théâtre forum sur le harcèlement, la violence, les addictions…).

2) Quelle est la place du CPE dans ce dispositif et quels sont ses partenaires privilégiés ?

Le CPE est présent tout au long du déroulement du parcours citoyen avec des moments forts dans l’année (octobre mois de la démocratie, juin mois du vivre ensemble) et des actions où il se positionne plutôt dans l’élaboration en amont. De nombreuses actions sont déroulent en classe avec les enseignants et des partenaires extérieurs (associations, artistes, écoles primaires du secteur, autres services de l’état). De ce fait cela recoupe notre mission de mise en œuvre de la politique éducative de l’établissement.

3) En quoi la mise en place du conseil de vie collégienne est-elle un atout supplémentaire dans la formation des délégués-élèves ?

Le CVC est une instance toute nouvelle au collège Les Villanelles, il fonctionne depuis janvier, il est composé du chef d’établissement, du CPE, d’adultes volontaires du collège, des délégués élèves et du conseiller départemental junior et son suppléant. C’est avant tout un lieu d’échanges et de travail, où les élèves peuvent proposer des améliorations à apporter à leur quotidien. Cette instance est consultative pour impliquer les élèves et privilégier des actions concrètes. Il s’agit aussi d’un lieu d’apprentissage de la démocratie puisque les élèves réunis en 4 commissions, sont confrontés à la réalité du fonctionnement du collège. Il y a été décidé de mener une action éco-solidaire avec une ONG de collecte des piles et batteries usagées pendant un trimestre.

4) Trouves-tu que la démarche du Parcours Citoyen a un impact positif sur les relations entre les élèves et les personnels de l’établissement ?

Le parcours citoyen est distribué aux élèves et affiché en vie scolaire, il est donc connu. C’est à mon sens aussi un outil de communication de ce qui se fait au collège. Il permet de repérer et connaitre facilement les temps forts de la vie de l’établissement. Son rôle aussi est d’être évolutif, c’est un parcours ; il ne doit pas être figé. Par exemple, l’action éco-solidaire décidée et menée par le CVC s’y rajoute et vient l’enrichir. Le collège Les Villanelles est inscrit dans l’expérimentation d’une démarche de soutien au comportement positif (expérimentation menée à Ottawa au Canada). La démarche du parcours citoyen vient s’inscrire dans la construction et la maintien d’un climat scolaire serein.

Jean-Pierre Vaillet

2 questions à Nicolas, CPE

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Les nouvelles technologies ont ouvert de nouveaux champs d’organisation, d’actions et d’analyse dans l’exercice du métier de CPE. Cette évolution est continue depuis de nombreuses années et nul ne peut y échapper. Lorsque l’on maitrise ces nouveaux outils numériques, cela permet à la fois d’améliorer qualitativement notre travail mais cela facilite aussi la communication des fruits de ce dernier auprès des collègues, enseignants notamment. On sait toute l’importance que revêt le travail en équipe pour les CPE et la nécessité de faire adhérer le plus grand nombre aux démarches que l’on met en place. De même, établir des diagnostiques précis est devenu plus facile et rapide à l’aide des logiciels vie scolaire ou des tableaux de bords personnalisés (on peut en trouver des prêts à l’emploi sur de nombreux sites vie scolaire académiques). Cependant cela implique que la formation des utilisateurs en charge de la saisie des absences, des punitions, …, soit efficace pour garantir des données cohérentes. Le CPE doit donc se former, informer mais aussi former et contrôler avant de pouvoir utiliser ces nouveaux outils.  Le gain de temps est donc relatif mais c’est qualitativement que l’on trouve les réels avantages. La vision que nous avons de notre établissement est plus pertinente et il est plus aisé de la partager.
L’inconvénient majeur du numérique dans le métier de CPE est l’instantanéité. Dans la communication entre les personnels elle peut être bénéfique mais il faut veiller à ne pas s’y noyer. Un CPE doit pouvoir échapper à l’urgence et prendre du recul. L’hyper-connectivité (mails, téléphones portables, ENT) des individus (élèves, parents, personnels) engendre une impatience face à laquelle nous devons lutter pour continuer à réfléchir avant d’agir. Pour conclure, bien utiliser le numérique permet à un CPE d’être plus efficace mais il ne doit pas l’amener à confondre vitesse et précipitation.

2. En quoi l’environnement numérique de travail a-t-il changé le métier de CPE ?

Le métier de CPE évolue constamment. D’une part il doit répondre à des problématiques nouvelles notamment liées aux réseaux sociaux et d’autre part il doit permettre l’utilisation des nouveaux outils en rapport avec les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) qui sont mis en place dans les établissements. Les Environnements Numériques de Travail (ENT) offrent aux CPE la possibilité de travailler avec l’ensemble de la communauté scolaire. L’emploi des logiciels académiques ou privés de gestion de la vie scolaire, l’utilisation des listes de diffusion par les équipes pédagogiques ou équipes disciplinaires préétablies dans les ENT rendent le travail du CPE et l’association des collègues enseignants au suivi des élèves plus aisés. Avec les ENT, le CPE peut transmettre aux élèves ou aux autres personnels des documents d’information, de sensibilisation voire de formation. Cela peut lui permettre de préparer ou de prolonger son travail du quotidien. En effet, un CPE ne doit pas en rester à l’aspect numérique, il doit rencontrer les personnes pour éveiller les uns ou s’assurer que les autres ont su profiter de la transmission. Les ENT sont un outil supplémentaire dans la mallette du CPE, ils n’ont pas vocation à remplacer la dimension humaine de la communication qui reste la clé de voute du CPE.

Nicolas Boeuf

3 questions à Christophe, CPE

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Les avantages que l’on peut tirer du numérique dépendent en grande partie de nos compétences dans ce domaine.

Le numérique a permis de gagner énormément de temps et a facilité la gestion des absences et des retards par les AED avec le développement des logiciels de gestion de vie scolaire et le développement de l’ENT. Il me permet d’avoir un regard à tout moment dans la journée et d’avoir une vision d’ensemble plus aisée. Il est l’un des outils pour la gestion de l’absentéisme. En fin d’année, je peux assez rapidement établir les tableaux de bord de la vie scolaire et en faire le bilan annuel.

Il facilite et améliore ma communication avec l’ensemble de la communauté éducative ; ne pouvant pas toujours me rendre en salle des professeurs je peux assez rapidement avoir une réponse à une interrogation sur un élève et être informé par les collègues de tous les problèmes rencontrés.

L’accès via l’ENT permet aux parents d’être informés de la scolarité de leur enfant et de communiquer avec les membres de la communauté éducative. Les parents sont ainsi très vite au courant de tout ce qui concerne la vie de leur enfant au sein du collège (notes, absences, retards, cahier de textes, groupes de travail…) Cette communication est nécessaire dans la relation école/famille et prend toute sa place dans la co-éducation.

J’utilise également le numérique en salle de permanence afin de permettre aux élèves de faire leur travail à poster sur l’ENT. Face à cette demande, j’ai travaillé avec ma collègue documentaliste à la mise en place d’un espace 3C. L’émergence du numérique en permanence représente à mes yeux un avantage dans le métier car les temps de permanence peuvent être conçus autrement : il oblige les AED à sortir du confort d’une salle d’étude en configuration « autobus » pour faire travailler les élèves en îlots, favorisant ainsi le travail en autonomie.

Les limites du numérique sont les pendants de ses avantages, il peut vite devenir chronophage et ainsi perdre l’une de ses vertus première, le gain de temps. Il est nécessaire de mettre en place une politique de communication entre les différentes parties pour garder son efficacité.

L’une des autres failles réside dans une conception fantasmée d’un numérique qui pourrait répondre à tous les problèmes alors il qu’il n’est qu’un « outil » et ne doit pas interdire ou diminuer les relations humaines.

2. L’environnement numérique de travail a-t-il changé le métier de CPE ?

Utilisateur d’un ENT depuis bientôt 10 ans, je ne trouve pas qu’il ait changé fondamentalement mon métier de CPE. Au contraire, il a fait évoluer certaines tâches du quotidien ou du service de vie scolaire, pour me recentrer sur mes missions. Je le perçois plus comme un facilitateur intégré à mes pratiques quotidiennes. L’ENT regroupe une grande partie des outils numériques nécessaires à la gestion de l’établissement et il tire les principaux avantages liés à l’usage du numérique pour devenir un atout pour nos missions.

Les évolutions apportées touchent en premier lieu la communication. Il vise à rassembler l’ensemble des informations sur les élèves et de la vie de l’établissement. Il met à disposition en quelques « clics » l’essentiel pour pouvoir faire le suivi des élèves et facilite la tenue de nos entretiens avec les élèves ou leurs parents. En décloisonnant l’information, il devient le lien entre tous les membres de l’établissement, facilitant les échanges entre nous. Cet avantage lié à l’usage de l’ENT peut avoir quelque peu modifié le métier. Auparavant nous détenions la majeure partie des informations concernant la vie scolaire et nous étions les principaux acteurs de leur communication. La mise à disposition de l’ENT profite ainsi aux premiers utilisateurs du service public d’éducation, les parents qui peuvent ainsi accéder en temps réel au suivi de la scolarité de leurs enfants.

En second lieu, il facilite la gestion dans le service de vie scolaire et le traitement des absences/retards/punitions. Le travail des AED s’en est trouvé grandement transformé en faisant disparaître les contraintes liées au ramassage des billets et en rendant la gestion des absences/retards plus aisée. Le travail des AED peut ainsi être centrée sur l’accueil, l’accompagnement et la surveillance des élèves. En nous libérant de tâches administratives laborieuses, l’ENT nous rend plus disponible aux partenaires de la communauté au sein de laquelle nous évoluons : la relation aux élèves est ainsi favorisée puisque nous gagnons du temps grâce à l’outil.

3. La fonction de référent numérique dans ton établissement t’a-t-elle permis de développer de nouvelles compétences professionnelles ?

La fonction de référent numérique est une mission récente au sein des établissements scolaires et je l’exerce pour la deuxième année. Une formation est en cours cette année pour nous donner accès à des nouvelles compétences dans les différents domaines liés au numérique (Internet, logiciel pédagogique,…), à la réglementation, aux usages et pilotage de projets.

Je vais devoir mettre en place avec le chef d’établissement une politique numérique clairement définie et connue de tous, dans le cadre d’un volet spécifique du projet d’établissement. Après concertation avec les collègues, nous définirons les grands axes et les services à déployer. Je vais apprendre à faire de la « veille informationnelle » afin d’informer sur les nouveaux outils disponibles par la mise en place d’une communication dédiée. Ce pilotage par délégation me permet d’avoir un autre regard sur les usages numériques au sein d’une classe et leur impact en terme pédagogique.

Je développe mes compétences numériques en administrant l’ENT. En tant qu’administrateur je communique avec notre prestataire et le chef de projet responsable de l’ENT au Conseil Départemental pour leur faire remonter les difficultés rencontrées et les demandes d’évolution émanant des collègues. En début d’année je dois former les collègues sur l’usage de l’ENT ou sur ses évolutions. Je forme également les parents à leur demande pour leur permettre de naviguer et trouver les informations sur l’ENT.

Une compétence nouvelle sera la réglementation sur les usages du numérique au sein de l’établissement afin de veiller à garantir la responsabilité du chef d’établissement face aux multiples offres proposées par différents sites. Les élèves peuvent être informés sur les risques du mauvais usage du numérique.

Cette fonction va m’apporter des compétences qui seront transposable par la suite dans ma mission de CPE.

Mon avis tient compte de mes capacités à gérer le numérique, mais je suis conscient des contraintes pour certains collègues moins à l’aise avec l’outil informatique. Les difficultés peuvent pousser certains à croire qu’ils ont changé de métier.

Christophe Horta

Un atelier philosophique au collège, témoignage

CPE TZR, Marielle est affectée cette année dans un collège rural. Elle fait le choix d’investir l’animation socio-éducative, champ professionnel par excellence des personnels d’éducation. Elle décrit dans cet article la démarche engagée lors de la mise en place d’un atelier philo, avec la laïcité en toile de fond. Un thème extrêmement porteur et qui vient en écho de l’actualité tragique que nous venons de vivre.

Pourquoi un atelier philosophique ?

Au départ, avec une collègue de lettres classiques, nous avions pour projet de travailler des fables en AP (accompagnement personnalisé) avec les classes de 6ème.

J’ai muté, donc ce projet n’a pu aboutir.

En arrivant dans ce nouveau collège, je souhaitais un projet similaire mais je n’ai pas trouvé de collègue intéressé.

La Principale m’a un jour présenté une écrivaine jeunesse, intervenante sur des projets dans le 1er degré.

Je lui ai parlé de mon envie d’initier les élèves à la philosophie. Elle était intéressée. Nous devions établir dans quel cadre, quel projet.

Rapidement le niveau 5ème a posé quelques soucis : manque d’envie en classe, pas d’initiatives, passifs en classe, manque de travail et d’attention.

On a donc choisi les deux classes de ce niveau.

J’ai lu l’appel à projet du rectorat sur la Laïcité.

On a donc décidé de lancer de projet : un abécédaire de la laïcité, avec tous les 5ème, à raison d’une heure par semaine, présence obligatoire.

Qu’est-ce qu’on a dit aux élèves ?

Que l’atelier philo est un espace de parole collective où peuvent s’exprimer les questions universelles des enfants et s’élaborer des réflexions critiques donnant du sens aux contenus scolaires. Rapport au monde, multiplicité des points de vue, réflexion sur les préjugés et l’opinion, l’atelier philo a pour but de favoriser l’émergence de sujets autonomes et responsables.

Quels sont les objectifs que nous avons visés ?

  • Permettre un espace où puissent se poser les questions universelles que les enfants se posent et qui ne sont pas prises en charge par les seules disciplines (sur la politique, la morale, la mort, le droit, etc.) ;
  • Donner du sens aux contenus scolaires en abordant des questions qui mobilisent et lient des savoirs transversaux ;
  • Apprendre à maîtriser les codes du débat en s’observant en tant que participant ;
  • S’interroger avec les autres, et ainsi prendre conscience qu’ils se posent les mêmes questions que moi ;
  • Développer les attitudes de solidarité, d’attention à l’autre, ainsi que la tolérance et l’ouverture d’esprit. En cela, l’atelier correspond tout à fait à une forme d’éducation citoyenne.

Quels impacts nous souhaitons observer sur nos élèves ?

L’atelier philo permet de questionner et de prendre de la distance par rapport à l’opinion commune, et par rapport à ses propres représentations.

Il améliore la communication du groupe et permet à l’enfant participant d’être considéré dans son individualité propre. Par le questionnement qu’il permet, l’atelier philo contribue à la construction de l’enfant comme sujet autonome : en effet, l’enfant doit élaborer sa propre réponse et non trouver « la bonne réponse » correspondant à l’attente de l’enseignant. Les réflexions développées dans le cadre de l’atelier sont propices à une meilleure compréhension du monde et favorisent le «pouvoir d’agir » des enfants.

Comment cela s’organise ?

Tous les élèves installent la salle à leur arrivée : un grand cercle de chaises.

Les adultes prennent des notes, pendant l’heure et le cahier est à la disposition des élèves quand ils le souhaitent, pendant la séance et à tout moment de la semaine (cahier dans le bureau de la CPE que les AED prêtent aux élèves à leur demande).

Les enfants prennent la parole quand ils le souhaitent, en levant la main. Toutes les paroles sont autorisées, mais il est interdit de parler lorsqu’un élève parle, il est interdit de se moquer.

Le niveau très faible de cette cohorte nous a obligé à nous questionner, à énormément travailler en amont. Le passage à l’écrit est difficile pour eux, c’est pourquoi nous avons décidé de prendre des notes, notes qui sont ensuite retravaillées avec eux (l’intervenante va en cours de Français une fois par mois ; je prends les élèves un lundi par quinzaine une heure ou deux).

Les premières séances ont été consacrées à la définition de la laïcité par Philippe Meirieu « La laïcité, c’est penser par soi-même et être capable d’avoir un regard critique sur les choses».

Puis nous avons travaillé sur la lettre L pour notre abécédaire. La semaine de la Laïcité au collège sera illustrée par les affiches des élèves (une dizaine), affichées dans la salle de réunion, salle centrale au collège. Nous allons ouvrir la séance de 13H à tous les adultes et élèves qui le souhaitent, et à 14H, aux CM2 de l’école du village.

En atelier, nous allons étudier une fable d’un prêtre jésuite indien, fable étudiée également au CM2 pour la séance de décembre : échanges, partage, entraide.

Pour la semaine de laïcité, nous lançons également une action solidaire : « Un cahier, un crayon pour le Mali », les élèves de 5ème en sont les ambassadeurs : avec moi, ils sont passés, en groupe, dans toutes les classes du collège pour parler de cette action, ainsi qu’à l’école primaire.

Nous avons également consacré une séance aux attentats de Paris : ce qui a été entendu et compris. Nous avons fini la séance par un poème d’Abdellatif Laâbi.

Suite aux attentats, avec tous les élèves qui se sont trouvés en étude le matin, nous avons échangé, à partir d’un powerpoint que j’ai retravaillé d’un collègue de lycée parisien, d’articles que j’ai apportés, de dessins, d’interrogations des élèves, et nous avons affiché sous le préau les textes que les élèves ont choisi.

Vous pourrez retrouver l’illustration de cela sur le site du collège : dans l’onglet Vie Scolaire / Clubs.

Vous trouverez également des informations sur l’autre club que j’anime, un club Japon.

Marielle PICHETTI, CPE Collège Charles Peguy, VAUVILLERS.

De professeur contractuelle à CPE

1) Vous avez débuté votre parcours dans l’éducation nationale en tant qu’enseignante contractuelle d’italien. Que retenez-vous essentiellement de cette première expérience ?

C’était une expérience passionnante ! Je me souviens comme si c’était hier, de la première fois où je me suis retrouvée dans la salle de cours face à mes élèves. J’étais impressionnée bien sûr mais j’étais tellement heureuse d’être là devant eux et d’avoir l’opportunité de leur transmettre ma passion pour la langue italienne. Je me suis tout de suite sentie privilégiée ! Je rêvais d’enseigner depuis le lycée !

De cette première expérience, j’en retiens surtout le lien avec les élèves, pouvoir les emmener et partager avec eux des savoirs, des connaissances, une passion. Le métier d’enseignant est magnifique pour cela : pour la joie de transmettre ! Quelle fierté quand un élève est capable en fin de quatrième d’écrire ou de parler en italien, quelques lignes, quelques mots.  

2) Intéressée par la vie scolaire, vous avez exercée la fonction d’assistante d’éducation dans un collège périurbain. Dans le cadre de votre engagement, vous avez accepté des responsabilités quotidiennes et porté des projets qui dépassaient souvent les missions habituelles d’un AED. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, notamment sur le projet des olympiades ?

Oui je me suis tout de suite intéressée à la vie scolaire de ce collège péri-urbain parce que je suis de nature à m’impliquer et à m’investir dans le travail, puis je suis organisée, c’était naturel pour moi. L’établissement était en pleine restructuration et l’équipe des encadrants était très dynamique et très novatrice, ce qui a porté une réflexion sur les dispositifs comme l’accompagnement éducatif. Pour rendre ce dispositif d’aide plus performant et renforcer les moyens que nous avions, il était nécessaire de porter les détails sur l’organisation, cela a nettement amélioré les conditions de travail des encadrants et des élèves dans l’unique but d’optimiser l’aide apportée aux élèves.

Sur le projet les Olympiades, j’ai adhéré très vite car il plaçait directement l’élève au centre de la problématique établissement et quelques compétences me permettaient d’y participer. Ces journées événements ont été créées au collège pour resserrer les liens entre tous les acteurs : élèves, enseignants, AED, CPE. Ce sont des journées organisées en collaborations avec les équipes pédagogiques et éducatives qui pensent les ateliers d’activités ou de découvertes pour les élèves. Ces journées sont pour les élèves une sorte de challenge à remporter par classe. C’est la classe qui a remporté un maximum de points par atelier qui est gagnante. Ce sont des journées de cohésion où l’on travaille différemment et où chacun peut trouver sa place plus facilement, s’identifier et développer un sentiment d’appartenance à son Ecole. C’est une notion très importante à développer. Elle est au cœur de la réussite des élèves. Un établissement dans lequel on se sent bien on y vient volontiers pour y travailler !

3) Dans la continuité de votre investissement en vie scolaire, vous avez naturellement opté pour la préparation du concours CPE et l’avez brillamment obtenu. Quels sont les 3 arguments majeurs qui vous ont fait choisir ce métier ? L’année de stage que vous venez de vivre vous a t’elle confortée dans votre choix ?

J’ai aussi été brillamment préparée, je n’oublierai pas toutes les personnes qui m’ont donné la force et la conviction d’être CPE ! C’est un grand bonheur pour moi de faire ce métier aujourd’hui.

*Le premier argument majeur est sans hésiter l’accompagnement des élèves, le suivi, l’écoute, les conseils, l’aide. Faire reprendre le sourire à un élève qui est en relation conflictuelle avec sa famille ou faire revenir en cours une élève qui veut démissionner, c’est ça pour moi le métier de CPE !

*le deuxième, c’est toute la partie technique, le CPE est un technicien qui pense, réfléchit, organise, guide. J’aime les métiers où l’on doit organiser.

*le troisième, c’est le volet animation et prévention, animer, donner de la vie, de la convivialité et informer pour mieux préparer nos jeunes, les guider du mieux possible pour en faire les meilleurs citoyens de demain !

Mon année de stage m’a confortée dans ce choix, je me suis sentie tout de suite à ma place avec les élèves, c’est eux qui m’ont montré que j’étais sur la bonne voie !

4) Vous êtes nommée à la rentrée dans une autre académie que la vôtre dont le fonctionnement relève d’une cité scolaire. Comment appréhendez-vous ce nouveau défi professionnel ?

Oui je suis nommée dans l’académie de Strasbourg dans un lycée professionnel assorti d’un CFA d’une capacité de 1200 élèves environ. J’appréhende ce défi de façon plutôt positive, j’arrive avec ma personnalité, mon expérience et ma conception de CPE. L’établissement est d’un point de vue architectural remarquable, les locaux sont agréables, les ateliers pour les élèves sont d’une grande qualité, les filières sont très intéressantes, il y a beaucoup de possibilités d’ouvertures sur de nombreux projets. Un premier temps d’observation sera nécessaire puis ensuite je choisirai les projets les plus appropriés pour l’intérêt des élèves et de l’établissement. C’est certain, je ne vais pas m’ennuyer !

Antonella

Céline ou la richesse d’une expérience de TZR

Céline Devaux nous fait partager son métier de CPE avec passion et conviction. « Itinérante » pendant quelques années, elle n’a jamais perdu son « Nord professionnel » : L’élève avant tout ! Affectée enfin sur un poste fixe, elle gagne une stabilité bien méritée et projette de s’investir pleinement dans son nouveau collège de Côte d’Or.

1) Vous êtes CPE TZR depuis 5 ans dans l’académie de Besançon. Vous avez exercé dans différents types d’établissement : collège périurbain de 700 élèves de la banlieue bisontine, lycée polyvalent d’une commune de Haute-Saône, collège rural de la région Doloise… Quel est le remplacement qui vous a le plus marqué ? Pourquoi ?

Le remplacement qui m’a le plus marqué est certainement le lycée polyvalent de Haute-Saône. C’était la première fois que j’exerçais dans un lycée avec deux autres collègues habituées à travailler en lycée.

Le travail de CPE est totalement différent en lycée. J’exerce ce métier car je veux être au service des élèves et œuvrer pour leur réussite. En collège, à chaque instant nous sommes sollicités de toutes parts, par les adolescents, les adultes et nous travaillons souvent dans l’urgence. Cette dimension « d’être au service des élèves » prend littéralement tout son sens car l’exercice de nos missions au collège implique que nous devons être sans arrêt à l’écoute des jeunes qui nous interpellent parfois pour de simples petits tracas. Nous devons être aussi extrêmement rigoureux par rapport au contrôle des absences, puisque les élèves sont soumis à l’obligation scolaire. Attentif également par rapport à leur circulation au sein de l’établissement, par rapport à leur sécurité dans les locaux. Nous faisons au quotidien des rappels au règlement intérieur. Nous travaillons aussi beaucoup avec eux sur l’éducation et l’apprentissage de la citoyenneté.

En lycée ce n’est pas la même chose, nous sommes également au service des lycéens mais ça se fait de manière indirecte : les adolescents sont plus autonomes, nous intervenons davantage dans le cadre administratif (plannings, « paperasses » administratives à gérer, constitutions des classes, préparation des examens…) Notre champ d’actions s’étend davantage sur l’orientation et le suivi des élèves.

Les lycéens sont moins demandeurs, moins présents dans notre bureau, le rapport à l’adulte est plus distant. Les entretiens avec les lycéens sont plus programmés qu’au collège.

En revanche, j’ai eu la chance de prendre en charge le dossier du du C.V.L (conseil de vie lycéenne), ce qui m’a permis de travailler au plus près d’un petit groupe d’élèves enthousiastes à l’idée de monter des projets pour améliorer leur cadre de vie.

2) De manière plus générale, quels sont les avantages et les inconvénients d’être CPE affecté en zone de remplacement par rapport à une affectation en poste fixe ?

Les avantages : les CPE TZR sont amenés à effectuer des remplacements dans des établissements différents (collèges avec ou sans SEGPA, ULIS, lycées, avec ou sans internat, LGT, LP, établissements ruraux, urbains à forts ou faibles effectifs..), ce qui demande une forte capacité d’adaptation. En fait, cela m’a permis de diversifier mon activité et, par voie de conséquence, d’étendre mes champs de compétences dans de nombreux domaines.

Les deux difficultés principales résident d’une part, dans la variété des responsabilités confiées au CPE, en fonction des diversités des établissements, des différences de fonctionnement propres à chaque établissement, et aussi des attentes différentes des chefs d’établissement.

D’autre part, le second inconvénient tient sans aucun doute dans la difficulté de conjuguer vie familiale et vie professionnelle dans la mesure où le CPE TZR peut être amené à faire plusieurs remplacements durant l’année.

Les horaires, les emplois du temps ne sont pas les mêmes en fonction des établissements et les chefs d’établissement n’ont pas non plus les mêmes attentes dans ce domaine pour organiser le service de vie scolaire. Cela implique que les collègues TZR doivent parfois trouver une assistante maternelle ou une garderie qui acceptent ces changements de planning.


3) Depuis le début de votre carrière, vous avez toujours eu à cœur de développer des projets mais aussi d’aller au-delà de vos missions de CPE. Qu’est ce qui vous pousse à vous investir à fond dans le métier ?

Tout simplement la réussite des élèves et l’épanouissement de chacun d’entre eux. Dans ma manière de servir, je poursuis l’objectif que tous les élèves progressent et trouvent leur voie dans leur projet personnel.

Si un élève se sent bien dans son établissement, si des projets qui répondent à ses attentes sont mis en place et si le cadre scolaire lui semble agréable, il aura le sentiment d’y être respecté et de vivre positivement son parcours scolaire.

Je suis persuadée qu’une partie de sa scolarité sera facilitée par ce contexte et je pense avoir un rôle central à jouer pour faciliter ses conditions d’apprentissage et son accompagnement au quotidien.

4) À la prochaine rentrée, vous serez affectée dans l’académie de Dijon. Une nouvelle page de votre parcours professionnel va s’ouvrir. Comment abordez-vous ce virage ? Quels défis vous donnez-vous dans votre futur établissement ?

Oui une nouvelle page se tourne à la rentrée. Je serai en poste fixe, seule, dans un collège de 650 élèves. Habituée jusqu’alors à changer d’établissements, de collègues et d’élèves quasiment chaque année, j’aborde cette stabilité positivement et sereinement. Le propre de notre métier c’est de savoir s’adapter vite et en toutes circonstances.

Ce collège de Côte-d’Or a été totalement reconstruit, donc j’aurai la chance de travailler dans de nouveaux locaux.

Mon challenge sera dans un premier temps de repenser la vie scolaire de A à Z en collaboration avec les AED et sous l’autorité de mes chefs d’établissements. Les élèves seront accueillis dans un nouveau bâtiment tout neuf. Ils découvriront en septembre leur nouvel univers, notamment les salles et les différents lieux (administration, vie scolaire, réfectoire, infirmerie….). Il s’agira donc d’organiser leurs déplacements, d’assurer leur sécurité, et d’être un maximum sur le terrain pour veiller à ce que les locaux restent en très bon état.

Dans un second temps, je m’appuierai sur mes prédécesseurs qui ont sans aucun doute mis en place de bonnes choses, et j’apporterai ma vision personnelle du métier. Une phase d’observation, même très courte, me semble nécessaire et me permettra l’élaboration d’un diagnostic et le repérage des difficultés ou des fragilités dans le fonctionnement quotidien. J’apporterai ensuite un regard neuf et proposerai des idées nouvelles à l’équipe éducative et pédagogique, en concertation avec l’équipe de direction.


5) Votre engagement professionnel laisse présager d’une progression de carrière accessible rapidement. Vous imaginez-vous occuper une fonction de personnel d’encadrement (chef d’établissement, IA-IPR…) dans les années à venir ?

Pour le moment non. J’attendais impatiemment d’être nommée en poste fixe pour enfin pouvoir travailler plus de 2 ans dans un même établissement et c’est chose faite à la rentrée de septembre.

Je vais pouvoir enfin développer mon champ d’actions en m’inscrivant dans la durée dans ce collège. Avec les années et le recul, je pourrai aussi assurer une continuité de service, observer et analyser davantage ma pratique et la remettre en question si besoin, avec pour seule ligne de conduite, « toujours faire mieux pour le bien être et la réussite de nos élèves. »

D’assistante d’éducation à CPE, le témoignage de Magali

La richesse du parcours de Magali ne peut que retenir notre attention. Elle exerce aujourd’hui le métier de CPE à la lumière d’expériences  précédentes qui donnent une autre dimension à sa pratique professionnelle. À la fois réflexive et pragmatique, elle s’apprête à découvrir de nouveaux horizons géographiques avec un objectif : avancer et se remettre en question.

1) Avant de réussir le concours de CPE, vous avez exercé la fonction d’assistante d’éducation dans un EREA du département du Rhône. Quels sont les grands enseignements que vous tirez de cette expérience, en particulier dans l’accompagnement des élèves en difficulté ?

Le travail en EREA (celui de Villeurbanne étant spécialisé dans la Déficience visuelle) est une leçon de vie.

À titre personnel, je n’avais jamais été confrontée à l’accompagnement d’un public porteur de handicap. L’ouverture d’esprit apportée par cette expérience est comparable à celle du voyage. La richesse des échanges avec des élèves qui parlent sans tabous de leurs difficultés conduit à la prise de conscience d’une réalité méconnue.

La collaboration est indispensable, non seulement avec les éducateurs présents sur le collège en permanence (surtout à l’internat), mais également avec l’équipe médicale (plateau technique important).

Certains élèves présentant des pathologies très sévères rendent impératifs une surveillance et un accompagnement accrus.

Il est évident que ce type de prise en charge favorise le lien à l’enfant. Il nécessite d’être à l’écoute des besoins des élèves tout en maintenant le même cadre que pour tout autre jeune de l’enseignement ordinaire.

Il faut trouver un juste équilibre entre l’adaptation bienveillante à un public particulier et la fermeté garante du cadre éducatif et indispensable à la bonne marche du service.

Le nombre restreint d’élèves par classe permet un suivi de plus grande proximité où chaque enfant doit être pris en compte dans sa singularité ( adaptation des supports d’enseignements et de travail inhérent aux différents troubles de la vision ). La « souplesse » pédagogique est un réel support pour un mode de travail et un accompagnement individualisé et ouvre un espace à l’initiative.

Paradoxalement il n’y a pas de misérabilisme et il m’est arrivé « d’oublier » le handicap de certains élèves qui ne sont pas définis par leur trouble mais bien par leur personnalité.

Je relèverai néanmoins le manque d’accompagnement des équipes éducatives qui y exercent puisqu’aucune formation (interne ou externe) n’est proposée aux AED.

La particularité de la cité scolaire de Villeurbanne est qu’une majorité des élève du LP ne sont pas déficients visuels. La mixité en est un atout.

Pour preuve, un repas dans le noir – pour sensibiliser les voyants à la déficience visuelle – a été organisé par des élèves de Seconde Gestion Administrative alors que je travaillais à l’EREA. Cette initiative fût une expérience incroyable que je recommande à tous les voyants et qui est plus parlante que tous les écrits que je pourrais diffuser (voir article).

Mon regard sur le handicap et l’enseignement adapté a évolué à travers la relation éducative tissée avec les jeunes de la cité scolaire.

2) La relation avec les familles est une dimension cruciale du métier de CPE. Vous avez suivi il y a quelques années une formation de médiatrice familiale. Quelles compétences avez-vous acquises dans ce cadre et qui sont transférables à l’exercice de votre métier d’aujourd’hui ?

DÉFINITION ADOPTÉE PAR LE CONSEIL NATIONAL CONSULTATIF DE LA MÉDIATION FAMILIALE (2002)

« La médiation familiale est un processus de construction ou de reconstruction du lien familial axé sur l’autonomie et la responsabilité des personnes concernées par des situations de rupture ou de séparation dans lequel un tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir de décision – le médiateur familial – favorise, à travers l’organisation d’entretiens confidentiels, leur communication, la gestion de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité et dans son évolution ».

La médiation est un pilier possible de la pratique du CPE. Les difficultés de communication entre la famille et l’établissement ou au sein même de la famille, cristallisent de la plupart des conflits qui se matérialisent à l’École.

Être un « tiers » qui fait circuler la parole sans jugement permet simplement à chacun de se faire entendre et se sentir écouté.

Si penser que cela est suffisant serait utopique, c’est néanmoins le cœur de notre beau métier.

Les incompréhensions et le manque de dialogue sont à l’origine de nombre de situations d’échec ou de décrochage scolaire.

Le simple fait d’apprendre à avoir une écoute active et de savoir reformuler est une aide précieuse dans la pratique. Cela permet, dans une certaine mesure, d’éviter les malentendus entre l’institution et les familles, dont les points de vue ont parfois tendance à diverger.

Cette formation m’a également permis de connaître les limites de mon rôle de CPE dans l’intervention de la sphère familiale, et d’apprendre à relayer aux professionnels du secteur lorsque la situation l’exige.

Envisager la profession sous le prisme de la médiation est une alternative dont la plupart des CPE se saisissent sans forcément la nommer. Notre posture singulière permet ce recours au dialogue en maintenant un positionnement de relative neutralité entre les acteurs.

J’ajouterais que si la médiation est un atout considérable dans la (re)-construction de liens avec les familles, c’est également un outil de communication incontournable au sein même des équipes de l’EPLE. Elle est nécessaire entre enseignants-élèves, équipes éducatives-Direction, CPE-AED…

Enfin la médiation entre élèves (médiation par les pairs) est une méthode qui a également fait ses preuves et dont devraient s’emparer plus d’établissements (en proposant une formation dans le cadre de FIL par exemple). Sensibiliser les jeunes dès le collège à la gestion des conflits par eux-mêmes  renforce l’autonomie, l’écoute et l’entraide, sources de la citoyenneté.

3) Durant votre année de stage, vous avez conduit une recherche sur le rapport à la loi dans l’établissement scolaire et à la pédagogie de la sanction. Considérez-vous que l’image du CPE en collège est encore très proche de celle du surveillant général ou voyez-vous une évolution positive dans les représentations des divers acteurs (enseignants, élèves, parents…) ?

Vaste question !

L’idée que les CPE ont de leur métier (ainsi que  le référentiel de compétences qui cadre notre profession) est aux antipodes de l’image de « surgé ».

Quant aux équipes,  leur représentation de la fonction dépend, à mon sens, d’une part du CPE en exercice (et de la conception qu’il a lui même de son métier) et d’autre part du type de collège dans lequel il « sévit »!

Les établissements sensibles sont plus souvent porteurs de projets innovants dans lesquels s’inscrivent (où sont à l’initiative) nombre de collègues CPE. Cette réalité ainsi que la relative « jeunesse » des personnels en fonction, permettent une évolution de l’image de « gendarme » à celle de  « conseiller d’éducation ».

Nous restons l’un des garants du cadre institutionnel (qui passe par le respect des règlements) et sommes partie prenante dans la sanction. Ce qui, selon la politique et le projet d’établissement, renforce ou non la redéfinition de notre rôle.

Je reste optimiste en considérant l’évolution même de la sanction : mesure de responsabilisations, réparation, portée éducative.

Cela tend  à mettre en exergue les valeurs d’accompagnement à l’éducation prônées par les CPE.

C’est pour cette même raison qu’il faut rester en lien et s’impliquer avec les familles, si possible, lors de moments clés (journées portes ouvertes, remise des bulletins, suivi de scolarité, création d’activités en partenariat…) en dehors de la punition et la sanction.

4) À la prochaine rentrée, vous serez affectée en Guyane à votre demande. Pouvez-vous nous dire ce qui est à l’origine de votre choix et en quoi il s’agit pour vous d’un défi professionnel ?

Arriver dans un établissement est en soi une découverte. Le faire en Amérique du Sud ajoute simplement des couleurs au voyage.

La Guyane est un département méconnu (vous seriez surpris par le nombre de métropolitains qui pensent que c’est une île !). La préservation du tourisme de masse est un gage d’authenticité et de préservation des cultures présentes sur ce territoire.

J’aspire à découvrir une autre perception de mon métier. Ouvrir mon champ d’expérience et m’enrichir dans la diversité culturelle et professionnelle. La construction de son identité passe aussi par une ouverture à l’autre.

D’autre part, j’ai eu l’occasion de suivre des formations en métropole qui ne sont pas forcément accessibles dans les DOM, et j’espère, à ce titre, pouvoir apporter ma contribution dans la création et la mise en œuvre de projets.

J’ai conscience qu’il est parfois compliqué de s’expatrier et une que cela suppose une certaine humilité envers sa terre d’accueil.

Un nouvel environnement, des saveurs et des représentations différentes permettent une mise en hauteur nécessaire à ma pratique. Il est indispensable de ne pas s’ancrer dans une routine professionnelle et s’obliger à prendre du recul pour rester efficient. Un départ outre mer n’est pas l’unique ressource à disposition, bien évidemment, mais c’est un défi humain et professionnelle que j’ai hâte de relever!

 

Faire fonction de chef d’établissement quand on est CPE, témoignage


Corinne, CPE très engagée dans son collège, a endossé  ponctuellement le costume d’adjoint au chef d’établissement. Expérimentée et diplomate, elle vit cette fonction transitoire comme une chance de diversifier sa carrière et de renforcer la cohésion entre les personnels de l’établissement.

 

  • Quelles sont les raisons principales qui vous ont conduit à accepter de faire fonction de chef d’établissement à plusieurs reprises dans le collège où vous travaillez ?

J’ai été amenée à faire fonction de principale adjointe à trois reprises dans l’établissement où je travaille depuis douze ans. Je suis attirée par ce métier parce qu’il peut être une évolution positive dans la carrière d’un conseiller principal d’éducation  et ça m’intéressait par ce biais de le découvrir. Les trois fois, c’est le chef d’établissement qui a proposé cette organisation car j’ai une bonne connaissance du fonctionnement de ce collège. J’ai accepté aussi pour rendre service à l’établissement car lors d’arrêts maladie, il n’y pas de remplaçant chez les personnels de direction et c’est régulier que l’institution fasse appel au personnel déjà présent.

  • Trouvez-vous que les compétences développées dans la fonction de CPE « prédisposent » à exercer celle de personnel de direction ?

Je dirais que c’est la personne qui fait la fonction… Il me semble qu’être investie, ne pas compter ses heures, être organisée, avoir de l’autorité, savoir prendre des décisions sont des compétences qu’un CPE doit avoir et qui me semblent  importantes également pour exercer le métier d’adjoint.

 

  • On dit que la façon d’incarner la fonction de CPE n’est pas la même selon le type d’établissement dans lequel on exerce. Partagez-vous ce sentiment dans la peau d’un chef d’établissement ?

Le CPE dans un collège est forcément sur le terrain car à cette période de l’adolescence, les élèves sont toujours en action et cela nécessite d’avoir pas mal d’énergie. Les élèves ne trouvent pas forcément de sens à ce qu’ils apprennent, ils ne se projettent pas.  Au lycée, on a affaire à des adolescents qui sont en passe de devenir des adultes et ils sont déjà dans une démarche de projet d’avenir professionnel.  Donc, oui, la façon d’exercer est différente.  Pour un adjoint c’est un peu pareil. S’il est au lycée,  il aura peut-être des tâches plus catégorisées et plus administratives mais encore une fois c’est une question de personnalité. J’ai pour ma part besoin d’être au contact des jeunes.  Par contre, il est vrai que dans la peau d’un chef d’établissement, le regard des autres adultes change et la relation avec ces derniers aussi. Le management est primordial dans cette fonction.

  • Quelles différences majeures voyez-vous entre le positionnement d’un adjoint ou d’un chef d’établissement ?

L’adjoint doit être loyal envers le chef d’établissement, il est son conseiller mais ce n’est pas lui qui décide au bout du compte. L’équipe de direction se compose finalement que de deux personnes minimum mais ce sont eux qui donnent « l’ambiance d’un établissement ». Cela nécessite un vrai travail d’équipe et des valeurs communes pour une collaboration réussie.

  • Comment voyez-vous votre avenir professionnel dans les cinq ans qui viennent ?

Dans cinq, dix ans, je me vois dans un métier relationnel, CPE sûrement mais peut-être dans un lycée professionnel ou dans un lycée si des possibilités de mutation s’ouvrent. Je tenterai peut être dans une année ou deux de faire fonction dans un autre établissement mais pour l’instant je privilégie ma vie de famille car c’est mon équilibre.

Corinne Choulet

CPE et secouriste, un axe original de l’éducation à la citoyenneté

Pascale, CPE en collège, s’est donnée les moyens de se former au secourisme dans la 2ème partie de sa carrière.  Son but ? faire bénéficier de ses compétences un maximum d’élèves et d’adultes de son établissement.  Un axe original  de l’éducation à la citoyenneté !

1) Qu’est ce qui est à l’origine de ton désir de développer des compétences en tant que formatrice dans le domaine du secourisme ?

Il y a maintenant 6 ans , je me suis lancée dans cette aventure. Suite à un article sur le nombre de décès dus à des accidents domestiques, l’idée m’est venue de suivre cette formation . En effet, aujourd’hui, en France, des dizaines de milliers de personnes sont victimes d’accident de la vie quotidienne, de la route, d’incendies ou de risques majeurs. Mon intérêt personnel pour cette formation s’est ensuite transformé en intérêt professionnel  car au sein de mon établissement , 2ème collège de notre académie aucun adulte ne possédait ce monitorat et trop peu le PSC1 (Prévention et Secours Civiques de niveau 1).

Si chaque individu savait alerter le service de secours adapté et effectuer les premiers gestes indispensables, le nombre de personnes décédées serait considérablement réduit .

Je tiens à ajouter que nous sommes trop peu d’adultes formés. Cette lourde formation de minimum de 50 heures a dissuadé plusieurs candidats.

2) Quels sont les liens que tu vois entre cet engagement et le métier de CPE ?

Notre métier est un engagement quotidien ,un métier de partage. Notre mission éducative est d’accompagner tous ces jeunes tout au long de leur scolarité .Les relations et contacts collectifs avec des élèves les dirigeront vers la responsabilisation. Apprendre à porter secours, à protéger autrui les conduiront à respecter au quotidien les consignes de sécurité. Participer à la transmission d’un nouveau savoir et savoir-être est un challenge passionnant. Leur apprendre les techniques de secours et les conduites à tenir, avoir un autre contact avec les élèves est un défi à relever et je l’ai fait.

Cette formation se construit à partir de situations d’apprentissage qui s’ancrent dans les programmes, s’exercent dans la vie scolaire et prennent pleinement sens dans la vie quotidienne des élèves. C’est ainsi, que toutes les personnes intervenantes pourront contribuer efficacement à ce que les élèves adoptent progressivement des comportements de citoyens responsables.

N’est-ce pas le métier de CPE ? Aller plus loin, rechercher l’inconnu…

Très peu de CPE dans l’académie sont formés. Combien ont le PSC1 ? Il serait intéressant de connaître le nombre au niveau national.

3) En quoi cette mission s’inscrit-elle dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté ? du socle commun ?

Dans le cadre du CESC, les textes officiels prônent une sensibilisation à la prévention des risques, marquent l’importance accordée à l’acquisition par les élèves, de savoirs et de comportements nécessaires pour prévenir une situation de danger, se protéger et porter secours.

En ce qui concerne les compétences du socle, l’Éducation à la responsabilité doit permettre aux élèves, futurs citoyens ou citoyens, de développer des analyses lucides, des attitudes prudentes et des démarches solidaires . 

4) Quels sont les compétences visées dans l’exercice de cette activité ?

  • Assurer la sécurité, avoir une connaissance des risques majeurs, des mesures de prévention, de protection.

  • Transmettre les informations aux services de secours adaptés

  • Savoir pratiquer les gestes de premiers secours

  • Développer les compétences civiques et solidaires, avoir le sens de la responsabilité individuelle et collective à partir de situations concrètes et intelligibles.

Les contenus disciplinaires offrent un point d’ancrage pour conduire une éducation à la santé et à la citoyenneté.

– Avoir une connaissance de son bassin d’habitation

5) Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans la mise en œuvre ?

  • 7 heures pour 10 élèves seule, c’est très difficile à tenir surtout avec un seul jeu de mannequins

  • Matériel : bien travailler avec les services intendance, c’est indispensable pour avoir le bon matériel qui est onéreux. Certains établissements mutualisent mais c’est très compliqué pour la réservation et l’entretien.

  • Les partenaires extérieurs à l’Éducation Nationale (SDIS, Sécurité Civile, Croix Rouge…) sont des organismes à prestations facturées, impossible pour beaucoup d’établissements de petite taille.

  • L’Éducation Nationale forme chaque année de nombreux moniteurs mais en ce qui me concerne, je suis toujours seule et c’est parfois compliqué de gérer la formation que j’aime avec mon emploi du temps de CPE que j’aime également.

6) Quelles différences majeures vois-tu entre une formation adressée aux élèves et une adressée aux adultes ?

Pour l’instant, je n’ai pas formé d’adultes. Ceci est prévu pour 2015.

Les adultes se rapprocheront certainement plus de leur vécu et leur intérêt sera différent.

Parfois, les élèves ont du mal à effectuer les cas concrets (ce qui permet la validation de la formation)

Cela sera plus simple avec les adultes qui imagineront le scénario plus sérieusement.

Cette formation doit se faire sur la base du volontariat.

7) Y a-t-il des nouveautés envisagées en 2015 ? De nouveaux partenaires sont-ils amenés à se mobiliser autour de cet objectif ?

Chaque année , une journée de recyclage est obligatoire pour garder le monitorat et c’est à cette occasion que nous évoquons les nouveautés.

Le contenu et l’aspect pédagogique ont été modifiés en 2012 . La durée est toujours de 7 heures par groupe de 10 élèves pour un moniteur.

Pascale DROUHIN

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