Accueillir un élève autiste en CP, Xavier témoigne…

Xavier est professeur des écoles depuis 2005. Il a toujours été dans des zones prioritaires et a pu travailler sur tous les niveaux de l’école élémentaire. Actuellement, il a une classe de CP sur Drancy en REP.

Il accueille un enfant dans sa classe dont le diagnostic serait un trouble autistique.  Il a fait ses trois années de maternelle puis est arrivé en classe de CP. La MDPH lui a accordé 18h avec une AESH sur le temps scolaire, les 6h restantes il est en prise en charge extérieure.

1. Comment s’est passée l’arrivée de ton élève en situation de handicap ?

Les élèves le connaissent de la maternelle. Ils étaient dans la même classe pour certains et dans la même école pour d’autres. Il y a une bonne intégration au sein de sa classe. Les autres élèves l’aident, ils sont gentils et bienveillants. Il n’est pas stigmatisé. Il est, cependant, assez solitaire, il ne va pas vers les autres. Dans la cour, il ne participe pas aux jeux collectifs. Cela vient de son trouble, il a des difficultés à entrer en communication avec les autres, à être en relation duelle.

Malgré les inclusions, il n’y a pas de réels échanges entre les élèves. Souvent, on constate dans les cours d’école que les élèves de CLIS ne jouent pas avec les autres.

Il a 2 AESH réparties sur 18h avec lui. Elles l’aident à le canaliser dans les apprentissages. Il n’est ni violent, ni perturbateur. Elles sont deux parce que leur contrat est établi pour un nombre d’heures pour plusieurs élèves. L’une d’elles travaillaient déjà avec lui l’année dernière.

Il sait des choses mais a des difficultés à les utiliser à bon escient. C’est difficile pour lui de réinvestir les apprentissages. Il n’a pas un énorme retard par rapport aux autres élèves pour le moment. Pour moi, le temps sans l’AESH est difficile, c’est un élève qui a besoin de la présence permanente de l’adulte sinon il se disperse, il se lève, se lave les mains plusieurs fois dans le point d’eau de la classe. Quand on lui rappelle les règles de la classe, cela le recentre.

L’année dernière, quand j’ai su que j’étais affecté sur cette école sur une classe de CP, j’ai demandé à assister à la réunion parents/professeurs. Nous ne savions pas encore quelle serait sa classe. Je n’ai eu aucune information sur la situation.

2. As-tu bénéficié d’une aide, d’une formation ou d’information pour l’accueillir ?

Je n’ai bénéficié d’aucune aide et encore moins d’information.

Nous sommes obligés de chercher par nous-même. Quand je dis nous je parle des AESH et moi.

3. Comment cela se passe-t-il en classe ? y-a-t-il un aménagement spécifique ? une prise en charge autre que celle de la classe ? Rôle de l’AVS ?

Les AESH ont eu une formation, cependant, aucune sur l’autisme spécifiquement. Elles sont très compétentes mais par rapport à ce qu’elles devraient apporter à cet élève, elles sont limités faute de formation. Nous n’avons aucune information sur la ou les prises en charge extérieures. Je ne sais pas qui s’occupe de lui en dehors de l’école. De plus, j’ai rarement vu les parents.

Cet élève a une bonne mémoire, il s’en sort sur tout ce qui concerne les apprentissages automatiques, il est rentré dans une lecture globale. MAIS entrer dans la syllabique, la combinatoire ce n’est pas possible pour l’instant. Je n’ai pas les moyens ni les connaissances pour l’aider et je ne dispose d’aucune formation pour m’aider à l’aider. Je suis obligé de faire avec mes propres moyens.

Ni moi, ni les AESH ne sommes formés pour l’accueillir dans de véritables conditions d’inclusion.

4. Quelles seraient tes attentes pour améliorer cette inclusion ?

J’aimerais un minimum de formation. Mes limites sont réelles, je n’ai pas été formé à enseigner aux élèves en situation de handicap « je ne sais pas faire ».

En discutant avec la psychologue scolaire, on s’est rendu compte des limites de l’inclusion. Elle-même a des connaissances limitées dans le domaine de l’autisme.

L’inclusion sociale est relativement bien faite. L’inclusion du handicap « y a rien ». Personne ne m’a jamais contacté pour m’expliquer quoi faire. La psychologue scolaire m’a donné des pistes mais encore une fois rien de vraiment spécifique à l’autisme.

La loi de 2005 est une bonne loi, mais ce qui est mis en œuvre ne suffit pas. Ce qui devrait être mené pour que cette loi soit efficace n’est pas fait. Il n’y a ni les moyens humains ni les moyens financiers. Il est impossible de mettre en place une bonne inclusion sans les moyens. Nous avoir imposé une loi sans nous expliquer comment nous donne l’impression qu’il s’agissait d’une loi pour faire plaisir aux parents, à un électorat.

Je suis incapable de le faire progresser comme il faudrait. L’année prochaine « qu’est qu’on va faire » ? Il va sûrement aller en ULIS. « Comment l’aider si nous ne sommes même pas formés ? ».

Nous sommes dans un secteur géographique où les REP et les REP+ sont en grand nombre. Nous devons faire face à des problèmes économiques, sociaux. Nous avons beaucoup d’élèves en difficulté sans être dans le champ du handicap. J’ai été formé pour ces élèves en difficulté mais pas pour ceux en situation d’handicap.

Je suis dans une classe avec un effectif idéal, je n’imagine même pas les collègues avec des classes à 30 et plus ! « On nous demande de réaliser des miracles ».

Je me demande si les adultes en situation d’handicap sont eux-mêmes bien inclus dans notre société. Est-ce que les moyens mis en place sont à la hauteur de la loi ou est-ce juste pour faire plaisir à un électorat ?

Quand j’étais en formation à l’IUFM c’était en 2004, la loi était en pleine conception. Je n’ai rien eu en relation avec l’ASH ou même l’idée d’accueillir des enfants en situation de handicap. Aujourd’hui, j’ai dix ans d’ancienneté et je n’ai toujours rien. La formation continue ne m’a pas non plus permis de pallier mes carences. Si on veut vraiment que les élèves soient dans une réelle inclusion, il faut former les PE pour qu’ils puissent répondre aux besoins.

 

 

(Visited 3 548 times, 1 visits today)

5 thoughts on “Accueillir un élève autiste en CP, Xavier témoigne…

  1. Salut Xavier !
    Ton témoignage recoupe celui de beaucoup de collègues que je connais qui sont dans la même situation que celle que tu vis.
    Merci d’avoir partagé « tes états d’âme ». J’ai vu sur la page FB du SE55 que certains collègues se reconnaissent dans ton vécu.
    A plusieurs on se sent parfois moins seuls… Merci au SE-UNSA de tisser des liens entre les collègues.

  2. l’éducation nationale a publié un guide de 80 pages sur les enfants autistes , je ne me souviens plus du titre c’est un guide pour les enseignants. Sur le net en tapant autistes et scolarisation ou autre mots clefs on peut trouver plusieurs outils ou doc. Guide pour les enseignants, les aesh etc… Souvent il suffit d’observer l’enfant et avoir du bon sens du moins pour les enfants autistes qui arrivent au cp. Mais si je le conçoit cela ne suffit pas? mais c’est déjà un début. Je suis enseignante, mère d’un enfant autiste scolarisé au collège en 3eme. Il y a deux ans j’ai eu dans ma classe de maternelle 3 enfants autistes, ils n’avaient pas de diag de posé, donc pas d’avsi, 28 élèves de PS , demande d’avsi faite, ils ont eu leur avsi en moyenne section donc un an après. Je ne connais que trop bien le bénéfice de l’inclusion scolaire pour ces enfants et donc il était hors de question pour moi de les refuser dans ma classe même sans avsi , ils ont progressés, ont été inclus, acceptés par les autres élèves à qui j’avais explicité le souci de ces enfants et maintenant qu’ils sont en grande section et qu’ils vont passer en cp l’an prochain (2 sur 3) je suis heureuse pour eux et leur famille, fière des progrès et fière de n’avoir rien lâché pour qu’ils puissent être intégré. Ok, nous ne sommes pas formés par l’EN mais j’ai eu l’habitude de dire aux enseignants de mon fils , pas formés pas « déformés » j’ai toujours préféré un enseignant « pas formé » mais motivé, observateur et plein de bon sens avec lequel je pouvais travailler, informer qu’un enseignant « formé » qui sait tout, mieux que tout le monde, croit connaitre l’autisme et qui ne se remet pas en cause. L’autisme de mon fils et de mes élèves a transformé ma pratique, m’a appris beaucoup au niveau pédagogie et ce avec tous les élèves pas seulement les élèves avec un handicap. En maternelle nous sommes en première ligne si je puis dire dans le champ de l’inclusion, au primaire, en cp les enfants avec un handicap ont évolué et connu l’école enfin pas tous il est vrai et surtout pas toujours dans de bonnes conditions, je le déplore. Comme vous j’aurai aimé une formation mais pas n’importe laquelle une formation qui respectent les recommandations de la halde et des dernières découvertes en neurologie et dans les méthode psychoéducatives et pas une formation psychanalysante avec freud, dolto, Bettelheim ou Lacan comme peut nous le proposer l’académie. Faute d’une formation de qualité alors je préfère pas de formation de la part de l’EN. Faute de mieux en attendant le net regorge d’infos et il existe même un canal de formation gratuit fait par des pédagogues : Canal autisme

  3. Je lis :  » De plus, j’ai rarement vu les parents. » En effet si les parents ne cherchent pas plus à coopérer avec l’équipe enseignante cela ne simplifiera pas les choses. Mais dans le parcours de cet enfant ont ils voulu coopérer ? Ont ils été échaudés par certains vieux réflexes, que malheureusement l’on rencontre parfois encore, du corps enseignant type ‘ici c’est l’école vous les parents n’avez pas à vous immiscer’ ? Ensuite malgré le manque de formation spécifique sur l’autisme, il faut savoir que les parents ne sont pas formés à l’autisme non plus lorsqu’ils découvrent que leur enfant en est porteur (et il y a tant de formes d’autisme ! ), un enseignant motivé par son métier et sa volonté de transmettre au plus grand nombre ses connaissances saura toujours s’adapter, trouver le déclic chez l’enfant comme il le fait tous les jours face à ses 24 ou 30 élèves tous différents dans leurs comportements et capacités d’apprentissages. Pour mon enfant j’ai été très agréablement surpris 3 années sur 4 de rencontrer des enseignants qui ont accepté et su faire évoluer cet enfant un peu particulier au sein de leur classe en mettant en place des stratégies différentes qui souvent servaient également aux copains copines, en coopérant assez facilement avec les AVS et les parents. Je ne peux que les en remercier d’autant plus que je sais que cela n’a pas toujours été bien vu pas leur hiérarchie un peu coincée il faut le dire. A Xavier et tous ses collègues confrontés à ces enfants ‘différents’ je voudrais dire : soyez vous mêmes, ne cherchez pas midi à quatorze heures, chaque enfant handicapé ou non est différent alors faites comme vous le sentez dans l’intérêt des enfants vous saurez trouvez les bonnes approches celles qui fonctionnent plus avec Paulo mais moins avec Lili etc… Mais ne perdez pas de vue qu’en enfant même autiste est capable d’apprendre, à son rythme c’est vrai ! et qu’il a besoin de tous enseignants, parents et autres professionnels qui le suivent pour évoluer sur tous les plans et trouver une place dans ce monde trop formaté.

  4. Triste constat et triste avenir.

    Cet enfant a besoin de plus de temps de scolarisation que les autres enfants du fait de ces troubles et d’une aide plus soutenue pour entrer dans les apprentissages scolaires.

    Et il a moins de temps de scolarisation que ses pairs.

    Ses difficultés se caractérisent par une cécité sociale. Il a besoin d’apprendre les interactions sociales ce qui ne peut se faire qu’en maximisant le temps d’interaction avec les pairs et il dispose de moins de temps que les autres pour être avec d’autres enfants.

    Avec 18H d’accompagnement par semaine il ne peut certainement pas aller à la cantine ni aux TAP et est-il accompagné pendant les heures de récréations ? Alors même que ces temps périscolaires sont des temps privilégiés pour l’apprentissage des interactions sociales.

    Si les parents insistent pour que l’enfant soit scolarisé à plein temps même sans accompagnement alors l’enseignant se retrouvera dans une situation de contraintes paradoxales et les relations avec les parents se dégraderont et l’enseignant harassé sera conduit à accepter de dire que la meilleure solution est l’orientation vers le milieu spécialisé s’il veut sauver sa propre santé.

    Il semble prévu que l’année prochaine, il ira en ULIS (ex CLIS autisme certainement) alors même qu’il a besoin d’un accompagnement individuel constant et il se retrouvera avec des enfants ayant eux-mêmes des difficultés de communication et d’interactions sociales.

    Comment peut-on sérieusement croire que dans le milieu ségrégué d’une ULIS ,entourés d’enfants eux-mêmes atteint de cécité sociale, cet enfant démunis de compétences sociales évoluera plus positivement dans les compétences sociale qu’en milieu ordinaire entouré d’enfants socialement compétents ?

    De l’ULIS , l’enfant ira dans une institution avec une camisole chimique et quelques passages à l’ HP, si les parents ne réagissent pas pour sortir leur enfant de la spirale infernale qui conduit à l’euthanasie sociale programmée.

    Au mieux si l’enfant reste en milieu ordinaire jusqu’à la 7eme, l’organisation du décrochage scolaire aura produit tous ces effets avec le faible temps de scolarisation qui ne lui permettra d « avoir le niveau » pour entrer en 6eme et là on indiquera aux parents la case IME ou ULIS.

    Et tout çà pourquoi ?

    Parce que ces enfants sont d’abord vus par de trop nombreux acteurs institutionnels comme un potentiel de « prix de journée » avant d’être vus comme des enfants qui ont seulement des besoins éducatifs particuliers et que la dérive de l’institution en a fait une machine de recrutement pour les Etablissements Médico-Sociaux dont la société se refuse à examiner le fonctionnement de peur d’y découvrir le pire comme l’a rappelé récemment le rapport de l’ONU sur la situation de la France au regard de l’application de la convention des droits de l’enfant.

  5. C’est bien ce que réclame aussi les parents et les associations de parents d’enfants différents : la formation initiale sur les troubles divers que les Enseignants vont forcément rencontrer dans leurs classes… Nous savons bien que les moyens manquent mais parfois des choses simples peuvent être mises en places pour aider ces enfants là en plus des AESH et des prises en charges extérieures. Ne serait ce que la bienveillance et des paroles valorisantes en acceptant d’adapter les exigences dans les apprentissages….un « tu as des difficultés mais je t’encourage à progresser » vaut mieux qu’un  »tu ne sais pas tes leçons, tu ne travail pas assez » (bin si mais j’ai un trouble de la mémorisation et de l’attention)….et tant d’autre mots pour des maux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *