CAPES d’anglais ou doctorat aux USA ? Le choix de Caroline

Tu as dû choisir entre valider ton capes d’anglais ou faire un doctorat aux Etats-Unis. Quel a été ton choix et pourquoi ?

 

En 1999, alors que je revenais d’une année d’échange aux États-Unis à l’université d’Indiana – Bloomington, je décidais de compléter mon mémoire de maîtrise, presque fini. En attendant une nouvelle année scolaire, pour entamer un DESS ou DEA à l’époque, je décidais de passer le CAPES d’anglais qui était alors la seule option pour quelqu’un comme moi. Je me suis donc inscrite au concours et j’ai suivi quelques cours de préparation dans mon Alma Mater (Université Charles de Gaulle, aka Lille 3).

Pendant la préparation, rigoureuse certes mais peu excitante, j’avais repris contact avec l’université américaine qui m’avait accueillie. Ils m’ont encouragée à poser ma candidature pour y faire un doctorat, ce que j’ai fait. Au final, j’ai été acceptée dans leur programme de doctorat avec une bourse d’études qui prenait tout en charge et un boulot pendant mes études qui devaient durer 5 ans (Master + Doctorat).

J’ai passé le concours, je l’ai réussi. Je ne me souviens plus du classement exact (d’ailleurs est-ce que ça compte ?), mais je m’en suis bien sortie. À l’annonce des résultats, je me suis renseignée pour savoir si je pouvais décaler l’année de stage. Oui, on pouvait différer si on souhaitait continuer ou terminer des études. Après la première année de Master, j’ai demandé à différer à nouveau puisque les études que j’avais entamées n’étaient pas finies mais cette requête a été rejetée. Soit je rentrais immédiatement pour être affectée dans un collège ou lycée du Nord, probablement dans une zone bien difficile ou je continuais mon doctorat, tout frais payés, dans une université ultramoderne. Comment dire ? Je n’ai pas réfléchi longtemps. La question qui s’est posée et qui m’a troublée le plus, c’est qu’une université étrangère dans un pays étranger investissait plus dans mon avenir que le mien qui me sommait de faire quelque chose pour lequel j’étais déjà qualifiée. Et la France n’acceptait pas que je finisse des études très poussées qui ne feraient de moi qu’une enseignante bien plus qualifiée et passionnée. Par ailleurs, les débouchés et les perspectives de carrière que m’offrait la France n’égalaient en rien celles qui se présentaient devant moi ailleurs. Finalement, puisque j’étais une femme jeune, issue de la classe ouvrière, avec un physique minoritaire, à l’époque où le paysage politique, audiovisuel et télévisuel français était encore moins diversifié qu’il ne l’est aujourd’hui, j’ai été sensible au fait d’être recrutée pour qui j’étais aussi. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problèmes en matière de diversité raciale, socio-économique, etc. aux Etats-Unis, mais en tout cas, mon métissage et mes origines sociales devenaient des éléments qui agrémentaient mon parcours universitaire. Malheureusement le système d’éducation primaire, secondaire et supérieur en France ne fonctionne pas sur les mêmes principes, et de nombreux cerveaux brillants s’expatrient toujours aujourd’hui.

 

Tu as enseigné l’anglais dans des classes de primaire, donc tu connais le système d’apprentissage des langues en France. Aujourd’hui tu enseignes le français à l’Université aux Etats-Unis. Peux-tu comparer les conditions d’enseignement ?

 

Il n’y a aucune comparaison possible. J’ai effectivement été intervenante d’anglais dans les écoles primaires quand je préparais le capes. Je me souviens avoir fait une après-midi de formation avec un enseignant de primaire responsable de l’enseignement de l’anglais, mais qui ne le parlait pas, ou très mal. Je travaillais dans 3 écoles et l’équipe enseignante était très enthousiaste pour les cours, et les enfants aussi. Mais je n’avais aucune ressource, aucun matériel pour encadrer l’enseignement de l’anglais aux petits. Il me semble que cet enseignement n’était pas considéré comme un enseignement mais plutôt comme une activité ludique. Bien sûr l’enseignement des langues aux enfants et aux plus grands doit être ludique, mais on doit conserver le concept d’enseignement. C’est à dire se donner les moyens d’enseigner et donner aux enfants les moyens d’apprendre.

Pour ce qui est de mon expérience aux États-Unis, elle ne concerne que l’enseignement supérieur alors je ne pourrais pas me prononcer sur le primaire et le secondaire. Répétons une chose d’emblée, les études sont payantes et elles sont chères, mais il existe un système d’aide financière et de bourses très généreux et efficace. Le système n’est pas non plus comparable au système français. Mais parlons de l’enseignement proprement dit : ma formation a été faite de manière presque personnalisée et pendant qu’on me formait en pratique, on continuait à me former en théorie avec des cours universitaires à un très haut niveau (donc fascinants) en linguistique, acquisition de la seconde langue, et didactique. Aujourd’hui, quand j’enseigne, il s’agit pour moi de former des esprits à comprendre une langue étrangère, certes, mais aussi des cultures étrangères et à pouvoir interagir avec les gens issus de ces cultures aux États-Unis ou dans les pays francophones. On me donne pour cela les moyens technologiques de former des étudiants du 21ème siècle, c’est-à-dire une génération qui se passionne pour les choses qui vont vite et qui les distraient. Ils s’intéressent à tout et ont une grande envie d’apprendre et d’apprendre bien, mais pour cela, il faut aussi s’adapter au public que l’on a. Les manuels traditionnels ne fonctionnent plus et il faut utiliser plusieurs méthodes d’enseignement en même temps car les manières d’apprendre varient beaucoup également. L’université dans laquelle je travaille a les moyens de nous procurer un contexte d’apprentissage où les conditions d’enseignement sont optimales. Mais pour les autres, elles font preuve de créativité et d’une capacité d’adaptation que l’on devrait observer de plus près. Peut–être que notre approche globale est plus pragmatique, mais n’apprend-on pas mieux quand on sait pourquoi on apprend quelque chose ? Un petit exemple : tout cours commence avec la distribution du programme du cours. Ce programme explique non seulement les objectifs du cours mais aussi les méthodes choisis pour remplir ses objectifs, les attentes du professeurs vis-à-vis des étudiants et le calendrier des devoirs, évaluations, etc.

Caroline Beschea-Fache, Docteur en ès-Lettres
Davidson College
Associate Professor of French and Francophone Studies, and Africana Studies
Nouvelles Etudes Francophones, Directrice des Recensions

Nouveau congé parental, vous en pensez quoi ?

Conséquence de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes adoptée en août 2014, la réforme du congé parental est l’une des mesures destinées à renforcer l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Si le SE-Unsa soutient cet objectif, il ne peut se satisfaire de ce qui s’annonce dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2015.

Aujourd’hui, le congé parental peut durer 36 mois, pour l’un ou l’autre parent. Or, dans 95% des cas, ce congé est pris par la mère. La principale raison évoquée, au-delà des représentations sur les rôles respectifs des hommes et des femmes dans la société, est la perte salariale trop importante au sein du foyer. En effet, les hommes touchent en moyenne un salaire 25% supérieur à celui des femmes. Ce sont donc elles qui subissent un éloignement du monde professionnel qui impacte leur carrière et leur retraite.

 

La réforme du congé parental prévoit donc de répartir ces 36 mois à égalité entre les 2 parents. Pour le SE-Unsa, il est important d’engager une évolution des mentalités en incitant les hommes à jouir de leur droit. Mais pour que cette mesure ne soit pas uniquement interprétée comme un « coup de rabot » ou une simple économie budgétaire, il faut que les parents aient un réel choix à faire. Il est notamment urgent de réaliser la promesse de 275 000 créations d’accueil d’enfants, notamment en crèche, et de relever le montant de la prestation partagée d’éducation pour qu’elle devienne réellement incitative.

 

Je pense qu’il faut inciter les hommes à profiter du congé parental.

Voir les Résultats

Chargement ... Chargement ...

Je pense qu’obliger la répartition du congé parental est une bonne mesure.

Voir les Résultats

Chargement ... Chargement ...

N’hésitez pas à nous en dire plus dans les commentaires…
 
Crédit photo : Jeton Bajrami

De CPE à enseignante en classe-relais, témoignage

Hier CPE, aujourd’hui enseignante en classe-relais, Karine s’est donné les moyens de la mobilité professionnelle. D’une fonction à l’autre, une préoccupation commune : les élèves en difficultés

1) Qu’est ce qui est fondamentalement à l’origine de votre bifurcation professionnelle ? Quels sont les arguments qui vous ont fait basculer vers une autre situation professionnelle ?

Lorsque l’on pratique un métier, il arrive que l’on s’interroge sur ses pratiques, ce que l’on peut améliorer, ce qui nous manque. Puis la vie vous rattrape avec ses réalités, pour ce qui me concerne la maladie de mes proches et là plus de questionnement. La vie est courte et personne ne peut changer et choisir les choses à part soi. Je me sentais souvent à l’étroit dans mon statut de CPE donc  j’ai souhaité me tourner vers mes premières amours l’enseignement des lettres. Je suis retournée à la FAC pour me remettre à niveau et préparer le CAPES de lettres modernes : admissible mais pas admise. Le hasard faisant bien les choses le poste de coordinatrice/enseignante se libérait dans le Haut Jura, j’ai postulé sur ce poste à profil qui allie enseignement, éducation, travail en partenariat, dans et hors éducation nationale : l’idéal. Le DASEN du Jura m’a laissé ma chance et j’entame ma 5°rentrée avec autant de plaisir. La notion de plaisir est pour moi essentielle, même si le quotidien est parfois rude.

2) Quelles sont les compétences que vous avez transférez de votre fonction de départ vers votre fonction d’arrivée ?

Je dirais que la principale compétence c’est la connaissance de ce qu’est un jeune pour avoir travaillé en collège, lycée et LP.

Celle de travail en équipe pluridisciplinaire. En tant que CPE j’avais déjà cette approche, mais mon réseau est désormais considérablement agrandi, le regard de ces autres professionnels est très enrichissant et me font reconsidérer parfois avis sur certaines situations.

La relation aux jeunes et à leur famille car sans leur adhésion rien ne peut se faire.

Des formations sur la gestion des conflits, les techniques d’écoute, la crise suicidaire etc.

3) Dans la fonction que vous occupez aujourd’hui, quels sont vos principaux de motifs de satisfaction, d’épanouissement ?

Mes motifs de satisfaction sont variés. Réconcilier les jeunes  et leur famille avec l’école pour des élèves décrocheurs ce qui est le cas de mon public c’est déjà une satisfaction, même s’il n’y a pas d’effet baguette magique.

Il faut du temps pour décrocher donc il faut aussi du temps pour raccrocher. De ce fait, le retour en classe, s’il n’est pas bien travaillé durant le passage en classe relais peut sembler caduque : rien n’aurait changé.

Dans la mesure où nous suivons nos élèves à N+1 et N+2, je vois que le travail porte ses fruits, mais pour cela il faut un temps de décantation qui n’est pas forcément en adéquation avec celui de l’école.

La classe est peu à peu devenue un lieu ressource pour nos élèves ; ils nous tiennent au courant, tout comme leurs parents, de la suite de leur parcours et ils s’en sortent.

Ceci est le résultat d’un travail collectif autour du jeune et pour le jeune.

Je me dis alors que je suis à ma place comme un petit maillon de la chaîne, que je ne me suis pas trompée, même si beaucoup de choses restent à faire ou à améliorer.

4) Changer de métier lorsqu’on est CPE et que l’on n’envisage pas la carrière de chef d’établissement relève-t-il d’un parcours du combattant ? Si oui, comment pourrait-on, selon vous,  améliorer les choses ?

C’est la question piège car que peut bien savoir faire un CPE ? Je plaisante car pour passer le concours nous avons tous fait des études universitaires, il me semble.  Nous avons l’équivalent d’un CAPES sans avoir la possibilité d’accéder à équivalence de l’agrégation.

En ce qui me concerne pour avoir fait fonction de proviseur adjoint, je sais que ce n’était absolument pas ma voie.

J’ai de la chance d’exercer des fonctions mixtes sur le dispositif relais, je fais de l’enseignement comme un PE le ferait, mais sur le niveau collège. Dans le cadre de la classe et pour être plus performante sur le plan des aides à apporter à certains élèves, je souhaiterais passer le 2CASH et bien : impossible, car je n’ai pas le statut d’enseignante, un comble ! Pour cela je devrais repasser le un CAPES , passer au mouvement et de ce fait perdre mon poste. Il me semble que plus de souplesse serait nécessaire. Des VAE devraient être rendues possibles, sinon parler de mobilité me semble problématique voire un vœu pieux. Notre système est beaucoup trop cloisonné. On nous parle de livret de compétences pour les élèves qu’en est-il pour les personnels de l’EN ?

 

 

Karine CHAVANNES-MARTIN
Enseignante en classe-relais
Cité scolaire du Pré St Sauveur – ST CLAUDE (39)
Académie de BESANCON

De CPE à délégué MGEN, témoignage

Passer de la fonction de personnel d’éducation à celle de délégué MGEN. C’est la voie professionnelle que François a décidé de suivre et qu’il assume pleinement. Un autre métier donc mais qui n’est pas sans rappeler ses premières amours… 

1) Qu’est ce qui est fondamentalement à l’origine de votre bifurcation professionnelle ? Quels sont les arguments qui vous ont fait basculer vers une autre situation professionnelle ?

Paradoxalement, ce n’est pas en soi une volonté de quitter mon métier de CPE qui est à l’origine du changement. J’étais dans une situation où je voyais chaque année s’éloigner les perspectives de mutation, et donc de rapprochement de mon domicile familial. J’étais prêt à saisir les opportunités qui me permettraient de me rapprocher de ma femme et de mes enfants.

Arrivé tardivement dans l’Education Nationale, j’avais déjà un parcours professionnel assez varié. Changer à nouveau, évoluer, ne me faisait pas peur. Motivé et investi dans mon métier, je n’étais cependant pas prêt à partir dans n’importe quelle direction. Je n’étais pas séduit par la fonction de chef d’établissement.

J’avais aussi dans un coin de la tête l’idée que je ne resterais pas CPE jusqu’à la fin de ma vie professionnelle, au regard de l’énergie nécessaire à l’exercice de cette fonction telle que je la vivais. Je commençais aussi à trouver de plus en plus difficile le fait que dans les établissements, j’avais plus souvent le sentiment de subir les difficultés que d’agir collectivement pour les résoudre.

J’avais conscience que la diversité de mon parcours était un facteur plutôt favorable à une évolution future. Et l’opportunité d’un détachement s’est présenté par hasard, juste après que ma demande de mutation ait été refusée. La MGEN cherchait un délégué et le poste était dans ma ville.  Mais c’est véritablement le projet professionnel qui m’a séduit,  parce que mon engagement à la MGEN m’a aussi demandé une plus grande souplesse dans mes disponibilités.

Ce poste m’offre une belle synthèse entre différentes motivations professionnelles qui me sont chères. C’est simplement arrivé plus tôt que prévu et je me suis dit que l’occasion ne se représenterait peut-être plus.

2) Quelles sont les compétences que vous avez transférez de votre fonction de départ vers votre fonction d’arrivée ?

Ayant eu une vie professionnelle déjà variée avant de devenir CPE, j’ai mis à profit des compétences que j’avais développé tout au long de mon parcours. J’ai travaillé 10 ans dans des structures culturelles et socio-culturelles comme organisateur, animateur, médiateur, chargé de relation avec les publics… Cette expérience avait déjà pas mal imprimé mon profil de CPE mais ce que le métier de CPE m’a apporté c’est principalement un sens des responsabilités et des compétences en gestion du personnel. Ma connaissance, même partielle,  de la culture professionnelle « éducation nationale » m’a aussi été précieuse. 

3) Dans la fonction que vous occupez aujourd’hui, quels sont vos principaux de motifs de satisfaction, d’épanouissement ?

Avoir l’opportunité et les moyens de mener de projets du début à la fin.

C’est la possibilité de travailler avec une équipe plus réduite, dans un environnement professionnel plus maitrisé.

C’est de pouvoir intégrer dans mon quotidien professionnel des aspects très opérationnels et aussi très politiques et militants.

4)  Changer de métier lorsqu’on est CPE et que l’on n’envisage pas la carrière de chef d’établissement relève-t-il d’un parcours du combattant ? Si oui, comment pourrait-on, selon vous, améliorer les choses ?

Dans mon cas, comme je l’ai déjà dit, il s’agit d’une opportunité que je n’ai pas provoquée. La MGEN cherchait une personne en détachement, au moment même où je cherchais à bouger.

Cependant, je suis convaincu qu’en termes de compétences, le métier de CPE doit permettre l’ouverture à d’autres horizons que la direction d’EPLE. Ces compétences sont multiples et touchent à la formation, la gestion des ressources humaines, la communication, le travail en équipe ou encore la gestion de projet. Encore faut-il que ses compétences soient mieux définies et  reconnues. Cela relève des enjeux de la formation initiale et continue, mais aussi de ceux de l’évaluation.

 

François RABBE (CPE)
Délégué départemental MGEN 25
Académie de BESANCON

Dans le premier degré,  revoir la relation à l’institution est une urgence

 

Selon notre enquête « 800 000 enseignants et moi, et moi, et moi ? », le malaise des enseignants du premier degré dans leur relation à l’institution est flagrant. L’école maternelle et l’école primaire ont été tout particulièrement l’objet des réformes brutales lors du quinquennat précédent. Au-delà des réformes elles-mêmes, le nombre d’élèves arrivant au collège avec des acquis trop faibles a été pointé publiquement. Cela semble avoir conduit les professeurs des écoles à se sentir professionnellement en difficultés. La réaffirmation de la confiance institutionnelle à l’égard des enseignants du premier degré doit être une priorité.

Les écarts entre les enseignants du 1er degré et ceux du 2nd degré quant à leur relation à la hiérarchie interpellent également. Les enseignants qui côtoient leur supérieur au quotidien (le chef d’établissement dans le second degré) se sentent bien plus entendus et soutenus que ceux  qui ne le rencontrent que plus rarement (les inspecteurs de l’éducation nationale).  La question de la proximité de l’encadrement est posée.

 

Enseignants du premier degré Enseignants du second degré
Ma hiérarchie valorise mon métier 16% 36%
Ma hiérarchie reconnait mes contraintes professionnelles 19% 40%
Je suis soutenu par ma hiérarchie 37% 61%
Je peux faire entendre mon avis par la hiérarchie 31% 64%
Je suis en accord avec ce que l’institution me demande de faire 44% 54%
Je réussis à faire ce que l’institution me demande 65% 71%
Je juge mon travail satisfaisant 80% 80%
Je passe beaucoup de temps dans mon école/mon établissement 95% 93%
Je réussis facilement à concilier vie personnelle et vie professionnelle 63% 70%

 

 

Interview de Dominique Cau-Bareille

Contrairement aux idées reçues, les enseignants jonglent difficilement entre vie personnelle et vie professionnelle. À votre avis, pourquoi ?

Dominique Cau-Bareille : Pour trois raisons principales à mon avis.

L’intensification du travail qui touche les métiers de l’enseignement, sous la forme de changements de programmes fréquents, d’une multiplication des évaluations, d’un alourdissement des tâches administratives, d’injonctions de plus en plus pressantes pour monter des projets, participe à alourdir l’activité hors présentiel des enseignants. De fait, le travail personnel qui se fait généralement au domicile prend de plus en plus de place, contaminant les soirées, les week-ends, plus globalement l’esprit des enseignants ; la sphère privée étant la variable d’ajustement pour réguler les contraintes professionnelles.

Pour les enseignants qui le souhaiteraient, les conditions de travail dans les établissements permettent rarement de pouvoir faire des préparations sur place : les salles de travail sont souvent partagées, le nombre d’ordinateurs pour travailler n’est pas suffisamment important,  l’isolement n’est pas possible, les documents et matériels pour préparer les cours ne sont pas disponibles. Les professeurs n’ont d’autres choix que de travailler à la maison, dans un environnement où ils ont également à tenir d’autres rôles sociaux : celui de parents, de responsable d’association… Dans ces conditions, le travail au domicile s’en trouve morcelé, dispatché à différents moments de la journée ou de la soirée.

Cette liberté de pouvoir travailler chez soi a comme revers une perméabilité des sphères de vie extrêmement importante qui permet difficilement de mettre des frontières entre la vie personnelle et le travail, des témoignages de collègues attestent très souvent de cette difficulté. En témoigne cette enseignante : « Je crois qu’une grosse difficulté du métier enseignant, que j’ai ressentie tout au long de ma carrière, et qui ressort au travers de discussion avec des collègues, c’est qu’on a l’impression de n’avoir jamais fini, c’est-à-dire que je suis chez moi, si je suis toute seule pour regarder un film, quasiment je ne peux pas parce que je vais toujours me dire « Ah oui mais demain j’ai ça à faire », je vais aller vérifier dans mon cartable ! Donc c’est difficile de se dire « je m’arrête à 19h » ; disons que je quitte mon bureau à 19h mais il y a toujours en arrière-plan la journée de demain, donc l’impression que l’on n’a jamais terminé. Moi, j’ai toujours apprécié de faire mon travail en grande partie chez moi parce que ça permet de s’organiser, éventuellement si l’on a à faire quelque chose dans l’après-midi, on s’arrange, on le fait à un autre moment ; mais en même temps, il y a toujours derrière la journée de demain soit parce qu’avec un élève ça ne s’est pas bien passé et on se dit « comment je vais faire demain pour rattraper le coup ! » ou pour…. C’est sans doute vrai dans d’autres professions mais ça c’est quelque chose qu’en tant que prof, je ressens beaucoup. C’est cette préoccupation permanente du travail et qui peut être fatigante, usante ». (F, 56, clg). Continue reading

Une autre évaluation, c’est possible !

Comment les enseignants sont-ils évalués en Europe ?

La quasi-totalité des pays européens pratiquent l’inspection des enseignants à titre individuel ou collectif. De très nombreux pays, dont la France, restent attachés à ce qu’elle soit conduite par «un corps de spécialistes externes à l’établissement». Selon les systèmes, les inspecteurs dépendent des autorités nationales (France) ou régionales (Allemagne, Espagne…).

Autre modalité, l’évaluation de l’enseignant peut être menée en interne par le chef d’établissement. Cette évaluation interne peut venir en complément de l’inspection mais elle est parfois la seule modalité d’évaluation existante (Pays-Bas).

Depuis le milieu des années 90, quelques pays pratiquent l’auto-évaluation des établissements. Là encore, cette évaluation peut exister seule ou en complément d’autres modalités. Elle se pratique le plus souvent en lien ou sous le contrôle d’une autorité externe.

Les années 2000 ont vu se développer de nouvelles formes d’évaluations essentiellement fondées sur les résultats. Au Royaume-Uni par exemple, il s’agit de mesurer l’écart entre un référentiel et les performances de l’école. En Estonie, en Suède ou en Écosse, les résultats des élèves aux évaluations standardisées nationales deviennent de plus en plus un critère de jugement de la performance de l’école et donc de l’équipe pédagogique. Il en est de même pour les résultats aux examens. Continue reading

Interview de Patrice Lemoine

Patrice Lemoine est Inspecteur d’académie-Ipr «établissements et vie scolaire» dans l’académie de Strasbourg.
Il est membre du Conseil national de l’innovation et de la réussite éducative.
Il commence sa carrière comme instituteur en 1981 puis se consacre à l’éducation prioritaire comme coordonnateur de Zep, chargé de mission académique, puis Ien.

À quoi sert d’évaluer les enseignants ?

Patrice Lemoine : La logique voudrait que chacun de nous réalise son travail dans le cadre donné par son employeur mais soit autonome dans l’appréciation de sa propre valeur. Ce serait une sorte d’autonomie accomplie. On voudrait tous en être capables. Mais nous n’y arrivons pas tout seuls. Nous sommes ainsi faits.

Nous avons tous besoin, non seulement de la reconnaissance de notre environnement professionnel (direction, collègues, parents d’élèves…), mais aussi de points de vue extérieurs pour apprécier notre propre activité, son impact, sa valeur ; et pour la réguler. Ce sont des données humaines, et non pas simplement des obligations professionnelles ; c’est sans doute la raison pour laquelle ce sujet est si sensible. L’évaluation ne peut atteindre ses objectifs que si la façon de faire prend en compte cette dimension humaine.

Aujourd’hui, l’évaluation des enseignants parvient-elle à remplir son rôle ?

P. L. : Sous un angle strictement institutionnel, il faut répondre que oui : les différentes opérations de gestion liées à l’évaluation du personnel sont réalisées et les contentieux sont peu nombreux. Sous l’angle de l’amélioration qualitative des pratiques, les ressentis exprimés aussi bien par les enseignants que par les différents évaluateurs, montrent que les marges de progrès sont grandes. Nous avons besoin, tous, de confiance. L’idée d’une École bienveillante ne concerne pas que les élèves, c’est un système.

Mais ce système ne progressera que si d’une part, les enseignants sont reconnus comme des experts de leur propre profession, donc comme des professionnels, sans aucun bémol et que d’autre part, les enseignants se reconnaissent eux-mêmes comme des professionnels, ce qui implique la recherche constante de l’efficience dans une approche scientifique, au même titre que les médecins ou les ingénieurs. Continue reading

Pour une mobilité professionnelle choisie…

État des lieux

L’indemnité de départ volontaire (Idv)

Le décret n°2008-368 du 17 avril 2008 a institué une indemnité de départ volontaire au bénéfice des fonctionnaires et agents non titulaires de droit public. En 2013, 248 enseignants des 1er et 2nd degrés ont bénéficié de l’Idv pour un montant moyen de 34 695 €.

Les passerelles entre l’enseignement du 1er degré et l’enseignement du 2nd degré se sont sensiblement développées ces dernières années. Ainsi en 2013, 250 professeurs des écoles ont été détachés dans l’un des corps enseignants du second degré et 40 enseignants du second degré ont accédé, par cette voie, au corps des professeurs des écoles.

Les conseillers mobilité carrière

Des conseillers mobilité carrière, après avoir été formés, ont été mis en place en 2009 dans les rectorats pour accompagner les personnels dans la définition et la réalisation de leur projet professionnel. 9700 collègues, désireux de se réorienter professionnellement, ont été reçus, parfois plusieurs fois, en 2013. Lors de la conduite des entretiens professionnels, les conseillers mobilité carrière repèrent les motivations et les compétences des intéressés, informent sur les métiers des trois fonctions publiques, constituent des viviers de personnels par référence à des types de métiers offerts par les recruteurs potentiels, proposent des plans d’action selon la situation de chaque enseignant et aident à la conception de dossiers de candidature.

Un nouveau parcours de formation est actuellement proposé aux intéressés par l’Ésen

(École supérieure de l’Éducation nationale). Il vise à travailler sur des thématiques communes tout en recherchant une individualisation de la formation et une mutualisation des ressources documentaires.

Le réseau des conseillers mobilité carrière (85 personnels) est animé par la mission de conseil en mobilité et parcours professionnels de la Dgrh qui diffuse aux enseignants les renseignements utiles au moyen d’un portail mobilité ouvert sur le site du ministère.

 

Les possibilités, vos droits

Continue reading

Témoignage : bouger c’est pas si simple…

 

Marie-Annick, enseignante, a décidé de changer de métier mais veut rester au contact des élèves. Malgré sa riche expérience et les compétences acquises, elle doit recommencer tout à zéro. Aucune reconnaissance, aucune passerelle possible. Au travers de ce témoignage, notre collègue nous montre toutes les incohérences du système.

Pourquoi as-tu quitté ton métier d’enseignante ? Quels ont été les facteurs déclenchants ?

Enseignante d’Eps depuis 30 ans, j’étais fatiguée physiquement. Les cours dans le froid, dans le bruit, les démonstrations, je n’en pouvais plus. J’avais sans cesse des douleurs articulaires, à tous les niveaux, et je me suis même une fois bloquée en pleine démonstration. Il a fallu gérer, sans que les élèves ne voient vraiment le problème, et terminer le cours correctement. Cet élément a été déterminant. Il fallait que je trouve une sortie qui me permette de travailler encore pendant plusieurs années. Il me restait au minimum 12 ans à faire. Une chose cependant était sûre : je voulais garder le contact avec les élèves.

T’es-tu sentie soutenue dans tes démarches, dans ton parcours ?

J’ai commencé à étudier les différentes possibilités qui s’offraient à moi pour une éventuelle reconversion, sans trop vouloir en parler, dans un premier temps, hormis chez moi. J’étais totalement soutenue par mon conjoint, qui voyait dans quel état physique je rentrais le soir. Il m’a confortée dans ma démarche. J’ai ensuite pris contact avec la Drh du rectorat, qui m’a confortée dans le choix que j’avais en partie fait, à savoir essayer d’intégrer le corps des Cpe. Elle m’a conseillée de rencontrer l’Ia-Ipr Vie scolaire. Ce dernier a été d’une très grande écoute et d’une très grande compréhension. Il m’a encouragée tout au long de cette démarche, me conseillant de faire une année de «faisant-fonction» pour connaître réellement le métier de Cpe afin d’être certaine de vouloir l’intégrer par la voie du détachement. C’est seulement à partir de ce moment que j’en ai parlé à mon chef d’établissement, qui s’est montré lui aussi compréhensif.

Au cours de la 2e année de faisant-fonction, j’ai fait une demande de détachement, qui a été refusée. Je n’ai pas de licence puisque j’ai suivi la formation en Creps. À partir de ce moment c’est une fin de non recevoir, je dois valider une licence par la Vae, qui reste à mon entière charge, sinon c’est retour à la case départ. Seul l’Ia-Ipr Vie Scolaire me soutient en m’accordant une nouvelle année de faisant-fonction, avec l’espoir de voir aboutir mon dossier. Continue reading

Développer mes compétences professionnelles

Résultats de l’enquête « 800 000 enseignants et moi, et moi, et moi… »

Des enseignants avides de formations… utiles !

comp_legende Les enseignants ont soif de formation. Ils sont 91% à souhaiter bénéficier de formations régulières.

  • Je souhaite bénéficier de formations régulières

comp_2i1

 

 

Autre message sans équivoque : les enseignants estiment massivement que le travail en équipe est important.

  • Le travail en équipe est important

comp_2i2

 

 

Et loin des idées reçues sur une profession qui serait rétive au changement, la quasi-totalité des personnels enseignants et d’éducation est constamment à la recherche de nouvelles façons de travailler. Continue reading

Interview de François Muller

Vous dites que «Des élèves qui réussissent, ce sont des enseignants qui apprennent».  La formation continue existe, mais elle ne satisfait pas. On voit depuis peu émerger un nouveau concept, celui de développement professionnel continu. De quoi s’agit-il ?

François Muller : Le développement professionnel de l’enseignant rend compte de la manière dont il améliore son professionnalisme au travers d’expériences l’amenant à étudier systématiquement son enseignement : ateliers, rencontres professionnelles, activités de mentorat mais aussi lecture de travaux de recherche ou d’informations sur les évolutions de sa discipline.

Pendant longtemps, les enseignants recevaient une formation dans le cadre de conférences suivies d’ateliers souvent peu liées aux activités d’enseignement et d’apprentissage dans l’établissement scolaire ou dans la classe.

Ce n’est que depuis quelques années que le développement professionnel des enseignants est considéré par les experts et les décideurs politiques comme un processus de long terme offrant des occasions régulières de contacts et d’apprentissage avec les collègues mais s’inscrivant également dans une programmation systématique des activités de formation, articulées à des expériences concrètes, partant davantage des besoins et des problèmes rencontrés par les enseignants dans leur quotidien.

Continue reading

Mobilité professionnelle – Besoin d’un appel d’air

Résultats de l’enquête « 800 000 enseignants et moi, et moi, et moi… »

Vous avez dit mobilité ?

«Mobilité professionnelle» est un terme polysémique. Parce que les carrières sont moins linéaires qu’auparavant, on parle aujourd’hui de «transitions professionnelles» sur le marché du travail, de «trajectoires» ou plus récemment de «parcours professionnels».

Tout changement en lien avec le travail peut-être vu comme une mobilité professionnelle : le change­ment d’établissement, de ministère, de profession, de fonctions, de secteur d’activité, d’éléments du statut (salarié/non-salarié, public/privé, qualification…), de contrat de travail, de rémunération, de lieu de travail/de vie…

Il est difficile de démêler toutes ces notions pour traduire une réalité qui est évidemment complexe. Mais pour choisir et accepter le changement, il est nécessaire de s’imaginer un ailleurs.

Trop souvent, les collègues pensent qu’au-delà de l’activité «transmission de savoirs», qui est le cœur de leur métier, ils ne savent rien faire d’autre qu’enseigner. Et pourtant…

Plus de la moitié des collègues n’imaginent pas exercer le même métier jusqu’à leur retraite, et ceci est plus prégnant chez les femmes (60%), pour la tranche 30-49 ans (65%), les Cpe (68%) et les Pe (64%).

  •  Je m’imagine exercer le même métier jusqu’à ma retraite

mob_2i2

Plus de 2 collègues sur 3 ne souhaitent pas quitter l’Éducation nationale.

  • Je souhaite quitter l’Éducation nationale

mob_2i3

45% des collègues souhaitent changer de métier. Presque un enseignant sur deux a des souhaits de mobilité. Ce souhait est plus prégnant chez les hommes (52%). Âge et ancienneté sont des facteurs déterminants. Continue reading

Une responsabilité partagée par tous

Dans le référentiel de compétences professionnelles des enseignants et personnels d’éducation figure la compétence

«s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel».

Les personnels sont demandeurs, mais le référentiel n’engage pas que les enseignants, il engage également l’institution qui doit mettre en place les conditions indispensables au développement professionnel.

C’est sur la création de ces conditions que le SE-Unsa veut peser avec vous. Continue reading