Professeur de philosophie en classe préparatoire réservée aux bacheliers techno, Pierre témoigne…

Dans le système scolaire français les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) occupent une place particulière. Pour le SE-Unsa, elles ne sont pas sans défaut puisqu’elles participent de fait à une certaine reproduction sociale des élites. Le SE-Unsa souhaite que le rapprochement entre CPGE et université se poursuive dans le respect du statut des divers personnels (enseignants de CPGE, enseignants-chercheurs, agrégés et certifiés dans les universités) avec comme objectif à terme l’unification de l’enseignement supérieur. Dans le monde des CPGE, existent depuis quelques années des classes prépa réservées aux élèves issus des voies technologique ou professionnelle. Ces structures contribuent indéniablement à la démocratisation de l’accès aux grandes écoles. C’est pourquoi, le SE-Unsa s’y intéresse et les défendra, tant que les choses resteront en l’état, par ailleurs.
Nous avons rencontré Pierre Carrique, professeur de Philosophie, dans une de ces classes.

Pierre, tu es enseignant en CPGE-ECT dans un lycée de l’agglomération rouennaise. Peux-tu nous rappeler ce qu’est une CPGE-ECT, à quels élèves ces classes s’adressent-elles ? Et quels concours préparent-ils ?

Une CPGE-ECT est une classe préparatoire réservée aux bacheliers des bacs technologiques des filières STMG. Elle prépare à tous les concours d’écoles de commerce et de management, comme les bacheliers ES le sont par les ECE et les S par les ECS. Elle s’adresse aux élèves désireux de poursuivre et d’approfondir leurs études pour en tirer professionnellement le meilleur parti possible.

Comment se passe la sélection à l’entrée dans ces classes ? Y a-t-il un fort taux de pression ?

La sélection se fait à partir du dossier scolaire du bachelier, de la teneur des appréciations de ses professeurs, de son niveau de résultats dans toutes les disciplines, dans lequel nous essayons de déceler le potentiel et l’endurance du candidat. Il faut éviter d’engager sur des voies impossibles à tenir des jeunes gens qui risquent de n’en rien tirer d’autre qu’une impression d’échec. À de rares exceptions près, nos étudiants achèvent leurs deux ans de préparation, nous parvenons à un recrutement unifié autour du projet d’études. Par ailleurs, il existe sur le territoire une quarantaine de ces classes, et si l’on ôte les candidatures illusoires (il y en a de plus en plus), j’ai l’impression qu’un bachelier STMG capable d’y réussir trouvera un lycée preneur.

La sociologie du recrutement est-elle semblable à une CPGE ordinaire (on sait, par exemple qu’en moyenne, 57 % des étudiants en CPGE-ECE ont des parents cadres sup.) ?

Ce chiffre ne me paraît pas celui d’une CPGE « ordinaire » ! Cette ECE-là est plutôt d’arrondissements aisés de la capitale ! Ce n’est assurément pas un tel pourcentage qui se retrouve dans l’ECE du lycée Flaubert, où j’ai enseigné dix ans. Quant à notre ECT, j’évalue à 70 % le taux d’enfants d’ouvriers, d’employés, de paysans, de fonctionnaires de catégorie D. Il y a nombre de familles dont nos étudiants sont historiquement les premiers bacheliers. Un autre indicateur, le nombre de boursiers, offre cette année l’un de ses plus hauts étiages en seconde année : 25 étudiants sur 39, et son plus bas en première année : 6 étudiants sur 31.

Y a-t-il des différences avec une CPGE ordinaire en ce qui concerne la pédagogie mise en œuvre ?

Elles tendent nettement à se réduire, au point que je ne vois plus guère ce que signifie « CPGE ordinaire ». J’enseigne simultanément dans une classe préparatoire littéraire, et les obstacles à l’expression syntaxiquement correcte et lexicalement précise des idées sont identiques, la déshérence des textes est la même, la pauvreté du vocabulaire aussi sensible ; et dans les deux cas, l’adoption de séquences langagières de substitution, largement « médiatiques », qui figent la réflexion au lieu de la stimuler, apparait comme la signature de l’attitude intellectuelle ! Il faut partout commencer par déconstruire les obstacles scolairement accumulés afin de les réveiller de la « relation molle » entretenue jusqu’ici par la plupart avec l’école.

Les élèves réussissent-ils à intégrer une école ? Dans quelle proportion ?

Chez nous, quasiment tous y parviennent. 96 % en 2011, 95 % en 2012, 100 % en 2013, 2014 et 2015 – et dans l’une des 30 meilleures écoles de France (sur les plus de 700 existantes…).

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