CPE TZR, Marielle est affectée cette année dans un collège rural. Elle fait le choix d’investir l’animation socio-éducative, champ professionnel par excellence des personnels d’éducation. Elle décrit dans cet article la démarche engagée lors de la mise en place d’un atelier philo, avec la laïcité en toile de fond. Un thème extrêmement porteur et qui vient en écho de l’actualité tragique que nous venons de vivre.
Pourquoi un atelier philosophique ?
Au départ, avec une collègue de lettres classiques, nous avions pour projet de travailler des fables en AP (accompagnement personnalisé) avec les classes de 6ème.
J’ai muté, donc ce projet n’a pu aboutir.
En arrivant dans ce nouveau collège, je souhaitais un projet similaire mais je n’ai pas trouvé de collègue intéressé.
La Principale m’a un jour présenté une écrivaine jeunesse, intervenante sur des projets dans le 1er degré.
Je lui ai parlé de mon envie d’initier les élèves à la philosophie. Elle était intéressée. Nous devions établir dans quel cadre, quel projet.
Rapidement le niveau 5ème a posé quelques soucis : manque d’envie en classe, pas d’initiatives, passifs en classe, manque de travail et d’attention.
On a donc choisi les deux classes de ce niveau.
J’ai lu l’appel à projet du rectorat sur la Laïcité.
On a donc décidé de lancer de projet : un abécédaire de la laïcité, avec tous les 5ème, à raison d’une heure par semaine, présence obligatoire.
Qu’est-ce qu’on a dit aux élèves ?
Que l’atelier philo est un espace de parole collective où peuvent s’exprimer les questions universelles des enfants et s’élaborer des réflexions critiques donnant du sens aux contenus scolaires. Rapport au monde, multiplicité des points de vue, réflexion sur les préjugés et l’opinion, l’atelier philo a pour but de favoriser l’émergence de sujets autonomes et responsables.
Quels sont les objectifs que nous avons visés ?
- Permettre un espace où puissent se poser les questions universelles que les enfants se posent et qui ne sont pas prises en charge par les seules disciplines (sur la politique, la morale, la mort, le droit, etc.) ;
- Donner du sens aux contenus scolaires en abordant des questions qui mobilisent et lient des savoirs transversaux ;
- Apprendre à maîtriser les codes du débat en s’observant en tant que participant ;
- S’interroger avec les autres, et ainsi prendre conscience qu’ils se posent les mêmes questions que moi ;
- Développer les attitudes de solidarité, d’attention à l’autre, ainsi que la tolérance et l’ouverture d’esprit. En cela, l’atelier correspond tout à fait à une forme d’éducation citoyenne.
Quels impacts nous souhaitons observer sur nos élèves ?
L’atelier philo permet de questionner et de prendre de la distance par rapport à l’opinion commune, et par rapport à ses propres représentations.
Il améliore la communication du groupe et permet à l’enfant participant d’être considéré dans son individualité propre. Par le questionnement qu’il permet, l’atelier philo contribue à la construction de l’enfant comme sujet autonome : en effet, l’enfant doit élaborer sa propre réponse et non trouver « la bonne réponse » correspondant à l’attente de l’enseignant. Les réflexions développées dans le cadre de l’atelier sont propices à une meilleure compréhension du monde et favorisent le «pouvoir d’agir » des enfants.
Comment cela s’organise ?
Tous les élèves installent la salle à leur arrivée : un grand cercle de chaises.
Les adultes prennent des notes, pendant l’heure et le cahier est à la disposition des élèves quand ils le souhaitent, pendant la séance et à tout moment de la semaine (cahier dans le bureau de la CPE que les AED prêtent aux élèves à leur demande).
Les enfants prennent la parole quand ils le souhaitent, en levant la main. Toutes les paroles sont autorisées, mais il est interdit de parler lorsqu’un élève parle, il est interdit de se moquer.
Le niveau très faible de cette cohorte nous a obligé à nous questionner, à énormément travailler en amont. Le passage à l’écrit est difficile pour eux, c’est pourquoi nous avons décidé de prendre des notes, notes qui sont ensuite retravaillées avec eux (l’intervenante va en cours de Français une fois par mois ; je prends les élèves un lundi par quinzaine une heure ou deux).
Les premières séances ont été consacrées à la définition de la laïcité par Philippe Meirieu « La laïcité, c’est penser par soi-même et être capable d’avoir un regard critique sur les choses».
Puis nous avons travaillé sur la lettre L pour notre abécédaire. La semaine de la Laïcité au collège sera illustrée par les affiches des élèves (une dizaine), affichées dans la salle de réunion, salle centrale au collège. Nous allons ouvrir la séance de 13H à tous les adultes et élèves qui le souhaitent, et à 14H, aux CM2 de l’école du village.
En atelier, nous allons étudier une fable d’un prêtre jésuite indien, fable étudiée également au CM2 pour la séance de décembre : échanges, partage, entraide.
Pour la semaine de laïcité, nous lançons également une action solidaire : « Un cahier, un crayon pour le Mali », les élèves de 5ème en sont les ambassadeurs : avec moi, ils sont passés, en groupe, dans toutes les classes du collège pour parler de cette action, ainsi qu’à l’école primaire.
Nous avons également consacré une séance aux attentats de Paris : ce qui a été entendu et compris. Nous avons fini la séance par un poème d’Abdellatif Laâbi.
Suite aux attentats, avec tous les élèves qui se sont trouvés en étude le matin, nous avons échangé, à partir d’un powerpoint que j’ai retravaillé d’un collègue de lycée parisien, d’articles que j’ai apportés, de dessins, d’interrogations des élèves, et nous avons affiché sous le préau les textes que les élèves ont choisi.
Vous pourrez retrouver l’illustration de cela sur le site du collège : dans l’onglet Vie Scolaire / Clubs.
Vous trouverez également des informations sur l’autre club que j’anime, un club Japon.
Marielle PICHETTI, CPE Collège Charles Peguy, VAUVILLERS.