3 questions à Jean-François, PE

Jean-François est professeur des écoles en secteur urbain, il a un triple niveau CE2, CM1, CM2.

 

1. Quelle est ton utilisation du numérique pour préparer ta classe et au sein de la classe ?

En salle informatique (2h/enfant/semaine ; en groupe pour que les enfants soient seuls à l’ordi la majorité du temps), activités réalisées en alternance :

– apprendre à chercher sur internet (risques, pertinence etc)

– mettre en forme un travail déjà préparé sur papier (traitement de texte + insertion docs images)

– travail sur les articles sur le site de l’école (les enfants ne font pas la mise en page, c’est encore moi pour l’instant qui manipule WordPress)

– utilisation d’exercices en lignes sur des sites comme linstit.com ou matoumatheux

– utilisation de la messagerie et du blog de l’ENT de la classe

En classe : vidéoprojecteur pour projeter des pages web (préparation au passage en salle info)

Perso : j’aurais du mal à préparer la classe sans ordinateur (prep, docs élèves, recherches…) !

ENT : j’utilise Beneylu depuis 3 ans

Chaque enfant et chaque parent a un identifiant avec son mot de passe.

Messagerie : possibilité d’envoyer un message à tous les utilisateurs mais ceux des enfants doivent être validés (je suis prévenu à chaque envoi : 1/3 des enfants l’utilisent en dehors du temps de classe, entre 0 et 15 messages par jour en général soit entre 0 et 3 minutes)

Blog : possibilité pour les enfants d’écrire un texte visible par tous les utilisateurs (j’utilise beaucoup moins depuis que l’on utilise le site de l’école)

Cahier de texte : je note les travaux à rendre, les infos importantes (seuls les parents y ont accès, 2 minutes chaque soir de classe)

Messagerie : je communique avec tous les parents par mail (mail de classe)

2. Quels sont les avantages et les inconvénients de cet outil ? (conciliation entre vie pro et vie perso)

Tous les mots ou informations collées dans le cahier de liaison sont envoyés par mail. J’envoie aux parents les liens vers les nouveaux articles sur le site et les liens des albums photos des sorties et activités de classe

Quelques messages individuels pour aller plus vite que le cahier de liaison (et parce que j’écris mal…) : demande de docs, de rendez-vous…

C’est la messagerie qui prend le plus de temps mais c’est irrégulier (j’ai déjà eu des échanges de mails d’une vingtaine de lignes pour répondre à des interrogations mais cela reste rare)

Je donne le mail à la rentrée et je dis à mes parents d’élèves que je réponds à leurs messages. Je m’y astreins. Cela prend en général quelques minutes par semaines mais ponctuellement plus. Depuis que les mails arrivent sur le smartphone, cela permet d’y répondre n’importe quand et n’importe où. Je pense que cela me fait gagner beaucoup de temps de rendez-vous à l’école. Mais cela rentre dans la sphère « privée » puisque c’est hors temps scolaire.

ENT + messagerie me prennent quelques minutes par jour mais m’en font gagner en rendez-vous et en inquiétudes (retour parents : « je vois ce qu’ils font car il ne me raconte rien« , « je sais ce qu’il a à faire« …).

C’est la mise en ligne des photos et des articles sur le site de l’école qui prend le plus de temps mais c’est plus rare.

Inconvénient, c’est un peu tout le temps, il faut savoir couper le téléphone et l’ordinateur.

3. Quels seraient les besoins de formation que tu as pu ressentir que ce soit pour toi ou pour des collègues que tu as dû aider ?

Je pense que c’est autour de la gestion du réseau de la salle informatique. C’est un peu une crainte pour quelques collègues car ils pensent ne pas savoir quoi faire si ça plante. Ils appellent au secours de temps en temps.

WordPress pour le site de l’école : on a déjà eu la venue du référent tice mais cela n’a pas suffit pour certains (la directrice s’occupe de mettre en ligne leurs articles).

 

 

Accueillir un élève autiste en CP, Xavier témoigne…

Xavier est professeur des écoles depuis 2005. Il a toujours été dans des zones prioritaires et a pu travailler sur tous les niveaux de l’école élémentaire. Actuellement, il a une classe de CP sur Drancy en REP.

Il accueille un enfant dans sa classe dont le diagnostic serait un trouble autistique.  Il a fait ses trois années de maternelle puis est arrivé en classe de CP. La MDPH lui a accordé 18h avec une AESH sur le temps scolaire, les 6h restantes il est en prise en charge extérieure.

1. Comment s’est passée l’arrivée de ton élève en situation de handicap ?

Les élèves le connaissent de la maternelle. Ils étaient dans la même classe pour certains et dans la même école pour d’autres. Il y a une bonne intégration au sein de sa classe. Les autres élèves l’aident, ils sont gentils et bienveillants. Il n’est pas stigmatisé. Il est, cependant, assez solitaire, il ne va pas vers les autres. Dans la cour, il ne participe pas aux jeux collectifs. Cela vient de son trouble, il a des difficultés à entrer en communication avec les autres, à être en relation duelle.

Malgré les inclusions, il n’y a pas de réels échanges entre les élèves. Souvent, on constate dans les cours d’école que les élèves de CLIS ne jouent pas avec les autres.

Il a 2 AESH réparties sur 18h avec lui. Elles l’aident à le canaliser dans les apprentissages. Il n’est ni violent, ni perturbateur. Elles sont deux parce que leur contrat est établi pour un nombre d’heures pour plusieurs élèves. L’une d’elles travaillaient déjà avec lui l’année dernière.

Il sait des choses mais a des difficultés à les utiliser à bon escient. C’est difficile pour lui de réinvestir les apprentissages. Il n’a pas un énorme retard par rapport aux autres élèves pour le moment. Pour moi, le temps sans l’AESH est difficile, c’est un élève qui a besoin de la présence permanente de l’adulte sinon il se disperse, il se lève, se lave les mains plusieurs fois dans le point d’eau de la classe. Quand on lui rappelle les règles de la classe, cela le recentre.

L’année dernière, quand j’ai su que j’étais affecté sur cette école sur une classe de CP, j’ai demandé à assister à la réunion parents/professeurs. Nous ne savions pas encore quelle serait sa classe. Je n’ai eu aucune information sur la situation.

2. As-tu bénéficié d’une aide, d’une formation ou d’information pour l’accueillir ?

Je n’ai bénéficié d’aucune aide et encore moins d’information.

Nous sommes obligés de chercher par nous-même. Quand je dis nous je parle des AESH et moi.

3. Comment cela se passe-t-il en classe ? y-a-t-il un aménagement spécifique ? une prise en charge autre que celle de la classe ? Rôle de l’AVS ?

Les AESH ont eu une formation, cependant, aucune sur l’autisme spécifiquement. Elles sont très compétentes mais par rapport à ce qu’elles devraient apporter à cet élève, elles sont limités faute de formation. Nous n’avons aucune information sur la ou les prises en charge extérieures. Je ne sais pas qui s’occupe de lui en dehors de l’école. De plus, j’ai rarement vu les parents.

Cet élève a une bonne mémoire, il s’en sort sur tout ce qui concerne les apprentissages automatiques, il est rentré dans une lecture globale. MAIS entrer dans la syllabique, la combinatoire ce n’est pas possible pour l’instant. Je n’ai pas les moyens ni les connaissances pour l’aider et je ne dispose d’aucune formation pour m’aider à l’aider. Je suis obligé de faire avec mes propres moyens.

Ni moi, ni les AESH ne sommes formés pour l’accueillir dans de véritables conditions d’inclusion.

4. Quelles seraient tes attentes pour améliorer cette inclusion ?

J’aimerais un minimum de formation. Mes limites sont réelles, je n’ai pas été formé à enseigner aux élèves en situation de handicap « je ne sais pas faire ».

En discutant avec la psychologue scolaire, on s’est rendu compte des limites de l’inclusion. Elle-même a des connaissances limitées dans le domaine de l’autisme.

L’inclusion sociale est relativement bien faite. L’inclusion du handicap « y a rien ». Personne ne m’a jamais contacté pour m’expliquer quoi faire. La psychologue scolaire m’a donné des pistes mais encore une fois rien de vraiment spécifique à l’autisme.

La loi de 2005 est une bonne loi, mais ce qui est mis en œuvre ne suffit pas. Ce qui devrait être mené pour que cette loi soit efficace n’est pas fait. Il n’y a ni les moyens humains ni les moyens financiers. Il est impossible de mettre en place une bonne inclusion sans les moyens. Nous avoir imposé une loi sans nous expliquer comment nous donne l’impression qu’il s’agissait d’une loi pour faire plaisir aux parents, à un électorat.

Je suis incapable de le faire progresser comme il faudrait. L’année prochaine « qu’est qu’on va faire » ? Il va sûrement aller en ULIS. « Comment l’aider si nous ne sommes même pas formés ? ».

Nous sommes dans un secteur géographique où les REP et les REP+ sont en grand nombre. Nous devons faire face à des problèmes économiques, sociaux. Nous avons beaucoup d’élèves en difficulté sans être dans le champ du handicap. J’ai été formé pour ces élèves en difficulté mais pas pour ceux en situation d’handicap.

Je suis dans une classe avec un effectif idéal, je n’imagine même pas les collègues avec des classes à 30 et plus ! « On nous demande de réaliser des miracles ».

Je me demande si les adultes en situation d’handicap sont eux-mêmes bien inclus dans notre société. Est-ce que les moyens mis en place sont à la hauteur de la loi ou est-ce juste pour faire plaisir à un électorat ?

Quand j’étais en formation à l’IUFM c’était en 2004, la loi était en pleine conception. Je n’ai rien eu en relation avec l’ASH ou même l’idée d’accueillir des enfants en situation de handicap. Aujourd’hui, j’ai dix ans d’ancienneté et je n’ai toujours rien. La formation continue ne m’a pas non plus permis de pallier mes carences. Si on veut vraiment que les élèves soient dans une réelle inclusion, il faut former les PE pour qu’ils puissent répondre aux besoins.

 

 

3 questions à Valérie, AESH

Je suis AESH en CDI depuis 2007, et depuis 2 ans en ULIS École. J’accompagne plusieurs élèves qui utilisent le numérique au quotidien : 
– Un enfant trisomique qui utilise quotidiennement le logiciel JOCATOP en numération, reconstitution d’image, algorithme
– et une enfant dyslexique/dysorthographique qui utilise le traitement de texte pour tout ce qui concerne la production d’écrits.

1- Quels sont les avantages de l’utilisation du numérique dans l’exercice de ton métier ?

C’est le côté « ludique » de l’outil, le travail de motricité avec la souris et l’autonomie par rapport à l’adulte (nécessaire auprès de lui pour le support papier). L’utilisation permet à mon élève dyslexique de produire un texte plus facilement : plus spontané, plus riche en vocabulaire lorsqu’elle n’a pas la double-consigne (produire un récit sans faire de faute). Elle utilise le correcteur d’orthographe, elle sait couper son texte, et ainsi elle sait se relire. Lorsque le correcteur lui offre plusieurs choix pour la correction, elle est capable de se poser les bonnes questions pour trouver la réponse juste.

2- Quels en sont les limites ?

L’an prochain, l’une de mes élèves partira au collège. La MDPH va-t-elle lui accorder un PC ? (inconvénient d’ordre financier je le concède)

3- Et toi te sers-tu du numérique ?

Pour ma part, l’ordinateur me permet de grossir des caractères, aérer des textes,… pour les TDAH.

3 questions à Audrey, certifiée en collège

Audrey, tu es enseignante certifiée en collège, responsable du numérique dans ton établissement et tu as également une décharge pour travailler au service DAN au rectorat de Nantes.

Tu as eu ton concours en 2005, tu as donc toujours utilisé le numérique dans ton métier. En quoi le numérique facilite ton travail ?

  • Dans le maintien de mon expertise dans ma discipline : J’ai accès à des livres en anglais, à des radios en ligne, à des vidéos  et des documentaires en anglais que je peux consulter à tout moment et facilement. Mon bagage linguistique et les compétences culturelles sous-jacentes ou associées peuvent  alors se maintenir plus facilement que si je n’avais pas le réseau internet.
  • Dans l’enrichissement de mes pratiques pédagogiques : en consultant d’autres projets provenant de d’autres enseignants ou de d’autres disciplines proposés sur les sites institutionnels ou dans des blogs ou pages Web de collègues français ou de pays étrangers, cela me permet d’explorer de nouvelles pistes de travail, de nouvelles façons de faire, d’envisager les choses autrement c’est-à-dire de faire évoluer mes pratiques et d’enrichir mes compétences professionnelles. C’est une base inépuisable pour être créative et pour essayer de répondre aux besoins pédagogiques du moment. L’ennui peut difficilement s’installer. L’envie de créer aurait été là sans le numérique mais le numérique rend les choses possibles immédiatement et il contribue à me rendre de plus en plus créative.
  • Dans la recherche de ressources authentiques pour créer des supports pédagogiques de tous types : textes, images, extraits vidéos, extraits de journaux, émissions radios , exercices en ligne sur des sites d’éducation anglophones destinées à des élèves étudiant l’anglais comme seconde langue etc. Sans internet et les outils numériques pour exploiter ces ressources brutes, je serais contrainte d’utiliser les manuels scolaires et la didactisation des supports serait moins aboutie et rapide à réaliser
  • Dans la mutualisation de pistes de projets, de documents ou autres avec mes collègues ou pairs : Les listes de diffusion, les réseaux sociaux, les mails etc facilitent ces échanges mais ne les créent pas. Il faut avoir envie de mutualiser pour ensuite le faire et avoir recours au numérique pour le faire. Le numérique ici facilite le transfert d’informations. C’est un outil.
  • Dans la différenciation et la personnalisation de l’accompagnement des élèves : Grâce au numérique et surtout à l’espace numérique de travail de l’établissement, le suivi des élèves, autour d’un projet avec production finale par exemple, est possible par des échanges de mails. Les élèves m’envoient leur production que je corrige et leur réenvoie. Ils complètent leur production, la corrigent, la font évoluer en fonction de ce que je leur ai suggéré. Et ainsi de suite. Le numérique me permet d’être plus précise et d’écrire des remarques plus longues. Les mails échangés constituent une base de conseils sur laquelle les élèves peuvent revenir quand ils veulent. Sans le numérique ce travail serait très fastidieux et très chronophage pour moi.
  • Dans la communication avec les familles/ avec l’extérieur de l’établissement : Les parents demandent des rendez-vous par mails facilement. Sans le numérique, cela pouvait prendre un temps fou.
  • Dans la communication des projets de la classe grâce à des articles publiés dans l’espace numérique de travail de l’établissement soit dans la partie « actualités » de l’établissement quand cela s’y prête, soit dans le blog anglais de la classe. Sans le numérique, cette communication serait restreinte aux murs de l’établissement.
  • Dans la mise en place d’une pédagogie active/par projets : Le numérique et l’espace numérique de travail de l’établissement  m’ont permis de mettre à disposition des élèves et des familles le développement de chaque projet au fur et à mesure qu’il se fait dans les classes et de mettre à disposition des élèves tous les documents utilisés en cours dans le blog anglais de leur classe. Les élèves peuvent revoir, réécouter, relire, refaire, ce qui a été vu en classe et ceux qui ont été absents peuvent avoir accès aux documents directement. C’est une mémoire digitale du cours et une extension du cahier de classe, c’est comme le cahier augmenté de la classe.

Quelles en sont les limites ?

  • Les limites sont d’ordre juridique : Ces limites concernent la question des données personnelles, la question des droits d’auteurs, des droits à l’image et du droit à la voix qui contraignent terriblement les usages du numérique. Ces points peuvent me bloquer dans mes pratiques. La création d’une charte numérique de l’éducation nationale serait un vrai plus.
  • La limite du matériel : Je ne parle pas de la distribution de tablettes ou de PC portable pour tous, qui serait pour moi une grosse erreur pédagogique, financière et politique. Si déjà chaque EPLE était équipé d’un réseau suffisamment puissant pour faire tourner tous les ordinateurs des classes, les VPI/TBI et autres périphériques ça serait positif et surtout rassurant pour les enseignants qui n’auraient pas toujours cette crainte de se dire « faites que ça marche demain car pas eu le temps de préparer un plan B ». Le renouvellement et la maintenance du matériel est à considérer comme un frein également car dépendant des collectivités départementales donc de très grandes inégalités selon les départements et les académies.
  • La formation des enseignants à la culture numérique et au numérique : Quand je parle de formation, je parle d’une vraie formation professionnelle en présentiel avec des objectifs, des compétences professionnelles à valider et une validation finale et qui se déroulerait en 3 ou 4 jours pleins et non pas en une journée de 9h30 à 16h30 ou en formation distancielle (ce qui est franchement ridicule surtout quand on doit manipuler des logiciels etc). La formation professionnelle au sein de l’EN est une arlésienne. Pour moi, le PAF est constitué de journées d’INformation et pas de formation.

Imagine que tu n’aies plus d’ordinateur, plus Internet. Qu’est ce qui te manquerait le plus pour travailler ?

  • L’accès aux supports pédagogiques authentiques et variés
  • La communication, le suivi individuel des élèves
  • La communication avec mes pairs
  • Les possibles infinis de créations pédagogiques