Réflexion d’un CPE sur l’Autorité

Autorité et valeurs républicaines

En étudiant le concept d’autorité, nous apprenons à faire la différence entre différentes formes d’autorité. En effet, tout le monde n’y met pas la même idée, et donc n’y met pas les mêmes moyens pour l’imposer. Pour reprendre les travaux d’Eirick Prairat, on doit faire une grande distinction entre L’Auctoritas et la Potestas. L’une passe par la confiance et l’adhésion morale, alors que l’autre passe par la coercition et la violence. Évidemment, aujourd’hui, même sans utiliser ces notions, nous faisons bien la distinction. Et tout l’effort actuel de l’éducation est de passer par cette première forme qui provoque cette adhésion pleine et entière de l’individu. Mais pour bien les comprendre l’une et l’autre, il faut bien se rendre compte malgré tout qu’il y a une forme de confiance dans les deux : dans les deux cas, l’individu est convaincu qu’une cause produira le même effet. Si dans le premier cas, la personne pense que l’autorité dit la vérité et que de se fier à elle permet d’obtenir les meilleurs effets, ceux qui sont souhaitables pour soi et pour autrui, dans la deuxième elle sait que si elle n’adhère pas à son discours elle en payera les frais par une compensation désagréable. Le métier de CPE, qui semble fortement lié à l’autorité, fait sens ! Nous avons l’opportunité d’être utiles, de servir les idéaux humanistes des Lumières par l’entremise des valeurs républicaines, de les transmettre, et d’aider quelques élèves à s’agripper à l’École et à ce qu’elle a offrir : pour la part très pragmatique, un métier et la possibilité de le choisir, ainsi qu’une place dans cette société ; mais surtout, ce qui importe peut-être encore plus pour cette génération désenchantée, de se construire comme un individu éclairé et autonome.

Idéologie de la réussite contre l’autorité de l’École

Mais aujourd’hui ce qui désole justement le plus, c’est de constater que tout, et surtout l’École et ses apprentissages, ne sont réduits qu’à cette première partie très terre-à-terre. Fait-elle vraiment sens pour les jeunes ? On leur dit qu’ils doivent être présents en classe, apprendre et se tenir correctement pour réussir leur avenir. Ils doivent canaliser une énorme énergie, se discipliner pour obtenir un métier, de la reconnaissance et de l’estime. Est-ce si sûr ? Pour l’ambitieux, qui se fie à la profusion de messages médiatiques et politiques, la réussite ne passe pas par l’école, mais par les réseaux. Comment leur faire donc croire en ce discours quand on impose une rigueur contraignante qui passe plus pour une injustice et une perte de temps que pour un moyen ? Comment leur donner confiance en nous, en l’école, avoir de l’autorité en somme quand on diminue l’école à ce quasi-mensonge, ou en tout cas à ce qu’une toute petite voix leur dit d’inverse à ce que cet assourdissant vacarme médiatique proclame ? Fort heureusement, ce n’est pas tant un constant d’échec pour l’école que pour un modèle de société. Le souci pour l’école, c’est quand elle se fait le relais de ce paradigme idéologique et qu’en plus elle croit s’en faire une force. Elle ne dupe qu’elle-même ! À vrai dire, dans son effet, elle réussit toujours à transmettre savoirs, connaissances et compétences et à former ces « ouvriers qualifiés ». On a d’ailleurs oublié que l’école de Jules Ferry avait plus insidieusement cette vocation que celle d’ouvrir tout un chacun aux Lettres et à la Culture. Le cynisme se donne bonne figure, et même si l’école avait su tirer son épingle du jeu un temps, il revient au galop. Ce qui est inquiétant, c’est qu’en revanche elle semble du coup de plus en plus passer à côté de cette vocation bien plus noble : celle de rempart contre ce cynisme. Ce rempart qui permet de protéger ce qui est inscrit au fronton de tous nos établissements publics : Liberté, Égalité, Fraternité !

La violence du pragmatisme : l’absence de sens et de lien

Pour revenir à l’idée du sens, le monde est interactions. Il est un enchevêtrement de relations qui le rendent beau, qui lui donnent tout son intérêt, toute sa profondeur. Quand tout est ramené au « vital », tout devient plat et insipide. Tout comme le discours qui le porte. À ce titre, même si du coup l’on pense travailler et agir par l’emploi de cette autorité douce, on secoue cet épouvantail de l’avenir : travaille, ou tu échoueras, tu seras marginalisé(e) ! En somme, on essaye de faire peur. Est-ce vraiment ça, l’Auctoritas ? Est ce qu’on a vraiment tiré les bonnes leçons ? La vie se résume-t-elle à la nutrition, à la sécurité ? Ces disciplines qu’on enseigne à l’école n’ont-elles vocation qu’à satisfaire ces besoins ? Évidemment que non. Elles nourrissent en premier lieu cette conscience humaine. Alors pourquoi, si nous perdons tant de temps, d’énergie et d’argent à transmettre ces savoirs, croyons-nous que les élèves ne puissent pas être touchés par autre chose ? Pourquoi pour les motiver ne leur parlons-nous pas de ce qui émerveille dans ce monde ?
J’entends trop souvent ces propos cyniques où l’on me dit que « tous les élèves ne sont pas fait pour l’école », qu’ils sont justement eux-mêmes très « premier degré », très matérialistes » … En même temps, l’école participe aussi à la transmission de cette vision. Mais de plus, c’est bel et bien de cette idée d’une école à vocation pratique dont on parle à cette occasion : cette école qui ne voit son savoir que comme un bagage à vendre et à exploiter.

Pessimisme du discours institutionnel ou joie d’apprendre ?

Pourtant l’émerveillement ouvre à l’admiration et donc à la curiosité, à la recherche de la compréhension. L’individu qui se crée dans ce rapport à l’autre creuse encore et encore pour comprendre toujours plus ce qui n’est pas lui. Pourquoi d’ailleurs les enfants sont-ils toujours aussi avides d’apprendre jusqu’à la fin de l’école primaire ? La curiosité est pourtant si naturelle. Qu’est ce qui casse cet enchantement par la suite ? Ne serait-ce pas l’angoisse de l’échec et de l’avenir ?
En somme, si l’autorité est la confiance en la parole de celui qui la détient, la confiance est déjà dans l’émotion que provoque le contenu de son discours. Il faut cultiver cet optimisme dans la découverte justement, cette joie d’apprendre. Peu importe la destination (même si elle n’est pas ignorée) quand il y a déjà ce plaisir à arpenter le chemin. Et pour ça, il faut que nous la vivions nous-même dans nos pratiques et nos discours. Encore une fois, je ne pense pas que le plaisir d’apprendre se situe dans le pragmatisme et le désespoir, ni dans une sclérose.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’une solution miracle, et encore moins d’enfermer l’autorité dans un concept. Mais mes réflexions m’ont amené à me demander si en tant que professionnel nous ne la perdons pas déjà à cause de cette vision très pessimiste du Monde, de la société et de l’Homme, qui nourrit le discours institutionnel. Même si pour nos élèves en difficulté le résultat n’est pas immédiat, je ne vois pas ce que nous perdrions à arrêter d’être ces rabat-joie en leur rappelant que la connaissance n’a pas qu’une fonction bassement vitale. Pour les autres, ça s’ajoutera à ce qui fait déjà sens. La connaissance fait l’Homme, en particulier la connaissance de soi. Et pour apprendre à se connaître, il faut, comme dans un miroir, chercher à comprendre l’Autre.

Aurélien Brulois
CPE dans un collège du Territoire de Belfort
Académie de BESANCON

L’article complet est disponible ici : article Aurélien Brulois

CPE détaché en préfecture, Morgan nous raconte son parcours…

Après votre réussite au concours de CPE en 2002, vous exercez le métier d’abord dans un lycée professionnel de l’académie de Rennes puis dans un collège de l’académie de Versailles. Quels points communs et quelles différences voyez-vous dans ces deux expériences professionnelles ?

Ces deux expériences se sont finalement révélées assez proches l’une de l’autre. Exigeantes en terme d’adaptation et de réactivité, impactées par la précarité de l’environnement social et résolument construites sur un principe d’échange et de partage pédagogique. Il nous fallait comprendre (vite !), expérimenter, innover tout en plaçant l’humain au cœur du système… L’essentiel à mon sens. La première de ces expériences s’est faite en lycée professionnel maritime avec internat sur les bords de l’agitée mer d’Iroise, la seconde à quelques mètres de l’A86 et des lignes ferroviaires menant à Paris dans un collège classé PEP 4 et regroupant quarante-deux nationalités différentes. Absentéisme, décrochage, échec scolaire, mal-être, violence verbale et physique, addictions pavaient le quotidien de ma fonction ; je retiens principalement la qualité des liens tissés avec les élèves et leurs familles, la confiance mutuelle gagnée, le respect que nous avons entretenu malgré les épreuves et notre volonté d’avancer, coûte que coûte, ensemble.

Au cours d’une année de disponibilité, vous militez au sein de la Ligue de l’enseignement et devenez formateur au sein du mouvement. Quelles ont été vos motivations pour accepter un tel engagement ?

J’ai découvert le milieu de l’éducation populaire très jeune et ai grandi à l’ombre du militantisme familial et des mouvements laïcs Bretons. BAFA puis BAFD en poche, j’ai poursuivi mon adhésion aux valeurs des Francas, puis des CEMEA durant plus de dix ans avant de m’intéresser à l’existence des Maisons des Jeunes et de la Culture. Vraie révélation puisque je consacre mon année de maîtrise, en fac, à la rédaction d’un mémoire sur l’histoire de la FFMJC (Fédération Française des Maisons des Jeunes et de la Culture). La quasi-absence de bibliographie dédiée et/ou d’archives m’amène à devoir créer les sources par la recherche et la constitution d’entretiens avec les acteurs initiaux (responsables syndicaux, militants, cadres des mouvements, directeurs de structures, administrateurs, adhérents, universitaires…). C’est là que je rencontre les principes actifs de la Ligue de l’enseignement et que je me passionne pour le mouvement. Les identités se fondent, les réseaux se créent. Huit années plus tard, durant mon année de disponibilité et de retour en Bretagne, je fais la connaissance d’André Jouquand , alors secrétaire général de la fédération d’Ille-et-Vilaine : une figure tutélaire de la section que je n’avais pu interviewer auparavant. Au terme de notre échange, il m’invite à candidater. Un poste se libère dans sa structure suite à un congé maternité. Deux semaines plus tard, j’intègre la Ligue 35. Nouveau départ !

Entre 2008 et 2012, vous obtenez un poste de détaché à la Ligue de l’enseignement et vous devenez responsable du service Éducation Culture Jeunesse. Plus concrètement, quels sont les projets éducatifs que vous avez suivis ? Que vous ont-ils apportés ?

Détaché à Montpellier, je prends en charge une mission composée d’une quinzaine d’actions. J’anime (du moins j’essaie dans un premier temps…) le programme départemental qui s’étend de la maternelle au lycée : lutte contre l’illettrisme, programme d’apprentissage de la langue et de la lecture, ouverture culturelle par le cinéma et le théâtre, mise en place du service civil volontaire puis du service civique, lutte contre les discriminations, contre l’homophobie, lutte contre les inégalités : vaste entreprise ! Je me familiarise alors avec le Programme de Réussite Éducative, le Plan Éducatif Local de la municipalité, explore en profondeur le fonctionnement des collectivités territoriales et l’organisation des subventions, me rassure avec celui des collèges et des lycées partenaires avant d’aborder la question des fonds européens. J’ai appris, beaucoup, et me suis nourri, énormément.

Dans le même esprit, vous poursuivez votre activité professionnelle auprès de la ville de Rennes en tant que chargé des projets relatifs à la vie étudiante. Quels sont les axes prioritaires que vous avez développés ? Avez-vous le sentiment d’avoir atteint vos objectifs ?

J’intègre en 2012 un poste d’attaché territorial au sein de la DVAJ (Direction Vie Associative et Jeunesse) de la ville de Rennes. La mission principale que j’accompagne concerne la vie étudiante et l’occupation festive de l’espace public en milieu nocturne. L’objectif était d’assurer la prévention des risques et des addictions par la responsabilisation et la redéfinition des enjeux du vivre ensemble (selon les derniers recensements, un habitant sur deux a moins de 30 ans à Rennes et un habitant sur quatre est étudiant…). Nous avons mis ainsi en place une programmation annuelle festive et culturelle (la ND4J pour Nuit des 4 Jeudis) basée sur la co-construction, dont le portage est assuré par les associations et les collectifs étudiants en partenariat avec les acteurs locaux. Il s’agissait de créer des évènements réguliers favorisant l’appropriation des « sanctuaires » locaux par les jeunes (soirées électro dans les piscines municipales, battles hip hop à l’opéra, concerts rock en prison, courses de solex sur les campus, parcours street art et graff en centre-ville, etc)

L’autre dimension du poste consistait à suivre le fonctionnement des structures dédiées à la Jeunesse et la Vie Etudiante : Le CRIJ (Centre Régional Information et Jeunesse), l’AFEV (Association pour la Fondation Etudiante de la Ville) ou Animafac principalement.

Je travaillais enfin en lien étroit avec les universités (Rennes 1 et Rennes 2) pour l’accompagnement des dossiers de subvention et la réalisation des projets portés par les élèves (voyages linguistiques, création de revues, création de festivals, échanges culturels, …)

Au-delà de la question des objectifs, je pense que nous avons collectivement jeté les bases d’un véritable échange intergénérationnel, permis l’expression citoyenne, appuyé la question de la mixité culturelle et sociale et approché les questions, en termes éducatifs, du pré-politique, autrement dit du « faire société »

Délégué du Préfet de Rennes depuis 2015, vous vous trouvez en charge de la politique de la ville dans le cadre d’une coordination interministérielle. Quels sont les principaux domaines sur lesquels vous intervenez ? En quoi consiste votre rôle de coordinateur ?

Je m’inscris ici dans le cadre de la réforme des nouveaux « Contrats de Ville », succédant au CUCS (Contrat Urbain de Cohésion Sociale) qui prennent leur ancrage au sein des QPV (Quartiers Prioritaires de la Ville). Trois piliers ont été identifiés : La cohésion sociale, le développement économique et le renouvellement urbain. Trois thématiques transversales en ont été transcrites : la Jeunesse, l’égalité Femmes/Hommes et la mémoire des quartiers. C’est le fondement de ma mission : coordonner les services de l’État au plan local (Éducation Nationale, DDCSPP, DRJSCS, Direccte, Santé, DRAC, etc…) et servir d’interface aux collectivités territoriales (Ville, Métropole, Conseil Départemental, Région) pour l’accompagnement des projets et des programmes idoines. Tous concourent in fine à la lutte active contre les inégalités et la réduction des écarts sociaux, éducatifs et culturels. Si mon « rôle » signifie quelque chose, j’aimerais qu’il soit celui-là, qu’il s’en rapproche : s’engager pour plus de justice, d’égalité et d’intelligence collective. De la réussite éducative à l’amélioration du cadre de vie, de l’accès à la culture à l’insertion professionnelle, de la tranquillité publique à la santé, la politique de la ville est à la fois, pour moi, un monstre de complexité et la clé de voûte républicaine.

La succession de vos expériences montre la richesse de votre parcours professionnel et votre besoin de diversifier régulièrement vos lieux d’exercice. Comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?

Sans plan de carrière par exemple !!! Je veux juste continuer à poser un regard curieux sur ce qui m’environne et suivre le rythme de mes pas. Je crois définitivement que je préfère le voyage à la destination.

CPE un jour, CPE toujours… Partagez-vous l’idée que l’on reste marqué, tout au long de son parcours professionnel, par l’identité professionnelle de son métier d’origine ? Si oui ou si non, pourquoi ?

Ce métier demeure ma matrice. Je me considère comme un CPE en apprentissage. En apprentissage de ses potentialités, en découverte de ses possibles. Un marqueur invisible et pourtant indélébile, inversement proportionnel : je ne sais toujours pas si c’est moi qui le porte ou l’inverse.

Morgan Chauvel, CPE détaché à la préfecture de Rennes

Animatrice, EAP, Prof, le riche parcours de Noémie

Lors de votre Licence de Lettres Modernes, vous participez au dispositif d’EAP (Emploi d’Avenir Professeur) dans l’académie de LYON et vous préparez le BAFA. En quoi ces 2 expériences ont conforté votre envie de devenir enseignante ?

J’ai toujours su que je voulais travailler avec des enfants ou des adolescents. C’est donc naturellement que j’ai décidé, à 16 ans, de passer le BAFA. Ce diplôme m’a permis de libérer toute ma créativité, m’a appris à faire preuve de patience et de souplesse. J’ai accompagné des tranches d’âges très différentes et j’ai alors ressenti le besoin de contribuer au développement de ces enfants et de leur découverte du monde.
J’ai ensuite eu l’opportunité de faire partie de la première vague de recrutement d’E.A.P. J’ai délaissé mon emploi dans l’animation pour découvrir réellement le milieu scolaire. Je voulais me confronter à cet environnement, ce public adolescent et avoir la confirmation que l’enseignement était fait pour moi. J’ai donné des cours de soutien à des petits groupes ce qui m’a permis de prendre la mesure des difficultés auxquelles sont confrontés les élèves mais aussi les professeurs dans la transmission du savoir. Malgré des moments difficiles, comme dans toute première expérience, j’ai compris que j’étais faite pour passer mes journées avec des élèves, dans des établissements scolaires. Ce genre d’expérience me semble indispensable pour tout étudiant voulant se destiner à l’enseignement. Il faut pouvoir prendre le temps d’être face à ce public, acquérir de l’expérience et bien réfléchir sur son orientation. Le dispositif E.A.P ou au moins des stages en établissement devraient selon moi être obligatoires et ouverts à tous (et pas seulement aux boursiers).

Après une licence, vous faites le choix de la préparation d’un Master de Littérature comparée. Dans ce cadre, vous bénéficier d’un programme Erasmus en Grèce. Quels ont été les points forts de votre séjour ?

Mon expérience en Grèce a été marquée par une grande ouverture culturelle. Les échanges entre nos pays m’ont permis de prendre du recul sur mon mode de vie et sur notre fonctionnement en France. J’ai eu la chance de participer à la mise en scène de l’Odyssée d’Homère entre étudiants Erasmus. Ce projet, comme ce semestre, m’ont apporté beaucoup de réponses sur la manière dont je voulais à la fois vivre avec les autres et transmettre mon goût pour l’échange culturel et la tolérance. Enfin, j’ai compris grâce à mon « Master Recherche » que je n’étais pas faite pour faire de la recherche seule en bibliothèque, loin des élèves, mais que ma place était bien dans l’enseignement à leur contact.

Vous avez également vécu, via le CIEP (Centre International d’Etudes Pédagogiques), l’expérience d’assistante à Atlanta. Quels souvenirs en gardez-vous ? Quel regard portez-vous sur le système éducatif aux Etats-Unis ?

Mon année en tant qu’assistante dans une « immersion school » (école d’immersion de langue) a été nécessaire dans ma construction personnelle et professionnelle pour me préparer au monde du travail et particulièrement à devenir professeur à part entière. En vivant aux Etats-Unis, j’ai appris à me débrouiller, à me confronter à un système éducatif très différent. En effet, l’école où je travaillais était une « charter school » c’est-à-dire qu’elle était semi-privée et dirigée par les parents d’élèves. Ce mode de fonctionnement avait ses avantages comme la possibilité de faire preuve de beaucoup de créativité en organisant des évènements grâce à un gros budget. D’un autre côté, la direction menée par les parents avait ses limites puisque ces derniers avaient une vision très subjective liée à la présence de leur enfant dans l’école. J’ai très vite perçu les limites du système éducatif américain. Tous les enfants n’ont pas accès à un enseignement correct et il faut souvent dépenser de l’argent pour avoir droit à un enseignement de qualité. J’ai compris la chance que nous avions, en France, d’avoir un enseignement public avec des moyens et des professeurs engagés et motivés pour la réussite de tous. C’est aussi pour cela que j’ai décidé d’enseigner dans le public en France et de ne pas rester vivre là-bas même si le niveau de vie des professeurs est bien supérieur aux Etats-Unis. Mais je préfère suivre mes valeurs et aider tous les élèves peu importe leur milieu.

Votre mémoire de stage de Master MEEF porte sur la déconstruction des stéréotypes de genre à travers la pratique du théâtre. Quels sont les objectifs visés et les premières conclusions ? Quels liens faites-vous avec le film « Marvin ou la belle éducation » ?

Dans mes premières expériences dans le monde du collège, j’ai été frappée par la pression que subissent les collégiens par rapport à leur identité, leur représentation auprès des autres et particulièrement leur identité sexuée. Ils se sentent obligés d’adapter un comportement adéquat avec leur sexe, garçon comme fille, et en viennent à avoir des attitudes stéréotypées. J’ai donc réfléchi à une manière d’aborder cette problématique avec mes élèves de 5ème dans le cadre du programme « Vivre avec autrui, amis, famille, réseau ». Il m’a semblé que l’étude et la pratique du théâtre pouvait être un levier intéressant pour ouvrir un véritable dialogue à la fois verbal et corporel entre eux et les aider à s’émanciper. J’ai découvert une pièce qui s’intitule « Mon frère, ma princesse » de Catherine Zambon que je vais étudier et jouer avec mes élèves. Il s’agit d’une pièce de théâtre jeunesse, un genre encore peu étudié et méconnu au collège. J’espère donc créer par ce biais des prises de conscience, une libération de mes élèves et une certaine cohésion grâce à la pratique collective du théâtre. J’ai découvert le film « Marvin ou la belle éducation » cette année qui reprend en partie la thématique du théâtre comme espace d’émancipation, de libération pour un jeune garçon qui se fait rejeter au collège parce qu’il ne correspond pas au stéréotype du jeune adolescent attendu par ses camarades.

Comment vivez-vous votre année de professeur-stagiaire ? Quels leviers d’améliorations voyez-vous dans l’organisation et le contenu de la formation offerte à l’ESPÉ et dans l’établissement ?

Cette année, je me sens parfaitement à ma place, sur une voie qui devait être la mienne depuis toujours. Évidemment c’est une année compliquée à gérer puisque nous sommes tiraillés entre notre statut d’étudiant de master 2 avec des cours à l’ESPÉ et d’un autre côté, celui d’enseignant avec les responsabilités, la posture et toutes ces choses nouvelles et ces difficultés que nous découvrons au quotidien avec nos élèves. Je m’épanouis davantage en classe, en pratiquant, en testant des choses, en apprenant de mes erreurs comme de mes réussites et en étant au contact de mes collègues et de ma tutrice. L’ESPÉ nous permet, professeurs stagiaires, de partager nos impressions, nos expériences et nos questions. Nous avons aussi la chance de recevoir des pistes pédagogiques (notamment avec l’utilisation du numérique) et des conseils de la part d’enseignants plus expérimentés. En revanche, il faudrait peut-être que notre formation nous propose des cours uniquement centrés sur notre pratique d’enseignement car les cours parfois trop théoriques et éloignés de notre pratique au quotidien ne semblent pas toujours répondre à nos besoins pour cette première année en tout cas.

Que nous diriez-vous de vos aspirations pour faire évoluer votre carrière d’enseignante ?

Je suis quelqu’un qui a besoin de sans cesse me renouveler, j’ai soif de nouvelles découvertes, d’apprendre, de me confronter à de nouvelles situations pour m’adapter et continuer à me construire. Je ne vois pas l’obtention du CAPES et l’entrée dans le monde professionnel comme une fin en soi mais plutôt comme une porte qui s’ouvre vers d’autres possibilités de formations, d’expériences et d’évolution. Je m’intéresse par exemple au dispositif relais présent dans mon collège. J’aimerais aussi partager mes idées, ma motivation et pourquoi pas en participant à des formations d’adulte. Je veux continuer à me nourrir de discussions avec d’autres collègues, d’échanges constructifs et de partage.

Derrière l’enseignante, il y a aussi une personne avec ses activités, ses passions, ses loisirs…Pourriez-vous nous parler de la dernière activité découverte et de ses atouts ?

Comme pour ma vie professionnelle, j’aime me diversifier dans ma vie personnelle et pratiquer toutes sortes d’activités. Je suis adepte des voyages, m’évader en avion mais aussi grâce au cinéma et à la lecture. Dernièrement, j’ai commencé à fréquenter une salle de sport. Je n’en avais jamais ressenti le besoin jusqu’à cette année mais il me fallait un espace de libération après les cours où je pouvais aussi me maintenir en forme. Un peu de sport pour se dépenser en fin de journée et pour se vider la tête me semble donc nécessaire.

Noémie DE SMEDT
Professeur Stagiaire de lettres modernes
Académie de BESANÇON