La Réunion : témoignage

Une expérience hors du commun : enseigner à Mafate

« Pour enseigner à Mafate, il faut être capable de supporter la solitude toute la semaine et ne pas être exigeant quant aux conditions de logement (on a le strict minimum dans le logement mis à disposition par la mairie et il n’y a pas de loisirs ici). Mafate étant enclavé, il faut faire au minimum 4 kilomètres pour rejoindre son poste. Je travaille à l’îlet à Bourse, îlet situé au cœur du cirque et je dois emprunter la Rivière des Galets. Quand la piste des 4×4 de la rivière est praticable, je marche 9 kilomètres. Sinon, comme en ce moment, je dois parcourir 22 kilomètres. Cela ne me gêne pas quand je rentre chez moi, c’est pour rejoindre mon poste que ça me pose problème: c’est trop long et j’arrive à l’école très fatiguée. Alors, je fais un demi tour de l’île en voiture et je ne marche que 3 heures.

J’ai en charge une classe unique de 11 élèves âgés de 3 à 12 ans (de la TPS au CM2).

Dans le Cirque de Mafate, il y a 8 écoles et une dizaine d’élèves dans 6 écoles.

À l’îlet de la Nouvelle et celle de Roche – Plate, l’école comprend 2 classes.

On y travaille du lundi 13 h au vendredi 11 h 30 et le mercredi toute la journée ; cela a toujours été ainsi car les enseignants viennent de la côte. Ils rejoignent leur poste le lundi matin et regagnent leur domicile le vendredi après-midi. Une fois par mois, tous les enseignants de Mafate se retrouvent à l’Inspection pour les concertations avec la coordinatrice des écoles de Mafate et certaines fois pour les animations pédagogiques. L’IEN nous rend visite une fois dans l’année et  vient à pied. En septembre dernier, monsieur le Recteur est venu se rendre compte de l’équipement de nos écoles accompagné de monsieur l’Inspecteur et de l’équipe de la mairie.

La mairie prend en compte nos doléances en ce qui concerne l’école et les élèves. Nous voyons aussi le médecin scolaire, le dentiste, l’assistance sociale et les gendarmes quelquefois nous rendent visite.

À l’îlet à Bourse, les parents sont formidables et toujours partants pour ce que nous proposons aux élèves. Il existe une solidarité qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Cet îlet est peu habité : moins de 50 habitants. Lorsque l’école fait une manifestation, tous les habitants répondent présent et chacun apporte son aide.

L’école est bien équipée : tableau mobile, tableau numérique, 6 ordinateurs portables, 2 photocopieurs. On a Internet avec un routeur de SFR.

J’ai 2 élèves en CM2 qui vont aller en 6ème sur la côte : l’une à la Possession,l’autre à St Paul. Elles seront dans des familles d’accueil et ne monteront dans le cirque que pendant les vacances. Le départ de ces élèves est une déchirure pour les familles qui se font du souci et se posent beaucoup de questions.

Parfois, les enfants changent de famille quand ça ne fonctionne pas.

J’ai voulu retourner à Mafate par amour de Mafate : il y a ses paysages grandioses, ses habitants réservés, accueillants et attachants si on les respecte, ses élèves qui ne sont pas blasés, qui ne demandent qu’à apprendre et qui ont de grandes possibilités. Ici, on pratique la pédagogie différenciée. Les grands s’occupent des petits, les consolent. Ici, l’enseignant apprend aussi des élèves (en ce qui concerne la faune et la flore). Ils ne sont pas timides engagent des discussions, posent des questions et font des propositions.

Les difficultés que je rencontre à Mafate : ma radio ne capte pas ; je n’ai pas de télé donc je ne suis pas au courant des actualités ; la rivière en crue m’oblige à faire un demi-tour de l’île. Parfois on n’a pas Internet.

Il y a aussi des avantages : la sérénité, le calme, la beauté du site, la gentillesse des habitants. En termes pécuniers, je dispose de 150 € pour gérer les affaires de l’école. On a l’eau chaude et l’électricité par énergie solaire.

Je ne pouvais pas retourner à Mafate tant que mes enfants étaient en bas âge. Bientôt la boucle sera bouclée pour moi : il y a trente ans, je commençais ma carrière à Mafate la Nouvelle et je vais la terminer à l’îlet à Bourse. Au début de ma carrière dans le cirque, l’école n’était pas dotée. Il n’y avait que des meubles (vieilles tables d’écoliers avec bancs incorporés, tableau noir et armoire). Il fallait mendier auprès des écoles de la côte pour avoir des manuels, des jeux . . . il n’y avait pas de coopérative scolaire. Aujourd’hui, toutes les écoles du cirque sont équipées de la même manière et la coopérative existe. Pour approvisionner le compte, nous faisons des actions : kermesse, vente de tee-shirts de l’école, de confiture maison fournie par les parents, bijoux . . . »

Témoignage de Solange

Crédit photo : Rivière des galets, cirque de Mafate par Laurent Echiniscus

 

 

Le bilinguisme : un cheval de bataille du SE-Unsa

Le SE-Unsa a toujours pensé que la langue et la culture réunionnaises devaient avoir leur place dans l’enseignement à la Réunion.

Si les débats polémiques ont laissé la place à des considérations plus pédagogiques, il n’en demeure pas moins que le combat est loin d’être terminé.

En 2001, est créé le Conseil académique pour les langues et la culture réunionnaises chargé de promouvoir les langues et les cultures régionales et leur enseignement. Ce conseil, qui devrait affirmer une volonté académique, se réunit trop rarement et selon la volonté des différents Recteurs.

En 2012, il y avait 210 enseignants habilités pour seulement 20 classes bilingues… Les choses avancent mais trop lentement par rapport à l’urgence de la situation.

Le SE-Unsa se bat pour un véritable développement de l’enseignement bilingue, pour que les petits réunionnais, grâce à une meilleure maîtrise des deux langues, puissent améliorer l’apprentissage du français mais aussi d’autres langues.

Crédit photo : Jean-Pierre Dalbéra

L’École pour tous : un défi à la Réunion

Ce n’est qu’en 1946 et avec la départementalisation que l’École a commencé à se développer.

Jusqu’en 1997, l’académie était la plus mal dotée de France, mais après de longues luttes syndicales, nous avons obtenu un plan de rattrapage de 1 900 postes sur quatre ans.

Si, de facto, cela a entraîné une amélioration du taux d’encadrement, il nous faut maintenant passer à une phase plus qualitative prenant en compte nos spécificités. La Réunion reste confrontée à un taux d’illettrisme élevé : en 2011, l’Insee dénombre 116 000 illettrés dont un jeune sur sept (sur environ 850 000 habitants) et démontre que les jeunes les plus touchés sont ceux dont la seule langue parlée dans leur famille est le créole.

Pour mieux lutter contre le décrochage de nombreux jeunes, nous avons besoin de moyens supplémentaires notamment en ASH.

Le SE-Unsa et l’Unsa-Éducation militent depuis toujours pour une reconnaissance de la langue et de la culture réunionnaise afin que soient prises en compte les réalités de l’apprenant pour un meilleur apprentissage du français : des classes bilingues doivent être développées dès l’école maternelle.

Sacrifiée ces dernières années, la scolarisation des enfants de 2 ans est une priorité, il faut renverser la tendance.

 

 Jean-François RIALHE, Secrétaire départemental du SE-Unsa

 Crédit photo : DrWNaucala