Alors que l’Inspection Générale de l’Éducation Musicale mène une mission sur les enseignements artistiques au collège, le SE-Unsa est allé à la rencontre d’enseignants d’arts plastiques et d’éducation musicale : Quelles sont leurs conditions d’exercice, leurs aspirations professionnelles et comment voient-ils la place des enseignements artistiques dans le système éducatif ? Martine, professeure d’éducation musicale, Sabrina, professeure d’éducation musicale et Christelle, professeure d’arts plastiques, ont accepté de répondre à nos questions.
À quoi ressemble votre vie d’enseignant dans votre établissement et votre salle de classe ?
Martine : Je suis sur 3 établissements ruraux distants. Après plusieurs années, j’ai enfin une salle uniquement destinée à la musique dans le premier établissement. Elle est très petite, sans table (ce que je n’ai plus depuis 1995, sauf quand je n’ai pas le choix), les chaises ont des tablettes, avec un piano électrique de qualité, une chaîne hifi de qualité. Nous n’avons que des percussions fabriquées par les soins de l’agent ou des élèves : baguettes, tuyaux, oeufs de k… et bien sûr un ordi avec vidéoprojecteur sur le tableau blanc. Mais dans le 2ème établissement je n’ai pas de salle dédiée, donc des tables, un piano électrique de qualité (acheté à mon arrivée, ce qui a pris 2-3 ans d’attente sans avoir rien du tout) et une chaîne stéréo à bas prix (on n’entend pas tous les sons !). Je fais chanter les CM2 de l’école qui représente la moitié de nos élèves de 6ème sur des projets communs école-collège en produisant des spectacles et des enregistrements.
Christelle : Je travaille dans un établissement urbain assez récent, cependant si la salle est lumineuse et spacieuse, elle n’a pas de rideaux ni d’équipement informatique. À partir de là, comme les nouveaux programmes sont très tournés vers l’informatique, je suis en difficulté. Alors je bidouille avec une valise à tablettes, mais il n’y a pas moyen de faire basculer les images des élèves sur les ordinateurs pour les imprimer, ou les mettre dans leur casier numérique. Rester dans les clous au niveau du programme à ce niveau-là, reste donc un parcours du combattant. J’ai essayé de créer des liens avec les enseignants des écoles du secteur, cela a bien pris, mais il nous manque le temps pour travailler ensemble, ce qui est frustrant.
Sabrina : Je suis dans un établissement urbain classé REP+ (quartiers nord de Marseille). Dans ma salle j’ai opté pour le maintien des bureaux, contrairement à de nombreux collègues qui sont passés aux pupitres. Je dispose d’un instrumentarium très correct : une batterie, deux claviers en sus du piano prof, des congas et des claviers enroulables.
Est-ce que vos programmes disciplinaires vous plaisent ?
Martine : Trop de liberté. Certes, c’est pratique pour nous, mais du coup on a tendance à toujours se renouveler ! Ce qui nous fait beaucoup de travail. Mais quand un élève arrive d’un autre collège, il est perdu parce qu’il n’a pas vu les mêmes notions, ou n’a pas fait beaucoup de chants, ou d’écoutes, etc. En fait, tels qu’ils sont formulés, les programmes n’existeraient pas, ce serait la même chose. Il faudrait vraiment qu’un travail soit fait par nos inspecteurs à ce sujet.
Christelle : Les programmes me plaisent, car ils restent très ouverts. Néanmoins, le tournant informatique en arts, alors que les enfants passent déjà beaucoup de temps sur les écrans, m’embête. Je préfère me battre pour qu’ils sortent et se remettent en rapport avec la nature.
Sabrina : Les programmes disciplinaires sont très peu directifs. C’est évidemment un avantage au niveau de la liberté pédagogique laissée à l’enseignant. Mais cela présente également un inconvénient majeur puisque deux élèves du même niveau peuvent avoir un parcours totalement différent en fonction de leur enseignant. Cela contribue à donner aux enseignements artistiques l’image de discipline « secondaire » qui est la leur.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’enseignement de votre discipline ?
Martine : Justement cette liberté pédagogique, malgré tout, car elle permet, quand on le prépare ensemble, de s’inscrire dans des projets (sous toutes formes) très différents selon les années, ou les envies. Le plus délicat et agaçant, c’est que les élèves et leurs parents s’attendent soit à ce qu’ils apprennent un instrument individuellement, soit à ce qu’on fasse une sorte d’animation genre colonie : chansons à la mode, écoute de morceaux à la mode. C’est chaque année une bataille de faire comprendre à certains que ce n’est pas le but, et que nous sommes là plutôt pour leur faire faire des choses auxquelles ils n’auraient pas pensé ou leur faire écouter et chanter ce qu’ils ne connaissent pas. Plus les élèves avancent dans le collège, plus c’est difficile.
Quelque chose à rajouter en conclusion ?
Christelle : Ce qui me plaît, c’est la possibilité de me fondre dans la plupart des projets du collège.
Sabrina : L’aspect très agréable de notre métier est lié au fait que nous dépendons peu des acquis strictement scolaires. Les élèves en grande difficulté découvrent une discipline différente, dans laquelle ils peuvent être en situation de réussite, en faisant appel à des compétences peu valorisées dans les disciplines plus scolaires.
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