Depuis septembre 2002, je suis en poste à l’EREA (établissement régional d’enseignement adapté) de mon département.
PLP en arts-appliqués, j’ai fait le choix de ce poste spécifique du fait de la nature du public (grande difficulté scolaire) et parce que je pouvais enseigner les arts-plastiques auprès des élèves de la 6ème et la 3ème segpa et les arts-appliqués auprès des élèves de CAP métiers du bâtiment.
Cela correspondait à mon profil et aspirations : mettre mes compétences et passions au service des élèves en grande difficulté.
Quittant Garges-les–Gonesses, où j’étais titulaire au LP Arthur Rimbaud, pour la province, j’ai fait la demande spécifique de ce poste, puis passé un entretien avec le directeur de l’EREA avant d’y être nommée à titre définitif. À l’époque, ce poste était étiqueté PEP3 (je crois que cela n’existe plus).
Travailler à l’EREA m’a d’abord apportée la satisfaction de la collaboration avec des collègues du premier degré. Leur façon d’organiser l’espace–classe, leur manière de personnaliser complètement le travail pour chaque élève m’ont beaucoup aidé pour créer ma propre organisation adaptée à ma matière et aux besoins des élèves.
Travailler avec des personnes n’appartenant pas au même corps fait réfléchir sur le fonctionnement global de l’établissement et fait prendre conscience des missions de chacun, des différents points de vue, des objectifs globaux… On se rend vite compte qu’on fait tous le même métier, même si nos statuts sont différents. Et là, je me sens en parfaite cohérence avec la nature même du SE-UNSA.
Ces différences sont à la fois une richesse et source de tensions : comment concilier la solidarité avec les collègues et en même temps ne pas renier la particularité de son propre statut ?
Dans un EREA tout est possible : l’objectif est de s’adapter aux besoins de l’élève.
Il y a possibilité d’inventer, de tester des adaptations, d’avoir une cohérence éducative à l’internat et externat…
Les difficultés majeures restent d’avoir des temps de concertation suffisants avec tous les acteurs, de créer une dynamique d’équipe tout en respectant la liberté pédagogique de chacun, de créer des ponts entre tous les intervenants… et les budgets bien sûr qui rétrécissent d’année en année.
Un changement marquant est apparu suite à la loi sur le handicap de 2005 où on a vu le profil des élèves changer. Nos élèves ne relevaient plus uniquement de la grande difficulté scolaire. Certains sont aujourd’hui porteurs de pathologies dont nous ne sommes pas spécialistes et que nous devons aborder sans formation ni information particulière. Du coup, même en effectifs de 16 élèves maximum, les choses se compliquent encore davantage…
Se former ?
Oui, j’y avais pensé. J’ai fait partie de la première promotion du 2CASH de notre académie sans le savoir au début. Sur le PAF, je m’étais inscrite à une formation qui s’intitulait : « enseigner à des élèves à besoins particuliers ». Au fur et à mesure des journées de formation, nous découvrions qu’on attendait de nous de passer le 2CASH dont les modalités n’étaient pas encore bien fixées et qu’on ne voyait vraiment pas ce que cela pouvait nous apporter de plus, si ce n’est que d’être estampillés « profs pour classes difficiles ». J’ai donc suivi la totalité de la formation qui était d’une qualité exceptionnelle sans jouer le jeu de la certification. Du fait d’être en poste à l’EREA, ma carrière est de toute façon marquée par la couleur de l’enseignement adapté.
De la reconnaissance ?
Le courrier de rentrée du ministre et du recteur, ainsi que leurs vœux !
Sur la fiche de paie, je perçois mensuellement 33,02 euros d’indemnité Forfaitaire de Sujétion Spécial. Mon avancement est le même que tous. Je bénéficie d’une bonification de points pour demander ma mutation en fonction du nombre d’année passée à l’EREA (mesure spécifique de mon académie).
Le pari passionnant de la perspective de permettre à ces « élèves cassés » de reprendre confiance en eux afin de trouver une place dans notre société est un engagement fort, qui demande beaucoup d’énergie, de ressources et d’innovation pédagogique et reste toujours sans recette miracle ! Être prof en EREA devrait être une mission à durée limitée afin de pallier à l’épuisement et de maintenir une fraicheur et un dynamisme des équipes. Mais dans la réalité, il n’est pas toujours simple pour un PLP nommé dans un EREA de quitter ce poste qui ne peut être pourvu que par des personnes volontaires…
Enfin, il n’y a pas 2 EREA en France qui fonctionnent sur le même mode : modalités d’organisations diverses et variées, moyens disparates, nature des personnels (présence de PLP , PLC, profs des écoles, éducateurs spécialisés ou non etc…), nature des niveaux d’enseignements (segpa, LEA, les deux ?) et profils des élèves.
Je vous le dis simplement : y’a du pain sur la planche !