Mon mémoire en 180 secondes : un moment tonifiant !

Trois minutes pour présenter son mémoire de master, c’est le défi relevé par dix enseignants et personnels d’éducation stagiaires lors de la finale du concours « Mon mémoire MEEF en 180s » le mercredi 29 juin dernier à Paris.

En effet, pour la 1ère année et sur le modèle de « Ma thèse en 180s », ce concours organisé conjointement par le MENESR et le Réseau des ESPE a pour objectif de valoriser la recherche effectuée par les professeurs stagiaires au sein des ESPE dans le cadre de leur 2ème année de Master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation).

Après un appel à candidature suivi d’une première sélection académique, c’est devant un jury pluri catégoriel et en la présence de Najat Vallaud-Belkacem, que les finalistes ont, pour la finale nationale, présenté en 3 minutes leur sujet de recherche et expliquer comment la recherche avait été menée.
Au programme, 4 thématiques fortes des enseignements du tronc commun : la “laïcité et l’éthique professionnelle”, “les gestes professionnels liés aux situations d’apprentissage”, les “connaissances liées aux parcours des élèves” et des “thématiques transversales”.
Et oui, nos collègues entrant dans la profession ont choisi ce métier par vocation et oui, ils sont en mesure de très bien l’exercer !
Voici le témoignage de Mickael Idrac, finaliste du concours et auteur d’un mémoire sur l’éducation des enfants déplacés intitulé « L’éducation des migrants : Une comparaison entre la prise en charge de l’Ecole de la République et celle des structures non officielles« 

Sur quelle thématique as-tu réalisé ton mémoire ?

J’ai travaillé sur l’éducation des enfants déplacés en justifiant l’emploi d’un nouveau concept qui est l’éducation d’urgence, l’objectif que je poursuis étant que, concernant l’éducation en contexte migratoire, on fasse la même dichotomie entre éducation d’urgence et éducation de développement comme on fait la dichotomie entre humanitaire d’urgence et humanitaire de développement. Je crois à la force des mots et c’est important de mettre les bons mots sur les bonnes choses, ce qui n’est plus le cas tant les migrations actuelles sont nouvelles. C’est comme quand on parle de réfugiés, souvent on se trompe car ce terme est une question de statut juridique… C’est pourquoi je parle plutôt de « déplacés » pour ma part, simple traduction du concept de « displaced people » qui est utilisé par les anglo-saxons. Les flux migratoires que l’on connaît en ce moment, où beaucoup de CSP+ quittent leurs pays d’origine, génèrent vraiment des nouvelles dynamiques en termes d’éducation humanitaire.

Pourquoi ce choix ?

J’ai eu l’occasion et la chance de pouvoir enseigner dans une migrant school en Thailande auprès d’enfants déplacés birmans il y a quelques années. Les enfants birmans ne vont pas dans les écoles Thaï et on voit fleurir des migrants school, non autorisées et non déclarées, tout le long de la frontière. Je me suis passionné pour le contexte et j’ai tout fait pour visiter des camps. Je crois que quand à 20 ans on se retrouve dans un camp 55 000 personnes on est marqué pour longtemps. Mon réseau m’a permis de me voir confier une seconde mission environ une an plus tard : la réalisation d’une étude comparative sur l’éducation des enfants déplacés birmans dans les camps de Thailande et hors les camps. Puis j’ai pu travailler à Beyrouth aux Nations-Unies sur des problématiques liées aux réfugiés palestiniens, dont le statut est encore particulier puisque leur exode a commencé avant les accords de Genève relatifs au droit des réfugiés. Aujourd’hui professeur des écoles je ne suis jamais resté loin de ces thématiques et la crise en Syrie, la chute du régime libyen qui sont des éléments clés des nouvelles typologies de migrations conjuguées à la situation de Calais tout proche de nous… Tout ça m’a donné envie de replonger, pour moi c’était même une nécessité d’aller dire à Calais que je connaissais le sujet et que j’avais quelque chose à leur apporter, en toute humilité, car cela reste bien différent de ce que j’ai pu voir dans les pays du sud et j’apprends énormément de choses au quotidien, puisque je suis toujours le projet.

Qu’est-ce qui t’a motivé à participer au concours ?

La possibilité de parler d’un sujet que l’on nie et face auquel on détourne souvent le regard, nous sommes en France donc en France on ne peut pas être confronté aux mêmes problématiques que les pays du sud. Or, c’est totalement faux, d’ailleurs prenez un camp en Thailande et vous verrez que ses administrateurs ont beaucoup de choses à nous apprendre sur la gestion d’un camp. Aujourd’hui le bidonville de Calais est un No Mans Land administratif et le manque de puissance publique génère des catastrophes humaines, et comme dans ce No Mans Land administratif il y a 10% de mineurs isolés il faut tirer la sonnette d’alarme par tous les moyens. J’avais besoin de le dire devant des professionnels de l’éducation aguerris, quitte à faire grincer des dents. Ma motivation elle a une vraie dimension militante. Et je pense que je n’ai pas trop mal visé même si je n’ai pas gagné puisque j’ai reçu pas mal de questions et d’interrogations de certaines personnes de l’auditoire qui étaient interloquées par mon propos.

Quelle préparation spécifique vis à vis d’une soutenance classique ?

La préparation pour moi a eu un côté plus excitant que contraignant, l’exercice me plaît, je prends toujours ça comme une chance que d’avoir un auditoire. La seule « chose » spécifique à laquelle je me suis attaché c’est de dépasser le cadre du discours déclaratif classique, j’avais besoin d’un peu d’humour et quelques phrases choc. Et le choix de présenter mon projet avec des rimes s’est un peu imposé de lui même finalement… J’ai eu la chance de pouvoir répéter dans un amphithéâtre, ça par contre c’est un gros plus, et je suis d’ailleurs reconnaissant envers la personne de l’ESPE de Perpignan qui m’a aidé.

Quelles difficultés as-tu rencontrées pour soutenir ton mémoire en 180 secondes ?

La contrainte temps est la plus difficile à gérer, on a tous envie de parler des heures sur un sujet qui nous passionne, en tout cas pour moi c’est comme ça, donc j’ai du faire des coupes dans mon texte qui m’ont fait très mal au cœur !

Quel bilan tires-tu de cette expérience ?

Le bilan pour moi est plus que positif car déjà dans la période de réalisation du projet j’ai rencontré des gens fantastiques, passionnés et passionnants sur le terrain. J’ai eu des contacts avec des chercheurs enchantés par ma démarche, dans un contexte ou on observe un net regain d’intérêt de la communauté scientifique pour la question migratoire on m’a facilement pris au sérieux.

Et le jour de la finale je me suis amusé, je pense que c’est important aussi de parler de plaisir quand on arrive à finaliser quelques petites bribes de ce travail de longue haleine.

Quel climat le jour de la finale nationale ?

Le climat était plutôt détendu, le staff nous mettait dans de bonnes conditions, je me suis senti plutôt à l’aise. Puis le lieu était magnifique, ça ajoute au fait que nous étions tous plutôt emballés et contents de la où nous étions.

Maintenant mis en lumière, quelle suite à ton mémoire ?

Pour répondre je vais revenir quelques questions en arrière quand je parle de la somme étonnante de gens que ce projet m’a permis de rencontrer. J’ai eu la possibilité de travailler avec des chercheurs canadiens pour la réalisation d’un ouvrage qui s’appelle « Communication Interculturelle et nouveaux visages de la mobilité. » Dans les nouveaux visages de la mobilité nous mettons, et nous ne sommes pas les seuls, les enfants. C’est donc le chapitre sur les enfants que j’ai rédigé avec une chercheuse de l’Université du Québec à Montréal qui s’appelle Lilyane Rachédi et qui est spécialisée en travail social en contexte migratoire. Elle m’a accordé sa confiance et on reste en contact pour d’autres projets. Enfin j’ai profité de cette période de bouillonnement intellectuel pour rechercher un directeur de thèse qui me permette de poursuivre l’aventure et j’ai trouvé mon bonheur au sein du CEPED, c’est un laboratoire pluridisciplinaire qui travaille sur les relations entre populations et développement au sud, avec plein de potentiels transfert d’idées au nord. Je vais être inscrit en doctorat en sociologie auprès de Madame Véronique Petit qui a une expertise pointue sur les questions migratoires donc je serai entre de bonnes mains !

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