Une année scolaire rochefortaise au rythme des sports enchainés !

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De septembre 2015 à septembre 2016, la communauté éducative met le sport à l’honneur. Parallèlement aux grandes manifestations qui jalonneront la période (Euro de basket, Coupe du monde de Rugby, Euro de football, Jeux olympiques), le ministère de l’Éducation nationale, les fédérations de sport scolaire et les grandes fédérations sportives, se mobilisent pour promouvoir la pratique sportive chez les jeunes, faciliter l’accès à la pratique sportive au plus grand nombre et mobiliser les éducateurs autour des valeurs sportives.

Dans le sillage des valeurs éthiques symbolisées par le voyage de l’Hermione, un projet labellisé année du sport à l’école et intitulés « Des sports enchainés au triathlon , échanges partenarials , et mixité scolaire » aura pour vocation d’insuffler une nouvelle dynamique sportive scolaire à Rochefort-sur-mer (Charente-Maritime).

Pourquoi un projet sportif scolaire articulé autour du triathlon ?

Le triathlon est un sport paradoxal : extrêmement jeune dans sa forme codifiée actuelle, (naissance de la fédération française en 1989), il repose sur au moins une pratique ancestrale : la course à pied. La Charente-Maritime n’est pas étrangère à son histoire.

Pratique populaire et de loisir au départ, la littérature journalistique française mentionne, en 1902, une compétition surnommée « les Trois Sports » enchaînant dans la continuité la course à pied, la bicyclette et le canotage, avec pour décor les renommées guinguettes de Nogent-sur-Marne et Joinville-le-Pont.

En 1934, une course dite « des Trois Sports » a lieu à la Rochelle. Il s’agit de traverser le chenal à la nage soit environ 200 mètres, de parcourir 10 kilomètres à bicyclette, du port de la Rochelle au parc de Laleu, et enfin de parcourir trois tours de piste, soit 1.200 mètres au stade André Barbeau.

Pendant, près de quarante ans, les sports enchainés retombent dans l’oubli… et c’est de l’autre côté de l’atlantique, aux États-Unis, qu’ils réapparaissent, dans les années 70 à 80. Ils se codifient alors dans leur organisation actuelle (enchainement nage, vélo, course à pied, sur des distances variables mais précises, sous l’appellation de « triathlon ».

Un des premiers triathlons est organisé dans les années 80 à Rochefort avant même la naissance de la fédération française de triathlon.

Un sport médiatiqement neutre ….

Sport jeune, peu médiatisé, le triathlon est basé sur un enchainement de pratiques sportives éminemment populaires : la nage, la course à pied, le vélo. Néanmoins, cette faible médiatisation présente quelques intérêts pour notre jeune public scolaire :

Nos élèves abordent la pratique des trois disciplines sans à priori affectif, ou émotionnel quant au respect des règles, ou à la réalisation d’une performance. (Ce qui n’est malheureusement plus le cas pour d’autres sports extrêmement médiatisés (ex : Le football véhicule malgré lui, un ensemble de comportements vis à vis du respect des règles plutôt tendancieux, et également une charge émotionnelle importante par rapport à la victoire ou à la défaite).

Des apprentissages techniques basiques… pour éviter des blessures ! Mens sane in corpore sano !

L’ancrage de la course à pied dans l’histoire de l’humanité s’avère être un paramètre intéressant à aborder en classe. Il apporte un éclairage scientifique, et une finalité à l’apprentissage purement sportif.

Les hommes ont des capacités naturelles de course en endurance, certes méconnues par beaucoup, mais très au-dessus des animaux (mis à part le cheval). Certains paléontologues prétendent même que l’homme se serait plutôt redressé pour courir, que pour marcher… (les hommes préhistoriques, vivant dans la savane africaine, avaient des techniques de chasse à l’ antilope basées sur l’endurance : ils étaient capables de courir moins vite, mais bien plus longtemps qu’elles… sans être épuisés).

Encore aujourd’hui, certains peuples mexicains vivant sur les hauts plateaux (les Tarahumaras) sont capables de couvrir des distances de plusieurs dizaines de kilomètres, sans fatigue, pour aller commercer avec un village voisin, et ce, grâce à un apprentissage technique de la course à pied très précoce.

Si nous sommes nés pour courir, cependant, beaucoup d’entre nous, en ont perdu l’habitude, ou du moins la technique: l’expansion de la pratique du jogging occasionel et en corolaire, le nombre croissant de blessures affectant ces pratiquants néophytes sont là pour nous le rappeler.

Un sport de pleine nature respectueux de l’environnement… avec une réglementation explicite !

Le triathlon présente également l’avantage d’insérer sa pratique dans des milieux naturels locaux, et donc insiste naturellement sur l’aspect sécuritaire, et prône un respect très stricte des lieux fréquentés.

Sa réglementation, qui laisse peu de place à l’interprétation, favorise également un arbitrage autonome de la part des élèves.

Du développement d’un réseau partenarial à la mixité des pratiques sportives ….

Développer le savoir nager, savoir courir, savoir rouler, nécessite bien évidemment des connaissances techniques, un matériel et des espaces qui sont parfois difficilement mobilisables au sein d’une école.

S’appuyer sur des compétences locales extérieures à l’école, et en faire comprendre les raisons aux élèves, engendre naturellement l’apprentissage de compétences coopératives nécessaires à tout collectif.

La valorisation de ces compétences dans le contexte sportif local donnera du sens, et de l’interêt aux apprentissages dans le domaine de l’éducation physique à l’école.

Développer le réseau partenarial, c’est aussi promouvoir la « tour de Babel » sportive. Quelque soit mon lieu d’habitation, quelque soit mon origine, le sport scolaire, fédéral, ou municipal m’offrira alors la pluralité des pratiques. Cette mixité sportive sera alors certainement le terreau d’une mixité tout court.

Le triathlon permet également une pratique très paritaire, puisque les compétitions sont ouvertes aux filles et aux garçons.

Quel contenu dans le projet ?

Le projet repose donc sur cinq axes forts:

  • Permettre un apprentissage sécuritaire, technique des disciplines sportives basiques que sont : la course à pied, la nage, le cyclisme.

  • Développer la mixité dans la pratique sportive au sein de la ville de Rochefort, et du pays rochefortais

  • Développer un réseau partenarial local (Club de triathlon rochefortais, Fédération Française de triathlon, service jeunesse de la ville de Rochefort, service des sports, Éducation Nationale, ESPÉ La Rochelle) afin d’optimiser les apprentissages.

  • Associer le plus possible les élèves à l’organisation des différentes manifestations afin de développer des pratiques citoyennes

  • Valoriser les atouts du pays Rochefortais en termes de situation géographique, d’appuis culturels et historiques.

Le club de Rochefort Triathlon, en partenariat avec le service des sports de Rochefort, le service jeunesse, et l’Éducation nationale propose ainsi des stages gratuits de découverte du triathlon aux enfants du pays rochefortais. Ils ont également pour vocation de faciliter l’accès des enfants issus des quartiers ciblés par la politique de la ville, à la pratique « technicoludique » enchainée de la course à pied, du vélo, et de la nage. Ces stages se déroulent le samedi après-midi, ou pendant les vacances, et ont pour but d’amener les enfants à une pratique en milieu naturel.

Le club de Rochefort triathlon, avec le même réseau partenarial, propose également plusieurs épreuves dans le cadre d’un week-end (le 16 et 17 septembre 2016) dédié aux sports enchainés.

La circonscription de Rochefort en partenariat avec le service jeunesse de la mairie, et le club de Rochefort triathlon propose la mise en place d’un module d’apprentissage du triathlon dans des classes de CM2 volontaires, avec toujours le même souci de mixité au niveau du public scolaire ciblé. Ces séances auparavant contruites au sein d’un groupe de travail partenarial (Éducation nationale, ESPÉ, fédération, service des sport municipal) se dérouleront en co-intervention, avec une aide logistique et technique du service des sports rochefortais. Elles permettront également de finaliser l’apprentissage des compétences relatives à l’APER et au savoir nager en fin de cyle 3.

Ce module permettra à chaque élève de cibler de manière la plus fine possible, le temps qu’il mettra pour effectuer 50 mètres de natation, 2 km 100 à vélo, et 1 km en course à pied, transitions comprises. Chaque élève sera donc évalué sur une performance, mais également sur la gestion de son effort, afin de respecter le contrat annoncé.

Au final, cette unité d’apprentissage débouchera sur un triathlon scolaire par équipe organisé au mois de juin par le réseau partenrial dans l’enceinte de la piscine municipale de Rochefort.

Un challenge par équipe sera également proposé aux élèves du pays Rochefortais, au mois de septembre, dans les jardins de la Corderie Royale, en partenariat avec l’association « Hermione »

L’épreuve scolaire sera organisée sous forme d’un rallye contractualisé, mais non chronométré.

Tout au long du projet, un partenariat avec le journal Sud Ouest permettra à un groupe d’élèves volontaires de CM2 de l’école Libération d’assurer la couverture médiatique du projet, avec pour fil rouge cette devise :

« un esprit sain dans un corps sain »

Jean-Christophe BOUHIER
IPEMF école Libération ROCHEFORT

Témoignage de Martial, professeur d’EPS en collège et développeur

  • Quels sont les avantages de l’utilisation du numérique pour l’exercice de ton métier ?

L’utilisation du numérique en éducation physique et sportive s’est imposée de fait. La question de son intérêt se pose plutôt en imaginant devoir faire sans. Et pour aider à bien se plonger dans le sujet, l’idée est de permettre, avant, pendant ou après une action motrice, de mettre en relation le résultat avec les conditions dans lesquels il a été obtenu, et je pense tout particulièrement aux actions effectuées.

Pour répondre au mieux à l’idée sous tendue par cette question, je transformerai le terme « avantage » en « plus-value ». Les débats actuels, les frilosités permanentes quant aux politiques d’équipements, qu’elles soient collectives ou individuelles, se nourrissent de ces notions d’avantages, peut-être moins que de celles d’inconvénients. C’est pourquoi, pour être le plus juste possible, je vais m’attacher aux « plus-values », car elles bénéficient à ceux qui en sont l’objet, les élèves, plutôt qu’aux commanditaires.

Partant de ce principe, il existe deux aspects qui me semblent fondamentaux :

  1. le traîtement rapide de l’information
  2. le retour immédiat (feed-back)

Je laisse volontairement de côté d’autres aspects (motivation, technologie adaptée aux évolutions actuelles, ou d’autres qui ne me viennent pas à l’esprit), car s’il existe, l’effet « whouaouh !» s’estompera très vite si on n’y met rien de concret derrière. Je renvoie chacun à sa propre expérience de vie personnelle « gadgétisante »  pour cela.

Donc, à l’usage, la combinaison des deux points privilégiés conduit à des constats cruciaux dans la démarche pédagogique, en permettant d’avoir des élèves informés de manière plus (pour ne pas dire « très ») complète dans un premier temps, et devenant autonomes, car très vite manipulateurs des outils, jusqu’à opérer le transfert de certaines des compétences de l’enseignant au sein de leurs groupes de travail ou individuellement (un niveau plus élevé, et qui s’atteint très vite en fonction des activités physiques supports).

Ma stratégie repose sur ce transfert.

Le savoir de l’enseignant est une réponse aux problèmes qui se posent aux élèves en fonction de la tâche à accomplir. Les élèves sont confrontés de différentes manières à ces problèmes. Les premières années de l’exercice de mon métier, j’ai opté pour une posture dirigiste, gestionnaire, accaparé par la nécessité de finir mon cours en respectant le rythme imaginé de ma séance.

Le temps aidant, mon activité s’est modifiée me permettant des sorties partielles de ce rôle et de constater mes erreurs (que j’attribuais alors à mes élèves (!)). En fait, mon premier vrai outil numérique d’observation a été un outil construit pour évaluer les progrès de mes élèves ainsi que le niveau d’atteinte des objectifs que je me fixais à chaque cycle et pour chaque classe… et le constat fut dramatique. Si moi j’avançais, eux pas autant que moi. Et au final, il y avait un taux trop faible d’atteinte globale des objectifs.

J’ai repris tout cela. J’ai changé de stratégie. J’y ai été beaucoup aidé par mon rôle de conseiller pédagogique. J’avais à travers mes bilans, l’image de moi-même en activité, un retour pertinent sur mon analyse grâce à une relation de confiance avec mes stagiaires, et ainsi du temps pour imaginer ce qu’il y a à produire. C’est de cette manière qu’est née l’application « BingoMatch », avec comme objectif de traiter très vite les résultats de l’observation (tout en la rendant plus simple, voire en y ajoutant un côté ludique), et surtout de la rendre disponible aux élèves. C’était il y a plus de quinze ans maintenant, et ce fut pour moi un vrai révélateur du changement de posture de l’enseignant au sein de la classe.

En quelques semaines, le passage d’un outil papier à un support numérique mobile (Palm m105 à l’époque) donnait au sein d’une leçon d’EPS, plus de résultats que 2 séances consécutives avec des retours décontextualisés de l’action. Et cela avec une stratégie impliquant l’élève dans l’observation, mais également dans l’analyse des résultats, ce qui me permettait de me positionner différemment dans les lieux et le temps. Naissance d’un véritable changement de posture qui aujourd’hui place les enseignants dans une interaction très différente avec leurs élèves, valorisant le savoir des premiers et impliquant les seconds de manière plus pertinente car plus constante. C’est un confort pédagogique conséquent.

  • Quelles en sont les limites ?

Existe-t-il réellement des limites ? Si je posais cette question à quelqu’un de l’institution, à un politique, à un collègue sceptique, à un parent d’élève suspicieux, il y en aurait pour chacun dont certaines communes. En réalité, je n’en connais qu’une pour l’avoir éprouvée : la tentation de ne pouvoir s’en détacher.

Et donc, celle où cela ne sert plus à rien ou pas du tout. Le numérique est devenu un outil de travail au même titre que mon sifflet ou mon chronomètre qui, d’ailleurs, très vite, sont devenus les outils de l’élève. Quand les réponses à apporter ne peuvent se trouver dans l’utilisation de cet outil, il ne sert à rien d’insister. Plus que tout, à l’usage, je me suis aperçu des objectifs annexes que l’on pouvait y adjoindre et des étapes franchies une fois ces objectifs atteints. Je souris toujours quand je rencontre un grand connaisseur TICE, numérique ou informatique, et qu’il énonce dans sa démonstration: « on voit des choses formidables en EPS, où les élèves se filment […] ». J’ai toujours très envie de dire « lol » !

Il y a beaucoup de complexité dans une situation pédagogique. Le choix des contenus et les objectifs d’aujourd’hui en terme d’éducation et de formation, s’ils n’ont pas réellement changé, se sont vus complétés par des occurrences très nombreuses, et très diversifiées.

D’un point de vue plus philosophique, je dirais que les limites s’imposeront également quand la source des envies, et donc des idées, viendra à se tarir. Ce sont celles qu’on nous oppose très (trop) souvent. Dans un monde en évolution constante, certains sont déjà passés à autre chose. Étape supérieure de l’évolution ou abandon des problématiques existantes par la fuite ?

Un peu des deux en réalité. Sauf qu’à agir de la sorte on éparpille des actions jamais abouties, ce qui pourrait décourager les plus investis, et qui, en tous cas, n’incite pas les plus prudents à s’engager réellement dans l’ère du changement. L’idée n’étant pas de mettre les gens en difficulté, mais bien de proposer à nos élèves un ensemble de choses validées sur le terrain et pouvant se diffuser de manière assez large.

Le numérique est un sujet de controverses où l’on dépense beaucoup d’énergie dans l’hyper-sécurisation et le contrôle alors même que peu de solutions fiables sont proposées pour accompagner le travail et l’apprentissage. Il n’y a qu’à se pencher sur le dossier des ENT, ou les politiques de choix de mode de déploiement des tablettes pour comprendre le fond du problème. Dans le premier cas, je serais surpris que la «  dérive administrative » des ENT puisse valoriser le développement d’une pédagogie qui utilise efficacement le numérique. Dans le second, on en est encore à débattre de la manière de procéder alors que partout se développent des usages qui sont autant de moyens de mieux penser les équipements et leur gestion.

Or, à contraindre sans cesse, on stérilise beaucoup des idées qui se font jour. Je ne compte plus les questions qui m’ont été posées sur les possibilités de faire (médiation, actions dans la classe, incitation à produire) avec les élèves, pour lesquelles les réponses des circuits classiques sont toujours attendues, pour cause de réflexion hors-sujet ! Et pourtant ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent : système inadapté, sécurisation, communication et charge des réseaux,…

Un fait important aussi, est de ne pas arriver à franchir le pas du « différemment ». J’ai trop souvent pu constater que la vraie transformation de posture ne s’effectuait pas, et que le numérique s’employait comme les outils d’avant. Ces formations orientées « outils » s’avèrent vite limitantes.

Vous l’aurez compris, les limites ne se situent pas à mes yeux, du côté des élèves, ni de leurs enseignants.

 

  • Pourrais-tu professionnellement  te passer des outils numériques ? Qu’est ce qui te manquerait le plus pour travailler ?

Ce qui me manquerait ?… Le temps consacré aux élèves ! C’est une évidence.

Lorsque je regarde l’état des réflexions et des débats sur le numérique, si on s’attache de plus à la pression permanente de l’industrie numérique sur l’éducation et les prises de position diverses, que voit-on ? Qu’entend-on ?

« Dans des logiques de marchés, et des ressources (je parle d’applications), les dépenses pour le numérique éducatif, c’est trop peu lorsque l’on compare l’institution et les familles (Educrak 2015) », « il y a urgence à considérer le caractère insupportable de la précarité de la situation actuelle (assises de l’AFINEF, Hervé Borredon au sujet des décisions à prendre pour lancer la révolution numérique dans l’éducation (octobre 2014 ref : Ludomag) »,… on en parle aussi à Ludovia, StartUp4Kids, An@é, Educatice, ed21,… la liste est longue.

Alors, je préfère m’attacher aux élèves parce qu’au sein même de mon activité de développeur, sans cette source d’inspiration constante, basée sur des constats permanents, la recherche de solutions, et l’évaluation de l’impact sur l’individu, il n’y a pas d’évolution possible de la tendance numérique. Or dans les espaces cités précédemment, il y a des décisions qui sont prises entre gens convaincus, pour ne pas dire exclusifs, qui peuvent avoir raison sur le fond, mais qui, à mon avis, se plantent sur la forme, parce que pour toucher du doigt les espaces de progrès, il faut les vivre en situation réelle. C’est la chance que nous avons, avec aussi l’opportunité de pouvoir proposer aux élèves des modes de production très différents des modalités classiques (pour certaines déjà numériques, ex : les diaporamas) qui permettent d’insérer des activités très diverses au sein d’un même support (de préférence mobile et tactile), accentuant la précision et favorisant l’originalité, la créativité et la sensibilité.

Et oui, je pourrais me passer des outils numériques. J’ai d’ailleurs mis en place des structures de cycle d’apprentissages où l’outil n’intervient que dans le cas concret d’un besoin identifié. Concrètement, il m’arrive d’avoir deux classes d’un même cycle la même année. Pour un même travail, l’approche peut-être différente, appuyée par une observation des caractéristiques des élèves et des objectifs que je vais me fixer avec eux. De fait, des contenus différents, donc des moyens différents, pour des stratégies d’atteinte de niveaux identiques.

Mais globalement, j’y trouve tellement d’intérêt pratique que c’est difficile de s’en priver. Et puis, il y a un facteur important, sur lequel je reviendrai souvent : nos élèves apprécient la démarche. Celle de « savoir », de « connaître ». Et ils sont demandeurs ! Et de plus en plus souvent, ils sont les vecteurs de la transformation des collègues au sein de l’équipe, car ayant identifié des plus-values liées à ces usages, même si elles peuvent être différentes de celles que j’énonce, ils vont au devant des collègues encore hésitants pour leur demander d’adopter certains fonctionnements qu’ils trouvent intéressants.

J’ai à ce propos un bel exemple à proposer : ChronoPerf. Une application tablette se présentant comme un chronomètre (un outil classique) mais qui apporte un écosystème de bilan, gestion et transmission sans précédent. Un outil basé sur l’expérience professionnelle permettant la construction de stratégies très personnelles. Un outil qui se place très facilement entre les mains des élèves et les rend très autonomes très rapidement dans le domaine de l’action, du bilan et des responsabilités.

 

  • En dehors de l’utilisation du numérique avec les élèves, quelles autres utilisations en fais-tu (formation,préparation, relations avec l’administration,…) ?

  • Que t’apporte le numérique dans l’exercice de ton métier hors la classe ?

La quantité d’expériences acquises ne s’est pas faite toute seule. Après avoir éprouvé ma volonté de faire différemment sur le terrain, j’ai rejoint un « GEP », groupement d’expérimentation pédagogique. On en trouve, sous des noms parfois différents, dans toutes les académies.

L’expérience partagée a débouché sur 2 choses très importantes dans mon évolution professionnelle :

– la mise en place de formations pédagogiques intégrant le numérique, y compris au sein de mon activité de formateur APSA spécifique (VTT, Rugby)

– la création d’une structure de développement, et d’un écosystème EPS complet visant à concrétiser les propos de cette interview (PDAgogie.com, FacebookTwitter).

Du point de vue de la formation, la tâche est très intense. Il y a plusieurs phénomènes qui se développent.

La formation professionnelle continue en est un des rouages. Au sein de l’académie de Versailles, cela représente de 250 à 400 demandes annuelles avec un taux d’acceptation de plus de 80%. Cela fait beaucoup de monde, et surtout des gens très motivés, poussés par des politiques d’équipements qui les mettent parfois en difficulté au lieu d’améliorer le travail au quotidien. Nous en sommes à décliner les niveaux de formation afin de pouvoir avoir une offre progressive, nourrissant les attentes de chacun, en plus de donner un vrai élan.

Il y a ensuite le domaine universitaire et la formation initiale. les montages se font de manières très diverses, et j’espère pouvoir participer à une structuration efficace du C2i, C2i2e et au-delà dans les Masters.

Depuis 2 ans maintenant, je consacre du temps au réseau CANOPE. Mon point de vue est assez critique sur cet organisme, mais ma volonté d’aider les collègues y trouve d’excellents supports. J’y développe depuis peu des aspects fondamentaux de l’interdisciplinarité (le FREPS : une vision de l’interdisciplinarité), motivé dans ma tâche par l’arrivée des EPI qui, au delà des prises de position diverses dans les salles des professeurs, correspondent à la concrétisation de travaux interdisciplinaire entrepris sporadiquement sur le terrain. Cette discussion transdisciplinaire revêt un caractère des plus intéressant, et j’ai redéfini ma mission d’animateur/formateur au sein de CANOPE  en véritable service de développement (1871 : une application ressource), rendu localement ou plus largement, à des collègues ayant des envies, des idées mais très souvent démunis face à des difficultés techniques, et parfois aussi face aux élèves.

Le dernier point que j’aborderai est le plus cocasse. On pourrait penser, pour qui le vit de l’extérieur, que la simple motivation à vouloir répondre aux besoins des élèves et aux attentes de l’institution peut suffire à promouvoir les actions pédagogiques.

Venant de la base, il n’en est en réalité… rien ! Malgré les réponses données à des questions pertinentes et intéressantes posées à notre groupe de travail sur les changements au sein de l’école provoqués par l’arrivée de nouveaux outils, l’inertie systémique, les contraintes financières, de calendrier, et autres prétextes (ex.: « on n’apprend pas mieux avec le numérique ») ne permettent pas d’aboutir à des développements locaux encadrés, ou tout du moins accompagnés.

Bien que ce n’en soit pas réellement une, une des limites à la réussite de l’intégration du numérique dans l’éducation se trouve à l’usage dans la ressource. Je précise mon propos par le fait qu’on y entre pas par l’adaptation, la prospection et l’innovation, mais qu’on y avance par la concrétisation, la réflexion, l’action ciblée et cohérente. De quoi parle-t-on ? De « Faire entrer l’école dans l’ère du numérique » ! Et depuis le début, je trouve que la phrase est obsolète avant même d’avoir été énoncée, car à bien y regarder, cela faisait longtemps qu’on y était. Il reste donc à imaginer, et produire la suite.

Mon dernier point, puisque la question est de savoir quel est l’impact de tout cet exposé sur mon quotidien, est de dire que pour en arriver à ce que vous me sollicitiez, vous ainsi que d’autres, il aura fallu passer par certains sacrifices fondamentaux qui devaient aboutir à faire en sorte que nous puissions développer des applications, suivre les évolutions, apporter du matériel sur le terrain, pousser la réflexion au-delà de l’outil et opposer des idées à des lignes tracées en dépit de certaines précautions à prendre. C’est ainsi qu’une part non négligeable de mon temps (mais aussi celui de deux de mes collègues, David Perissinotto et Eric Dalewski, tous deux enseignants et proches des élèves et des équipes pédagogiques) est donné au développement de PDAgogie.com qui permet à des structures comme notre GEP, ou CANOPE de bénéficier de compétences qui ne se développent pas dans les circuits classiques.

Par l’intégration numérique, on a retrouvé certaines manières de travailler (classe inversée, mode de production des élèves, autonomie intelligente) et on en crée de nouvelles (organisation des espaces et du temps, dialogue hors la classe avec l’enseignant, ouverture des ressources). La vraie révolution se situe là, dans la relation pédagogique. Et soyez assuré que de tout cela, les plus grands bénéficiaires sont et demeurent, nos élèves !

Martial Pinkowski

 

Chroniques d’un Professeur des Ecoles devenu Prof d’EPS

Enfant d’enseignants, j’ai eu la chance de ne jamais quitter l’école depuis l’âge de 3 ans ; même mon service militaire chez les Pompiers de Paris m’a permis d’enseigner.

L’Éducation Nationale m’offre ce que j’ai toujours souhaité : les conditions pour m’épanouir dans mon métier. Enseigner c’est avant tout éduquer, partager, rendre heureux les élèves dans leurs apprentissages.

Dès ma première année d’enseignement dans le primaire en 1998, Porte de Champerret à Paris, j’ai découvert le monde de l’USEP (Union Sportive Enseignement Premier degré) qui permet de proposer aux élèves, dans et hors temps scolaire, un    complément des enseignements de classe, par le biais sportif.

Fraîchement arrivé en Dordogne, je me souviens de l’appel téléphonique en 2004 de Stéphane Crochet, alors secrétaire départemental SE-Unsa, m’annonçant l’obtention du poste de directeur dans le village de Chantérac. Quelle joie ! Quelles responsabilités ! Un nouveau défi professionnel. Je découvre à ce moment tous les rouages d’une école.

Acteur local pour l’USEP, je décide quelques années plus tard de passer le CAFIPEMF (Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Professeur des Ecoles Maître Formateur) et deviens maître formateur en EPS : en effet, j’ai la chance d’obtenir un poste de conseiller pédagogique EPS en Dordogne. Je m’investis également davantage à l’USEP pour en devenir quelques années son président départemental.

En 2010, un collègue et ami obtient son détachement dans le secondaire pour être Professeur d’EPS… une passerelle magnifique à mes yeux, moi qui valorise l’EPS au quotidien depuis le début de ma pratique professionnelle et personnelle.

Je tente alors trois années de suite des demandes de détachement qui n’aboutissent pas. Rappelons que le détachement est la position d’un fonctionnaire placé hors de son corps d’origine mais qui continue à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l’avancement et à la retraite.

Arrivé à 40 ans, je découvre qu’une autre possibilité s’offre à moi sous forme d’accès à la liste d’aptitude. En effet, en dehors de la voie des concours externes ou internes, l’accès au corps des professeurs d’EPS est possible par inscription sur liste d’aptitude, sous certaines conditions de diplômes, d’ancienneté et d’âge notamment.

Et c’est  Yann Chandivert, élu SE-Unsa en CAPN (Commission Administrative Paritaire Nationale), qui m’annonce l’énorme nouvelle à la fin de l’année 2014-2015. Je suis admis sur liste d’aptitude et serai Professeur d’EPS stagiaire à la rentrée scolaire dans mon département, la Dordogne. Actuellement en poste sur un lycée professionnel, j’ai le plaisir d’enseigner l’EPS et de participer aux différents projets fédérateurs de l’établissement.

Ce qui change pour moi :

– La découverte du monde du secondaire, les relations pédagogiques et humaines au sein d’une plus grosse équipe pédagogique.

– Le changement d’élèves à chaque cours contrairement au suivi continu dans le primaire.

– L’approche de la relation et du suivi dans les apprentissages est différente mettant en avant l’importance du partage entre collègues.

– La continuité, pour moi, dans l’apprentissage de l’EPS.

– Les liens USEP et UNSS.

– Le constat de l’importance de l’accompagnement et de la valorisation que chaque élève est en droit de   recevoir malgré les difficultés scolaires et/ou sociales rencontrées.

– …

La fin d’année verra ma validation, je l’espère, par ma hiérarchie pédagogique et administrative, me permettant de participer au mouvement intra-départemental en Aquitaine. De nouveaux horizons s’ouvrent donc à moi, pour mon grand plaisir.

Stéphane CHAGNON