Quel rapport au temps entretiennent les CPE ?

Didier Racle, CPE dans l’académie de Besançon, a effectué un passionnant travail de recherche sur le rapport au temps des CPE. Il a accepté de répondre à nos questions.

Avec le recul, qu’identifiez-vous comme étant le point de départ de votre mémoire universitaire ?

D’abord l’envie de prendre encore davantage de recul sur l’exercice d’une fonction que j’exerce depuis 1993. Ensuite le besoin, en tant qu’intervenant à l’Espé, de m’inscrire dans une démarche de recherche qui va de pair avec la nécessité de se former. Le master « Parcours et ingénierie de la formation » que j’ai intégré pendant deux années universitaires m’a donné l’opportunité d’aller plus loin dans l’analyse de l’activité des conseillers principaux d’éducation. En analysant le rapport que les CPE entretiennent avec le temps, j’ai tenté de répondre à la question initiale qui débute tout travail de recherches, à savoir : « pourquoi les CPE qui évoquent leur activité avancent systématiquement l’idée d’un temps qui manque ou après lequel ils courent ? »

Et comment vous y êtes-vous pris pour répondre à cette question ?

Il faut d’abord définir les notions abordées en procédant à une revue de littérature. J’ai très rapidement opté pour une approche sociologique. La sociologie propose de découper le temps en une multiplicité de temps sociaux : temps de loisirs, temps de repos, temps du travail…. Mon travail se situe donc bien naturellement dans le temps du travail et plus spécifiquement celui des CPE.

Dans ce cadre, deux approches se sont proposées à moi. Une première qui consiste à appréhender la notion du temps d’un point de vue quantitatif. Il s’agit là d’un temps qui se compte et se décompte. C’est le temps de travail dont la durée est prescrite par les textes réglementaires et qui s’organise et se découpe en fonction des caractéristiques de chaque métier et des besoins de l’organisation qui l’intègre. La seconde approche est davantage qualitative dans une dimension plus subjective d’un temps qui se vit et se ressent : le temps au travail. L’activité est alors découpée en « tranches » de vie » perçues comme plus ou moins contraintes ou choisies. Ces moments se jouent dans des relations interpersonnelles. Ils ont aussi un sens et une valeur et permettent d’accéder à la reconnaissance. J’ai donc décidé d’aller confronter les CPE à cette double approche pour mieux comprendre comment s’organisent et se découpent leur temps de travail et comment ils vivent leur temps au travail.

Comment avez-vous procédé ?

Je suis allé à la rencontre des CPE sur le terrain en utilisant l’entretien semi-directif comme méthode de recueil de données. Mon panel était constitué de 13 CPE également répartis dans tous les types de structures, collèges, lycée professionnel et lycée général et technologique. Certains exercent en solo, d’autres en équipe. Les entretiens se sont déroulés d’octobre 2017 à mars 2018 sur le lieu d’exercice des acteurs concernés. Les entretiens, enregistrés, ont été intégralement retranscrits puis dépouillés et analysés par thématique. Et puisqu’il est question de temps, je peux vous dire que la retranscription et l’analyse de 13 entretiens en requièrent beaucoup !

Avez-vous rencontré des réticences à vous accueillir ?

Aucune. J’avais sollicité une vingtaine de CPE. Tous m’ont spontanément ouvert leur porte sans restriction. Le choix du moment leur avait été laissé, ce qui m’a apporté des éléments d’analyse supplémentaires. Les entretiens se sont déroulés au sein de l’’établissement d’exercice mais, la plupart du temps, il y a eu délocalisation plus ou moins lointaine du bureau des CPE ou des services vie scolaire. Avec parfois des choix de cachettes pour éviter d’être dérangés. Car c’est là l’une des premières caractéristiques du corps des CPE qui se décrivent comme des acteurs sans cesse dérangés.

C’est-à-dire ?

Il suffit demander aux CPE de raconter leur journée de travail pour constater leur incapacité à le faire. Aucun de ceux que j’ai rencontrés n’y est parvenu. Les CPE débutent la journée avec des tâches qu’ils ont prévues d’accomplir mais l’ordonnancement est très vite remis en cause par l’émergence de situations qu’ils vont devoir traiter. L’horizon temporel des CPE ne dépasse pas le quart d’heure avec une impression marquée de ne jamais parvenir à terminer ce qui est commencé d’où la sensation de course. Les CPE aspirent à « se poser ». Des temps de pauses qu’ils s’octroient généralement en prenant leur service avant l’heure et /ou en terminant plus tard. Ces temps supplémentaires relèvent très rarement d’une quelconque pression hiérarchique mais, la plupart du temps, d’une prise d’initiative individuelle des agents qui ont besoin de ces plages de travail supplémentaire pour rattraper le temps perdu dans la journée à gérer des situations souvent qualifiées d’urgence. Pour se sentir apaisés au moment de quitter leur établissement d’exercice, les CPE débordent systématiquement leur grille d’emploi du temps. Ils ont également besoin de ces temps de pause pour exercer leur fonction telle qu’ils l’envisagent idéalement.

Et comment les CPE envisagent-ils cet idéal ?

Pour les CPE, le temps à disposition doit principalement être consacré aux élèves. Ils aimeraient également l’utiliser pour échanger en équipe élargie, avec leurs collègues CPE, les enseignants et les membres de l’équipe de direction. L’idée avancée est celle de l’élaboration d’une stratégie réfléchie sur du long terme qui permettrait une action concertée, cohérente et partagée. Avec en filigrane, l’idée d’une économie de temps qui permettrait aux CPE de vivre leur métier dans un rôle d’éducateur revendiqué. « On transmet de l’éducation » me dira l’un d’eux. Les CPE se reconnaissent pleinement dans ces temps d’éducation qui les mettent en scène dans une relation individuelle ou collective avec les élèves. Ces moments correspondent au sens et à la valeur qu’ils veulent donner à leurs actions. Au cours des entretiens que j’ai menés, les CPE décrivent ces situations le sourire aux lèvres. Ils éprouvent beaucoup de plaisir à les vivre et une certaine émotion à les raconter. Mais les CPE font également état d’une grande insatisfaction et d’un fort sentiment de frustration du fait, d’une part, de la rareté de ces temps, d’autre part, de la difficulté à les vivre sereinement. Le tout est évidemment mis en lien avec la description tourbillonnante de leur quotidien. Pour reprendre l’expression de Yves Clot, « la qualité est empêchée ».

Et quelles en sont les raisons ?

C’est justement à cette question que j’ai tenté de répondre dans le cadre de ma recherche. Comment peut-on expliquer un tel décalage entre l’activité idéalisée et la réalité du métier ? D’autant plus que la circulaire de missions de 2015 avance l’idée d’un CPE concepteur de son activité. Un acteur qui agit dans une perspective éducative et pédagogique à long terme. Alors que sur le terrain, il semble davantage réagir aux aléas et aux imprévus dans des temporalités de l’immédiateté. Le CPE pompier !

Le besoin de « faire ses preuves » et « faire sa place » est prégnante dans le discours des CPE. Ce qui suggère que, 49 ans après la création du corps, cette place, et plus largement la place de la vie scolaire, n’est pas acquise d’emblée mais doit être conquise.

Ce métier ne fait pas partie des professions établies qui, comme le dit E.C Hugues, ne s’occupent que des besoins qui sont tenus pour légitimes. En d’autres termes, l’identité professionnelle des CPE demeure floue, dans un entre-deux qui rend la fonction interprétable et dérivable. À quoi sert un CPE ? Qu’elle est son utilité ? Ces deux questions amènent une multiplicité de réponses de la part des acteurs qui entourent les CPE mais aussi par les CPE eux-mêmes. Ce flou identitaire a des conséquences sur la charge de travail des CPE.

Pouvez-vous préciser ?

Les CPE font, par exemple, l’objet de tentative de délestage. Principalement en provenance des enseignants et des personnels de direction. Avec les enseignants nous sommes dans une sorte de « je t’aime moi non plus ». Il y a d’un côté ceux qui viennent chercher l’expertise du CPE dans le cadre d’un travail de coopération partagé autour des élèves. D’un autre côté, il y a ceux qui sollicitent les CPE dans une optique disciplinaire de maintien de l’ordre ou de service à l’ancienne, façon surgé ! Ils apportent leurs problèmes aux CPE, se « déchargent » sur eux en leur demandant de les régler.

Avec les personnels de direction, on passe à un « je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… pas du tout » en fonction de la représentation que ces personnels ont de la fonction. L’importance de cette représentation est d’ailleurs prépondérante puisqu’elle fait dire aux CPE : « je change de chef, je change de métier !». Une preuve supplémentaire du caractère non établie de la fonction. Le délestage des équipes de direction sur les CPE prend la forme de dossiers transmis aux CPE dans un rapport de force plus ou moins conflictuel.

Les CPE ont donc parfois le sentiment de se « faire refiler » le sale boulot. Un des CPE interrogés me parlera d’activité résiduelle qui, faute de trouver preneur, atterrit sur les bureaux des CPE ou dans leur service. L’exécution de ces tâches supplémentaires a mécaniquement une incidence sur le temps de travail. Elle en a également une sur le temps au travail avec d’un côté ce qui est estimé légitime d’accomplir et de l’autre, ce qui ne l’est pas.

Dans votre mémoire, vous parlez également des paradoxes qui traversent l’activité du CPE. Qu’en est-il ?

Pour reprendre ce que nous venons d’évoquer juste avant, si les CPE sont des acteurs sur lesquels on se déleste, paradoxalement, ils sont aussi ce que j’ai appelé des agents compensateurs. L’obligation morale de faire « tourner la boutique » est récurrente dans leur discours. Elle amène les CPE à jouer des rôles qui ne relèvent pas de leur fonction. On se déguise d’ailleurs souvent chez les CPE : en infirmière, en standardiste, en agent technique et parfois en personnel de direction-adjoint avec parfois des conflits de frontière. Les CPE sont animés d’une grande conscience professionnelle qui les caractérisent.

Autre paradoxe : la plainte d’être sans cesse dérangés est accompagnée d’une volonté marquée d’être à tout moment accessibles et disponibles. Les CPE protègent peu leur environnement de travail et se mettent volontiers à disposition des élèves et des acteurs qui les entourent. La porte des CPE est constamment ouverte.

Cette accessibilité et cette disponibilité entraine un « tout arrive chez les CPE ». Tout et n’importe quoi. Le traitement de ce « tout » va permettre de faire les preuves de son utilité, quitte à s’éloigner de son idéal de métier. Des compromis à l’origine d’un troisième paradoxe que j’ai résumé en une phrase : les CPE accomplissent des choses dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas mais qu’ils accomplissent pour se sentir reconnus.

Vous avez présenté votre travail à des CPE ? Comment a-t-il été accueilli ?

Je ne l’ai pas encore évoqué mais, à chaque étape de mon travail, il a fallu mettre à distance le CPE que je suis pour que les analyses de l’étudiant que je suis aussi soient les plus objectives possibles. Ce n’est pas la chose la plus simple. Ma directrice de mémoire, Emilie Saunier-Pilarski m’y a bien aidé.

J’ai particulièrement apprécié les temps de présentation qui se sont toujours prolongés par des échanges d’une grande richesse. Les CPE expriment de manière récurrente un déficit de connaissance et de reconnaissance de la fonction. La volonté d’une prise de recul et d’une réflexion sur la pratique professionnelle est également apparue. Dans l’idée encore de « se poser » pour agir et ne plus réagir. Cela, je pense, peut constituer une piste de réflexion de formation initiale ou continue. J’ai proposé l’an prochain de présenter mon travail aux chefs d’établissement ainsi qu’aux enseignants. Cela va sans dire que je suis impatient de voir comment ces groupes réagiront.

Quel regard portez-vous sur le récent rapport de l’inspection générale des finances sur le temps de travail des CPE ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord que je mette à distance l’agacement du professionnel que je suis. L’apprenti chercheur qui s’appuie sur le recueil d’éléments de compréhension sur le terrain répondra que la méconnaissance des pratiques aboutit à des conclusions en décalage total avec la réalité. Suggérer que les CPE n’utilisent pas les 4 heures dont ils disposent librement en plus des 35 heures inscrites à leur emploi du temps, c’est, sans exagération, toucher à leur dignité professionnelle. Les CPE se sentent profondément blessés par de telles supputations qui ne s’appuient sur aucune enquête quantitative ou qualitative.

Les CPE ont les défauts de leur qualité. Ils ne comptent pas leurs heures et débordent régulièrement de leur grille d’emploi du temps sans, souvent, aucune contrepartie financière. Peut-être devraient-ils rompre avec une tradition qui, là encore, s’inscrit dans l’histoire du métier et résonne comme un signe d’appartenance au corps pour mieux faire apparaitre la réalité.

Diriez-vous que votre mémoire a changé quelque chose dans votre pratique professionnelle de CPE ?

Bien sûr ! Le métier de CPE se construit principalement dans l’action, ce qui laisse, encore une fois, peu de temps à la prise de hauteur. Le recueil d’éléments théoriques pendant la phase de revue de littérature permet notamment de se doter d’outils de décryptage des situations vécues sur le terrain, notamment dans les relations interpersonnelles avec les élèves mais aussi et surtout avec les autres acteurs de terrain, notamment les enseignants et les personnels de direction.

Une recherche est toujours susceptible d’en entraîner une autre… Avez-vous un sujet en tête qui vous tient à cœur et que vous aimeriez explorer ?

Si j’avais à l’avance connu l’ampleur de la tâche qui m’attendait, je ne sais pas si je me serais lancé dans cette aventure. Mais quand on y a goûté, on a très vite envie d’y revenir et je me redonnerai sûrement le temps d’aller plus loin. J’aimerais désormais me pencher sur le corps des enseignants et des personnels de direction et tenter de décrypter la façon dont ils appréhendent le temps dans le cadre de leur activité. Cette impression de manque ou de course est-elle partagée ? Vivent-ils au même rythme ? Et, dans une perspective plus large, j’aimerais mesurer l’influence des décalages de rythme de vie et d’appréhension du temps de chacun dans les établissements scolaires sur les relations interpersonnelles et la construction d’un réel travail d’équipe.

Les mille et une initiatives d’un collègue prof doc de Boulogne-Sur-Mer

David Guigui est professeur documentaliste au Lycée Auguste Mariette, un lycée général et technique de centre ville à Boulogne sur Mer, de taille importante puisqu’il accueille presque 1796 élèves et étudiants, pour 178 agents, avec des CPGE, des BTS et un GRETA. Le CDI, avec 2 collègues, peut accueillir 80 élèves en libre accès (rez-de-chaussée), et 60 élèves (4 salles en mezzanine), pour une amplitude d’ouverture de 48h du lundi au samedi. La construction du CDI s’est terminée il y a 3 ans, c’est un des éléments importants du dernier gros chantier de rénovation du lycée.

Vous mettez en place des ateliers dans le CDI, peux-tu expliquer comment ils fonctionnent ?

L’idée de ces « ateliers » vient du concept des bibliothèques 2.0, issu lui-même de la mutation du web 1.0 (l’usager collecte et échange des informations) en web 2.0 collaboratif et participatif (l’usager sélectionne, produit et diffuse des contenus). En effet, les bibliothèques « propriétaires de l’information » se sont d’abord transformées en bibliothèques « d’usage de l’information », puis en bibliothèques « d’usage de services de l’information », puis en bibliothèques « d’usage collaboratif et participatif de l’information ».

Historiquement, la culture et les savoirs étaient la propriété patrimoniale exclusive des bibliothèques, puis sont devenus accessibles aux universitaires, puis au grand public sous contrôle des bibliothécaires, et enfin l’apparition du service public a permis l’accès libre à l’usager. Aujourd’hui, et notamment avec internet, il a la possibilité de devenir prescripteur, producteur et diffuseur avec son niveau d’expertise dans ses champs de compétences. Wikipedia, vaste projet d’encyclopédie collaborative, en est l’exemple le plus connu. Sur ce modèle de partage transversal de l’information, nous avons souhaité créer au CDI des moments conviviaux d’apprentissage, d’enseignement et de partage ouverts à toute personne de l’établissement souhaitant partager ses connaissances.

Est-ce que ce sont les élèves et collègues qui se proposent ou est-ce vous qui repérez des intervenants potentiels ?

Les 2 sont possibles, l’idéal pour nous étant une initiative personnelle ou collective. Lors d’événements institutionnels comme la semaine de la presse, des mathématiques, du développement durable, etc. nous lançons un appel d’offre à l’ensemble de la communauté via l’ENT, en sollicitant en priorité les personnes que nous savons compétentes dans le domaine.

Quand c’est un collègue qui présente quelque chose, comment est-ce perçu par les élèves ?

C’est lorsque le sujet abordé déborde des disciplines scolaires ou les décloisonne que l’on observe un rapprochement dans la relation entre l’adulte et l’adolescent. L’élève réduit souvent l’adulte à sa seule activité professionnelle au sein de l’établissement, ouvert à rien d’autre que ce pour quoi il est rémunéré (l’enseignant, l’agent de service, de restauration, l’administratif…). Inversement, l’adolescent n’est souvent perçu qu’à travers son profil d’élève dans l’établissement qu’il fréquente… Les compétences, les goûts, les savoirs-faire, les connaissances, la culture, la curiosité permettent de révéler une part inconnue de chacun, créant des affinités et du lien avec les autres.

Est-ce qu’il y a un programme à l’année, ou par période, un rythme régulier ?

Nous balisons dans l’agenda du CDI tous les événements locaux, académiques, nationaux et internationaux :

  • journée internationale des droits des femmes, de l’homme, de l’enfant, du handicap, contre l’homophobie, etc.
  • les semaines thématiques (mathématiques, presse, développement durable, goût, langues…)
  • Puis nous ajoutons d’autres dates en fonction de l’actualité, ou des initiatives personnelles ou collectives.

Comment est organisée la participation à une séance ?

La participation est la variable la plus délicate à évaluer dans les projets, surtout dans notre lycée où les élèves ont des semaines très chargées. La meilleure configuration est de fonctionner avec des personnes volontaires sur leurs temps libres, plutôt que de l’imposer à un groupe classe sur le temps de travail. Nous essayons toujours d’anticiper la participation en prévoyant une communication suffisamment en amont pour permettre l’inscription libre des volontaires ou pour inviter un public ciblé, et puis on peut toujours compter sur la participation spontanée du public de passage au CDI. De notre point de vue, la qualité l’emporte toujours sur la quantité, et si les 2 sont satisfaites, c’est un succès !!! La pause méridienne, avant 9h et après 16h sont les moments où le CDI est le plus fréquenté (comme dans beaucoup d’établissements).

Peux-tu donner des exemples de sujets qui ont beaucoup plu ?

Un « Club Manga » : 3 fois 1 heure par semaine au CDI à la pause méridienne, à l’initiative de 2 élèves de TL et TS (de 10 à 15 élèves).

Un « Atelier LSF » (Langue des Signes Françaises) : 1h par semaine au CDI à la pause méridienne, à l’initiative de 2 élèves de seconde et première (5 à 10 élèves + 2 enseignants)

Une « Japan Week » : à mon initiative, mais organisée en grande partie par le club manga, 1 semaine d’événements autour de la culture japonaise avant les vacances de Noël (ateliers d’origami, de furoshiki, de tawashi, d’amigurumi, de langue japonaise, de haïkus et une cérémonie du thé. Une dégustation de pâtisseries japonaises, un ciné-dégustation sur les dorayakis et un cours de dessin avec une mangaka ou encore une bourse aux mangas…). Ce fut un gros succès au CDI avec une belle participation de TOUTE la communauté du lycée, les élèves et le personnel, y compris la direction.

« L’instant culture » : 2 heures par mois à la pause méridienne à l’initiative de l’équipe des rédacteurs du journal du lycée, un rendez-vous au CDI pour parler de littérature, de cinéma, de théâtre… sur un thème ou une actualité (de 10 à 20 élèves et des enseignants)

Ateliers « Zéro déchet » : plusieurs demi-journées dans l’année sur la sensibilisation et les expériences pratiques quotidiennes visant à réduire la quantité de déchets, à notre initiative, avec la participation de l’association « Zero Waste Boulogne » (très bonne participation des élèves et du personnel du lycée)

Cours et compétions de Rubik’s Cube : plusieurs heures dans l’année, à l’initiative de 2 élèves de première et terminale S (10 à 15 élèves et 2-3 adultes)

Cours et compétition d’échecs avec ciné-débat sur le film « Le prodige » : 1 après-midi en mars, à l’initiative d’1 élève de BTS, avec la participation de bénévoles du club d’échecs de Boulogne (participation d’élèves et enseignants)

« Découverte de l’impression 3D » : 1 demi journée, à notre initiative, avec la participation du CRIAC qui ont amené les imprimantes, les ordinateurs et logiciels (8 classes sont venues observer une classe en train de concevoir et réaliser). Gros succès !

Présentation de l’engagement solidaire avec des témoignages d’expérience : 4 demi-journées, à notre initiative, avec la participation de France Bénévolat (10 classes environ).

Est-ce que vous avez des demandes sur des thèmes précis ?

Oui, les plus fréquentes sont le cinéma, la littérature, la BD et les mangas, les jeux vidéo, la programmation et l’informatique, la photo et la vidéo, les arts créatifs, la cuisine et la gastronomie, le bricolage, les jeux de société, l’écologie et le développement durable.

Est-ce que vous avez remarqué une incidence sur la fréquentation, ou l’image du CDI ?

La fréquentation est devenue plus variée, avec une augmentation significative de celle des « scientifiques » (élèves et enseignants) et du personnel non-enseignant. La dynamique événementielle du lieu évite son utilisation réduite à celle d’une salle de travail pour y faire ses devoirs. Ces événements permettent d’actualiser le fonds documentaire et de le mettre en valeur. Ce sont également des occasions de renforcer la position centrale du CDI dans l’établissement, de démontrer son ouverture culturelle et pluridisciplinaire (en particulier avec les sciences dures !)

Comment concevez-vous la place du professeur documentaliste dans ce dispositif ?

Au même titre que le CDI, notre rôle ne se cantonne pas à veiller au silence et enregistrer les prêts, cela nous permet d’assurer pleinement notre rôle de médiateur culturel et pédagogique entre les différents protagonistes de ces événements.

Quels sont les autres projets que vous aimeriez développer ?

Développer plus de DIY (Do It Yourself) autour du développement durable (produits ménagers, cosmétiques…), arriver à créer des événements périodiques du genre « repair café », des ateliers scientifiques de vulgarisation pour montrer ce que l’on fait dans les labos, des ateliers de sensibilisation et de découverte sur les personnes en situation de handicap, sous la forme de jeu de rôle pour se mettre à la place de…

Qu’aimerais-tu ajouter ?

Il faut être vigilant à ce que les sujets et les thèmes abordés puissent décloisonner les connaissances des disciplines tout en y faisant sens, et ne pas les présenter comme un obstacle à surmonter. L’idée est de pouvoir toucher le plus vaste public. le côté pratique doit vraiment l’emporter sur la théorie.

Pourquoi replonger dans ses racines et en faire un livre ? Harry CPE témoigne…

Trente ans après l’avoir quittée, Théodore Harry Boutrin CPE, retrouve et redécouvre sa Martinique, dans le cadre d’un congé bonifié. Cette immersion, dans un environnement évocateur, l’inonde d’émotions, de tendresses, et de surprises… Il raconte cette expérience unique dans un livre et a accepté de répondre à nos questions.

Qu’est ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Au départ, je voulais juste écrire une lettre à mes enfants pour répondre à leurs questions sur mes origines, et en plus de satisfaire leur curiosité, leur transmettre quelque chose d’utile.

Lorsque j’ai pu établir un lien clair entre le congé bonifié, l’intensité des souvenirs et la construction identitaire, alors le récit destiné à mes enfants est devenu progressivement un cheminement vers la construction d’un tapuscrit.

Et puis, j’ai trouvé là l’occasion, de dire à ceux qui pensent que le congé bonifié n’est qu’une histoire de vacances sous les tropiques, que c’est bien plus que cela.

L’écriture m’a également offert un formidable terrain de réflexion et d’expression pour rendre hommage à des personnes qui ont compté et qui comptent dans ma vie, en particulier ma mère et ma grand-mère, des femmes courageuses, obstinées, aux forces décuplées, pour donner à leurs enfants une vie plus honorable.

Que représente pour vous le retour sur votre terre natale ?

C’est ma madeleine de Proust, ces saveurs que l’on ne trouve nulle part ailleurs, cette singularité des Martiniquais que j’avais oubliée, dans leur rapport aux autres, leur abnégation à toujours positiver. C’est une redécouverte enrichissante et instructive qui me procure des énergies positives afin de poursuivre ma vie. C’est cela pour moi se ressourcer.

En Martinique, parce que je suis dans cet environnement évocateur, les souvenirs m’inondent et me procurent une palette d’émotions intenses, riches d’enseignements, car elles m’invitent à leur donner un sens.

C’est ce qui fonde tout l’intérêt de se rendre sur sa terre natale, le passé redevient présent comme pour l’éclairer.

Cette expérience très intime n’est pas spécifique à ma condition d’Ultra-marin, je suis convaincu qu’elle est universelle.

Pourquoi avoir voulu partager votre histoire ?

La rendre accessible à d’autres lecteurs que ceux de ma famille n’était pas une chose évidente. Se dévoiler publiquement implique une prise de risques à laquelle je ne suis pas habitué. Mais le désir, de partager, de questionner d’autres sur la relation qui est la leur avec leurs origines, l’a emporté.

J’espère, avec mon livre, contribuer à préserver une mémoire familiale, et bien au-delà, car je décris des lieux, des événements, une époque qui sont évocateurs pour une communauté plus large que la sphère de mes proches.

Vous parlez d’identité, comment caractérisez-vous la vôtre ?

On devrait à mon sens parler d’identités (au pluriel), car les domaines où elle s’exerce sont nombreux.

Au sens intime, c’est-à-dire le regard que l’on porte sur soi, je vois l’identité, comme la conscience des caractéristiques intrinsèques qui fondent sa singularité, sa personnalité, pour le dire simplement une façon très personnelle de se représenter et d’exprimer la vie, dans des domaines divers, par exemple le langage, les arts, le rapport aux autres, à l’espace et au temps et le cadre professionnel.

Mais elle est perméable à la pression sociale dans la mesure où cette identité peut être influencée par la société qui classe les individus selon des attributs catégoriels (sexe, couleur, origine géographique…), impliquant des positions sociales et des comportements attendus. L’identité est donc une unité originale, en interaction avec une dynamique sociétale.

Édouard Glissant exprime fort bien cette idée dans son livre « tout monde » par la phrase « je peux changer en échangeant avec l’autre sans me perdre pour autant ni me dénaturer ».

En ce qui me concerne, sur le plan linguistique par exemple, mon identité se caractérise souvent par l’usage du créole qui bien plus qu’un moyen de communication, exprime une origine, une façon singulière d’incarner la vie, qui produit des représentations très personnelles et des interactions bien spécifiques.

Pour citer d’autres domaines, j’évoquerai l’art culinaire. Lorsque je mange un plat antillais, je mets en bouche en petit bout de territoire avec lequel j’ai une histoire. Le goût est une saveur évocatrice, que je cherche à provoquer.

J’ajouterai le rapport au temps. Lorsque je suis arrivé en métropole, j’avais l’impression que le temps passait plus vite, et j’étais parfois perçu comme quelqu’un qui était lent. Mais en réalité, j’avais appris à prendre mon temps c’était une des caractéristiques de mon identité. Je me suis adapté, mais je ne pense pas l’avoir totalement perdue.

Il y a d’autres domaines, mais j’en terminerai par l’identité professionnelle en référence à une citation de Marie-Pezé, psychologue clinicienne : « travailler c’est apporter quelque chose de soi ». D’ailleurs la formation initiale des CPE vise à les accompagner vers la construction d’une identité professionnelle. Cela signifie l’acquisition de savoirs et le développement progressif de compétences transposables avec un certain niveau de maîtrise dans un environnement complexe.

L’identité, à mon sens, c’est donc s’approprier à notre façon ce que l’on veut, mais sans être certain de plaire.

La question de l’identité est prégnante dans mon métier (CPE), car je rencontre des jeunes venus de tous horizons et qui se questionnent sur leurs origines sans forcément l’exprimer clairement.

Pourriez-vous développer sur le lien avec les missions d’un CPE ?

L’éducation à la citoyenneté est un des axes principaux de ma mission de CPE.

La citoyenneté active va bien au-delà du respect des règles, car elle suppose l’idée d’engagement, de participation à la vie collective. Chacun a quelque chose de personnel à apporter pour enrichir la communauté. Cela peut être une idée, un peu de son temps pour élaborer un projet ou faire fonctionner une instance démocratique.

Mais je crois que l’engagement suppose deux choses importantes. Une volonté et l’estime de soi.

Il arrive que les élèves ne s’engagent pas non par manque d’estime d’eux-mêmes, mais parce que le sujet ne les intéresse pas, ils n’en voient pas l’utilité. Ce désengagement révèle donc une perte de sens. L’éducateur que je suis doit alors s’impliquer pour clarifier, expliquer et encourager.

Et puis il y a ceux qui ne s’engagent pas parce qu’ils sont réservés, et d’autres qui ont peur de s’exposer.

Je comprends cela, j’évoque d’ailleurs dans mon livre mes peurs, leurs origines et leurs conséquences. La peur est une réaction naturelle qui met en alerte face à un danger réel ou supposé. Elle est parfois irrationnelle et peut relever d’une construction, d’une croyance.

J’ai parfois remarqué que certains élèves qui ont peur de s’engager dans des choses simples comme une prise de parole en classe n’osent plus en raison d’un échec non surmonté. Une mauvaise réponse et un retour mal vécu, des moqueries de leurs camarades en raison de leur accent en anglais, ces petites situations où l’élève est ressorti avec un sentiment d’humiliation. C’est dévastateur sur le plan de la construction identitaire.

Pour surmonter cela, il faut bâtir une nouvelle expérience pour déconstruire l’ancienne vécue tel un échec dominateur et installé. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

Pour aider les élèves, comme mes collègues CPE, je travaille avec d’autres professionnels (psychologues de l’éducation nationale, sophrologues…) qui aident les jeunes à développer leur potentiel et faire de nouvelles expériences.

L’estime de soi est selon moi la base de tout engagement. C’est un éclairage sur soi, suffisamment valorisant pour oser. Il faut aider le jeune à en faire un élément clé de son identité.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour réaliser ce livre ?

D’abord me convaincre que c’était possible. Il m’a fallu beaucoup de temps et sans les encouragements et le soutien indéfectible de ma mère, de mon épouse et de Claude-Josse qui fut mon professeur de français il y a plus de 25 ans, je n’y serais pas arrivé. La réussite se construit aussi avec d’autres.

Certains souvenirs douloureux ont refait surface. Ils sont sortis telle la poussière sous le tapis accompagné d’émotions désagréables. Mais au final, ils m’ont apporté des enseignements enrichissants et libérateurs.

Et puis j’ai dû fournir un travail important dans un temps réduit, car j’ai une activité professionnelle et une vie de famille. Alors j’écrivais parfois la nuit ou tôt le matin, ce qui entrainait indubitablement des moments de fatigue durant la journée.

À certains moments j’ai manqué d’inspiration, sur une période plus ou moins longue. Certains passages ne me convenaient pas, J’ai dû les refaire de nombreuses fois. Cette abnégation m’a parfois renvoyé à nos élèves, ce que nous leur apprenons si souvent. Croire en eux et persévérer.

Enfin, qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre livre ?

Les préjugés peuvent être blessants. Il est bien plus enrichissant de considérer les différences comme une richesse que de les enfermer dans une spécificité catégorielle impliquant souvent une vision réductrice.

Un être humain, un citoyen c’est bien plus que la couleur de ses cheveux, ses yeux, sa peau, ses origines… Ce ne sont là que quelques indications sommaires.

J’aimerais que mon livre encourage celles et ceux qui hésitent à s’engager dans un travail d’écriture, en vue d’une publication ou pas, car cela vaut vraiment la peine de s’y consacrer, en dépit des difficultés. C’est à la fois libérateur et valorisant. En ce qui me concerne, j’étais très motivé à l’idée de transmettre à mes enfants un message qui me paraît important. L’identité, ce n’est ni le repli sur soi, ni le reniement de soi.

Il conjugue à mon sens citoyenneté et estime de soi.

Comment se procurer votre ouvrage ?

Dans toutes les librairies et sur internet. Pour en savoir plus, vous pouvez cliquer sur l’image ci-dessous.

Comment forme t-on les profs doc à l’Espé ?

Formation des professeurs documentalistes en Espé, où en est-on ? Le SE-Unsa a interviewé un formateur pour faire le point sur les contenus de formation et les évolutions à venir.

Peux-tu te présenter en quelques mots et nous décrire ton activité de formateur ?

Je suis professeur-documentaliste certifié et après un parcours en établissement scolaire et dans le réseau Canopé, je suis en poste à l’Université Rennes 2 où je suis co-responsable du Master Meef Documentation et du Deust « Métiers des bibliothèques et de la documentation ». Ces formations dépendent du département Lettres qui propose plusieurs formations professionnalisantes dans le domaine des bibliothèques et de la documentation (DU, Deust, Licence professionnelle, Master). S’agissant du Master Meef, outre la co-responsabilité du parcours Documentation, j’interviens essentiellement au niveau de la première année pour la préparation de l’épreuve écrite de maîtrise des savoirs académiques et de l’épreuve orale sur dossier.

Les sciences de l’information et de la communication sont au coeur de la formation des professeurs documentalistes , que penses-tu de leur prise en compte dans l’enseignement secondaire et du rôle qu’elles pourraient jouer dans la formation des élèves ?

Les SIC constituent une science jeune (1975) si on les compare avec les autres disciplines universitaires. Elles sont nées du croisement avec d’autres disciplines (bibliothéconomie, sociologie, économie, informatique…). Cet aspect transdisciplinaire montre bien leur richesse et il me semble que l’apport des SIC dans la formation des élèves est essentiel pour aborder les grands bouleversements liés à l’utilisation massive et quotidienne de l’information, qui mobilise de nombreuses compétences, qui ont trop souvent été considérées comme « allant de soi » et ne nécessitant pas de véritable formation.

Tu es responsable du master Meef Documentation sur Rennes 2, quel regard portes-tu sur la formation actuelle des profs-docs et sur leur profil ?

Nos étudiants ont des profils très variés, même s’ils sont souvent issus des sciences humaines et sociales. Nous avons aussi des personnes en reconversion avec des parcours professionnels différents. Globalement tous arrivent en M1 avec peu de connaissances en SIC, sauf parfois quelques étudiants, issus de filières telles que «Bibliothèque et documentation » mais ils ne sont pas majoritaires. Nous avons, entre le début du Master et les écrits du Capes, environ six mois pour leur transmettre une culture info-documentaire, sans parler du travail sur la méthodologie des épreuves, ce qui est court et rend l’année de M1 particulièrement lourde, pour ce qui est de la charge de travail avec des connaissances qui, parfois, peuvent être fragiles.

Avec l’évolution des formations initiales, quelles vont être les principaux changements que vous prévoyez dans l’organisation du parcours des futurs profs-docs ?

Nous attendons d’en savoir un peu plus, à la fois sur l’organisation du concours et la place des écrits dans le master et sur le contenu des épreuves. L’année prochaine sera une année de transition et de préparation de ces évolutions et notamment des nouvelles maquettes.

Dans un monde idéal, si tu pouvais redessiner la formation des profs-docs, que changerais-tu ?

Je pense que la variété des profils est une richesse et qu’il faut la garder, mais qu’il est essentiel de renforcer le socle de connaissances communes aux futurs professeurs-documentalistes, en ayant plus de temps avant le concours pour stabiliser l’acquisition des savoirs fondamentaux, dont le champ s’élargit et se complexifie en permanence. Il y a quelques années, par exemple, nous abordions très rapidement la question de l’économie de l’information. Cette question est devenue fondamentale et ne peut pas se traiter en deux heures. L’Université met en place des parcours de pré-professionnalisation qui peuvent être une des solutions. Par ailleurs, au-delà du travail didactique sur les objets de l’info-documentation, le travail en collaboration avec les autres disciplines doit être renforcé, au niveau la formation initiale. Des initiatives sont prises en ce sens à l’Espé. C’est important si l’on veut que de bonnes habitudes soient prises par les jeunes enseignants et qu’elles se répercutent pas la suite sur le terrain. Je pense également qu’il est fondamental de renforcer cette approche réflexive sur sa pratique qu’est le mémoire dans une logique de recherche-action.

Crédit photo : Gerd Altmann de Pixabay CCO Public Domain

« Femmes en sciences » : le SE-Unsa soutient le projet des étudiants en sciences

Le SE-Unsa a engagé un travail de collaboration avec les associations étudiantes qui couvrent des disciplines scolaires. Ces associations formulent régulièrement des propositions sur l’orientation et sur les programmes scolaires.
L’AFNEUS, qui couvre les disciplines scientifiques, a ainsi fait de nombreuses propositions sur les programmes de l’enseignement scientifique de tronc commun pour la réforme du lycée.
Cette association, qui fait partie de la FAGE, première organisation représentative chez les étudiants, s’investit aussi pour changer l’image des disciplines scientifiques. Le SE-Unsa donne la parole à Guillaume Hérrault, président de cette fédération pour présenter leur action « femmes en sciences » et vous propose de remplir l’enquête AFNEUS.

Pourquoi votre association s’est lancée dans ce projet ?

L’AFNEUS – Association Fédérative Nationale des Etudiant·e·s Universitaires Scientifiques – s’est lancée dans le développement du projet « Femmes En Sciences » afin de sensibiliser, la jeunesse principalement, sur la place des femmes dans les cursus et carrières scientifiques. En effet, encore aujourd’hui, les chiffres de la proportion des femmes dans les filières scientifiques restent très bas : 22,5% des étudiants dans des DUT scientifiques sont des étudiantes à titre d’exemple. Face à ce constat, l’AFNEUS et son réseau d’une trentaine d’associations étudiantes réparties sur le territoire métropolitain, a décidé de se saisir de cette problématique et d’être force de proposition afin de trouver des actions et des mesures concrètes pour permettre de lutter contre l’autocensure des jeunes filles et réduire les biais sexistes existants. Cela passera notamment par un travail de sensibilisation et de déconstruction de préjugés au contact des jeunes et via des campagnes de communication sur les réseaux sociaux très prisés par ce public.

En quoi les programmes scolaires ne laissent-ils pas assez de place aux femmes selon vous ?

Je répondrai à cette question par une autre : « Pourriez-vous citer le nom des trois femmes scientifiques ?« . Non ? Malheureusement, hormis Marie Curie, peu de femmes scientifiques scientifiques sont connues et reconnues pour leurs travaux. Pourtant elles sont nombreuses, à l’instar de Rosalind Franklin, Hedy Lamarr, Lise Meitner, Françoise Barré-Sinoussi ou encore Claudie Haigneré. La cause est simple, elles sont absentes des programmes scolaires ce qui entraînent une méconnaissance totale de ces figures scientifiques féminines au profit de leurs homologues masculins.

Concrètement, quel type d’actions voulez-vous mener à l’école ?

L’AFNEUS a lancé en janvier de cette année un projet se nommant « Femmes En Sciences ». Celui-ci comporte neuf actions, a pour but de déconstruire les préjugés et stéréotypes entourant les femmes et les sciences, et de sensibiliser sur la place de ces dernières dans le monde scientifique. Une des actions est d’ailleurs actuellement en cours, il s’agit d’une consultation citoyenne sur « La place des femmes dans les cursus et carrières scientifiques » disponible en ligne pour tout type de public, d’un public collégien à un public de professionnelles et de professionnels de tous horizons. Nous vous proposons par ailleurs d’y répondre et d’inviter vos élèves à participer également en répondant le plus honnêtement possible. Lien du sondage : https://urlz.fr/9ziD.

Le but de cette enquête est de pouvoir déterminer les bassins de vie et les publics cibles afin d’orienter les autres actions de ce projet comme des interventions en présentiel dans les établissements afin de démontrer l’apport des femmes dans les sciences et de les sensibiliser à ces questions par le biais d’un « serious game » par exemple.

De nombreuses autres actions sont également prévues comme la création d’expositions qui seront mises à disposition des écoles, des collèges, des lycées, des universités mais également des collectivités territoriales en faisant la demande. 

Un document de présentation globale du projet est en ligne et disponible ici.

Que doit-on faire au lycée pour assurer l’égalité femmes hommes dans l’accès aux filières scientifiques ?

Le lycée est une période importante de développement des élèves, ils et elles doivent réfléchir à leur avenir et réaliser des choix assez précoces dans leur orientation, au vu de la réforme du baccalauréat en cours et du choix des spécialités. 

Les actions à mener au sein des lycées sont donc principalement axées sur l’orientation, et ce dès l’entrée dans l’établissement. L’AFNEUS et son réseau pourront notamment participer à cela au travers des interventions prévues dans le cadre du projet « Femmes En Sciences » mais également de sa plateforme d’orientation dans les études scientifiques nommé « Etudiant En Sciences » qui sera mise à jour d’ici la rentrée 2019.

De plus, un travail de sensibilisation doit être effectué et être un travail sur la durée incluant les « prescripteurs et prescriptrices de l’orientation ». En effet, afin de ne pas (ou ne plus) biaiser les choix des élèves, il faut que les conseils ou recommandations ne contiennent pas des biais de « cursus genrés » encore bien ancrés dans la société. Il est enfin temps de dire que : « Oui, les femmes ont toute leur place dans l’ensemble des disciplines scientifiques, tant la biologie que la mécatronique ! »


Enseignements artistiques : 3 expériences et 3 manières de vivre l’enseignement

Alors que l’Inspection Générale de l’Éducation Musicale mène une mission sur les enseignements artistiques au collège, le SE-Unsa est allé à la rencontre d’enseignants d’arts plastiques et d’éducation musicale : Quelles sont leurs conditions d’exercice, leurs aspirations professionnelles et comment voient-ils la place des enseignements artistiques dans le système éducatif ? Martine, professeure d’éducation musicale, Sabrina, professeure d’éducation musicale et Christelle, professeure d’arts plastiques, ont accepté de répondre à nos questions.

À quoi ressemble votre vie d’enseignant dans votre établissement et votre salle de classe ?

Martine : Je suis sur 3 établissements ruraux distants. Après plusieurs années, j’ai enfin une salle uniquement destinée à la musique dans le premier établissement. Elle est très petite, sans table (ce que je n’ai plus depuis 1995, sauf quand je n’ai pas le choix), les chaises ont des tablettes, avec un piano électrique de qualité, une chaîne hifi de qualité. Nous n’avons que des percussions fabriquées par les soins de l’agent ou des élèves : baguettes, tuyaux, oeufs de k… et bien sûr un ordi avec vidéoprojecteur sur le tableau blanc. Mais dans le 2ème établissement je n’ai pas de salle dédiée, donc des tables, un piano électrique de qualité (acheté à mon arrivée, ce qui a pris 2-3 ans d’attente sans avoir rien du tout) et une chaîne stéréo à bas prix (on n’entend pas tous les sons !). Je fais chanter les CM2 de l’école qui représente la moitié de nos élèves de 6ème sur des projets communs école-collège en produisant des spectacles et des enregistrements.

Christelle : Je travaille dans un établissement urbain assez récent, cependant si la salle est lumineuse et spacieuse, elle n’a pas de rideaux ni d’équipement informatique. À partir de là, comme les nouveaux programmes sont très tournés vers l’informatique, je suis en difficulté. Alors je bidouille avec une valise à tablettes, mais il n’y a pas moyen de faire basculer les images des élèves sur les ordinateurs pour les imprimer, ou les mettre dans leur casier numérique. Rester dans les clous au niveau du programme à ce niveau-là, reste donc un parcours du combattant. J’ai essayé de créer des liens avec les enseignants des écoles du secteur, cela a bien pris, mais il nous manque le temps pour travailler ensemble, ce qui est frustrant.

Sabrina : Je suis dans un établissement urbain classé REP+ (quartiers nord de Marseille). Dans ma salle j’ai opté pour le maintien des bureaux, contrairement à de nombreux collègues qui sont passés aux pupitres. Je dispose d’un instrumentarium très correct : une batterie, deux claviers en sus du piano prof, des congas et des claviers enroulables.

Est-ce que vos programmes disciplinaires vous plaisent ?

Martine : Trop de liberté. Certes, c’est pratique pour nous, mais du coup on a tendance à toujours se renouveler ! Ce qui nous fait beaucoup de travail. Mais quand un élève arrive d’un autre collège, il est perdu parce qu’il n’a pas vu les mêmes notions, ou n’a pas fait beaucoup de chants, ou d’écoutes, etc. En fait, tels qu’ils sont formulés, les programmes n’existeraient pas, ce serait la même chose. Il faudrait vraiment qu’un travail soit fait par nos inspecteurs à ce sujet.

Christelle : Les programmes me plaisent, car ils restent très ouverts. Néanmoins, le tournant informatique en arts, alors que les enfants passent déjà beaucoup de temps sur les écrans, m’embête. Je préfère me battre pour qu’ils sortent et se remettent en rapport avec la nature.

Sabrina : Les programmes disciplinaires sont très peu directifs. C’est évidemment un avantage au niveau de la liberté pédagogique laissée à l’enseignant. Mais cela présente également un inconvénient majeur puisque deux élèves du même niveau peuvent avoir un parcours totalement différent en fonction de leur enseignant. Cela contribue à donner aux enseignements artistiques l’image de discipline « secondaire » qui est la leur.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’enseignement de votre discipline ?

Martine : Justement cette liberté pédagogique, malgré tout, car elle permet, quand on le prépare ensemble, de s’inscrire dans des projets (sous toutes formes) très différents selon les années, ou les envies. Le plus délicat et agaçant, c’est que les élèves et leurs parents s’attendent soit à ce qu’ils apprennent un instrument individuellement, soit à ce qu’on fasse une sorte d’animation genre colonie : chansons à la mode, écoute de morceaux à la mode. C’est chaque année une bataille de faire comprendre à certains que ce n’est pas le but, et que nous sommes là plutôt pour leur faire faire des choses auxquelles ils n’auraient pas pensé ou leur faire écouter et chanter ce qu’ils ne connaissent pas. Plus les élèves avancent dans le collège, plus c’est difficile.

Quelque chose à rajouter en conclusion ?

Christelle : Ce qui me plaît, c’est la possibilité de me fondre dans la plupart des projets du collège.

Sabrina : L’aspect très agréable de notre métier est lié au fait que nous dépendons peu des acquis strictement scolaires. Les élèves en grande difficulté découvrent une discipline différente, dans laquelle ils peuvent être en situation de réussite, en faisant appel à des compétences peu valorisées dans les disciplines plus scolaires.

Crédit photo : Moose Photos from Pexels

Le parcours de Meghan, stagiaire PsyEN

Durant vos années lycées, vous vous impliquez dans la dynamique de projets via le milieu associatif. Quel était l’objectif de l’association « Atouts Jeunes » ? Comment avez-vous réussi à organiser un voyage d’une semaine en Irlande ?

L’objectif de cette association est de proposer des cours afin d’améliorer le niveau d’anglais de ses membres. Elle organise des voyages financés par les membres eux-mêmes. J’ai donc pu réaliser un voyage en Irlande en auto-financement avec cette association à travers des actions comme la vente de gâteaux pendant la période de Noël ou encore la vente de tickets de tombola.

Après un Bac STG spécialité marketing, vous vous inscrivez en Licence de Psychologie à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Montpellier. Comment expliquez-vous ce renoncement à des études commerciales auxquelles vous sembliez vous destiner ? Pourquoi avoir opté pour une pré-spécialisation en psychologie du travail social ?

J’ai décidé de changer d’orientation scolaire car j’avais envie de découvrir la psychologie plus en détails. De plus, les possibilités scolaires après ce bac STG ne me convenaient pas. J’ai décidé de me pré-spécialiser dans la psychologie du travail et du social car je travaille tous les étés depuis mes 18 ans dans une usine. Dans cet univers professionnel, j’ai pu me rendre compte des dysfonctionnements tant au niveau personnel que professionnel. L’aliénation au travail que j’ai pu observer constitue le premier élément qui orientera mes études. En effet, les conditions de travail dans lesquels évoluent ces individus peuvent faire émerger un ensemble de pathologies de plus en plus médiatisées comme le burnout ou encore le harcèlement au travail. Le travail en tant que psychologue devient donc de plus en plus important dans le monde professionnel. Cela me permet donc d’envisager mon avenir plus sereinement au vu de l’augmentation des demandes concernant ces problématiques. C’est pourquoi, j’ai décidé de me spécialiser en psychologie du travail.

Durant votre troisième année de licence, vous rédigez un mémoire en articulant le style de leadership et la reconnaissance au travail. Quelle était votre problématique et les grandes conclusions de votre recherche ?

En effet, j’ai réalisé mon premier mémoire dans l’usine où je travaille tous les étés. Celui-ci avait pour problématique de découvrir dans quelle mesure le style de leadership pouvait avoir une influence sur la reconnaissance perçue par les travailleurs. La conclusion de ce mémoire est que plus le style de leadership est autoritaire et moins les travailleurs percevront de la reconnaissance. J’ai obtenu ces résultats en réalisant un questionnaire composé d’une cinquantaine de questions que j’ai pu diffuser auprès de deux équipes travaillant à la chaîne dans une même entreprise. La différence entre ces deux équipes est le style de management de leur chef d’équipe, l’un étant plus autoritaire que le second.

Admise en Master, vous faites le choix d’une spécialisation en intervention psycho-sociologique du travail et de la santé. Votre recherche, présentée devant la SFP (Société Française de Psychologie), porte sur le niveau d’intégration et de considération des stagiaires en entreprise. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Mon mémoire de première année de master portait sur l’objectification (considérer une personne comme un objet, lui enlever tout attribut humain comme ses émotions), l’auto-objectification (se percevoir soi-même comme un objet et intégrer la vision objectifiante d’un individu) , la conscience de soi (se connaître et deviner l’image renvoyé aux autres), le harcèlement et les normes auprès d’un public de stagiaire. On voulait savoir dans quelle mesure l’objectification pouvait influencer tous les autres concepts. La principale conclusion est que plus on objectifie le stagiaire et plus il va s’auto-objectifier. La conscience de soi quant à elle va être protectrice de ce phénomène.

Lors de votre deuxième année de Master, vous bénéficiez d’un stage dans une grande station de ski des Alpes. Votre problématique met en relation les comportements à risque et le stress au travail. Quels sont les deux points marquants qui ressortent de vos observations ?

Premièrement, les comportements à risque liés à la prise d’alcool ou de drogue chez les saisonniers en station de sports d’hiver sont dus en partie à la création des liens sociaux. C’est-à-dire que les saisonniers vont consommer de l’alcool pour des raisons sociales et festives afin de tromper l’ennui ou combler le stress ressenti au travail. Le deuxième point qui ressort de mon analyse est qu’il n’existe pas un espace communautaire où les saisonniers pourraient se rendre afin de jouer, de rencontrer des personnes, de pouvoir aller sur Internet hors cadre festif.

Vous découvrez la fonction de PsyEN par un stage obtenu dans un RASED de Haute-Saône situé en milieu rural. Quels sont les éléments marquants de cette « aventure » ? Qu’en concluez-vous pour la construction de votre avenir professionnel ?

Les éléments qui m’ont marqué sont :

  • Les nombreuses difficultés rencontrées par le corps enseignant, la psychologue de l’éducation nationale et les familles propres au contexte économique et social.
  • La spontanéité des enfants à venir d’eux-mêmes demander conseil et prendre rendez-vous auprès de la psychologue.
  • La persévérance et l’attention que porte les enseignants sur le bien-être des enfants.

Ce lieu de stage m’a permis d’envisager un avenir professionnel auprès d’un public d’enfant. En effet, un des éléments sur lequel j’accorde beaucoup d’importance est le sentiment de me sentir utile et de pouvoir aider dans la mesure du possible ces enfants et familles en difficulté. De plus, le métier de PsyEN est très diversifié et les journées ne se ressemblent pas même si certaines missions perdurent dans ce métier. Il faut réussir à s’adapter sans cesse aux difficultés spécifiques des enfants. Cela constitue donc un argument supplémentaire pour envisager mon avenir professionnel auprès de ce public.

Quelque chose qui n’a rien à voir avec la psycho et que vous avez envie de faire partager : un livre, un film, une conférence…

Les écrivains François Bégaudeau, Juan Franco et Lovecraft. Les chaînes Youtube comme « Thinkerview » et « Tedx Talks ».

Meghan Chautard, stagiaire PsyEN

Lire les Cahiers Pédagogiques pour faire notre miel

L’organisation des ressources pédagogiques et documentaires de l’établissement fait partie des grands axes de la circulaire de missions des professeurs documentalistes du 28 mars 2017. Au-delà de la recherche de ressources pour les élèves, que peut-on proposer pour les enseignants ? Le SE-Unsa revient sur cette question avec Cécile Blanchard, la rédactrice en chef de la revue des « cahiers pédagogiques » à laquelle de nombreux CDI sont abonnés.

Peux-tu nous présenter les Cahiers pédagogiques en quelques mots ?

C’est une revue associative publiée par le Cercle de recherche et d’action pédagogiques, pas tout à fait mensuelle (8 numéros par an avec interruption l’été, on se demande bien pourquoi !) et qui traite principalement de pédagogie et d’éducation, comme son nom l’indique. Les Cahiers se revendiquent de l’éducation nouvelle. Dans nos dossiers thématiques, nous publions des articles décrivant des pratiques de classes ou d’établissements et des éclairages plus théoriques, toujours avec le souci d’être accessibles et lisibles pour tous.

Est-ce qu’un magazine peut-être considéré comme un outil de formation ?

Ah oui, certainement ! Mais ce n’est pas de la formation institutionnelle et descendante, bien sûr. S’il faut préciser, je dirais que c’est un outil d’autoformation, tout comme lire un livre de sciences de l’éducation, ou bien de coformation, si l’on considère que l’on est formé par les auteurs des articles. On pourrait parler aussi d’écoformation. Bref, lire les Cahiers, c’est réfléchir à son métier pour faire évoluer ses pratiques, c’est donc bel et bien de la formation.

De nombreux établissements s’abonnent aux Cahiers pédagogiques, comment aider les enseignants à les utiliser pour leur pratique quotidienne ?

Je crois que les professeurs documentalistes ont un grand rôle à jouer dans ce domaine, en aidant les enseignants (ou CPE ou chefs d’établissement) de leur établissement à se saisir de la matière que nous proposons. Nous réfléchissons d’ailleurs actuellement à des outils qui leur faciliteraient la tâche, si certains veulent entrer en contact avec nous pour nous y aider…

Dans les Cahiers pédagogiques, les enseignants présentent ce qu’ils ont fait dans leur établissement, mais peut-on vraiment reproduire ces situations dans un autre environnement ?

Parfois oui, sans doute, mais ce n’est pas vraiment le propos. Notre idée, c’est de fournir matière à réflexion aux professionnels de l’éducation, afin qu’ils trouvent les solutions les plus adaptées à la classe ou au groupe d’enfants qu’ils ont en face d’eux à un moment T. Ce n’est forcément pas la même classe que celles décrites dans les articles. On veut leur apporter l’inspiration dont ils feront leur miel (oui, les éducateurs font un très bon miel d’inspiration, qui vaut presque le miel de châtaigner des abeilles!). Ce que nous défendons, c’est l’idée que les enseignants, les CPE, les chefs d’établissement, doivent tendre à être des praticiens réflexifs, des professionnels qui réfléchissent à leurs pratiques, pour les améliorer, tout en les mettant en accord avec leurs valeurs.

La géographie à l’école et à l’université : interview de Maya de l’AFNEG

Maya Es, vice-présidente aux affaires académiques de l’AFNEG, qui fait partie de la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE) a répondu aux questions du SE-Unsa.

Peux-tu présenter votre association en quelques mots ?

L’AFNEG est l’Association Fédérative Nationale des Étudiants en Géographie et disciplines territoriales. Son principal rôle est de fédérer les associations étudiantes en géographie du territoire afin de former les associatifs, mais également de débattre sur les problématiques de la Géographie et d’y trouver des solutions.

À ce titre l’AFNEG travaille sur différentes thématiques :

  • Des projets d’orientation et de promotion de la filière : nous co-organisons la Nuit de la Géographie aux côtés du CNFG (Comité Nationale Français de Géographie) et nous intervenons dans les lycées pour faire connaître notre discipline. Pour les étudiants de licence et de master, nous avons mis au point des répertoires de formation sur notre site et nous publions toutes les deux semaines des fiches métiers qui résultent d’entretiens avec des professionnels.
  • Des projets de sensibilisations et d’innovation sociale. En effet, l’AFNEG dispose d’un important catalogue de formation sur le développement durable pour nos associations, nous réalisons également des campagnes de sensibilisation sur l’environnement sur les réseaux sociaux. Enfin nous travaillons avec les élus étudiants sur le développement durable dans les campus.
  • L’amélioration des conditions d’études, par le biais de la représentation étudiante mais également grâce au réseau de la FAGE. C’est à ce titre que nous travaillons notamment sur la réforme du baccalauréat et les programmes d’Histoire-Géographie, ou encore sur la question du Master MEEF. Nous travaillons également sur la modernisation pédagogique des formations en géographie et la mise en place de l’approche par compétences.
  • L’éducation populaire, lors de nos évènements nationaux par notre politique de formation des associatifs mais également par nos associations, qui organisent entre-autres de nombreux Café-géo.

Penses-tu que la matière histoire-géographie de l’École prépare suffisamment à la discipline universitaire « géographie »?

La Géographie est une discipline qui permet de façonner l’esprit critique. Elle permet d’analyser l’espace, les processus naturels et les sociétés à travers de nombreux facteurs. Elle permet de comprendre la relation des sociétés à leurs territoires au-delà des phénomènes que nous avons sous les yeux. Pour cela, il est essentiel de savoir traiter l’information et la synthétiser par différents outils, dont les fameuses cartes. C’est une discipline pratique, où l’étudiant est mis à contribution du savoir qu’il construit. Cette filière permet également de se saisir des enjeux du monde moderne, en travaillant par exemple sur les problématiques environnementales et la gestion des ressources naturelles, les flux humains et migratoires. La matière histoire-géographie du lycée est aujourd’hui assez déconnectée de sa consœur universitaire. Tout d’abord, elle est très orientée sur la connaissance et permet peu de développer les appétences attendues à l’université. D’autre part, la géographie du lycée ne permet pas d’anticiper la partie plus scientifique qui apparaît à l’Université. En effet, la géographie physique est plus proche de la matière Science et Vie de la Terre. De plus, les étudiants en géographie sont également amenés à faire du traitement de données statistiques ainsi que de la cartographie assistée par ordinateur. On assiste ainsi à une rupture entre le secondaire et le supérieur, qui entraîne des difficultés chez les néo-étudiants. Il y a donc un travail à faire sur le lien entre les disciplines au lycée, mais également un travail d’information auprès des lycéens.

Quel est ton avis sur les nouveaux programmes d’histoire-géographie du lycée?

Ces programmes d’histoire-géographie au lycée représentent une avancée mais celle-ci n’est pas assez aboutie à notre sens. Les grands axes choisis, même en restant vagues, intègrent les sujets de manière multiscalaire et répondent aux enjeux contemporains. Il était pour nous nécessaire de passer d’une approche régionale à une approche plus thématique, ce qui a été fait. Les exercices de restitution, comme le croquis, sont intéressants s’ils sont bien réalisés et ne se résument pas à un bachotage. Il était également essentiel pour nous de parler davantage du développement durable et de l’impact des Hommes sur l’environnement, ce qui y figure de manière trop timide à notre sens. Le lien entre l’espace et les territoires, le rôle des sociétés dans la construction de ces derniers ne semblent pas évidents et ne permettent pas de comprendre l’impact direct des Hommes sur leurs milieux.

L’AFNEG regrette cependant l’absence de géographie critique et de géographie politique dans ce programme. En effet, il nous semblait essentiel de faire figurer la géopolitique dans le tronc commun et non dans la spécialité, en axant sur des problématiques d’actualité, comme les conflits au Moyen-Orient. Cette thématique figurait au programme de l’option histoire-géographie de 2012 à 2014, et permettait une vraie compréhension de ces conflits et des héritages qui en sont la cause. La géographie est une discipline politique, elle permet en effet au lycéen de construire son esprit citoyen. Il est à ce titre essentiel pour nous qu’elle ne donne pas une vision lisse de la situation, mais permettent au contraire de situer les sociétés françaises et plus largement occidentales et leurs relations dans le monde avec un regard objectif. Le poids des décisions institutionnelles semble pourtant avoir été éludé des différents chapitres. Il est également à notre sens primordial de renforcer la vision de l’échelle européenne, enjeu d’avenir important dont il faut se saisir.

Le grand défaut des nouveaux programmes réside à notre sens dans le cloisonnement des disciplines, encore trop prononcé pour permettre un bon apprentissage de la géographie. En effet, si elle est étudiée en parallèle de l’histoire, les deux matières ne sont pour autant jamais mêlées. La Géographie emprunte également aux SVT et aux Sciences Economiques et Sociales. Le lien entre ces différentes disciplines doit être davantage mis en avant.

Et au sujet de la nouvelle spécialité « histoire-géographie-géopolitique et science politique ?

Notre avis est nettement plus négatif à l’égard de la spécialité Histoire-Géographie-Géopolitique et Science Politique. On constate une originalité dans l’articulation des différentes matières mais en aucun cas dans les thématiques traitées. Les études de cas devraient pourtant permettre un approfondissement, une ouverture sur une nouvelle société, et pas une énième étude des États-Unis.

Au delà des contenus, un grand défi s’impose pour nous dans la manière dont est enseignée la géographie. En effet, une écrasante majorité des enseignants en histoire-géographie sont aujourd’hui des historiens. Il est pour nous essentiel qu’ils puissent développer des compétences géographiques avant de les transmettre. La géographie ne peut en effet se résumer à réciter un cours, le lycéen doit mobiliser ce qui l’entoure pour comprendre les sujets qui lui sont présentés.

Selon toi, comment le lycée devrait évoluer, du point de vue pédagogique, pour mieux préparer les lycéens à réussir à l’université ?

D’un point de vue purement organisationnel, l’entrée à l’université demande une véritable autonomie et une prise d’initiative dans le travail et l’apprentissage, notamment en sciences humaines. Ce changement déstabilise un grand nombre de lycéens et entraîne des taux d’échec considérable à l’entrée. Il est impératif pour nous d’inciter davantage les lycéens à travailler en autonomie, par des travaux individuels ou de groupe.

La géographie au lycée est également une discipline que les étudiants doivent s’approprier, en choisissant une thématique et collectant eux même la donnée par de nombreux moyens : réalisation d’entretien, collecte statistique, recherche bibliographique… Cette manière de travailler permet aux étudiants de développer une compétence indispensable à nos études et notre insertion professionnelle : le traitement et la synthèse d’information. L’apprentissage au lycée s’ancre encore trop à notre sens dans un schéma linéaire, ou l’enseignant dispense un cours sans permettre à l’étudiant de se l’approprier. Il est pourtant important d’entrer dans un schéma de construction de compétences, au-delà du simple transfert de connaissances. Cette nouvelle manière de voir l’enseignement s’impose à notre sens, dans une société où l’accès à l’information est partout et l’enseignant n’est plus l’unique détenteur du savoir. À ce titre, l’accès au numérique doit également être renforcé et généralisé à toutes les disciplines au lycée, puisqu’il est omniprésent à l’université comme dans le monde du travail.

Le parcours de Valentine, CPE

Votre parcours d’études universitaires initial a débouché sur l’obtention d’un Master « Gestion des Industries agro-alimentaires ». Pourquoi avoir choisi cette filière ? Sur quel thème portait votre mémoire et quelles ont été les grandes conclusions de votre recherche ?

J’ai toujours été très curieuse et scientifique. Mon parcours scolaire studieux m’a conduite vers la biologie. J’avais besoin de mieux connaître le vivant puis lors de mon parcours en IUT, l’agro-alimentaire me semblait un secteur d’activité dynamique et riche de diversité (à l’image de la diversité des produits alimentaires). Et pourtant, déjà à l’époque, l’éducation m’appelait… mais ça ne me semblait pas logique de devoir faire un bac +5 en biologie pour être ensuite un professeur des écoles qui enseigne toutes les matières.

J’ai, durant mon cursus universitaire réalisé plusieurs mémoires, lors de l’apprentissage en tant qu’élève ingénieure, puis en master effectivement. Les thèmes principaux étaient : l’étude de la rentabilité d’un atelier de production, l’optimisation de l’outil de production ou encore la réduction des déchets d’un atelier de fabrication. Ces thèmes sont tout de même très loin de mon activité d’aujourd’hui… !

Pendant 11 ans, vous enchaînez les postes dans le secteur privé en lien avec vos études précédentes. Quels sont les points forts que vous retenez de ces expériences ? Quelles sont les compétences acquises et transférables au métier de CPE ?

Mes études plutôt généralistes et mes premiers postes (7 expériences différentes en 11 ans !), me permettent de développer beaucoup d’adaptabilité, un grand sens de l’efficacité, des capacités d’analyse de systèmes, l’utilisation et l’animation d’une démarche qualité dans la résolution de problème ou dans l’amélioration d’un « processus ». J’ai également pu découvrir le monde le l’entreprise privée : le code du travail, la rigueur de son application ainsi que les relations humaines professionnelles et le management : la gestion d’équipes de composition variable.

Lors de mes premiers pas en tant que CPE, j’ai seulement à ce moment-là fait le parallèle étroit entre mes différentes expériences. Effectivement, le CPE, comme un responsable de production doit :

  • Gérer une équipe
  • Suivre des indicateurs et les faire progresser à l’aide d’un plan d’action
  • Mettre en place des projets

Cela a été une véritable révélation et m’a permis de prendre très vite mes marques en tant que CPE en Education Prioritaire dans la ville d’Argenteuil (95). À ce moment-là je me rappelle m’être dit : « si mon efficacité peut me permettre d’avoir plus de temps pour être à l’écoute des élèves et des parents alors tout ce parcours prendra son sens ». J’ai également été ravie de mettre toutes ces compétences au service de l’éducation des futurs citoyens, ceci me parlait beaucoup plus que le chiffre d’affaires d’une entreprise de fabrication !

En 2012, vous obtenez un Master « vie scolaire et pratique de l’éducation » et vous réussissez la même année le concours externe de CPE. Qu’est ce qui a été à l’origine de votre décision d’entrer dans la fonction publique et de vous orienter vers la fonction de CPE ?

Ce sont des doutes lors de mes différentes expériences qui m’ont amenée à faire deux bilans de compétences en tant que demandeur d’emploi puis dans le cadre du DIF (Droit Individuel de Formation). Le dernier bilan avec l’aide de professionnels exceptionnels a mis en évidence les valeurs qui me portent et d’autres qui prennent peu de sens en moi. En effet, par exemple, le pouvoir n’était pas un levier de motivation et en parallèle l’altruisme était une caractéristique très forte de ma personnalité ainsi que des valeurs humanistes. Nous avons alors cherché les métiers possibles. J’ai ensuite poursuivi mon raisonnement à l’aide d’interviews de professionnels et le métier de CPE est devenu une évidence.

Après votre année de stage, vous vous trouvez affectée dans un collège REP de l’académie de Versaille. Quels sont les « chantiers » qui vous sont apparus comme prioritaires à engager dans cet établissement ? Avez-vous perçu, au fil du temps, des évolutions positives dans ces domaines ? Lesquelles ?

Arrivée dans un contexte difficile, j’ai dû très vite apprendre à affirmer un cadre éducatif bienveillant, j’ai d’ailleurs à cette occasion appris à pousser ma voix !

Ce contexte particulier a été également l’occasion de développer un partenariat important avec mes collègues, et plus spécialement le pôle médico-social. Ceci m’a permis de comprendre l’environnement sociologique dans lequel j’apprenais mon travail.

J’ai eu l’opportunité de participer à un projet pédagogique innovant pour développer la motivation et la mise au travail de tous les élèves de mon établissement. J’ai compris à cette occasion la relation étroite entre l’organisation des flux et du service vie scolaire avec la mission d’enseignement d’un EPLE.

Le chantier le plus important pour moi a été de constituer une équipe vie scolaire solide dans sa posture d’adultes référents du cadre éducatif. Ceci a été difficile et reste fragile à chaque instant tant le recrutement des assistants d’éducation est compliqué encore aujourd’hui sur le bassin d’Argenteuil.  Cependant, le soutien de la direction et un travail partenarial avec d’autres CPE et personnels de direction du bassin d Argenteuil, m’ont permis de mettre en place un processus de formation et d’encadrement des AED tout au long de l’année. Ceci permet notamment de les former au respect du principe de laïcité, à la communication non violente, à la gestion de conflits mais aussi au repérage des situations de harcèlement. J’ai pu durant 6 ans mesurer l’évolution du professionnalisme de l’équipe vie scolaire tout en continuant à développer mes compétences en relations humaines et en gestion d’une équipe.

Vous relevez le défi de faire fonction de personnel de direction adjoint pendant 12 mois dans un collège puis dans un lycée. Comment avez-vous vécu ce « glissement » de fonction ? Quels points communs et quelles différences voyez-vous entre la fonction de CPE et celle de chef d’établissement ?

Ce changement de fonction s’est fait très naturellement grâce à mon expérience de responsable dans l’industrie. J’ai également eu la chance d’être l’adjointe de chefs d’établissement très accueillants et soutenants. Mon sens de l’efficacité m’a été très utile dans ces moments-là car ce sont des postes très sollicitants.

J’ai retrouvé la dimension de pilotage mais à un autre niveau, à l’échelle d’un établissement au lieu d’un service vie scolaire. J’ai beaucoup apprécié de participer, en étroite collaboration avec le chef d’établissement, à l’élaboration de la politique de l’établissement. La mission d’adjoint renvoie à une mission de soutien et de conseil du chef d’établissement plus poussée qu’en tant que CPE.

J’ai cependant pu aussi mesurer le rôle différent de la direction auprès des collègues enseignants avec ses avantages et ses limites.

J’ai conscience d’avoir eu la chance de vivre des expériences très riches et intéressantes. Je suis sûre qu’elles ont contribué à renforcer mon positionnement éthique et responsable en tant que CPE.

Suite aux opérations du mouvement-inter académique, vous intégrez l’académie de Besançon à la rentrée 2019. Dans quel secteur géographique préfériez-vous être nommée ? Pourquoi ? Qu’attendez-vous de cette nouvelle page de votre carrière ?

Je recherche plutôt un retour à la nature car la région parisienne est très dense et la vie très intense. J’aspire à un retour au calme et à un rythme plus serein. J’ai également envie de découvrir un autre environnement professionnel, peut-être plus rural, en tout cas plus « provincial ». Je suis curieuse de découvrir le rôle du CPE dans un autre environnement sociologique et pourquoi pas découvrir le lycée.

À quels projets de développement professionnel ou d’évolutions de carrière avez-vous réfléchi ? à moyens termes ? à longs termes ?

Je n’ai pas d’idée précise pour l’instant mais je continuerai à suivre mon instinct.

Je reste cependant très ouverte aux opportunités et aux surprises !

J’aimerais beaucoup pouvoir œuvrer à l’échelle d’un établissement, mais aussi dans d’autres dimensions comme la formation, l’accompagnement de collègues, CPE ou enseignants.

Valentine Bourdon, CPE dans l’académie de Versailles

Moumtaze, professeure documentaliste sur une île de l’Océan Pacifique, témoigne

Moumtaze est professeure documentaliste au collège Uporu de Tahaa, en Polynésie française, depuis la rentrée 2016.

Partir enseigner en Polynésie, est-ce vraiment idyllique ?

J’habite l’île de Raiatea qui se situe dans le même lagon que l’île de Tahaa, j’emprunte donc une navette bateau quatre fois par semaine pour aller au collège qui se situe au fond de la baie de Haamene. Après avoir traversé le lagon bleu turquoise, je fais le trajet à pied jusqu’au collège, en traversant un petit village entouré de collines où foisonne une jolie végétation tropicale. Pour parfaire le côté carte postale, j’habite sur un voilier avec mon mari et deux de mes enfants. Nous naviguons à chaque période de vacances scolaires pour découvrir la Polynésie par la mer. La culture polynésienne me touche énormément ; c’est ma deuxième mise à disposition, ayant déjà été professeure documentaliste à Tahiti de 2006 à 2009.

Peux-tu nous parler de ton établissement et de ton CDI ?

Le collège de Tahaa accueille 325 élèves, avec un clivage entre des élèves qui réussissent et des élèves peu motivés, en difficulté scolaire, qui peuvent adopter des attitudes de renoncement.

À mon arrivée, j’ai découvert un CDI bien terne, plutôt une réserve d’ouvrages obsolètes et un déversoir de la permanence, qui ne correspondait pas du tout à ma façon de travailler. J’ai commencé par un grand ménage : nettoyage, désherbage et réaménagement de l’espace avec l’aide d’élèves d’une section professionnelle attachée au collège, la section AFAT (activités familiales artisanales et touristiques) du CETAD qui est une structure de formation spécifique à la Polynésie. J’ai alerté l’équipe de direction sur la nécessité d’offrir un espace convivial et pertinent pour les élèves, et ai obtenu les crédits nécessaires pour le renouvellement du fonds documentaire et le remplacement des ordinateurs. Je me suis attelée à changer sa perception par les élèves et les collègues, et à lui donner sa place au cœur du collège, le tout en veillant à y associer constamment les élèves et la communauté pédagogique et éducative.

Dans quelles actions, missions ou projets t’es-tu investi depuis ton arrivée ?

Outre ma mission pédagogique dans le cadre de l’EMI, je suis référente du Parcours Avenir, mais aussi personne ressource pour la préparation des élèves à l’oral du DNB, et également référente du PEAC.

J’aime travailler en réseau, à sortir ma pratique du simple cadre du CDI comme lieu physique, n’hésitant pas par exemple à réaliser le kiosque à journaux de la semaine de la presse sous le préau, en collaboration avec l’équipe de la vie scolaire, mais aussi à sortir du collège, en proposant une exposition sur les poilus tahitiens à la mairie dans le cadre de la commémoration du centenaire de l’armistice de la 1re guerre mondiale, en collaboration avec la bibliothèque de Haamene.

Je m’attache à mobiliser toutes les énergies pour la réussite des élèves. Je travaille avec mes collègues du collège, mais aussi avec des associations de Raiatea et Tahaa ; le partenariat avec les parents d’élèves de l’île de Tahaa est l’une des clés de la réussite de mes projets.

En quoi les projets que tu mènes sont adaptés au territoire ?

Je m’appuie beaucoup sur la culture et les arts traditionnels polynésiens pour donner du sens aux apprentissages des élèves. Je pars du vécu et de ce qui est familier aux élèves pour travailler, avec mes collègues, les compétences du socle commun.

Depuis deux ans, je fais participer un groupe d’élèves du collège à un concours porté par la ministre de l’éducation et le ministre de la culture polynésien, le HEIVA TAURE’A, qui consiste à présenter un spectacle traditionnel sur « LA » grande scène de spectacle locale, la place To’ata qui reçoit les plus grandes vedettes de passage à Tahiti et les grands groupes de danses traditionnelles au mois de juillet. C’est un projet pédagogique, mené en cours et en atelier, qui permet à chaque discipline participante d’utiliser un support concret pour l’appropriation des savoirs, et aux élèves de trouver une source de motivation et de valorisation pour mieux apprendre et se réaliser. J’ai été l’un des premiers professeurs à intégrer le projet à ses débuts l’année dernière, et on s’est bien débrouillés : classés 3e sur neuf établissements en 2018, les élèves du collège Uporu ont terminé à la 2e place, sur seize collèges, cette année. C’est un beau projet qui fédère, pendant toute sa préparation, toute une équipe : élèves, enseignants, personnel non-enseignant, intervenants extérieurs liés à la culture traditionnelle, parents et familles.

Et quel est le prochain projet que tu vas mener ?

Dans le même esprit, j’accueille, chaque année, au collège le FIFO (Festival international du film documentaire océanien) qui est d’abord organisé à Tahiti au mois de février, puis transporté « hors les murs » dans les îles de Polynésie. Les projections permettent aux élèves d’élargir leur perception du monde. J’ai décidé cette année d’y associer les élèves du CJA de Tahaa, situé à Haamene (le Centre des jeunes adolescents est une structure polynésienne qui permet à des jeunes en difficulté scolaire à la fin du primaire de suivre une scolarité à dominante professionnelle), en leur permettant de partager les projections au CDI avec les élèves du collège.

Frédéric, professeur et formateur (ultra)connecté, témoigne…

Frédéric Davignon est professeur et formateur dans l’académie de Montpellier en collège et en lycée depuis 1996, il intervient en formation initiale et continue. Passionné de numérique et très actif sur les réseaux sociaux (@freddav), il anime des stages sur la pédagogie et l’intégration du numérique en classe. Il est aussi membre actif de l’association “Inversons la classe” et contribue à une meilleure connaissance de la classe inversée.

Frédéric, peux-tu nous raconter comment et pourquoi tu as été amené à être actif en ligne et ce que cela t’a apporté ?

En 2011, je représentais mon établissement aux Journées de l’Innovation à Paris qui se tenaient à l’Unesco. À côté du stand de mon établissement se tenait celui de deux collègues qui présentaient leur projet avec Twitter en primaire. J’ai été intrigué, nous avons échangé, je me suis dit que le travail de ces collègues du 1er degré me donnait matière à réflexion pour un travail avec les collégiens.
J’ai ouvert un compte Twitter lors de ces journées, dans mon souvenir, tu as été une des premières à t’abonner à mon compte, et avec toi ont suivi plein d’autres collègues… D’emblée, j’ai été séduit par la richesse des échanges, le côté inter degré et inter disciplinaire. J’avais trouvé ce que je cherchais depuis longtemps : le moyen de me confronter à des nouvelles idées, de nouvelles façons de voir les choses et progressivement j’ai moi-même osé partager mon travail. Le côté collaboratif m’a immédiatement plu.

Maintenant que tu as des fonctions de formateur, que conseilles-tu aux enseignants débutants ou non concernant leurs activités numériques ?

De ne pas avoir peur de se lancer !
Pour un travail en classe, je pense qu’il faut toujours que l’outil numérique fasse sens et apporte une plus value. C’est souvent le cas, mais pas tout le temps… Je pense qu’une présence en ligne sur les réseaux sociaux permet aussi souvent de pouvoir trouver des conseils, des outils, des tutoriels et donc de dépasser le côté technique qui peut bloquer. Les DANE* sont aussi souvent sources de ressources. Pour moi le numérique en classe fonctionne de pair avec une présence en ligne : se construire une communauté de collègues avec qui on se sent à l’aise pour échanger apporte beaucoup.

Penses-tu qu’être actif en ligne sur des réseaux sociaux, des forums, des blogs, des MOOC*… contribue à la formation et au développement professionnel des enseignants ?

Oui, totalement. Les blogs permettent de prendre du recul sur sa pratique, d’échanger, de mutualiser. Je ne pense pas que cela suffise et puisse remplacer les formations avec des personnes mais c’est effectivement très complémentaire. Je ne ferais pas de classe inversée sans les réseaux sociaux par exemple, sans avoir pris connaissance du travail d’Olivier Quinet, Nicolas Olivier, ni sans les collectifs comme EdMus, Twictée, ou sans la présence en ligne d’Inversons la classe.

À ton avis, comment l’institution Éducation nationale pourrait-elle inciter et aider les enseignants à s’emparer de ces possibilités nouvelles ouvertes par le numérique ?

Je pense que réfléchir à l’équipement et à l’aménagement des salles est essentiel. Sans matériel adapté pas de numérique en classe ! Les chefs d’établissement ont à mon sens un rôle essentiel à jouer en donnant l’envie de se lancer aux professeurs et les soutenant. Cela a été le cas avec tous ceux avec lesquels j’ai pu travailler que ce soit dans mes établissements ou sur le terrain en formation. À chaque fois, j’ai trouvé des facilitateurs en la direction. Je pense qu’il faut aussi sortir des salles informatiques. Les PC, même en nombre limité, devraient être dans toutes les salles, le numérique ne sera jamais simple s’il faut réserver une salle et si l’on n’est pas sûr qu’elle soit disponible.
Ensuite, il me semble qu’il faut vraiment partir des besoins des élèves et des réponses apportées par les enseignants en soutenant et accompagnant les projets qui partent du terrain.
En plus de la direction de l’établissement, on trouvera des soutiens auprès de la DANE* ou la CARDIE* qui mettent en avant les projets et peuvent accompagner leur développement par le biais des conseillers CARDIE* ou des Conseillers Départementaux Numériques. Ils permettent aussi l’essaimage des pratiques.
Enfin, je crois aussi beaucoup à la “pairagogie”, la formation sur le terrain par les collègues ; les référents numériques ont en ce sens une importance cruciale.
Je dirais donc que les outils sont déjà en place et qu’il faut continuer à les faire mieux connaître. En formation, je suis toujours surpris du nombre très faible de collègues qui connaissent la DANE* par exemple…

Propos recueillis par Stéphanie de Vanssay

*
DANE : Délégation Académique du Numérique pour l’Education
CARDIE : Cellule Académique Recherche et Développement, Innovation et Expérimentation
MOOC : Massive Open Online Course = cours ouvert et massif en ligne

Le parcours de Virginie, PE

Vous faites le choix d’un parcours universitaire en Biologie générale et sciences et vie de la terre. Quelles ont été vos motivations à l’époque pour vous diriger vers cette discipline ?

J’ai choisi cette licence car depuis toute petite j’étais plus à l’aise dans les matières scientifiques que littéraires. Et c’était la suite logique de mon parcours scolaire : 1ère S, Bac D et c’était la licence conseillée pour être professeur des écoles.

Vous découvrez le monde de l’Éducation nationale par un contrat d’aide-éducatrice obtenu dans le département de l’Allier. Quels ont été les contours de vos missions ? Diriez-vous que cette expérience a été décisive dans votre orientation vers le métier d’enseignant ?

N’ayant pas réussi le concours d’entrée à l’IUFM, ne voulant pas rester inactive, j’ai postulé pour cet emploi qui me permettrait de vérifier si c’était vraiment le métier qui me convenait.

J’étais affectée dans deux écoles rurales. J’intervenais dans les différents niveaux pour effectuer du soutien, de l’aide administrative, de l’informatique et participer à l’encadrement, les mercredis, des sorties USEP.

Après votre année de stage, votre première affectation a lieu dans un EREA de Haute-Loire. Comment l’avez-vous vécu ? Considérez-vous que cette année a eu un impact sur votre appétence dans la gestion des élèves en difficulté ?

L’EREA a été une expérience très enrichissante. Elle m’a permis de me rendre compte de l’importance du travail en équipe et de la démarche à adopter avec des élèves en difficulté.

J’ai eu de la chance d’être nommée remplaçante rattachée à l’EREA, si bien que j’ai exercé la mission d’enseignante (maths, français, physique, anglais) et éducatrice (surveillance de cantine, de nuit, et gestion d’ateliers divers les mercredi après-midi, les soirs). J’étais donc soutenue, guidée par les enseignants et les éducateurs. Ils m’ont appris qu’il fallait être claire avec les élèves sur mes attentes, qu’il fallait fonctionner en contrat et s’y tenir. Le respect doit être mutuel.

Si j’avais construis ma vie dans cette région, je pense que j’aurais poursuivi ma carrière dans cet établissement.

Depuis votre arrivée en Haute-Saône, vous avez enseigné dans les 3 cycles d’enseignement. Comment vivez-vous la polyvalence des âges liée à votre métier ? Avez-vous aujourd’hui une préférence pour l’un des cycles ? Pourquoi ?

Le fait d’avoir enseigné dans les différents cycles permet d’avoir une vue générale des attentes de l’école primaire, les liens entre les différents cycles, les méthodes d’apprentissages et l’évolution de l’élève. Il a été pour moi plus facile de passer du cycle 1 au cycle 3, que de passer de CM2 au CP où l’enseignante passe d’une certaine autonomie de l’élève à une demande constante d’accompagnement dans les apprentissages.

Cette année, vous accueillez tous les après-midis 2 élèves d’une classe ULIS et plusieurs élèves confrontés à des DYS. Quels sont les stratégies pédagogiques que vous mettez en œuvre pour prendre en compte leurs spécificités ?

Nous avons de plus en plus d’élèves diagnostiqués dys, mais nous avons peu de solutions proposées pour nous aider, nous conseiller et adapter notre travail. Nous tâtonnons, nous essayons certaines adaptations, que nous améliorons ou abandonnons suivant les résultats de chaque élève. Mais pour la majorité ce qui fonctionne bien c’est le passage à des codes couleur pour se repérer ou limiter l’écrit. Pas de doubles tâches, d’où la numérotation des différentes actions ou d’un guide rappelant les tâches à faire dans l’ordre. Les traces écrites sont réduites (texte à trous ou photocopie de l’intégralité de la leçon), les textes de travail sont écrits en police 14, avec un interligne de 1.5, avec la police Opendyslexic et la mise en avant des syllabes avec le logiciel Lire couleur. Les lignes pour les réponses doivent se situer juste en dessous de la question…

Toutes ces adaptations sont discutées avec les orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes… pour que nous travaillions tous de la même façon et que nous ne submergions pas l’élève avec différentes méthodes.

Certaines de ces adaptations peuvent servir à toute la classe et chacun a besoin de « ses petites béquilles » pour progresser. Einstein qui était dys a dit : « Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur sa capacité à grimper dans un arbre, il passera sa vie entière à croire qu’il est stupide ».

Quels sont les points forts de vos méthodes de travail ? Dans quel sens vous reconnaissez-vous dans l’approche de la pédagogie Freinet ?

Mes méthodes de travail se rapprochent de la pédagogie Freinet car elles passent par le respect de l’élève et de ses différences. Par le fait d’imposer un cadre de fonctionnement et des attentes précises, nous empêchons certains élèves de progresser en les enfermant dans un carcan. Personne ne peut régler tous ses problèmes en même temps. Un élève qui arrive le matin en classe porte avec lui ses connaissances, ses savoir –faire, ses peurs, ses problèmes et bonheurs personnels qui vont jouer sur sa disponibilité à entrer dans les apprentissages.

Envisagez-vous la préparation du CAPPEI et la suite de votre carrière dans l’enseignement spécialisé ? Si oui, plutôt sur quel type de poste ? Si non, pour quelles raisons ?

Je n’envisage pas pour le moment de repartir dans l’enseignement spécialisé car je dois être disponible pour mes enfants et surtout pour celui qui est dyslexique. Pendant sa scolarité, il aura besoin de mon aide pour que son trouble soit pris en compte en classe et pour l’aider dans ses devoirs. Tout ne sera pas adapté pour le rendre autonome.

Quand ils n’auront plus besoin de mon coup de pouce, je repartirai peut être vers le spécialisé qui sait !?

Virginie Dubois, professeure des écoles dans le 70

Le parcours de Mylène prof de lettres stagiaire

À l’issue de vos études secondaires, vous obtenez brillamment un baccalauréat littéraire. Quels souvenirs gardez-vous de vos enseignants de lycée ? Avez-vous en tête une pratique pédagogique qui vous a semblé particulièrement efficace ?

Étrangement les enseignants du lycée m’ont moins marquée que ceux du collège où j’ai eu un vrai déclic pour le français, le latin et le théâtre. Néanmoins, je me souviens particulièrement du professeur d’anglais qui avait très bien compris que sa matière n’était pas du tout ma préférée et qui a su être très à l’écoute de mes difficultés et de mon stress face à l’épreuve du baccalauréat. Le professeur de théâtre a aussi marqué mes années lycée. C’était un homme passionné grâce auquel j’ai pu me retrouver un jour, seule sur scène pour un monologue, devant des centaines de personnes que j’ai réussi à faire rire… Grâce à ces deux professeurs, j’ai gagné énormément de confiance en moi. Ce n’est pas tant une pédagogie qui m’a marqué mais la dimension humaine essentielle au métier de professeur selon moi.

Votre parcours se poursuit avec deux années en classe préparatoire. Quels sont, selon vous, les principaux bénéfices et écueils d’une formation intensive de ce type ?

Les deux années de classe préparatoire ont été intenses, il n’y a aucun doute là-dessus. Il faut être très rigoureux dans le travail et ne pas compter les heures de révision. Ce sont deux années où les études deviennent nécessairement notre priorité si on veut réussir un minimum. L’enseignement qu’on reçoit reste aussi très magistral et traditionnel, de ce fait la densité des cours s’en ressent et il est facile de décrocher. Cependant, si c’était à refaire je n’hésiterais pas ; j’ai eu un enseignement encore très général et approfondi deux ans après le baccalauréat et cela m’a apporté une certaine culture générale et une ouverture sur le monde. J’ai apprécié aussi l’encadrement à mon encontre rassurant et semblable à celui du lycée, étonnamment, même si c’est un rythme de travail intense, la transition entre les années lycée et le post bac devient plus douce. Et surtout, ce sont des méthodes de travail efficaces que j’ai acquises et que j’ai pu réinvestir pour le restant de mes études.

De retour en Faculté, vous découvrez l’expérience d’EAP (Emploi d’Avenir Professeur) dans le même collège que celui dans lequel vous aviez été élève auparavant. Diriez-vous que cette fonction vous a conforté dans votre projet de préparer le CAPES ? Pourquoi ? Quels sont les avantages et les inconvénients de ce « retour aux sources » ?

L’expérience d’EAP a sans doute été une des plus belles de ma vie honnêtement. Même si j’ai toujours su que je travaillerais dans le milieu de l’éducation, cela a définitivement concrétisé mon parcours scolaire. J’ai clairement vu l’objectif de mes études et cette expérience m’a ainsi énormément motivée dans ma voie, en y donnant finalement un sens concret. Les professeurs du collège et surtout ceux qui m’ont donné le goût du français et du latin étant pour la plupart encore présents dans l’établissement, c’était un véritable plaisir voire une certaine fierté d’être passé de l’autre côté, du statut d’élève à professeur à côté d’enseignants que j’admirais. Cependant, revenir aux sources m’a demandé un effort de lucidité : je me trouvais dans un collège de campagne, avec une bonne réputation, prisé dans les mutations et en plus j’en connaissais particulièrement bien les lieux et le fonctionnement. Il fallait donc que je me rende à l’évidence que tous les établissements n’étaient pas aussi accueillants avec des classes systématiquement faciles à gérer.

Lauréate du CAPES, vous êtes nommée fonctionnaire-stagiaire dans un collège de Besançon. Comment vivez-vous cette année de formation ? à l’Espé ? au collège ?

Avoir le statut de fonctionnaire-stagiaire n’est pas chose évidente. On est tiraillé entre l’envie de s’investir pleinement dans ce métier qu’on a tant désiré, et ainsi mettre fin à notre frustration, et on apprécie quand même le rythme « plus facile » permis par l’alternance entre l’Espé et le collège. Plus l’année avance, plus je gagne en assurance dans mon métier et de ce fait, on se sent parfois infantilisé quand du jour au lendemain vous redevenez élève après avoir été professeur. Je craignais aussi de devoir justifier ma légitimité à enseigner dans le collège mais pas du tout : bien que j’ai deux classes dont une particulièrement difficile, les parentes d’élèves m’ont toujours soutenue et il en est de même pour les collègues et les membres de la direction. Finalement le plus difficile reste de s’imposer comme une figure d’autorité face à ses élèves.

Dans le cadre de la préparation de votre Master, vous avez choisi un sujet de mémoire sur le thème du personnage du loup en littérature. Pourquoi ce choix ? Quelles sont vos premières conclusions ?

En élaborant ce mémoire, je voulais savoir si ce personnage du loup, qui m’a tant marqué quand j’étais enfant, était autant présent dans l’esprit des gens que dans le mien. Et il s’avère que oui : c’est un animal et un personnage omniprésent dans notre culture et dont le symbolisme est très fort. Traditionnellement associé au mal, à la perversité, il est intéressant d’observer le revirement culturel qu’il connait aujourd’hui : le loup est de plus en plus ridiculisé, humanisé. Celui qu’on considérait depuis toujours comme l’adversaire de l’homme devient progressivement son ami. Enfin ce thème est d’autant plus intéressant qu’il imprègne notre littérature et s’intègre parfaitement dans les programmes scolaires par l’étude des fables, des contes …

Vous montrez de l’intérêt pour une langue ancienne comme le latin qui est une « composante » de votre CAPES. Comment motiver les élèves dans l’enseignement d’une discipline qui n’est pas vraiment « à la mode » ?

Malheureusement, le latin devient une denrée rare aujourd’hui dans les établissements scolaires, et pourtant, il est tellement intéressant étudié ! Les élèves ont besoin de concret et de donner sens à leur apprentissage et le latin participe à cela. Le français est une langue complexe mais l’étymologie éclaire le sens et l’orthographe des mots, donne des moyens mnémotechniques aux élèves pour faciliter leur apprentissage. Le latin est au carrefour de plusieurs langues (l’espagnol, l’italien et le français notamment), il est donc utile pour les élèves d’y être familiarisé pour établir des liens entre les différentes disciplines, y trouver une certaine logique et concrétiser leur apprentissage. Il faut aussi s’efforcer, je pense, d’actualiser la langue : les hommes latins évoquaient des sujets qui sont tout à fait d’actualité aujourd’hui comme la recherche de l’amour, la politique… Le latin est une langue morte mais il faut s’efforcer de la rendre vivante dans l’esprit des élèves pour qu’elle perdure.

Parmi vos projets personnels à moyens termes, il y a l’envie de voyager dans divers pays d’Europe. Lesquels ? Pourquoi ? Vous sentez-vous prête, par la suite, à organiser des voyages scolaires sur ces territoires ?

Depuis toujours, je suis fascinée par tout ce que notre planète a à nous offrir : des paysages variés, des cultures enrichissantes, des rencontres incroyables, une ouverture d’esprit évidente… Je pense que voyager est la meilleure chose à faire pour se remettre en question, en tant qu’individu, en tant que membre d’une société. On grandit grâce au contact avec les autres et j’aimerais en profiter le plus possible. Mon rêve le plus grand serait de faire le tour du monde et j’espère sincèrement que j’aurai l’occasion de le faire. Sachant que jusqu’ici, en raison de mes études prenantes et de mes petites économies, je n’ai pas fait énormément de voyages, je suis extrêmement reconnaissante vis-à-vis des professeurs qui m’ont permis de voyager par le biais de mes études. J’espère me sentir assez prête, dans quelques années, pour accompagner mes élèves en voyage et pour susciter chez eux cet amour de la découverte, de la rencontre avec l’inconnu. Pour l’instant l’aspect organisationnel et la responsabilité que cela engendre m’effraient encore, mais je commence à voyager à une plus petite échelle en emmenant mes élèves au cinéma. Le reste viendra avec le temps !

Mylène Loureiro
Professeur stagiaire certifiée
Académie de Besançon

Le parcours d’Émeline, stagiaire PLP

Après un Bac ES et des études universitaires en sciences humaines, vous faites le choix d’une année Erasmus en Finlande. Que retenez-vous de l’approche pédagogique dans le système éducatif finlandais ? Quels dispositifs porteurs vous semblent transférables en France ?

J’étais essentiellement à l’Université, mais j’ai pu avoir un aperçu de l’approche pédagogique dans le système éducatif finlandais et sans surprise elle est très différente de celle que nous connaissons en France. Je pense que ce que j’ai pu expérimenter à l’Université reflète assez bien le fonctionnement pédagogique en Finlande. Beaucoup de comportements que j’ai pu observer à l’Université semblaient intériorisés depuis longtemps.

Nous avions assez peu de cours magistraux, les finlandais ne sont pas dans une logique descendante des apprentissages, du prof vers les élèves/étudiants. Ce sont plutôt des apprentissages co-construits, chacun va à son rythme et est acteur de son propre apprentissage. L’école est là pour accompagner les élèves dans la prise de conscience de leur apprentissage. D’ailleurs, il n’y pas d’évaluation chiffrée dans école fondamentale (scolarité obligatoire de 7 à 16 ans). L’évaluation consiste en une appréciation sur l’acquisition des compétences et toujours dans une logique encourageante. Je me souviens que l’auto-évaluation était elle aussi très pratiquée dans un but réflexif sur les apprentissages en cours. En France, nous avons de plus en plus recours à l’auto-évaluation mais je pense que nous pourrions la rendre encore plus systématique à l’image de ce qui se pratique en Finlande. Il me semble que c’est un bon moyen de rendre les élèves acteurs de la construction et de l’évolution de leurs apprentissages. À mon sens cela permet aux élèves d’être plus conscients de leurs propres progrès.

À l’Université chaque étudiant s’inscrit à des modules en fonction de ses aspirations et envies. Par exemple, j’étais inscrite en géographie mais j’ai pu piocher des cours en économie, en sociologie ou en sciences politiques… Chacun construit progressivement ses savoirs et son parcours comme il le souhaite.

Les jeunes finlandais sont aussi, très tôt, amenés à coopérer de manière constructive et à travailler en groupe. Les classes sont généralement disposées en îlot.

Je me souviens aussi qu’en primaire et dans le secondaire, les cantines et les fournitures scolaires étaient gratuites afin d’offrir les mêmes chances de réussite à l’ensemble des enfants et de gommer les inégalités sociales.

Enfin l’anglais est introduit très tôt dans les enseignements, beaucoup de finlandais sont bilingues. Par exemple, à l’Université beaucoup de cours sont dispensés en anglais, mais ce n’est pas un frein pour les étudiants qui choisissent quand même ces enseignements.

À votre retour, vous vous engagez dans la préparation d’un Master de géographie avec une spécialité en développement et solidarité internationale. Pourquoi ce choix ? Sur quelle thématique portait votre mémoire et quels sont vos souvenirs de vos séjours en Afrique de l’ouest ?

J’ai décidé de m’orienter vers un Master professionnel de géographie du développement car je souhaitais devenir chargée de mission dans le domaine de la coopération et de la solidarité internationale. En seconde, après un voyage à Madagascar, j’avais déjà développé cet intérêt pour les questions de développement, cette idée était restée dans un coin de ma tête puis j’ai suivi mon cursus lycéen. C’est finalement lors de ma licence de géographie que cet intérêt s’est à nouveau manifesté. En Erasmus, j’ai suivi des cours de géographie du développement qui ont confortés mon choix. En entrant en Master à la Sorbonne, j’ai souhaité m’orienter vers les questions d’accès à l’éducation en milieu rural et plus spécifiquement en Afrique de l’Ouest.

Mon mémoire portait sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes burkinabés après des formations agricoles en milieu rural. Je menais cette étude d’évaluation pour les Maisons Familiales Rurales, dans ce cadre je suis restée 5 mois au Burkina Faso. Ces 5 mois ont été vraiment enrichissants.

Pendant un an, vous effectuez un service civique au sein du Cercoop. Que signifie ce sigle et quel est le principal objectif de ce dispositif ? Sur quels champs de responsabilité vous êtes-vous investie ?

Le Cercoop est un réseau régional multi-acteurs pour la coopération et la solidarité internationale en Bourgogne-Franche-Comté. L’objectif de cette structure est d’accompagner les actions de coopération et de solidarité internationale menées sur le territoire franc-comtois et à l’international et de favoriser les mutualisations entre les acteurs. Ma mission consistait à réaliser une cartographie et un état des lieux des projets de coopération franc-comtois (leurs domaines d’actions, les pays partenaires…). Mais j’ai aussi pu accompagner des porteurs de projet notamment dans le montage de projet à travers des formations.

Créatrice de lien social, vous décidez de lancer une association et vous vous impliquez dans plusieurs festivals. Et si vous nous en disiez davantage…

En effet, j’ai été engagée sur plusieurs projets associatifs, dans les domaines culturels et environnementaux. J’ai notamment monté une association de sensibilisation au gaspillage alimentaire par le biais de l’organisation de Disco Soupe. Ce sont des événements festifs de sensibilisation au gaspillage, nous collectons des fruits et légumes invendus auprès des supermarchés et producteurs puis nous les transformons en soupe, salade, jus avec le public qui épluche et découpe. Les participants changent de regard sur les produits qu’ils n’auraient peut-être pas consommés chez eux les considérant trop « moches, abimés »… J’ai aussi participé à l’organisation d’Alernatiba Besançon et à la mise en place d’un festival d’arts de rue, le Festival du Bitume et des Plumes. Il s’agit d’un festival gratuit avec des compagnies amateures ou professionnelles locales (cirque, théâtre, danse, clown, concert, expositions et ateliers…). Le but est aussi de faire découvrir la richesse du patrimoine urbain et historique de Besançon. Les spectacles ont lieu dans des cours intérieures et lieux insolites du quartier.

Vous exercez successivement les fonctions d’assistante pédagogique en éducation prioritaire puis d’assistante d’éducation en lycée professionnel. Quels sont les points communs et les différences entre ces 2 expériences ? Diriez-vous que ces missions ont eu un impact crucial dans votre décision de devenir enseignante ? Pourquoi ?

Le principal point commun entre ces deux expériences est probablement lié à la zone géographique dans laquelle se situaient ces deux établissements, à savoir un quartier de la banlieue de Besançon. Le public était donc sensiblement le même. J’ai d’ailleurs retrouvé les mêmes élèves. Mais globalement c’étaient des expériences assez différentes et néanmoins complémentaires qui m’ont permis de découvrir deux aspects de mon métier actuel. Au-delà des missions qui étaient différentes, c’est surtout la relation aux élèves qui étaient différentes car en tant qu’AP la posture est plus proche de celle de l’enseignant que de l’AED. J’ai d’abord été Assistante Pédagogique au collège Diderot. J’intervenais dans les classes en supplément et à la demande de certains professeurs (toutes disciplines confondues). J’avais aussi « la charge » d’une classe de 6e que je voyais en demi-groupe une fois par semaine (accompagnement dans leur nouveau rôle de collégiens, aide aux devoirs, mise à niveau dans certaines disciplines, aide à l’organisation…). Avec cette classe, j’intervenais aussi dans certaines matières en appui pédagogique aux professeurs (français et mathématiques). Enfin, je faisais de l’aide aux devoirs une fois par semaine, tous niveaux confondus. Ensuite, j’ai été Assistante d’Education à mi-temps au Lycée professionnel Tristan Bernard de Besançon. J’intervenais en journée et à l’internat, j’ai également été en charge de quelques heures dans le cadre du dispositif « devoirs faits » avec les 3e Prépa Pro. Je venais d’échouer au CAPES, je voulais tenter le CAPLP mais craignais un peu le public de LP or cette expérience a confirmé mon désir de passer le CAPLP lettres-histoire-géo. Alors oui, je peux dire que ces deux expériences ont eu impact crucial sur ma décision de devenir enseignante, elles ont d’ailleurs confirmé cette volonté de devenir.

PLP stagiaire en lettres-histoires, vous traitez de la transversalité disciplinaire dans votre mémoire et vous avez construit un projet de co-intervention avec un collègue. Quelle est la problématique de votre recherche ? En quoi l’approche interdisciplinaire vous semble t-elle répondre aux attentes des élèves ?

En effet, dans mon mémoire j’ai décidé de proposer et analyser une approche transdisciplinaire de l’Education au Développement Durable, en lycée professionnel et plus particulièrement avec une classe de seconde baccalauréat professionnel. La problématique de ma recherche est la suivante : quelle Education au Développement Durable en lycée professionnel à l’heure de l’évolution du concept de Développement Durable et de la réforme du lycée professionnel ?

Je pense que l’approche interdisciplinaire peut répondre aux attentes de nos élèves concernant plusieurs points. D’abord, les élèves ont souvent du mal à comprendre la finalité des différents enseignements qu’ils reçoivent et à faire du lien entre eux. C’est pourquoi, il me semble qu’une approche collective, transversale et décloisonnée de certaines questions permettra aux élèves de faire du lien entre les différentes disciplines et de donner du sens à leur parcours scolaire mais également à leur formation en tant que futurs citoyens. Il me semble nécessaire que les élèves parviennent à donner du sens à leurs apprentissages. Aussi il me semble que l’interdisciplinarité permet de mieux prendre en compte la diversité des élèves et ainsi proposer une pédagogie différenciée.

Compte-tenu de la richesse de votre parcours, on imagine aisément que plusieurs projets trottent actuellement dans votre tête pour des échéances rapides ou plus lointaines. Nous donnerez-vous l’exclusivité de vos perspectives ?

En effet, j’aimerais mettre en place plusieurs projets avec mes classes à plus ou moins long terme.

D’abord, j’envisage d’aller à Verdun avec ma classe de 3e prépa pro, au printemps. La première guerre mondiale étant au programme d’histoire de 3e, il me semble intéressant que les élèves puissent découvrir et visiter un lieu de mémoire emblématique de ce conflit.

J’envisage aussi de faire intervenir des associations engagées dans la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre de mes cours d’Enseignement Moral et Civique et de Géographie, les questions du développement durable et de l’alimentation étant au coeur des programmes de seconde professionnelle.

Émeline Braud, Stagiaire PLP dans l’académie Nancy-Metz

Le parcours de Marion AESH

Après un Bac Littéraire, vous préparez un BTS NRC (Négociation Relations Clients). Sur quoi reposait à l’époque votre motivation pour envisager une carrière commerciale ?

J’ai toujours aimé le contact avec les gens, rencontrer les clients, échanger.
J’ai effectué plusieurs stages en Haute Saône où j’ai découvert divers milieux professionnels notamment dans le domaine de l’équipement sportif et les collectivités. J’aimais aussi le fait qu’en devenant commercial on avait une mobilité en venant à la rencontre du client. La diversité du travail me semblait aussi intéressante, et il n’y avait pas une répétition quotidienne dans les tâches à accomplir.

Assistante d’éducation dans un collège classé en éducation prioritaire, votre CPE vous a confié des responsabilités particulières dont le suivi quotidien des absences des élèves. Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience, notamment dans vos relations avec les élèves, les familles et les enseignants ?

J’ai gardé un souvenir extraordinaire de mon expérience d’AED au collège. J’ai établi au fil des années des liens de confiance avec les élèves. Ils savaient qu’ils pouvaient toujours compter sur moi en cas de besoin. Je pouvais aussi être autoritaire quand cela était nécessaire mais tout en restant juste à leur égard. Le respect allait dans les deux sens ce qui au final apportait un climat beaucoup plus calme lors de mes surveillances en salle de permanence (surtout en cas d’effectif lourd comme 30 à 40 élèves).
J’ai aimé aussi travailler avec les enseignants, nous pouvions échanger ensemble, j’estime qu’il est important au sein d’un établissement de communiquer avec eux. J’ai toujours considéré que l’équipe pédagogique et éducative formait un tout.
Au fil des années les parents me connaissaient et savaient comment je travaillais. J’étais aussi un repère pour eux et ils m’identifiait comme une personne-ressource. Tout comme avec leurs enfants, j’ai noué des liens de confiance avec eux.

AVS-Co dans une classe Ulis, vous avez joué un rôle d’accompagnement en direction des élèves les plus fragiles de notre système éducatif. En quoi consistait concrètement votre rôle ? Quelles qualités personnelles avez-vous développées tout au long de cet engagement ?

En tant qu’AVS-Co en classe Ulis mes missions étaient diverses. J’intervenais pour de l’aide aux devoirs avec les élèves, nous préparions des dictées données par l’enseignante.
Les élèves en classe ULIS sont tous inscrits dans leur classe de référence et, quand cela leur est possible, ils suivent certains cours avec leurs camarades : par exemple en histoire géographie, en mathématiques… À la demande de l’enseignante, je me rendais de temps en temps aux cours avec l’élève.
Les élèves de 3ème Ulis préparent comme pour les élèves de Segpa le CFG. Je les aidais à préparer leur dossier du rapport de stage, à s’entraîner pour l’oral et l’écrit. Le jour de l’examen, je les accompagnais, c’était pour eux une façon de les rassurer, de leur donner le dernier petit conseil.
J’ai développé durant ces deux années, beaucoup plus de patience car j’ai eu différents profils dont certains pouvaient être difficiles à gérer par moments. On devient beaucoup plus tolérant et j’ai appris aussi à prendre du recul.

Quelques années plus tard, vous décidez de vous investir en direction d’un autre public scolaire et dans une gestion individuelle des élèves. De quels publics s’agit-il et pour quelles missions ? Quels points communs et quelles différences entre chacun d’eux ?

Je suis AESH depuis un peu plus de deux ans, j’ai encadré de façon individuelle un élève de collège mais surtout des lycéens.
J’ai accompagné un élève de seconde autiste Asperger. Depuis l’année dernière, j’encadre deux jeunes filles : l’une en 1ère STMG atteinte d’une maladie génétique et l’autre en terminale ES qui est hémiplégique.
Le point commun que je retiens est d’abord que la présence de l’AESH les rassure beaucoup. Par contre les personnalités sont très différentes, les besoins aussi. Je suis « la secrétaire » de mon élève de terminale ES, je note ses cours, elle me dicte les réponses à écrire pour les DS ou les bacs blancs. Avec l’élève autiste Asperger, j’étais là pour l’aider à noter ses cours mais aussi pour le motiver à se concentrer en classe car il avait tendance à rêvasser, à décrocher. C’est pour cela que nous avions plusieurs heures d’aide aux devoir pour reprendre les cours qui lui manquaient et faisions les devoirs ensemble de façon à ce qu’il rentrer chez lui avec le travail déjà fait.

Votre investissement dans le suivi des élèves vous a amené à participer à plusieurs conseils de classe. Comment avez-vous vécu ces réunions ? Votre vision des élèves se trouvait-elle identique ou complémentaire à celles des enseignants ?

J’ai assisté au collège aux conseils de classe quand j’étais AVS-Co Ulis. Je notais les avis des enseignants dans les matières auxquelles les élèves assistaient.
Nous échangions beaucoup, les professeurs me donnaient aussi le ressenti des élèves, comment ils appréhendaient leur intégration dans la classe, si le niveau n’était pas trop difficile.
Je pense que l’échange avec les enseignants est très important, on peut recevoir ou donner des informations utiles concernant les élèves.

Sur un plan personnel et familial, vous êtes maman de 2 filles. Diriez-vous que votre rôle de mère a donné une autre dimension à votre fonction d’accompagnante d’élèves en difficultés ?

Oui, absolument, on n’a plus du tout le même regard vis-à-vis de la profession et de l’encadrement des élèves. J’ai développé une compassion beaucoup plus forte, je me mets davantage à la place des parents des élèves. Constamment, je me remets en question sur ma façon d’accompagner les élèves, de répondre à leurs attentes, à celles de leurs parents…
C’est aussi une vraie responsabilité, se dire que les parents nous confient leurs enfants afin qu’ils puissent suivre une scolarité la plus « normale » qui soit. Je me dis que j’ai accompli ma mission quand j’entends des parents me dire que leur enfant est plus en confiance en classe, que ma présence a été bénéfique dans leurs apprentissages.

Comment voyez-vous la suite de votre carrière ? Quel métier aimeriez-vous exercer dans 10 ans ?

Dans un premier temps, j’espère pouvoir obtenir un contrat AESH en CDI afin d’avoir une situation professionnelle plus stable.
J’ai toujours été baigné dans le monde de l’enseignement d’une part grâce à ma famille et à celle de mon mari où nous comptons beaucoup de personnes dans l’enseignement. J’aimerais peut-être essayer de repartir dans des études pour à mon tour enseigner. Mais pour cela j’attends que mes filles grandissent un peu pour avoir le temps de préparer ce projet ambitieux.

Marion Ben Ismael, AESH dans le 70

Amandine, professeure de SVT en Guyane, témoigne

Qu’est ce qui a été à l’origine de votre motivation pour demander votre mutation en Guyane ? Quelles sont les grandes caractéristiques de l’établissement dans lequel vous exercez ?

Tout d’abord, je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de voyager très loin, pourtant j’en mûrissais l’envie depuis deux ans. Je pense qu’une partie de ma motivation trouve son origine là. Je ne me suis jamais fermée la porte à aucune académie car j’aime bien le changement : il est source de remise en question. C’est en regardant les barèmes prévisionnels de mutations en SVT que j’ai mûri mon désir de partir en Guyane. Après deux ou trois recherches sur internet j’étais convaincue : sa biodiversité abondante et la perspective de découvrir un nouvel environnement culturel m’avaient séduite ! Je me suis néanmoins posé des questions et j’ai même vraiment hésité à un moment car le peu de retours que j’en avais étaient négatifs. J’ai mis de côté mes choix de mutation un ou deux jours et j’ai pesé le pour et le contre. J’ai alors mesuré que mon envie de partir était plus grande que mon envie de rester et je me suis dit « C’est maintenant ou jamais : ça te tente, alors teste par toi-même et n’écoute pas les « on dit » ». C’est alors que j’ai réalisé qu’en tant que professeur de SVT, je pourrais découvrir une biodiversité époustouflante et une diversité culturelle enrichissante qui me demanderait de m’adapter et de remettre en question la manière d’enseigner que j’avais établie durant mon année de stage. Il y avait là un vrai défi et un changement assuré qui me permettrait de m’enrichir personnellement et d’enrichir ma pratique professionnelle. Ces réflexions ont confirmé mon choix et je n’ai plus modifié la position de mes vœux : c’était la Guyane en premier. Dans les représentations initiales que j’avais de la Guyane et de ce qu’on m’en décrivait, j’avais l’impression de partir à l’aventure au milieu de la forêt équatoriale. Comme j’avais envie de m’enrichir et d’observer d’autres systèmes de sociétés, ça me paraissait être une superbe occasion. Et puis, personnellement, j’avais envie de me recentrer sur l’essentiel et d’apprendre à vivre autrement (faire mieux avec moins, c’était aussi ça le challenge). J’imaginais que la Guyane serait moins industrialisée que ce qu’elle ne l’est en réalité à Cayenne (je pensais que Cayenne serait plus comme les villes que l’on trouve le long du fleuve). Finalement, Cayenne est vraiment très développée (toujours par rapport à mes représentations initiales) en commerces, équipements, nombre d’habitants et même en taille ; et moins dépaysante que ce que j’avais imaginé. Pour avoir voyagé un peu sur le territoire, je trouve que le mode de vie au sein des villages bordant les fleuves (Maroni et Oyapock) reflète davantage la représentation qu’on se fait de la Guyane depuis l’hexagone. Il faut venir le voir…

Concernant les grandes caractéristiques de mon établissement je commencerais par dire que mon collège a un effectif assez important (plus de 830 élèves). Nous avons environ neuf classes par niveaux, sans compter les classes de dispositifs particuliers. L’établissement dans lequel je travaille est classé en REP+, comme de nombreux établissements scolaires en Guyane. Je dirais que sa particularité est vraiment l’hétérogénéité des élèves sur plusieurs aspects : inégalités sociales, diversités culturelles, diversité des langues parlées, conditions familiales… Ces diversités se font ressentir parfois de manières négatives entre pairs mais deviennent rapidement une richesse durant nos cours (diversité des exemples et des modèles de représentation, traductions possibles par d’autres élèves, solidarité…).

Je dirais que la diversité des professeurs est aussi une caractéristique intéressante de notre établissement et enrichissante pour nos élèves. Le turn-over est très important au sein des équipes pédagogiques, ce qui est plutôt pénalisant pour la pérennité des projets à mettre en place. Nous comptons également beaucoup de vacataires. Je note aussi que selon les salles et les matières, nous ne disposons pas tous des mêmes équipements au sein du collège.

De plus, je trouve que la précarité se fait ressentir : certains élèves ne déjeunent pas… et donc le pôle social est très développé au sein du collège. Comme nous n’avons pas de cantine propre à l’établissement, quelques élèves vont manger à la demi-pension d’un établissement voisin ce qui, avec le manque de transport conditionne la pause méridienne à deux heures d’interruption. Les transports en commun ne sont pas très développés en Guyane. La plupart des élèves viennent à pied ou en vélo au collège.

Pour finir, la dernière caractéristique que je note est que, les cours commencent à 7h du matin et finissent souvent plus tôt. L’emploi du temps des professeurs est généralement assez agréable avec des après-midis libérés. D’ailleurs, et je terminerai par ce dernier point, les jeudis après-midi sont banalisés sur le territoire afin de pouvoir faire des « réunions REP+ ». Cela permet également d’avoir des créneaux pour suivre nos formations, donner rendez-vous aux parents ou encore échanger avec nos collègues (au sein de l’établissement mais aussi au sein des établissements voisins).

Tout d’abord, je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de voyager très loin, pourtant j’en mûrissais l’envie depuis deux ans. Je pense qu’une partie de ma motivation trouve son origine de là. Je ne me suis jamais fermée la porte à aucune académie car j’aime bien le changement : il est source de remise en question. C’est en regardant les barèmes prévisionnels de mutations en SVT que j’ai mûri mon désir de partir en Guyane. Après deux ou trois recherches sur internet j’étais convaincue : sa biodiversité abondante et la perspective de découvrir un nouvel environnement culturel m’avaient séduite ! Je me suis néanmoins posé des questions et j’ai même vraiment hésité à un moment car le peu de retours que j’en avais étaient négatifs. J’ai mis de côté mes choix de mutation un ou deux jours et j’ai pesé le pour et le contre. J’ai alors mesuré que mon envie de partir était plus grande que mon envie de rester et je me suis dit « C’est maintenant ou jamais : ça te tente, alors teste par toi-même et n’écoute pas les on dit ». C’est alors que j’ai réalisé qu’en tant que professeur de SVT, je pourrai découvrir une biodiversité époustouflante et une diversité culturelle enrichissante qui me demanderait de m’adapter et de remettre en question la manière d’enseigner que j’avais établis durant mon année de stage. Il y avait là un vrai défi et un changement assuré qui me permettrait de m’enrichir personnellement et d’enrichir ma pratique professionnelle. Ces réflexions ont confirmé mon choix et je n’ai plus modifié la position de mes vœux : c’était la Guyane en premier. Dans les représentations initiales que j’avais de la Guyane et de ce qu’on m’en décrivait, j’avais l’impression de partir à l’aventure au milieu de la forêt équatoriale. Comme j’avais envie de m’enrichir et d’observer d’autres systèmes de sociétés, ça me paraissait être une superbe occasion. Et puis, personnellement, j’avais envie de me recentrer sur l’essentiel et d’apprendre à vivre autrement (faire mieux avec moins, c’était aussi ça le challenge). J’imaginais que la Guyane serait moins industrialisée que ce qu’elle n’est en réalité à Cayenne (je pensais que Cayenne serait plus comme les villes que l’on trouve le long du fleuve). Finalement, Cayenne est vraiment très développée (toujours par rapport à mes représentations initiales) en commerces, équipements, nombre d’habitant et même en taille ; et moins dépaysante que ce que j’avais imaginé. Pour avoir voyagé un peu sur le territoire, je trouve que le mode de vie au sein des villages bordant les fleuves (Maroni et Oyapock) reflète davantage la représentation qu’on se fait de la Guyane depuis l’hexagone. Il faut venir le voir…

Concernant les grandes caractéristiques de mon établissement je commencerais par dire que mon collège a un effectif assez important (plus de 830 élèves). Nous avons environ neuf classes par niveaux, sans compter les classes de dispositifs particuliers. L’établissement dans lequel je travaille est classé en REP+, comme de nombreux établissements scolaires en Guyane. Je dirai que sa particularité est vraiment l’hétérogénéité des élèves sur plusieurs aspects : inégalités sociales, diversités culturelles, diversité des langues parlées, conditions familiales… Ces diversités se font ressentir parfois de manières négatives entre pairs mais deviennent rapidement une richesse durant nos cours (diversité des exemples et des modèles de représentation, traductions possibles par d’autres élèves, solidarité…).
Je dirai que la diversité des professeurs est aussi une caractéristique intéressante de notre établissement et enrichissante pour nos élèves. Le turn-over est très important au sein des équipes pédagogiques, ce qui est plutôt pénalisant pour la pérennité des projets à mettre en place. Nous comptons également beaucoup de vacataires. Je note aussi que selon les salles et les matières, nous ne disposons pas tous des mêmes équipements au sein du collège.

De plus, je trouve que la précarité se fait ressentir : certains élèves ne déjeunent pas… et donc le pôle social est très développé au sein du collège. Comme nous n’avons pas de cantine propre à l’établissement, quelques élèves vont manger à la demi-pension d’un établissement voisin ce qui, avec le manque de transport conditionne la pause méridienne à deux heures d’interruption. Les transports en commun ne sont pas très développés en Guyane. La plupart des élèves viennent à pied ou en vélo au collège.

Pour finir, la dernière caractéristique que je note est que, les cours commencent à 7h du matin et finissent souvent plus tôt. L’emploi du temps des professeurs est généralement assez agréable avec des après-midis libérés. D’ailleurs, et je terminerai par ce dernier point, les jeudis après-midi sont banalisés sur le territoire afin de pouvoir faire des « réunions REP+ ». Cela permet également d’avoir des créneaux pour suivre nos formations, donner rendez-vous aux parents ou encore échanger avec nos collègues (au sein de l’établissement mais aussi au sein des établissements voisins).

En quoi diriez-vous que la population scolaire Guyanaise comporte des fragilités et cumule des difficultés de divers ordres ? La collaboration avec les familles est-elle fructueuse ?

Les fragilités de mes élèves reposent surtout sur la barrière de la langue, de la lecture ou encore de l’écriture. Nous avons beaucoup d’élèves qui ne maîtrisent pas ces codes et cela complexifie la communication. Ainsi, d’une part nous comptons des élèves illettrés (ayant suivi une formation sans en acquérir les compétences) et des élèves analphabètes n’ayant jamais été scolarisés dans leur pays d’origine… d’autre part, nous avons de très bons élèves qui maîtrisent ces compétences. Cela renforce l’hétérogénéité dans nos classes et demande un plus grand travail de différenciation.
Cette hétérogénéité se retrouve également sur le plan social (ex. : milieu familial). Certains élèves vivent des situations vraiment compliquées qui impactent fortement leur réussite scolaire : des élèves sont déjà mères en classe de 5°. Bien que ces situations deviennent de plus en plus rares au sein de notre collège, ce phénomène persiste encore dans les villages bordant le Maroni et l’Oyapock. L’éducation à la sexualité et le développement psycho-affectif de l’enfant sont donc encore des axes à développer. La précarité sociale est également importante et impacte les apprentissages (ex. : absence de lunettes, absence de matériel) ou encore, influent sur les relations sociales. Les difficultés d’hygiène accentuent effectivement l’exclusion entre pairs par un rejet plus fréquent se basant sur l’apparence physique (hygiène vestimentaire, hygiène bucco-dentaire). Cependant, l’assistante sociale du collège permet de résoudre pas mal de problème. D’ailleurs en Guyane, l’uniforme scolaire est obligatoire : T-shirt basique de couleur uniforme (jaune chez nous) avec un pantalon bleu. Après observation, je trouve que le port de l’uniforme me paraît pertinent car en Guyane il fait chaud et on a tendance à peu se couvrir. L’uniforme permet ainsi d’éviter de nombreux conflits quant à la décence de la tenue vestimentaire et à ses conséquences éventuelles.

Une autre fragilité du territoire est aussi d’inciter les parents à assurer leur devoir de scolarisation de leurs enfants : beaucoup d’enfants sont absentéistes, partent en vacances sur de longues périodes dans les pays voisins pendant des périodes de cours, ou encore restent à la maison pour s’occuper de leur fratrie lors de l’absence des parents. D’ailleurs, le schéma familial est bien souvent déstructuré : lors d’une demande de rendez-vous je rencontre souvent les grandes sœurs ou les grands frères, les tantes, les grands-mères plutôt que les parents de l’enfant. Cela s’explique en partie par la complexité de la relation des parents avec l’école, l’abondance de familles monoparentales, les préoccupations essentiellement économiques. La relation avec les parents est donc alambiquée puisque peu de parents s’impliquent réellement dans le suivi et la réussite scolaire de leurs enfants (rendez-vous manqués par ex.).

Cependant, dans mon établissement, je dois dire que la collaboration avec les familles tend vraiment à s’améliorer. En Guyane, comme prévu par la circulaire de 2013, le projet « malette des parents » est soutenu par plusieurs établissements. Ainsi, dans mon collège, divers projets ont été mis en place : « ouvrir l’école aux parents » ainsi que l’extension du « projet couture » avec les parents. En fait, en se servant de la culture locale (couture) on essaie de réconcilier les parents avec le milieu scolaire. Les parents sont eux-mêmes souvent dans des situations difficiles et ont conservé une image négative du milieu scolaire. Du coup, lorsque je les reçois dans le laboratoire de SVT (où nous avons la clim) je leur propose un café ou un thé. Cela permet d’établir un contact différent et ainsi, de mieux accompagner l’élève en leur expliquant notre but commun : la réussite de l’enfant.

L’éducation à la sexualité et le développement psycho-affectif semblent être des problématiques d’importance dans ce département. Pourquoi ? Quels ont été les points forts de la formation que vous avez suivie sur ces sujets ?

J’ai suivi une formation sur l’éducation à la sexualité et le développement psycho-affectif de l’enfant afin de mieux appréhender le contexte local concernant cette thématique. En tant qu’enseignante (de SVT particulièrement et bien que ce soit la mission de chaque enseignant), l’éducation à la sexualité me paraît être un des axes prioritaires (et notamment en Guyane qui n’est d’ailleurs pas une île mais un territoire d’Amérique du Sud limitrophe du Brésil et du Surinam). Comprendre le contexte territorial dans lequel je fais mon enseignement est essentiel pour moi afin de bien cerner les enjeux et les problématiques locales et donc d’y répondre au mieux. Cet été par exemple, il y a eu de véritables polémiques en Guyane au sujet de l’éducation à la sexualité (en école primaire notamment). Malheureusement, la neutralité républicaine sur ces questions n’est pas toujours respectée par l’ensemble des enseignants. Culturellement, ces thématiques sont aussi complexes à appréhender par les élèves car ils ont beaucoup d’idées reçues (ex. : moyens de contraceptions de « grand-mère »). Ainsi, une élève de 3° m’a dit que sa grand-mère lui avait dit de boire un grand verre d’eau salée après ses rapports sexuels afin d’éviter une grossesse non désirée…

Cette formation m’a aussi apporté des connaissances par rapport à la législation. J’ai approfondi les enjeux citoyens et le rôle de l’ensemble des enseignants dans la mise en œuvre de cette éducation (car, bien souvent ce sont seulement les SVT qui la prennent en charge…).
Durant cette formation j’ai également rencontré des personnes de différents horizons professionnels qui réalisaient la formation avec moi. Le dernier jour, j’ai pris leurs coordonnées car certains étaient des salariés de la maison de l’adolescent, d’autres des infirmières… J’y ai aussi rencontré la personne chargée de mission Santé sexuelle et reproductive –PMS avec qui nous allons mettre en place des actions d’éducation à la sexualité cette année à travers des interventions dans mes classes (résistance aux influences, notion de consentement, risques des écrans et prostitution juvénile…). Cet aspect de la formation, bien que souvent oublié, est cependant très intéressant car il permet d’enrichir ses contacts et partenariats avec des personnes qui partagent des objectifs communs avec nous vis-à-vis de la thématique abordée.

Un autre point fort que je retiens a été que théorie et pratiques se sont mêlées via divers exercices pédagogiquement stimulant (mise en scène, supports diversifiés : vidéos, jeux de cartes, sites accessibles sur la législation, idée de jeu sur les comportements psycho-sociaux). Cela a été très intéressant pour moi car ça m’a permis d’innover par la suite avec mes élèves en me donnant de nouvelles idées, de trouver de nouveaux supports et de les diversifier ou encore de ré-utiliser certains exercices en les adaptant à la tranche d’âge ciblée (ex. : ouverture d’un débat suite à une prise de position physique en deux colonnes qui se séparent spatialement selon la réponse vrai/faux à des questions portant sur des notions scientifiques).

Cette expérience vous a amenée à vous adapter à vos élèves et à mettre en œuvre des stratégies pédagogiques et relationnelles qui ont porté leurs fruits. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Avez-vous le sentiment de vivre un vrai travail d’équipe avec vos collègues et les autres personnels ?

Il est vrai que, dès mon premier cours, j’ai dû adapter mon enseignement aux difficultés de mes élèves (illettrisme par ex.). C’est à ce moment-là que j’ai réellement compris les enjeux du territoire et que j’ai pris conscience de ma mission au sein de l’établissement. Le défi majeur est donc de maintenir l’attention de l’ensemble des élèves constituant une classe parfois très hétérogène en les faisant progresser tous à leur rythme mais en atteignant le plus souvent des objectifs communs. Pour ce faire, j’ai mis en place des petits automatismes qui m’aident à effectuer au mieux cette adaptation. Les principaux consistent en la coopération et la collaboration à différentes échelles.

Tout d’abord, j’essaie de tisser un lien privilégié avec chacun de mes élèves (bien qu’avec de nombreuses classes ça ne soit pas évident). Ils sont mes premiers interlocuteurs dans l’exercice de mon métier et mon meilleur référentiel pour savoir ce qui convient ou ce que je dois améliorer/modifier dans mes cours. J’adopte avec eux une bienveillance naturelle et j’essaie de souligner leur individualité au sein de groupe en accentuant leur particularité à travers l’attention que je leur porte. Ainsi, je n’hésite pas à faire remonter les détails que j’observe d’eux. Par exemple, je suis très sensible et attentive aux états de mes élèves et je les communique aux collègues lorsque cela me semble indiqué. Lorsque je passe dans les rangs pour accompagner leur travail, je regarde leurs avant-bras. Cette petite attention m’a déjà permis de relever quatre cas de mutilations / scarifications rien que cette année ! Pareil pour la qualité de la dentition et les caries non soignées ou encore l’absence de lunettes. Dans ce cas je garde l’élève en fin d’heure avec moi et j’avise sur les suites à donner (direction, parents, infirmière, assistante sociale, psychologue de l’E.N.).

De même, lorsqu’un élève est triste, je lui propose de rester en fin d’heure pour en parler s’il le souhaite. Souvent, il reste et vous donne de réelles informations pour comprendre sa situation personnelle : décès d’un parent, harcèlement scolaire, manque d’estime de soi, violences à la maison… Il y a de nombreux exemples négatifs mais l’inverse existe aussi : élève heureux car ayant eu un bon résultat ou une remarque positive de la part d’un enseignant. Le dernier cas qui selon moi reste la meilleure technique (car peut être la plus naturelle selon ma personnalité) est le suivant: lorsque je fais l’appel en début d’heure, je prends le temps d’observer chaque élève avec attention : changement de coiffure, nouvelle boucles d’oreilles… comme j’ai une bonne mémoire visuelle, les détails ne m’échappent pas! J’utilise donc cet avantage au profit de mes élèves. En leur faisant une petite remarque le plus souvent avec humour. Leur indiquant que j’ai remarqué leur changement, je crée un lien privilégié avec l’élève qui se sent alors plus disposé à apprendre (même si parfois ça n’est que pour me faire plaisir). L’élève se sent exister et prend conscience de sa place unique dans la classe. Par un simple détail, il se sent immédiatement plus en confiance. Il sait qu’il est l’objet de mon attention et ça le motive. J’aime bien user d’humour avec eux et ils me le rendent bien. J’utilise des traits de ma personnalité et les accentue pour les mettre à profit dans mon enseignement (cela revient trouver un équilibre entre faire du théâtre sans être trop théâtrale). Pour illustrer, je dois avouer que, passer par l’affectif, me permet de motiver et d’accrocher un plus grand nombre d’élèves. Les élèves studieux, qui ont des motivations intrinsèques, écoutent de toute manière Cette technique vise donc plutôt à raccrocher les élèves décrocheurs, en difficultés ou encore ceux dans ces deux cas. Avoir une relation privilégiée avec eux favorise leur productivité puisqu’ils travaillent pour me faire plaisir. Je privilégie également la bienveillance car celle-ci permet à l’élève de se faire plaisir à lui-même en développant la confiance en soi. Avec ces derniers j’adopte plus fréquemment une posture d’accompagnement. Pour finir je me préoccupe de leurs souhaits d’orientation, de leurs projets et de leurs centres d’intérêts. Ces derniers constituent un levier de motivation non négligeable. En résumé, je dirai que c’est par l’attention que je donne à mes élèves que j’établis ce lien privilégié qui me permet d’exercer mon métier dans des conditions plus favorables. Les parents sont également un des piliers sur lequel axer ses échanges pour développer sa relation de confiance avec l’enfant et mieux comprendre ses difficultés.

L’échelle de communication suivante s’effectue bien évidemment avec mes collègues. Je pense que le travail collaboratif participe fortement au bon fonctionnement d’un établissement. Ainsi, j’essaie de rester en contact avec les divers personnels de l’établissement. D’ailleurs, en REP+, un minimum de coopération est indispensable. Par ex., je suis souvent en relation avec la psychologue de l’E.N. l’assistante sociale, l’infirmière, la direction, les CPE, les surveillants, les collègues… Le travail d’équipe permet réellement d’atteindre de manière plus efficace notre but commun, à savoir l’épanouissement, la réussite, le choix de l’orientation) et l’éducation de nos élèves.

Je vis un travail d’équipe coopératif dans l’accompagnement de mes élèves et dans le suivi de leur scolarité au sein de l’établissement. J’aimerais cependant viser à ce que ce travail devienne de en plus collaboratif. J’échange souvent avec mes différents collègues via les plates-formes numériques ou encore par des échanges directs… Cela me permet d’obtenir et de transmettre des informations essentielles à la compréhension de l’élève ou de la classe en question mais également de prendre du recul sur certaines situations, de faire des signalements (ex. : plusieurs mutilations des avant-bras cette année et l’an passé) ou même d’avoir des conseils. Au sein de l’équipe de SVT, nous sommes très soudés et nous échangeons sur nos pratiques pédagogiques et didactiques. Cette communication permet de mettre en place des actions spécifiques. Par exemple, pour répondre aux besoins de l’éducation à la sexualité, nous avons un projet de prévention monté en partenariat avec l’infirmière du collège, un référent du rectorat sur l’éducation à la vie affective et relationnelle et des membres de la croix rouge sur les IST.

Pour finir, notre établissement étant l’établissement réseau de référence, nous avons également eu des temps d’insertion en école maternelle et primaire. Je trouve que cela permet d’avoir une continuité entre le premier et le second degré et d’observer différentes approches pédagogiques à des âges différents et des populations plus variées. C’était très intéressant et j’ai été surprise moi-même car c’est lors de mon immersion en maternelle que j’ai le plus appris en termes d’innovations pédagogiques et de différenciation. Je trouve cette expérience vraiment enrichissante et je me suis inscrite pour reconduire l’expérience cette année. Le travail collaboratif doit donc, selon moi, être développé à la fois à l’intérieur de l’établissement mais également avec des intervenants extérieurs.

Envisagez-vous de rester en Guyane pendant encore quelques années ? Quelles sont les autres académies qui vous tentent à courts ou moyens termes ? Pour quelles raisons ?

Alors rester en Guyane, pour la Guyane, mes élèves et mes collègues, oui ! Cependant, ma vie personnelle ne me permettra pas d’y rester pour une très longue durée dans la mesure où mon conjoint est fréquemment muté pour des raisons professionnelles. J’aimerais donc le suivre, quitte à revenir en Guyane avec lui dès que les conditions le permettront. Nous en avons déjà brièvement parlé d’ailleurs. Ainsi, la mobilité s’imposant, j’envisage deux options entre lesquelles je n’ai pas encore tranché. Les seuls critères qui resteront inchangés je pense, seront : pas le sud car je veux retrouver la sensation de froid et une mutation où je peux retrouver une biodiversité satisfaisante et faire des SVT en allant me promener (le massif central avec ses volcans, les Alpes et le Jura avec ses chaînes de montagnes…).

Donc, dans un sens, je souhaite me rapprocher de ma famille puisque l’outre-mer nous sépare aussi un peu de nos proches (au moins géographiquement). Ainsi, toute la région Grand-Est et les académies qu’elle comporte (Strasbourg, Nancy-Metz notamment) m’intéressent particulièrement.
Dans un autre sens, j’aimerai suivre mon ressenti et mes envies aux moments des mutations. Pour le moment je pense me rapprocher de la côte nord-ouest pour diverses raisons parmi lesquelles le fait que j’y apprécie la culture et la biodiversité du milieu marin (visiter et faire visiter le site de Roscoff que je n’ai pas eu l’occasion de faire en master). La Corse me tenterait également à plus long terme.

Je pense que l’important pour moi dans mes choix de mutation à venir, sera que l’académie soit bien desservie au niveau des transports afin que je puisse circuler rapidement et librement sans trop de contraintes. L’autre critère indispensable, mentionné plus tôt, est qu’il fasse froid. Une académie près des régions montagneuses me plairait pour diverses raisons : d’abord je verrai à nouveau de la neige, des saisons, des particularités géologiques et biologiques… Je pourrai ensuite faire de longues randonnées en cueillant des champignons ! Je suis un peu nostalgique de la diversité des paysages de la France hexagonale, bien que, j’apprécie sans conteste la beauté de la biodiversité guyanaise. L’académie de Lyon, celle Dijon ou encore de Besançon pourraient donc me plaire (tout comme celle de Nancy-Metz ou encore de Strasbourg). Le massif central est très beau aussi et me tenterait beaucoup… honnêtement c’est une question difficile. En fait les saisons me manquent quand même et j’aimerais revoir de la neige en hiver. L’exotisme que je suis allée chercher en Outre-Mer me permet d’apprécier d’autant plus la beauté et la diversité des paysages de France hexagonale que l’on oublie par habitude. Sortir de ce cocon m’a aussi rendue nostalgique de mes académies d’origine (Nancy-Metz, Strasbourg, Besançon). Finalement je pense que je serai heureuse n’importe où tant que l’essentiel est là. Tout ce que je sais c’est que j’aurai besoin de rentrer quelques temps pour mieux repartir par la suite. J’ai pour projet à plus long terme de repartir en outre-mer ou d’enseigner à l’étranger.

Dans mes grandes idées à plus long terme, j’aimerai aller enseigner en Afrique ou aux Philippines. Je n’exclus pas les autres Outre-Mer car l’expérience de la Guyane me plaît vraiment. Je crois que vous avez pu voir que je ne me ferme à aucune opportunité à venir pour l’instant.

À quelles perspectives de carrière avez-vous réfléchi ? Quels sont les domaines ou les champs de compétence qui vous tiennent le plus à cœur ?

Formatrice à l’ÉSPÉ (école supérieure du professorat et de l’éducation) me tenterait beaucoup ! D’abord parce que j’aimerais re-transmettre à mon tour toutes les richesses que j’ai reçues. Ensuite parce que je sais que cela permet de rester « pédagogiquement » et « didactiquement » connectée, de garder un esprit critique plus grand sur ses propres pratiques professionnelles. J’aimerais parler de mon expérience, tester de nouvelles approches, donner des conseils, former, accompagner et échanger avec les étudiants, m’enrichir d’eux aussi (car je trouve que souvent les jeunes professeurs osent tenter de nouvelles approches). Ils sont souvent plus flexibles et aptes à se remettre en question. Accompagner de jeunes professeurs ou des étudiants en fin d’études, les préparer aux épreuves du CAPES me plairait vraiment ! Cette expérience irait de pair avec le fait de m’engager dans les jurys de concours et prendrait tout son sens dans la mesure où elle me permettrait d’être en première ligne pour garantir l’intégrité de mon métier et de ses valeurs. J’aime profondément mon métier et j’aimerais qu’il soit exercé par des passionnés ! J’idéalise l’enseignant mais pour moi il a un rôle extrêmement important à jouer dans le développement de l’enfant et de la société à venir. Après tout, nous avons entre nos mains la société de demain !

En parallèle, j’envisage de passer l’agrégation interne une fois que je pourrai le faire car je sais que cette expérience sera stimulante et me permettra de voir mon enseignement sous un angle différent. J’avoue que dans cette entreprise, il y a aussi une part de défi personnel et ce serait un réel accomplissement en soi que d’aller au bout des choses en termes d’examens professionnels. Dans un certains sens, l’agrégation serait une forme d’aboutissement, une reconnaissance professionnelle de la part de mes pairs (bien que celle des élèves soit gratifiante au quotidien). Je songe à l’agrégation interne car une des choses que j’aime le plus dans mon métier c’est la pédagogie. Je m’étais par exemple renseignée sur la pédagogie de Maria Montessori. Sa manière d’appréhender l’apprenant et de respecter son temps d’apprentissage par une succession d’essais/erreurs en donnant un sens pratique à ses apprentissages est vraiment intéressante. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de mettre cette pédagogie en pratique dans un cadre associatif avec des enfants de maternelles. C’était intéressant mais complexe. C’est effectivement une méthode qui s’acquiert et se travaille avec l’enfant sur la durée. Il faut que l’enfant s’habitue à cette nouvelle approche. C’est exactement comme le temps d’adaptation dont ont besoin nos élèves lorsqu’ils changent d’enseignants. Parfois nous avons des automatismes qui nous semblent logiques. Par exemple, lorsque je demande à un collègue de faire l’évaluation que je propose à mes élèves, je découvre que tout n’est pas uniquement lié à leur absence d’apprentissage mais aussi, à mes propres pratiques qui peuvent inconsciemment complexifier le devoir. Le but est donc d’avoir du recul sur notre manière d’enseigner et de garder la distance réflexive nécessaire pour se rendre compte de ce que nous faisons par automatisme afin de pouvoir remettre en question son enseignement. En résumé, développer mes connaissances sur les élèves, leur psychologie et les processus d’apprentissages me permettrait d’exercer encore mieux mon métier et d’avoir toutes les clés en main pour échanger avec mes pairs sur les diverses stratégies à mettre en place ou encore, de mieux accompagner les jeunes enseignants dans leurs premières prise de fonction (lors de formations par ex.).

Pour finir, un des domaines qui me tient le plus à cœur est l’éducation à la sexualité car je pense qu’il y a vraiment besoin de mettre en œuvre des projets éducatifs concernant cette thématique, particulièrement en Guyane. Cela rejoint un autre domaine pour lequel j’ai un intérêt spécifique et qui concerne l’éveil à l’esprit critique et qui vise à développer de futurs citoyens éthiquement responsables (questions de bio-éthique par exemple). La bienveillance et la psychologie de l’enfant/de l’adolescent m’intéressent également énormément avec tout ce qui est en rapport à l’estime de soi (il y a malheureusement trop d’élèves qui se mutilent). Les formations sur le renforcement des compétences psycho-sociales (CPS) permettent de répondre à toutes ces thématiques en transversalité. J’aimerais donc bien compléter ma propre formation. La maîtrise de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent me paraît essentielle pour répondre aux besoins de l’individu, le comprendre et l’accompagner vers plus d’autonomie et vers une vie d’adulte épanouissante.

Amandine KUHN, enseignante de SVT en poste en Guyane

Bérénice CPE, a commencé par des études de psycho…

Après l’obtention d’un Baccalauréat ES mention allemand européen, vous prenez la direction de la faculté des lettres et sciences humaines afin d’y préparer une licence de psychologie. Qu’est ce qui a présidé, selon vous, au choix de cette discipline universitaire ?

Au lycée, je n’avais pas de projet précis d’avenir. Une faculté me paraissait être un choix judicieux car cela restait assez général et dans mes capacités. Plusieurs métiers m’intéressaient, je m’imaginais volontiers journaliste spécialisée dans le domaine du cinéma, psychologue, avocate ou dans l’enseignement avec déjà le métier de conseiller principal d’éducation en tête. J’hésitais surtout entre faculté de psychologie et faculté de droit à l’époque. Mon entourage me qualifiait de personne à l’écoute, empathique. Je pense honnêtement m’être dirigée vers la psychologie plus parce que la famille et les amis m’y voyaient plutôt que par réel engouement. Finalement c’était bien vu de leur part, j’ai beaucoup apprécié ces années en psychologie.

Dans le cadre de votre master de psychologie, vous avez suivi un stage auprès d’une CPE dans un collège de centre-ville puis auprès d’une psychologue clinicienne exerçant en centre hospitalier. Quelle analyse comparative de ces deux expériences pourriez-vous nous présenter ?

Après une licence de psychologie au sens large il faut se spécialiser, je me suis orientée dans un Master de psychologie sociale. Au premier semestre, nous avions le droit de réaliser notre stage dans le domaine que nous voulions. Je ne me sentais plus spécialement à ma place dans cette spécialisation, j’ai donc voulu apprendre à mieux connaître un métier qui m’attirait depuis longtemps : CPE.

Au second semestre, il fallait avoir obligatoirement un psychologue comme tuteur. Je suis allée dans une unité de soins palliatifs en hôpital. Étrangement, ces deux stages avaient des similitudes : l’hôpital et l’école sont deux institutions où différents personnels travaillent ensemble dans le but d’accompagner au mieux des patients ou des élèves.

Vous prenez la décision ensuite de préparer le concours CPE à l’Espé alors que le projet de devenir PsyEN semblait tout aussi cohérent. Qu’est ce qui, selon vous, a fait pencher la balance ? Diriez-vous que votre « héritage » familial a joué un rôle dans cette orientation ?

Plus je découvrais la psychologie sociale du travail moins j’avais d’appétence pour cette spécialisation. Devenir PsyEN supposait que je reste dans ce master et que je le termine. Ce métier ne m’attirait pas assez pour continuer dans des études que je n’aimais plus. CPE m’avait toujours parlé et la formation en psychologie était plus que cohérente pour ce métier où l’empathie est primordiale. J’avais peur de ne pas être assez âgée pour réussir le concours. Le stage en unité de soins palliatifs m’a ouvert les yeux. J’ai compris que la maturité et l’âge étaient différents et que j’avais la maturité requise pour pouvoir prétendre au métier de CPE.

Il est certain que le fait d’avoir des parents dans l’éducation nationale a été le principal moteur de cette motivation pour devenir CPE. J’ai grandi dans l’univers de l’éducation c’était familier et ce monde me plaisait.

CPE stagiaire en lycée cette année, vous êtes profondément attachée à la dimension pédagogique du métier de CPE. Sur quelles thématiques citoyennes ressentez-vous aujourd’hui des besoins de formation ?

J’apprécierais d’être formée pour pouvoir réaliser des interventions autour de la question de l’égalité filles-garçons mais aussi sur la sexualité. Il s’agit de concepts transversaux vus dans différents enseignements mais je pense que réaliser une intervention en classe sur ces thèmes précisément est aussi très important. Et effectivement, je conçois mon métier comme éducatif et pédagogique, le CPE est donc légitime dans ce genre d’activité.

L’animation socio-éducative est aussi au cœur de vos motivations. Si vous deviez proposer un club dans un de vos futurs établissements, quelle en serait l’activité-phare ? Pourquoi ?

Je pense que tous les CPE exercent différemment leur métier et que les goûts et passions ressortent dans la pratique et ce notamment lorsqu’il s’agit de proposer des clubs. Personnellement, ma grande passion restera toujours le cinéma, son analyse, sa critique et la façon qu’il a de refléter nos sociétés. J’adorerais proposer aux élèves un club cinéma. Je suis convaincue que l’analyse de film peut éclairer certains éléments ou évènements de notre société et ce de façon ludique. De plus, l’avis des enseignants sur les films choisis serait très important car ils pourraient étayer ou approfondir des choses vues en classe.

La vie professionnelle réserve parfois de belles surprises, des opportunités à saisir. Comment imaginez-vous l’évolution de votre carrière ? Dans quelle peau professionnelle vous voyez-vous dans une quinzaine d’années ?

Avoir réussi le concours de CPE et être aujourd’hui CPE est quelque chose qui me comble professionnellement parlant ! Je m’imagine déjà faire ce métier à fond : collège, lycée, varier les villes, varier les contextes… Cela me plairait d’intervenir à l’Espé aussi, pas comme formateur mais pour aider les futurs CPE à la préparation du concours par exemple. Et si un jour j’ai le sentiment d’avoir fait le tour de mes capacités ou de mes projets en tant que CPE, pourquoi pas se lancer dans le concours de personnel de direction ! Mais ça, ce n’est pas pour tout de suite !

Bérénice GURGEY, CPE stagiaire dans l’académie de Besançon

Des études de droit à CPE, le parcours de Chloé

Durant votre scolarité secondaire, vous avez rencontré divers visages de CPE au collège et au lycée. Quels souvenirs gardez-vous des personnels d’éducation en poste dans les établissements que vous fréquentiez ?

J’ai effectivement rencontré plusieurs CPE durant ma scolarité. Compte tenu de la diversité des CPE que j’ai pu rencontrer à la fois au collège et au lycée, je me suis rendu compte que finalement, la fonction de CPE peut en fait s’incarner de manière très différente en fonction de la personne qui l’exerce, et de la personnalité de chacun. Bien que chacun a les mêmes missions à conduire, chaque personne incarne le métier à sa manière, en fonction de sa personnalité. Finalement, je pense qu’il existe autant de CPE que de manières d’incarner la fonction. Cela est à mon sens une richesse dans ce métier.

Après un bac ES, vous vous dirigez vers des études universitaires de droit. Pourquoi ce choix ? Avec le recul, quels ont été les apports d’une telle discipline ? Avez-vous envisagé à un moment donné de devenir avocate ?

Je me suis dirigée vers des études de droit, car je ne savais pas encore vraiment à la fin du lycée quel métier je voulais exercer, une fois dans la vie active. Mais, le droit était un domaine qui m’intéressait. Les matières, en licence, sont assez diverses et variées, et permettent de se construire une culture et de comprendre le monde qui nous entoure. C’est d’ailleurs dans cette optique que j’ai choisi l’option droit public, car cela permettait vraiment d’étudier le fonctionnement des institutions, le sens des lois qui ont cours dans notre société… Avec le recul, avoir effectué une licence de droit m’a permis d’acquérir un certain sens critique, de la réflexion, et une certaine rigueur, ce qui m’est réellement utile aujourd’hui en tant que CPE stagiaire.

Parallèlement à vos études à la FAC, vous découvrez la fonction d’AED dans un lycée pendant 2 ans. Vous-êtes-vous vu confier par vos CPE des responsabilités supplémentaires, des dossiers particuliers ? Lesquels ? Quel regard portez-vous sur l’animation à l’internat ?

Ce sont en fait ces deux années en tant qu’AED au sein d’un lycée qui m’ont réellement donné envie de devenir CPE. Lorsque l’on est AED, nous avons une posture encore différente par rapport aux élèves, et ce encore plus dans le cadre d’un internat, qui est en quelque sorte la seconde maison des élèves. Notre rôle est alors de faire en sorte que les élèves se sentent bien au sein de l’établissement, tout en y faisant respecter les règles. Lorsque j’étais AED, j’ai pu dans ce cadre animer un atelier « gym », à destination des élèves internes. Cela m’a permis en outre de développer une relation particulière avec les élèves que j’encadrais, puisque ces séances étaient en fait des moments importants d’échange avec les élèves, et de dialogue. En cela, l’animation dans un internat doit à mon sens faire l’objet d’un réel projet éducatif, partant des besoins des élèves tout en leur permettant de réussir scolairement.

Vous préparez ensuite un Master MEEF et, dans le même élan, le concours externe de CPE. Quelles ont été vos motivations pour envisager d’épouser une telle fonction ? Comment avez-vous vécu les épreuves du concours, en particulier les épreuves orales à Bordeaux ?

J’ai souhaité passer ce concours car je me sens réellement en accord avec les valeurs que véhicule l’école. Ces valeurs permettent de donner un sens à notre travail. De plus, le métier de CPE est relativement riche, il permet de travailler en équipe et d’accompagner tous les élèves durant leur scolarité, ce qui est une mission qui me touche particulièrement. Il s’agit vraiment d’un des seuls métiers dans lequel je me suis projetée. Lorsque j’ai passé le concours externe, je savais que c’était un concours assez compliqué à avoir. J’ai beaucoup travaillé, et cela n’a pas toujours été facile lorsque l’on sait le niveau de sélectivité et d’exigence de ce concours. Concernant les épreuves orales à Bordeaux, même si cela était très stressant, l’entrainement dans le cadre du master m’a permis de mieux gérer ce genre d’épreuves, qui peuvent être par ailleurs très déstabilisantes. J’ai donc pu aborder ces épreuves sereinement, du moins je pense avoir été bien préparée à ce type d’épreuve.

Depuis la rentrée de septembre, vous avez été nommée fonctionnaire-stagiaire CPE dans un lycée de Besançon. Quelles sont vos premières impressions après quelques mois d’exercice ? Quel est le domaine dans lequel vous vous sentez le plus à l’aise ?

Mes premières impressions après quelques mois d’exercice sont positives. J’appréhendais un peu le fait d’être dans un grand établissement, mais finalement, je me sens bien et pense m’être bien installée et adaptée au fonctionnement. On se rend compte durant les premiers mois d’exercice que le métier de CPE est un métier très enrichissant, mais qu’il convient également de savoir absolument prioriser les choses afin de gérer au mieux son temps. Il n’y a pas vraiment de domaines dans lesquels je me sens moins à l’aise.

Vous encadrez régulièrement des enfants et des adolescents à travers une activité sportive. Laquelle ? En quoi ce coaching contribue à votre épanouissement ? Envisagez-vous de proposer cette activité en établissement en lien avec les professeurs d’EPS ?

En effet, même si le temps ne me le permet plus aujourd’hui, j’ai pendant longtemps encadré des jeunes adolescents dans un club de gymnastique artistique féminine, sport que j’ai pratiqué pendant des années. Cela m’a beaucoup appris, car en tant qu’entraineur, nous sommes également dans l’accompagnement, le conseil de jeunes adolescents, qui ont également parfois besoin d’être rassurés. Le sport permet de vivre des émotions bien particulières, qui m’ont également permis de trouver un équilibre. Même si je ne pratique plus cette activité à l’heure actuelle, j’exerce toujours d’autres sports (course, sports collectifs…), je ne m’imagine pas sans. Le fait de s’associer avec des professeurs d’EPS pourrait s’avérer intéressant, notamment afin de développer la coopération entre élèves, ce que rend possible la pratique du sport.

Avez-vous une idée d’un chantier professionnel à investir à moyens termes ?

Pour l’instant, en tant que CPE stagiaire, je souhaite me consacrer entièrement au fait de découvrir toutes les facettes du métier, et de me former au mieux pour l’année prochaine si je suis titularisée cette année. Pourquoi pas plus tard former et accompagner les futurs AED…

Chloé Thomas, CPE stagiaire dans l’académie de Besançon

Le parcours de Jérome, CPE et directeur adjoint d’une ESPE

Votre carrière dans l’Education Nationale débute juste après le Bac en tant que MI/SE* dans 3 collèges classés en éducation prioritaire. Quels souvenirs gardez-vous aujourd’hui de ces premiers pas dans l’institution ? Avez-vous bénéficié d’un accompagnement spécifique en tant qu’entrant dans la fonction ?

Scolarisé moi-même en éducation prioritaire, mon entrée dans « la vie scolaire » s’est donc faite en conformité avec mon modèle d’expérience. Je n’ai pas été particulièrement accompagné dans la prise de fonction, mais des marques de reconnaissance des chefs d’établissement, et des enseignants, m’ont (r)assuré sur ma pratique et mon utilité dans ces collèges-là. Cela m’a d’ailleurs joué un tour sur ma première admissibilité au concours : mon discours ne portait alors que sur cet environnement et son public, et n’imaginait pas d’autres conditions d’exercice que j’ai découvertes par la suite.

Après votre réussite au concours CPE et votre année de stage, vous exercez pendant 12 ans dans un lycée Polyvalent de 1500 élèves. Comment avez-vous vécu le passage entre le collège et le lycée ? Dans quelle mesure l’internat s’est-il retrouvé au cœur de votre pratique ?

La plus grande acculturation fut de m’adapter à un public issu d’un autre milieu, entretenant un autre rapport à l’école, ne nécessitant pas les mêmes postures éducatives. La seconde fut d’inscrire une pratique dans la dynamique de service en lycée, où la tâche administrative, la gestion de la masse, la distance de certaines relations professionnelles sont plus prégnantes. Mais j’ai alors éprouvé beaucoup de plaisir à m’engager sur des politiques liées à la santé, à la citoyenneté, et à la culture. Quant à l’internat, je dirais maintenant qu’il est surement l’espace dans lequel je me suis le plus construit et épanoui professionnellement, celui où l’expression « prendre en charge » me parait le plus prendre son sens.

En 2007, vous décidez de reprendre les études et de préparer un DU sur la gouvernance du système éducatif. Qu’est ce qui a été à l’origine de votre motivation ? Sur quelles missions ont débouché l’obtention de ce nouveau diplôme ?

Beaucoup de questionnements professionnels mais aussi externes au métier, un besoin de prendre de la distance et surtout d’éclairer une pratique construite essentiellement sur la pratique justement, une curiosité que presque 10 ans d’exercice dans le même établissement ne suffisait plus à nourrir. Cette formation, essentiellement suivie par des personnels de direction et des inspecteurs, fut l’occasion de construire du réseau, mais surtout de se sentir légitime dans les réflexions, les pratiques, les projets : elle m’a aidé à m’autoriser professionnellement, en interne avec les chefs d’établissement par exemple, mais aussi en externe auprès des IPR, des formateurs. Si j’avais déjà été tuteur ou formateur MI/SE*, j’ai alors pris de l’assurance pour prendre en charge d’autres activités de formation, ou de conseil dans des groupes de travail avec le rectorat.

3 ans plus tard, vous devenez formateur au sein de l’IUFM et vous participez à divers dispositifs de formation pilotés par le Rectorat. À quel public vous adressez-vous en particulier ? Quelles sont les thématiques qui constituent le fondement de vos interventions ?

Mon arrivée correspond à la mise en place de la masterisation : en même temps que je deviens formateur, d’abord détaché puis titulaire de l’université, je découvre l’environnement universitaire, ses exigences et spécificités notamment en termes d’ingénierie pédagogique, d’évaluation, de diplomation. Au-delà de la formation au métier (concours et pratique pro), je m’engage progressivement sur la formation transversale des enseignants en initial et en continu, sur des groupes d’analyse de pratique professionnelle dans le 1er et le second degré, et sur de l’analyse de l’activité. Dans ce cadre, j’intègre aussi la formation des cadres, en particulier les personnels de direction et les inspecteurs stagiaires : une expérience richissime.

Depuis septembre 2016, vous exercez la fonction de directeur-adjoint au sein de l’ESPE de Toulouse. Pouvez-vous décrire les dossiers que vous avez en responsabilité ? Comment vous sentez-vous dans cette nouvelle « peau professionnelle » ?

J’ai à charge le pilotage de la formation initiale ; cela signifie que je dois impulser et organiser la politique de formation de l’ESPE, en particulier les masters MEEF. L’ESPE est très structurée : on y trouve différentes responsabilités, d’UE, de parcours, de mention, de pôle, et j’ai vocation à coordonner – disons, en chef d’orchestre – les réflexions et les mises en œuvres de 56 parcours, pratiquement autant de disciplines, que ce soit sur des questions administratives universitaires, ou sur des aspects plus pédagogiques et prospectifs. Mes deux gros chantiers actuels sont l’évaluation des formations,  et surtout la construction de la nouvelle accréditation de l’ESPE, donc de nouvelles maquettes de formation, dans un temps de réformes. Notre ESPE est à ce jour dans des fonctionnements collectifs bienveillants et soutenants, ce qui aide à se sentir plus « tranquille » pour endosser la fonction. Mais je trouve très intéressant – pour le métier et sa représentation – que l’on confie cela à un « CPE » de corps et de cœur.

Diriez-vous que votre fonction d’origine (CPE) vous manque parfois ? Quel regard portez-vous sur la nouvelle circulaire de missions qui date de 2015 ?

Beaucoup d’éléments de la pratique se retrouvent finalement dans mon quotidien à l’ESPE : les fonctions de conseil, le pilotage politique et l’organisation collective, la prise en charge des étudiants – parfois dans des dimensions éducatives, des activités concrètes liées à la sécurité, à la médiation, à la définition de protocoles, au partenariat, qui ne sont pas si éloignées. C’est parfois d’ailleurs encore le CPE que l’on vient chercher ! Ce qui peut manquer, c’est bien la relation éducative avec un public plus jeune, la satisfaction d’observer des engagements, des apprentissages, des réalisations que je qualifierais de « premiers » dans le parcours de formation et le développement personnel.
Pour moi, mais peut-être est-ce dû à ma fonction actuelle, la circulaire est venue reconnaitre des dimensions ambitieuses du métier, une capacité à nous dégager peut être plus des « assignations », et à assumer des postures de pilotage, de stratégie. Bref, à nous aider, après avoir été réactifs, puis actifs, à devenir pro-actifs. À nous d’oser !

Le projet de loi sur l’école de la confiance prévoit la transformation des ESPE en INSPE. Voyez-vous plutôt un danger ou une opportunité derrière ce changement d’intitulé ? Dans le déroulement de la formation initiale, que jugez-vous indispensable de conserver ? Pourquoi ? de modifier ? Pourquoi ?

Le changement de nom ne me parait pas opportun du point de vue de la structure; il m’a semblé que l’ESPE – en tous les cas celle dans laquelle j’exerce – commençait à se faire connaitre et reconnaitre comme un espace positif de formation, comme une ressource ancrée dans son territoire à la fois dans des dimensions universitaires et professionnelles reconnues. L’IUFM et ses représentations me paraissait bien derrière nous.

Il est parfois surprenant de voir que ce qui est proposé comme venant combler une lacune est déjà en partie une réalité, et souvent partagée : les ESPE se sont construites sur la place de la recherche, des équipes pluri catégorielles, une articulation théorie-pratique (même si l’expression serait à questionner). En revanche, elles se démènent avec l’impossible et parfois l’invivable : former en peu de temps des personnels, dans une charge de travail et des exigences difficile à assumer, dans une alternance compliquée à mettre en œuvre.

Nous nous sommes déjà saisis de questions comme le continuum de formation, une initiation à la recherche qui sans être applicationniste soit aidante à la professionnalisation, la construction une vraie prise en charge commune des stagiaires entre le rectorat et l’ESPE. Si la place du concours, une alternance plus paisible, une ingénierie pédagogique renouvelée, et une capacité à être le point d’ancrage d’un continuum de formation qui débute en licence et se poursuit en formation continue sont des objets qui méritent d’être améliorés, j’espère pour ma part que nous ne perdrons pas la dimension culture commune des formations, la mixité de l’accompagnement (rectorat – ESPE conjointement), et la possibilité d’une recherche pluridisciplinaire qui permette d’interroger et d’éclairer toutes les dimensions du métier.

Jérome Coutellier
CPE et directeur adjoint ESPE Toulouse

* Maitre d’Internat / Surveillant d’Externat