Lors de votre Licence de Lettres Modernes, vous participez au dispositif d’EAP (Emploi d’Avenir Professeur) dans l’académie de LYON et vous préparez le BAFA. En quoi ces 2 expériences ont conforté votre envie de devenir enseignante ?
J’ai toujours su que je voulais travailler avec des enfants ou des adolescents. C’est donc naturellement que j’ai décidé, à 16 ans, de passer le BAFA. Ce diplôme m’a permis de libérer toute ma créativité, m’a appris à faire preuve de patience et de souplesse. J’ai accompagné des tranches d’âges très différentes et j’ai alors ressenti le besoin de contribuer au développement de ces enfants et de leur découverte du monde.
J’ai ensuite eu l’opportunité de faire partie de la première vague de recrutement d’E.A.P. J’ai délaissé mon emploi dans l’animation pour découvrir réellement le milieu scolaire. Je voulais me confronter à cet environnement, ce public adolescent et avoir la confirmation que l’enseignement était fait pour moi. J’ai donné des cours de soutien à des petits groupes ce qui m’a permis de prendre la mesure des difficultés auxquelles sont confrontés les élèves mais aussi les professeurs dans la transmission du savoir. Malgré des moments difficiles, comme dans toute première expérience, j’ai compris que j’étais faite pour passer mes journées avec des élèves, dans des établissements scolaires. Ce genre d’expérience me semble indispensable pour tout étudiant voulant se destiner à l’enseignement. Il faut pouvoir prendre le temps d’être face à ce public, acquérir de l’expérience et bien réfléchir sur son orientation. Le dispositif E.A.P ou au moins des stages en établissement devraient selon moi être obligatoires et ouverts à tous (et pas seulement aux boursiers).
Après une licence, vous faites le choix de la préparation d’un Master de Littérature comparée. Dans ce cadre, vous bénéficier d’un programme Erasmus en Grèce. Quels ont été les points forts de votre séjour ?
Mon expérience en Grèce a été marquée par une grande ouverture culturelle. Les échanges entre nos pays m’ont permis de prendre du recul sur mon mode de vie et sur notre fonctionnement en France. J’ai eu la chance de participer à la mise en scène de l’Odyssée d’Homère entre étudiants Erasmus. Ce projet, comme ce semestre, m’ont apporté beaucoup de réponses sur la manière dont je voulais à la fois vivre avec les autres et transmettre mon goût pour l’échange culturel et la tolérance. Enfin, j’ai compris grâce à mon « Master Recherche » que je n’étais pas faite pour faire de la recherche seule en bibliothèque, loin des élèves, mais que ma place était bien dans l’enseignement à leur contact.
Vous avez également vécu, via le CIEP (Centre International d’Etudes Pédagogiques), l’expérience d’assistante à Atlanta. Quels souvenirs en gardez-vous ? Quel regard portez-vous sur le système éducatif aux Etats-Unis ?
Mon année en tant qu’assistante dans une « immersion school » (école d’immersion de langue) a été nécessaire dans ma construction personnelle et professionnelle pour me préparer au monde du travail et particulièrement à devenir professeur à part entière. En vivant aux Etats-Unis, j’ai appris à me débrouiller, à me confronter à un système éducatif très différent. En effet, l’école où je travaillais était une « charter school » c’est-à-dire qu’elle était semi-privée et dirigée par les parents d’élèves. Ce mode de fonctionnement avait ses avantages comme la possibilité de faire preuve de beaucoup de créativité en organisant des évènements grâce à un gros budget. D’un autre côté, la direction menée par les parents avait ses limites puisque ces derniers avaient une vision très subjective liée à la présence de leur enfant dans l’école. J’ai très vite perçu les limites du système éducatif américain. Tous les enfants n’ont pas accès à un enseignement correct et il faut souvent dépenser de l’argent pour avoir droit à un enseignement de qualité. J’ai compris la chance que nous avions, en France, d’avoir un enseignement public avec des moyens et des professeurs engagés et motivés pour la réussite de tous. C’est aussi pour cela que j’ai décidé d’enseigner dans le public en France et de ne pas rester vivre là-bas même si le niveau de vie des professeurs est bien supérieur aux Etats-Unis. Mais je préfère suivre mes valeurs et aider tous les élèves peu importe leur milieu.
Votre mémoire de stage de Master MEEF porte sur la déconstruction des stéréotypes de genre à travers la pratique du théâtre. Quels sont les objectifs visés et les premières conclusions ? Quels liens faites-vous avec le film « Marvin ou la belle éducation » ?
Dans mes premières expériences dans le monde du collège, j’ai été frappée par la pression que subissent les collégiens par rapport à leur identité, leur représentation auprès des autres et particulièrement leur identité sexuée. Ils se sentent obligés d’adapter un comportement adéquat avec leur sexe, garçon comme fille, et en viennent à avoir des attitudes stéréotypées. J’ai donc réfléchi à une manière d’aborder cette problématique avec mes élèves de 5ème dans le cadre du programme « Vivre avec autrui, amis, famille, réseau ». Il m’a semblé que l’étude et la pratique du théâtre pouvait être un levier intéressant pour ouvrir un véritable dialogue à la fois verbal et corporel entre eux et les aider à s’émanciper. J’ai découvert une pièce qui s’intitule « Mon frère, ma princesse » de Catherine Zambon que je vais étudier et jouer avec mes élèves. Il s’agit d’une pièce de théâtre jeunesse, un genre encore peu étudié et méconnu au collège. J’espère donc créer par ce biais des prises de conscience, une libération de mes élèves et une certaine cohésion grâce à la pratique collective du théâtre. J’ai découvert le film « Marvin ou la belle éducation » cette année qui reprend en partie la thématique du théâtre comme espace d’émancipation, de libération pour un jeune garçon qui se fait rejeter au collège parce qu’il ne correspond pas au stéréotype du jeune adolescent attendu par ses camarades.
Comment vivez-vous votre année de professeur-stagiaire ? Quels leviers d’améliorations voyez-vous dans l’organisation et le contenu de la formation offerte à l’ESPÉ et dans l’établissement ?
Cette année, je me sens parfaitement à ma place, sur une voie qui devait être la mienne depuis toujours. Évidemment c’est une année compliquée à gérer puisque nous sommes tiraillés entre notre statut d’étudiant de master 2 avec des cours à l’ESPÉ et d’un autre côté, celui d’enseignant avec les responsabilités, la posture et toutes ces choses nouvelles et ces difficultés que nous découvrons au quotidien avec nos élèves. Je m’épanouis davantage en classe, en pratiquant, en testant des choses, en apprenant de mes erreurs comme de mes réussites et en étant au contact de mes collègues et de ma tutrice. L’ESPÉ nous permet, professeurs stagiaires, de partager nos impressions, nos expériences et nos questions. Nous avons aussi la chance de recevoir des pistes pédagogiques (notamment avec l’utilisation du numérique) et des conseils de la part d’enseignants plus expérimentés. En revanche, il faudrait peut-être que notre formation nous propose des cours uniquement centrés sur notre pratique d’enseignement car les cours parfois trop théoriques et éloignés de notre pratique au quotidien ne semblent pas toujours répondre à nos besoins pour cette première année en tout cas.
Que nous diriez-vous de vos aspirations pour faire évoluer votre carrière d’enseignante ?
Je suis quelqu’un qui a besoin de sans cesse me renouveler, j’ai soif de nouvelles découvertes, d’apprendre, de me confronter à de nouvelles situations pour m’adapter et continuer à me construire. Je ne vois pas l’obtention du CAPES et l’entrée dans le monde professionnel comme une fin en soi mais plutôt comme une porte qui s’ouvre vers d’autres possibilités de formations, d’expériences et d’évolution. Je m’intéresse par exemple au dispositif relais présent dans mon collège. J’aimerais aussi partager mes idées, ma motivation et pourquoi pas en participant à des formations d’adulte. Je veux continuer à me nourrir de discussions avec d’autres collègues, d’échanges constructifs et de partage.
Derrière l’enseignante, il y a aussi une personne avec ses activités, ses passions, ses loisirs…Pourriez-vous nous parler de la dernière activité découverte et de ses atouts ?
Comme pour ma vie professionnelle, j’aime me diversifier dans ma vie personnelle et pratiquer toutes sortes d’activités. Je suis adepte des voyages, m’évader en avion mais aussi grâce au cinéma et à la lecture. Dernièrement, j’ai commencé à fréquenter une salle de sport. Je n’en avais jamais ressenti le besoin jusqu’à cette année mais il me fallait un espace de libération après les cours où je pouvais aussi me maintenir en forme. Un peu de sport pour se dépenser en fin de journée et pour se vider la tête me semble donc nécessaire.
Noémie DE SMEDT
Professeur Stagiaire de lettres modernes
Académie de BESANÇON