D’AED vers CPE, le parcours de Justine…

Après un parcours universitaire en sciences du langage, vous préparez dans un premier temps le concours du professorat des écoles. Quelles sont les raisons profondes qui vous ont poussé à choisir cette orientation ?

J’ai toujours souhaité travailler dans l’enseignement, partager et transmettre des connaissances. Je me suis donc naturellement dirigée vers le professorat. J’ai passé le concours de professeur des écoles mais je ne l’ai malheureusement pas obtenu. Puis, j’ai été recrutée en tant qu’AED dans un lycée où j’ai compris ce que je voulais transmettre : ce n’était pas un savoir mais un savoir vivre, une compétence sociale. C’est à ce moment-là que j’ai découvert le métier de CPE.

Assistante d’Education pendant 3 ans et demi dans un lycée bisontin, vous devenez une étroite collaboratrice des CPE. Quelles sont les responsabilités qui vous ont été confiées ? Que vous-ont-elles apportées ?

Je suis arrivée en cours d’année scolaire sur le poste de « bureau de vie scolaire ». Il a fallu s’adapter très vite. J’étais chargée, par délégation du CPE, du suivi des élèves absentéistes avec deux autres de mes collègues. Selon la légitimité des motifs et la régularité des absences, nous opérions une pré-sélection des élèves que le CPE convoquait ensuite. La préparation du baccalauréat était également une lourde responsabilité. J’organisais avec deux AED de confiance la mise en place des salles et je préparais aussi tous les documents officiels. Nous nous assurions de la présence de chacun et du bon déroulement des épreuves. L’anonymisation des copies et l’envoi de chaque paquet au rectorat ou dans les autres établissements était un moment déterminant. Grâce à ce poste d’AED j’ai découvert le contact avec les élèves, une proximité essentielle pour les aider à grandir. L’écoute m’a permis de soulever certains problèmes d’élèves. Il y a eu des moments difficiles où il a fallu prendre une décision, pour le bien de l’élève, en accord avec le CPE et le chef d’établissement.

Depuis cette rentrée, vous êtes en poste dans un collège rural à gros effectif. Quels points communs et quelles différences voyez-vous entre les missions d’un AED en collège et en lycée ?

Il y a moins de responsabilités administratives en collège. Le nombre d’absences étant moindre, c’est le CPE qui gère les absences directement. En revanche, la surveillance est plus importante en collège qu’elle ne l’était au lycée. En effet, les élèves, plus jeunes sont plus dissipés. Leur comportement vis-à-vis de l’adulte est également plus immature. Je me rends compte qu’être devenue mère de famille m’a permis de mieux comprendre les élèves et de les accompagner au plus près de leurs besoins.

Au sein de votre village de Haute-Saône, vous êtes membre active du comité des fêtes et vous mettez en place plusieurs actions dont certaines bénéficient aux écoliers et aux collégiens. Lesquelles ? Quelle est votre place au sein de l’équipe organisatrice ?

Je suis membre du comité des fêtes, au même titre que les 19 autres personnes qui le constituent. Nous organisons plusieurs manifestations durant l’année qui profitent aux jeunes du village, dont certains font partie du collège dans lequel je travaille. Lors de la fête patronale, nous offrons une boisson et un tour de manège à chacun des enfants et adolescents du village. La « marche gourmande » est également un moment convivial où petits et grands se promènent et mangent ensemble, dans une ambiance festive. Les bénéfices de l’association nous permettent d’offrir des fournitures de bureau aux enfants du village tels que des sacs ou des feutres. Nous organisons également, plusieurs fois par an, des soirées “jeux de société” où tous sont invités. J’ai bien évidemment un contact privilégié avec les élèves de mon village et j’ai pu constater qu’ils me respectaient plus.

Vous avez représenté votre CPE à un stage de formation continue destiné aux référents citoyenneté. Quel a été le programme de cette journée et quels sont les points saillants que vous avez retenus ? Quels sont les projets d’animation que vous avez en tête dans votre établissement ?

Lors de cette journée, j’ai pu constater les différents fonctionnements propres à chacun des établissements représentés. Nous avons d’abord construit collectivement un récapitulatif du rôle du référent citoyenneté, du CVL et du CVC. Nous avons comparé ce qui se faisait dans chacun des établissements en prenant en compte les différences de publics et de locaux. Cette journée fut très intéressante car elle m’a confortée dans l’idée que nous pouvons atteindre les mêmes objectifs en prenant divers chemins. J’ai pu, grâce aux personnes rencontrées ce jour mettre en place une journée de Noël : élèves et surveillants sont venus avec un pull de Noël ou un bonnet. J’aimerais également organiser un carnaval, chaque élève viendrait déguisé, le thème changerait chaque année. Nous pourrions organiser un concours de déguisements sur le temps de pause méridienne.

Vous envisagez de candidater à la prochaine rentrée sur la fonction de CPE contractuel et de préparer le concours. Quels sont les aspects du métier qui vous intéressent le plus ? Pourquoi ?

Le métier de CPE est très complexe et très complet. J’ai exercé dans deux types d’établissement et j’ai mesuré la diversité des fonctionnements. Le CPE a des missions inscrites dans une circulaire nationale. Pour autant, dans chaque établissement il effectue des taches propres au fonctionnement interne et au contexte local. De nature sociable, je sais pouvoir faire le lien entre un élève et un enseignant qui est un passage obligé pour le CPE. Nous savons que sans le lien entre la famille et l’école il n’y a pas de réussite possible. C’est donc un gros défi que de réussir à combiner les envies et besoins de chacune des parties pour en retirer le meilleur. La gestion de la vie scolaire est également un point qui me tient à cœur. Il faut savoir repérer les compétences particulières à chaque AED, leur permettre de faire leur travail dans les meilleures conditions possibles afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Mais ce qui m’intéresse le plus dans le métier de CPE, c’est la capacité d’évolution de l’élève, le principe d’éducabilité. Donner à chacun, selon son profil et ses spécificités, l’envie de réussir et révéler à chacun ses potentialités. Garder en tête l’objectif de permettre à chaque élève de devenir un citoyen adulte responsable.

Déjà formatrice de vos collègues dans l’établissement, vous souhaiteriez étendre votre champ d’action aux AED du bassin en lien avec les CPE du secteur. Qu’est-ce qui vous semblerait prioritaire à faire figurer dans un module de formation de nouveaux AED ?

Il y a bien évidemment le point primordial qui consiste à comprendre qu’une surveillance est d’autant plus efficace qu’elle est active et permanente. La mobilité des AED renvoie une image dynamique aux élèves et les rend imprévisibles. Les AED doivent montrer leur capacité à faire confiance aux élèves sans jamais les sous-estimer. Il faudrait, à mon sens, responsabiliser les AED sur l’aide aux devoirs et leur donner des outils pédagogiques. En étude, il arrive souvent que les élèves ne travaillent pas car ils ne savent pas comment s’y prendre et rencontrent des soucis méthodologiques. C’est d’autant plus vrai pour les élèves à besoins éducatifs particuliers. Un AED doit être capable également de repérer un élève en difficulté et de le diriger vers les personnes compétentes. Les AED sont souvent mal perçus par les élèves et associés spontanément à la police qui ne fait que brimer. Je crois que nous sommes aussi « les oreilles » des CPE ou de l’infirmier(e) en cas de problème plus grave. Personnellement, il m’arrive d’échanger avec les élèves sur des plans plus personnels de ma vie afin de créer une proximité et une relation de confiance. Je crois qu’un élève qui se sent bien dans son établissement aura plus envie de s’investir dans son travail. Ce côté humain n’est souvent pas assez présent dans les formations AED actuelles alors que nous sommes les personnes qu’ils côtoient le plus dans la journée. Utiliser la méthode d’analyse de pratiques professionnelles me semble utile car elle permet de traiter de cas concrets et de les distancier.

Justine Kvartskhava, AED au collège Rioz de l’académie de Besançon

« Je viens de finir ma politique documentaire » : une collègue témoigne

Élisabeth est T2, elle a 23 ans et, comme une majorité des jeunes professeurs, a « atterri » en région parisienne après son stage. Elle est titulaire de son poste à Créteil, dans un collège de centre ville dépassant à peine les 500 élèves. Le public est extrêmement hétérogène (en termes sociaux et de réussite), ce qui n’est pas toujours évident à gérer notamment avec les parents. Il reste tout de même un établissement dit « tranquille ».

Pour toi c’est quoi être professeur documentaliste aujourd’hui ?

Le métier de rêve. J’ai la chance de jouir d’une assez grande liberté de mouvements. Je peux m’insérer dans les projets pédagogiques que je veux ou les monter. Je trouve néanmoins difficile de jongler avec nos trois casquettes (pédagogie, gestion du fonds, ouverture culturelle) et j’ai tout le temps l’impression d’en sacrifier une. Pour moi, aujourd’hui, notre rôle consiste à éveiller au maximum les élèves, leur curiosité, leur ouverture d’esprit. Tout ce que je fais dans mon métier va dans ce sens.

Tu as mis récemment en place une Politique Documentaire, quel est l’intérêt d’un tel dispositif ?

Il y a plusieurs intérêts à instaurer une politique documentaire. Déjà, au moment de sa réflexion et de sa conception, cela permet de prendre du recul sur sa pratique et sur son terrain, de déterminer les urgences, les choses à modifier ou à mettre en place, en évitant d’avancer au flair ou à l’aveuglette. C’est intellectuellement reposant de « lister » les choses non ? De plus, si quelqu’un nous remplace ou prend notre suite, cela permet d’instaurer une continuité. Cette personne pourra voir ce qui avait été décidé, ce qui a été fait, pourquoi… Cela permet une meilleure prise en main du poste je pense. Et enfin (surtout), elle inscrit ce qui va être mis en place dans la politique d’établissement, qui est conduite au CA. C’est un bon moyen de défense (en cas de changement de direction, d’opposition de collègues, etc.) et ça permet aux projets d’avancer.

Peux tu nous donner quelques exemples concrets du contenu de ta poldoc ?

Sur le plan général, je parle de la fréquentation, des ressources (accès, gestion, utilisation), de la formation des élèves… en me basant au maximum sur des indicateurs comme des statistiques. C’est ce qui appuie tous nos objectifs. Comme exemples, je peux parler du désherbage. Il faut alors analyser le fonds, et les besoins. Ou encore pour la formation des élèves, il m’a semblé important de mentionner Pix (le service public en ligne pour évaluer, développer et certifier les compétences numériques), et notamment le fait de réfléchir rapidement autour de cet outil, car c’est pour le moment un inconnu pour l’ensemble de l’équipe pédagogique.

Est-ce que c’est long à mettre en place  ? Est-ce que ça te demande un gros travail de suivi ?

J’en suis seulement au début du processus. Analyser le terrain, choisir les objectifs et rédiger tout cela m’a demandé un certain temps en effet (une bonne semaine de « vacances »). Mais j’ai tout fait seule, et j’espère avoir des troupes pour la prochaine fois ! Le tout est maintenant de la faire lire par certains collègues, l’administration, et d’y apporter les modifications nécessaires, afin qu’elle nous convienne à tous. Il faudra ensuite la faire accepter en CA, alors que le projet d’établissement, déjà… fait débat !
Après, pour sa mise en place, je pense que cela s’apparente à un travail de fond, à adapter selon les conditions. Peut-être que je réfléchirai à un calendrier sur les 3 ans à venir afin d’étaler les objectifs et de me motiver.

Comment penses-tu la faire vivre et évoluer ?

J’avoue compter sur l’acceptation des collègues. Mais je sais que la communication autour de ce que je ferai sera un bon moyen de la faire vivre (voire d’amener l’implication des collègues). Pour son évolution, il faudrait que je pense à faire un document parallèle pour noter ce qui est fait, modifié, comment, pourquoi… mais c’est encore à dessiner.

Est-ce que l’objectif caché d’un tel dispositif ne serait pas d’impliquer tes collègues dans le fonctionnement du CDI ?

Dans le fonctionnement du CDI et au-delà pour toutes les ressources, et surtout dans la formation des élèves. Je pense qu’un établissement fonctionne avec une réelle plus-value pour les collègues et les élèves si tout le monde s’empare des outils, et du terrain. Si je fais seule ma gestion dans mon coin, je vais râler parce que telle ou telle chose n’est pas faite comme ça, idem pour les collègues. Alors que si nous communiquons avant sur comment tout mettre en place, c’est beaucoup d’énergie et de temps économisés !
Pour la formation des élèves, l’EMI (Education aux Médias et à l’Information) est très importante et transdisciplinaire. Et pourtant, nous avançons un peu dans le flou car chacun fait quelques points dans son programme mais personne ne sait qui fait quoi, et c’est sans heures dédiées… On ne peut donc pas savoir avec quelle formation les élèves sortent en troisième.
Je pense que mon idée principale est qu’il faut avancer en équipe. C’est ce que je vais essayer d’instaurer.

Est-ce que ta politique documentaire pourrait se transférer dans un autre établissement ou est-ce qu’elle s’inscrit vraiment dans un contexte particulier ?

Pour la mienne, je me suis aidée d’un document partagé sur la DropBox du groupe Facebook « Profs docs et licornes : entraides entre profs docs« , et d’autres disponibles en ligne. Cela aide beaucoup pour se lancer je trouve, mais l’on s’aperçoit très vite qu’au final il restera très peu de choses en commun. Parce que le fait est que la politique documentaire est intrinsèque au terrain. Je pense que le ministère pourrait quand même mettre à disposition un squelette à modifier.

La Politique Documentaire fait débat dans la profession des Profs docs car certains la considèrent comme une charge de travail supplémentaire inutile et trop contraignante, visiblement ça n’est pas ton avis, pourquoi ?

Je pense être favorisée par le fait de ne pas avoir connu le métier sans politique documentaire à établir… Je n’ai pas la sensation de « avant on n’avait pas à faire ça ». Clairement c’est une masse de travail, mais je la trouve absolument en accord avec notre métier et ça permet d’avancer de manière structurée. Au final je trouve que c’est agréable à faire, car il y a un réel sentiment d’accomplissement, et aussi de reconnaissance.

Sur le statut des Profs docs tu as des choses à nous dire ?

Je pense sincèrement qu’il faudrait, à défaut de diviser le métier, mettre deux personnes en poste minimum par établissement. Si on passe notre temps à faire de la gestion, adapter au mieux le fonds et son accès, chercher les projets intéressants, etc. Comment mettre en place en même temps un parcours d’éducation aux médias et à l’information ? (dont les heures sont souvent données sans décompte d’ailleurs !) C’est ce que je disais plus haut sur le fait de sacrifier une part du métier. Pour essayer de pallier ce problème, je me retrouve comme plein de collègues à enchaîner les heures sup’. Ces dernières sont soit bénévoles, soit le chef d’établissement concède leur rattrapage ou leur paiement avec d’autres enveloppes. Au final, nous sommes tout de même lésés, donc soit il faut des HSA possibles, soit une enveloppe HSE plus grande ne serait pas de refus… Même les heures de devoirs faits, que l’on fait en plus de nos 30h de présence, sont payées moins que quand elles sont assurées par nos collègues de discipline. Pour conclure je dirais que c’est un métier où si l’on réfléchit, on se sent très facilement en manque de reconnaissance et de rémunération par rapport au travail fourni (et je n’ai même pas mentionné les IMP). Heureusement, c’est un métier humainement et intellectuellement très riche, ce qui suffit, pour le moment, à me faire lever le matin avec le sourire.

Photo de Nicole Berro provenant de Pexels

D’AED à directrice à la MGEN, le parcours de Stéphanie

Stéphanie, quel a été ton parcours universitaire ?

J’ai fait une fac de sociologie et anthropologie à l’Université de Tours. Après 3 années, j’ai obtenu une licence de sociologie.

As-tu exercé des fonctions d’AED, dans quels types d’établissement ?

J’ai été AED, mais avant cela, surveillante d’externat dans un collège rural avec SEGPA . En tant qu’AED, j’ai travaillé dans 3 types d’établissement : collège dit « classique », lycée général, technologique et professionnel en centre-ville et collège classé « ZEP ».

Combien d’années as-tu été CPE, qu’est-ce qui te plaisait ?

J’ai été 10 ans CPE dont 6 années comme contractuelle. Ce qui me plaisait c’était l’accompagnement des élèves, le relationnel avec les élèves et leur famille. J’aimais aussi organiser le service de vie scolaire, c’est à dire le management des équipes d’AED. J’appréciais d’être autonome et la confiance qu’on m’accordait dans la gestion de mes missions. La mise en place de projets avec les enseignant·es, pour les élèves et au-delà, la participation au Groupe technique académique des CPE, l’accompagnement des stagiaires CPE, la formation des pairs sont aussi des missions qui me plaisaient.

Comment en es-tu venue à t’orienter vers un poste de directrice départementale de la MGEN ? Penses-tu que ton expérience de CPE t’a aidée à être retenue sur ce poste ?

J’étais correspondante MGEN en établissement scolaire et par ce biais, j’ai eu connaissance du poste de directrice qui se libérait. Je n’avais pas particulièrement réfléchi à changer de voie, c’est une opportunité que j’ai saisie. Je pense que mon expérience en tant que CPE a été appréciée, notamment la mission de cheffe de service, mais aussi celle d’être en capacité de monter des projets. Mon réseau professionnel a aussi du séduire car si je suis directrice de la section MGEN du Mans, je le suis au titre de « détachée de l’Éducation nationale », et il est important d’avoir connaissance de ses pairs car la MGEN gère le régime obligatoire des fonctionnaires de l’Éducation nationale. Cela me permet aussi de mieux comprendre et de mieux répondre à leurs problématiques lorsqu’elles existent.

En quoi consiste ton poste de directrice de la MGEN 72 ?

Mon poste consiste à manager opérationnellement l’équipe de la section à partir des orientations régionales. Je veille à la qualité de service en déclinant les plans d’actions régionaux. Je pilote l’activité de la responsable d’équipe. Je développe les compétences de l’ensemble de l’équipe en dynamisant les activités et en proposant des formations, si nécessaire. Je dois veiller au respect du dialogue social et enfin je contribue et/ou je mets en œuvre des projets régionaux autour des valeurs de la MGEN.

Quel type de partenariat y a t-il entre la MGEN et l ‘Éducation nationale ?

Plus qu’un partenariat, un accord cadre a été renouvelé le 1er janvier 2019 pour une période de 5 ans. Il est désormais accessible aux enseignants en formation et il intègre un dispositif d’accompagnement social d’urgence. Le groupe MGEN est partenaire de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour le déploiement cofinancé d’un dispositif santé au travail pour tous les agents de ces ministères, actifs ou retraités, ayants droits, adhérents ou non au groupe MGEN.

Depuis 2014 avec la signature du précédent accord-cadre, ce sont 126 espaces d’accueil et d’écoute qui ont été créés. Ils sont accessibles et gratuits jusqu’à trois fois par an. De nombreuses académies couvertes par des antennes du Centre national de réadaptation ont été créés. Plus de 750 actions militantes de promotion de la qualité de vie au travail ont été réalisées sur le terrain avec l’appui de la direction générale des ressources humaines communes aux deux ministères, ainsi qu’un dispositif d’accompagnement social d’urgence après le passage de l’ouragan Irma dans les Antilles françaises.

Mutuelle professionnelle, le groupe MGEN répond aux enjeux de santé au travail aux côtés des employeurs publics, et en particulier du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, avec un dispositif spécifique, les réseaux PAS.

En 2017, 15 549 personnes ont bénéficié de ce réseau via trois grands types d’actions :

  • Les 126 Espaces d’Accueil et d’Ecoute (EAE) sont accessibles à tout agent de l’Education nationale actif qui souhaite s’entretenir avec un psychologue du travail ou un psychologue clinicien.
  • Les centres de réadaptation, présents sur les académies de Paris, Créteil, Versailles, Bordeaux, Aix-Marseille et Nantes), s’adressent aux personnels de l’Education nationale qui, suite à un congé de maladie, doivent préparer un retour sur leurs fonctions ou envisager une réorientation professionnelle. 237 personnes ont été accompagnées via ce dispositif en 2017.
  • Dans les 30 académies, plus de 750 actions collectives ont été réalisées : 60% de ces actions sur l’accompagnement à la prévention des risques psychosociaux (RPS), 25% de ces actions sur la prévention des troubles de la voix (premier outil de travail des enseignants) et enfin, 15% de ces actions ont porté sur la prévention des troubles musculo squelettiques (TMS).

Le groupe MGEN est également partenaire de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et son réseau régional (ARACT).

Retrouves-tu des réflexes/tâches de CPE dans ta nouvelle fonction ?

Je retrouve mes missions de CPE lorsque je pilote l’activité des salariées, avec toutes les tâches que cela incombe : animation de réunion, compte rendu de réunion, gestion des difficultés professionnelles, accompagnement professionnel. Le parallèle que j’observe souvent c’est aussi, la gestion des situations délicates des adhérent·es, similaires à celles des élèves lorsqu’ils/elles pouvaient être en difficulté. C’est aussi le soutien de l’équipe lorsqu’un·e adhérent·e exprime un mécontentement de façon trop véhémente j’utilise alors, les mêmes compétences psychosociales que lorsque je devais gérer le mécontentement d’une famille, par exemple.

On dit souvent que prendre du recul sur son métier permet de la redécouvrir. Qu’as-tu observé ?

J’ai observé le fait qu’être CPE demande une grande capacité de prise de recul face aux situations personnelles des élèves qui nous sont confiées, c’est pourquoi, il me semble important de se construire un réseau de pairs, d’avoir des collègues ressources qui soient en capacité d’écoute et de compréhension lorsqu’une situation professionnelle parait difficile à gérer. Cela demande de développer une intelligence émotionnelle, de savoir être empathique, de combiner exigence et bienveillance. La gestion de conflits et de tensions interpersonnelles est aussi une compétence à avoir. Le métier de CPE est un métier d’urgence, il faut être en capacité d’être réactive tout en ayant l’exactitude de la réponse. CPE est un métier d’engagement pour le bien-être de chacun·e dans l’établissement et avant tout, des élèves. C’est un métier que j’adorais, ma plus belle victoire était la reconnaissance des élèves.

Stéphanie Lechat, directrice, section départementale MGEN de la Sarthe

De CPE à directrice de SEGPA, le parcours de Charline

Depuis combien de temps es-tu CPE et quelles ont été tes expériences professionnelles précédentes ?

J’ai obtenu mon concours de CPE en 2004, dans l’académie de Rennes après avoir été MI/SE pendant 5 ans en Mayenne. J’ai effectué mon année de stage en lycée général, à Château Gontier puis j’ai été mutée en région parisienne… direction l’académie de Créteil ! J’y ai passé 6 ans, 6 super années nourries de rencontres.
J’ai, en effet, été nommée au sud de la Seine et Marne (77) au collège Robert Doisneau de Dammarie Les Lys. Ce collège comptait environ 450 élèves dont une centaine d’élèves d’EGPA ainsi qu’une ULIS handicap moteur. Nous étions 2 CPE. Il y avait également un directeur de SEGPA ainsi qu’un adjoint en plus du principal.
C’est là-bas que j’ai découvert l’enseignement spécialisé et l’accompagnement des élèves à besoins spécifiques. L’accompagnement proposé et les différentes prises en charge ont été très formateurs pour moi. J’ai découvert le travail en équipe ainsi que le travail en projets.
En 2011, j’ai obtenu l’académie de Nantes et ai été affectée au collège Berthelot, dans le centre de la ville du Mans. C’est un collège qui accueille 600 élèves dont une UPEAA. Ce fut une nouvelle expérience très riche puisque je me retrouvais seule à la tête de la vie scolaire. J’ai pu lors des 6 années, que j’ai passées dans cet établissement, construire le service vie scolaire tel que je l’imaginais mais aussi travailler en étroite collaboration avec les enseignants et ainsi appréhender davantage l’entrée en pédagogie de la vie scolaire.

Tu exerces depuis 2 ans la fonction de directrice de SEGPA. Comment est née chez toi l’idée de postuler sur une mission de ce type ?

L’idée n’était pas nouvelle pour moi. Lorsque j’étais en région parisienne je travaillais en étroite collaboration avec le Directeur de SEGPA (quelqu’un de formidable !) qui a été un exemple pour moi aussi bien dans son approche des élèves que des projets. Cette année (je suis toujours en contact avec lui), il est par exemple parti à Cuba avec les élèves de l’EGPA. Il m’a montré que les choses étaient possibles…
Je me suis toujours dit que cela me plairait d’autant que j’ai l’impression d’avoir toujours eu un intérêt pour les élèves « différents ». Comment travailler avec eux ? comment entrer en lien avec eux ? Comment les faire venir à l’école et faire en sorte qu’ils s’y sentent bien ?
Cela faisait 6 ans que j’étais au collège et pour beaucoup de raisons, l’année était difficile. J’avais besoin de prendre de la distance, de changer, de faire autre chose… J’ai alors postulé auprès des services de l’inspection académique. J’ai été appelée et un poste de faisant fonction de directeur adjoint chargé de la SEGPA (DACS) m’a été proposé. J’ai accepté et j’occupe donc ces fonctions pour la deuxième année.
Occuper ces fonctions était aussi l’occasion pour moi d’aller mettre en pratique mon engagement dans la lutte contre les discriminations et phénomènes de boucs émissaires. Les élèves d’EGPA sont pour moi des élèves qui restent marqués d’une étiquette… Depuis 2 ans, j’essaie de travailler avec eux (pas seule bien sûr, avec les collègues…) l’estime de soi et le fait que l’on puisse être fier d’être un élève d’EGPA. Le sigle EGPA ou SEGPA reste souvent une insulte pour les élèves ou est souvent utilisé comme tel.

Comment as-tu vécu ce « glissement » de fonction ? Quels points communs et quelles différences vois-tu avec la fonction de CPE ?

Ce changement de fonction est arrivé à point nommé. J’avais besoin prendre du recul et de réfléchir à ma professionnalité. Ce changement a donc été très bénéfique pour moi.
J’ai d’abord apprécié le fait de n’avoir que 4 classes de 16 élèves sous ma responsabilité ainsi que le travail avec les équipes de professeurs des écoles et professeurs de lycée professionnel. Leur approche des élèves et la prise en charge qu’ils proposent n’est pas la même. J’ai fait un pas de plus dans l’approche pédagogique des élèves, dans la connaissance des niveaux de maîtrise du socle ainsi que dans la connaissance des cycles. J’ai eu, contrairement à ce que je pouvais vivre en vie scolaire l’impression d’avoir du temps. Il faut dire que les heures de synthèses (1h30 par semaine de concertation en équipe) permettent de coordonner le quotidien mais aussi de chercher des solutions adaptées pour chaque élève. Le croisement des regards est extrêmement important et très riche.
Je dois aussi dire que le fait de travailler avec les services ASH de l’inspection académique était une nouveauté et j’ai beaucoup appris sur le fonctionnement de ce service.
Le rapport aux sanctions et punitions n’est pas non plus toujours le même en EGPA. La prise en charge des retenues ou le travail donné aux élèves par exemple.
En revanche la relation aux élèves est pour moi restée la même. J’ai essayé de continuer à être en relation avec eux tout en ayant une autorité qui leur permet d’avancer et de réfléchir aux actes qu’ils posent. J’ai retrouvé un rôle éducatif dans ces nouvelles fonctions.

Exercer d’autres fonctions permet de prendre du recul sur la fonction. Quels sont les premiers enseignements retirés de cette expérience qui pourront impacter ta vie de CPE ?

Oui bien sûr, j’ai d’ailleurs pu le mentionner précédemment. Changer de fonction m’a permis de me rendre compte de plusieurs choses :
Le métier de CPE est une excellente formation. On y apprend tellement. On a une très bonne connaissance du système éducatif, on a une approche des élèves différentes, nous connaissons bien les élèves et sommes capables de mobiliser énormément de ressources.
Je me suis aussi rendue compte du sentiment de responsabilité, de la charge de travail et de la charge mentale que j’avais en tant que CPE. Changer de fonction m’a permis de prendre conscience des compétences que j’avais développées et que ces dernières ont pu être utiles dans la découverte de nouvelles fonctions.

Quelle est ta vision de l’École inclusive ?

L’inclusion est une vaste question. Elle m’interroge et continuera de m’interroger longtemps je pense… Inclure n’est pas forcément lisser et faire la même chose pour tous.
L’inclusion est pour moi un concept difficile qui interroge à la fois la question du collectif et de l’individu…
Par exemple, cette année au collège les élèves d’EGPA sont répartis avec les autres élèves du collège, ils pratiquent l’EPS en groupe… Cela a été très bénéfique pour certains et assez violent pour d’autres dans la mesure où ils devaient assumer le regard des autres, le fait d’être moins performants au niveau de la psychomotricité ou de la compréhension des consignes alors que d’autres au contraire se sont épanouis.
On pense que ce sont les élèves d’EGPA qui sont inclus mais pourquoi ne serait-ce pas l’inverse ?
Une collègue a réalisé un film cette année pour faire connaître l’EGPA et sortir des préjugés qui pouvaient les concerner.
Avec la question de l’inclusion on aborde aussi la question de l’empathie et du bien être à l’école, de la norme. Beaucoup de notions que je trouve très importantes et qui, selon mon regard de CPE, ont un rôle essentiel à jouer dans la question du climat scolaire.

Quelle est ta relation avec les personnels de l’établissement dans tes nouvelles fonctions ? Quelle comparaison fais-tu avec celle d’un CPE et des AED ?

Je dirais qu’il y a moins de management à faire dans le sens où il n’y a pas de rapport hiérarchique entre le Directeur adjoint chargé de la SEGPA et les professeurs qu’ils soient PLP ou PE contrairement au CPE avec les AED. Les PE sont des personnels formés, qui ont passé leur concours et qui pour la plupart ont choisi d’être en EGPA.
On en ne peut pas comparer avec les AED. Leur rôle est profondément différent tout comme le sentiment que l’on peut avoir en tant que CPE, de responsabilité et d’organisation de service qui va avec…
Je trouve toutefois que la gestion des ressources humaines reste une chose difficile. Il faut que chacun trouve sa place dans l’équipe tout en acceptant les désaccords qui peuvent exister et faire en sorte que les choses fonctionnent pour rester au service de l’intérêt des élèves.
À mon sens, les questions d’organisation et relations humaines cohabitent… ce qui n’est pas une mince affaire.
J’ai, dans les deux fonctions, essayé de faire en sorte de fédérer les équipes et de travailler avec les collègues avec des relations de confiance. Le travail en équipe restera toujours un moteur pour moi !

À quels projets de développement professionnel ou d’évolutions de carrière as-tu réfléchi (à moyen ou long terme) ?

J’avoue ne pas trop savoir… tout est possible ! Si je ne peux pas continuer dans ces fonctions j’envisage tout à fait de reprendre celles de CPE. C’est un métier que j’aime énormément. J’ai simplement découvert que j’avais personnellement besoin de changer régulièrement de poste, qu’après un certain temps dans un établissement je m’installe dans une zone de confort qui ne me convient pas forcément… J’ai besoin de mouvement !

Charline Landemaine, CPE dans l’académie de Nantes
et faisant-fonction de directrice de SEGPA au collège la madelaine au Mans (72)

Quel rapport au temps entretiennent les CPE ?

Didier Racle, CPE dans l’académie de Besançon, a effectué un passionnant travail de recherche sur le rapport au temps des CPE. Il a accepté de répondre à nos questions.

Avec le recul, qu’identifiez-vous comme étant le point de départ de votre mémoire universitaire ?

D’abord l’envie de prendre encore davantage de recul sur l’exercice d’une fonction que j’exerce depuis 1993. Ensuite le besoin, en tant qu’intervenant à l’Espé, de m’inscrire dans une démarche de recherche qui va de pair avec la nécessité de se former. Le master « Parcours et ingénierie de la formation » que j’ai intégré pendant deux années universitaires m’a donné l’opportunité d’aller plus loin dans l’analyse de l’activité des conseillers principaux d’éducation. En analysant le rapport que les CPE entretiennent avec le temps, j’ai tenté de répondre à la question initiale qui débute tout travail de recherches, à savoir : « pourquoi les CPE qui évoquent leur activité avancent systématiquement l’idée d’un temps qui manque ou après lequel ils courent ? »

Et comment vous y êtes-vous pris pour répondre à cette question ?

Il faut d’abord définir les notions abordées en procédant à une revue de littérature. J’ai très rapidement opté pour une approche sociologique. La sociologie propose de découper le temps en une multiplicité de temps sociaux : temps de loisirs, temps de repos, temps du travail…. Mon travail se situe donc bien naturellement dans le temps du travail et plus spécifiquement celui des CPE.

Dans ce cadre, deux approches se sont proposées à moi. Une première qui consiste à appréhender la notion du temps d’un point de vue quantitatif. Il s’agit là d’un temps qui se compte et se décompte. C’est le temps de travail dont la durée est prescrite par les textes réglementaires et qui s’organise et se découpe en fonction des caractéristiques de chaque métier et des besoins de l’organisation qui l’intègre. La seconde approche est davantage qualitative dans une dimension plus subjective d’un temps qui se vit et se ressent : le temps au travail. L’activité est alors découpée en « tranches » de vie » perçues comme plus ou moins contraintes ou choisies. Ces moments se jouent dans des relations interpersonnelles. Ils ont aussi un sens et une valeur et permettent d’accéder à la reconnaissance. J’ai donc décidé d’aller confronter les CPE à cette double approche pour mieux comprendre comment s’organisent et se découpent leur temps de travail et comment ils vivent leur temps au travail.

Comment avez-vous procédé ?

Je suis allé à la rencontre des CPE sur le terrain en utilisant l’entretien semi-directif comme méthode de recueil de données. Mon panel était constitué de 13 CPE également répartis dans tous les types de structures, collèges, lycée professionnel et lycée général et technologique. Certains exercent en solo, d’autres en équipe. Les entretiens se sont déroulés d’octobre 2017 à mars 2018 sur le lieu d’exercice des acteurs concernés. Les entretiens, enregistrés, ont été intégralement retranscrits puis dépouillés et analysés par thématique. Et puisqu’il est question de temps, je peux vous dire que la retranscription et l’analyse de 13 entretiens en requièrent beaucoup !

Avez-vous rencontré des réticences à vous accueillir ?

Aucune. J’avais sollicité une vingtaine de CPE. Tous m’ont spontanément ouvert leur porte sans restriction. Le choix du moment leur avait été laissé, ce qui m’a apporté des éléments d’analyse supplémentaires. Les entretiens se sont déroulés au sein de l’’établissement d’exercice mais, la plupart du temps, il y a eu délocalisation plus ou moins lointaine du bureau des CPE ou des services vie scolaire. Avec parfois des choix de cachettes pour éviter d’être dérangés. Car c’est là l’une des premières caractéristiques du corps des CPE qui se décrivent comme des acteurs sans cesse dérangés.

C’est-à-dire ?

Il suffit demander aux CPE de raconter leur journée de travail pour constater leur incapacité à le faire. Aucun de ceux que j’ai rencontrés n’y est parvenu. Les CPE débutent la journée avec des tâches qu’ils ont prévues d’accomplir mais l’ordonnancement est très vite remis en cause par l’émergence de situations qu’ils vont devoir traiter. L’horizon temporel des CPE ne dépasse pas le quart d’heure avec une impression marquée de ne jamais parvenir à terminer ce qui est commencé d’où la sensation de course. Les CPE aspirent à « se poser ». Des temps de pauses qu’ils s’octroient généralement en prenant leur service avant l’heure et /ou en terminant plus tard. Ces temps supplémentaires relèvent très rarement d’une quelconque pression hiérarchique mais, la plupart du temps, d’une prise d’initiative individuelle des agents qui ont besoin de ces plages de travail supplémentaire pour rattraper le temps perdu dans la journée à gérer des situations souvent qualifiées d’urgence. Pour se sentir apaisés au moment de quitter leur établissement d’exercice, les CPE débordent systématiquement leur grille d’emploi du temps. Ils ont également besoin de ces temps de pause pour exercer leur fonction telle qu’ils l’envisagent idéalement.

Et comment les CPE envisagent-ils cet idéal ?

Pour les CPE, le temps à disposition doit principalement être consacré aux élèves. Ils aimeraient également l’utiliser pour échanger en équipe élargie, avec leurs collègues CPE, les enseignants et les membres de l’équipe de direction. L’idée avancée est celle de l’élaboration d’une stratégie réfléchie sur du long terme qui permettrait une action concertée, cohérente et partagée. Avec en filigrane, l’idée d’une économie de temps qui permettrait aux CPE de vivre leur métier dans un rôle d’éducateur revendiqué. « On transmet de l’éducation » me dira l’un d’eux. Les CPE se reconnaissent pleinement dans ces temps d’éducation qui les mettent en scène dans une relation individuelle ou collective avec les élèves. Ces moments correspondent au sens et à la valeur qu’ils veulent donner à leurs actions. Au cours des entretiens que j’ai menés, les CPE décrivent ces situations le sourire aux lèvres. Ils éprouvent beaucoup de plaisir à les vivre et une certaine émotion à les raconter. Mais les CPE font également état d’une grande insatisfaction et d’un fort sentiment de frustration du fait, d’une part, de la rareté de ces temps, d’autre part, de la difficulté à les vivre sereinement. Le tout est évidemment mis en lien avec la description tourbillonnante de leur quotidien. Pour reprendre l’expression de Yves Clot, « la qualité est empêchée ».

Et quelles en sont les raisons ?

C’est justement à cette question que j’ai tenté de répondre dans le cadre de ma recherche. Comment peut-on expliquer un tel décalage entre l’activité idéalisée et la réalité du métier ? D’autant plus que la circulaire de missions de 2015 avance l’idée d’un CPE concepteur de son activité. Un acteur qui agit dans une perspective éducative et pédagogique à long terme. Alors que sur le terrain, il semble davantage réagir aux aléas et aux imprévus dans des temporalités de l’immédiateté. Le CPE pompier !

Le besoin de « faire ses preuves » et « faire sa place » est prégnante dans le discours des CPE. Ce qui suggère que, 49 ans après la création du corps, cette place, et plus largement la place de la vie scolaire, n’est pas acquise d’emblée mais doit être conquise.

Ce métier ne fait pas partie des professions établies qui, comme le dit E.C Hugues, ne s’occupent que des besoins qui sont tenus pour légitimes. En d’autres termes, l’identité professionnelle des CPE demeure floue, dans un entre-deux qui rend la fonction interprétable et dérivable. À quoi sert un CPE ? Qu’elle est son utilité ? Ces deux questions amènent une multiplicité de réponses de la part des acteurs qui entourent les CPE mais aussi par les CPE eux-mêmes. Ce flou identitaire a des conséquences sur la charge de travail des CPE.

Pouvez-vous préciser ?

Les CPE font, par exemple, l’objet de tentative de délestage. Principalement en provenance des enseignants et des personnels de direction. Avec les enseignants nous sommes dans une sorte de « je t’aime moi non plus ». Il y a d’un côté ceux qui viennent chercher l’expertise du CPE dans le cadre d’un travail de coopération partagé autour des élèves. D’un autre côté, il y a ceux qui sollicitent les CPE dans une optique disciplinaire de maintien de l’ordre ou de service à l’ancienne, façon surgé ! Ils apportent leurs problèmes aux CPE, se « déchargent » sur eux en leur demandant de les régler.

Avec les personnels de direction, on passe à un « je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… pas du tout » en fonction de la représentation que ces personnels ont de la fonction. L’importance de cette représentation est d’ailleurs prépondérante puisqu’elle fait dire aux CPE : « je change de chef, je change de métier !». Une preuve supplémentaire du caractère non établie de la fonction. Le délestage des équipes de direction sur les CPE prend la forme de dossiers transmis aux CPE dans un rapport de force plus ou moins conflictuel.

Les CPE ont donc parfois le sentiment de se « faire refiler » le sale boulot. Un des CPE interrogés me parlera d’activité résiduelle qui, faute de trouver preneur, atterrit sur les bureaux des CPE ou dans leur service. L’exécution de ces tâches supplémentaires a mécaniquement une incidence sur le temps de travail. Elle en a également une sur le temps au travail avec d’un côté ce qui est estimé légitime d’accomplir et de l’autre, ce qui ne l’est pas.

Dans votre mémoire, vous parlez également des paradoxes qui traversent l’activité du CPE. Qu’en est-il ?

Pour reprendre ce que nous venons d’évoquer juste avant, si les CPE sont des acteurs sur lesquels on se déleste, paradoxalement, ils sont aussi ce que j’ai appelé des agents compensateurs. L’obligation morale de faire « tourner la boutique » est récurrente dans leur discours. Elle amène les CPE à jouer des rôles qui ne relèvent pas de leur fonction. On se déguise d’ailleurs souvent chez les CPE : en infirmière, en standardiste, en agent technique et parfois en personnel de direction-adjoint avec parfois des conflits de frontière. Les CPE sont animés d’une grande conscience professionnelle qui les caractérisent.

Autre paradoxe : la plainte d’être sans cesse dérangés est accompagnée d’une volonté marquée d’être à tout moment accessibles et disponibles. Les CPE protègent peu leur environnement de travail et se mettent volontiers à disposition des élèves et des acteurs qui les entourent. La porte des CPE est constamment ouverte.

Cette accessibilité et cette disponibilité entraine un « tout arrive chez les CPE ». Tout et n’importe quoi. Le traitement de ce « tout » va permettre de faire les preuves de son utilité, quitte à s’éloigner de son idéal de métier. Des compromis à l’origine d’un troisième paradoxe que j’ai résumé en une phrase : les CPE accomplissent des choses dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas mais qu’ils accomplissent pour se sentir reconnus.

Vous avez présenté votre travail à des CPE ? Comment a-t-il été accueilli ?

Je ne l’ai pas encore évoqué mais, à chaque étape de mon travail, il a fallu mettre à distance le CPE que je suis pour que les analyses de l’étudiant que je suis aussi soient les plus objectives possibles. Ce n’est pas la chose la plus simple. Ma directrice de mémoire, Emilie Saunier-Pilarski m’y a bien aidé.

J’ai particulièrement apprécié les temps de présentation qui se sont toujours prolongés par des échanges d’une grande richesse. Les CPE expriment de manière récurrente un déficit de connaissance et de reconnaissance de la fonction. La volonté d’une prise de recul et d’une réflexion sur la pratique professionnelle est également apparue. Dans l’idée encore de « se poser » pour agir et ne plus réagir. Cela, je pense, peut constituer une piste de réflexion de formation initiale ou continue. J’ai proposé l’an prochain de présenter mon travail aux chefs d’établissement ainsi qu’aux enseignants. Cela va sans dire que je suis impatient de voir comment ces groupes réagiront.

Quel regard portez-vous sur le récent rapport de l’inspection générale des finances sur le temps de travail des CPE ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord que je mette à distance l’agacement du professionnel que je suis. L’apprenti chercheur qui s’appuie sur le recueil d’éléments de compréhension sur le terrain répondra que la méconnaissance des pratiques aboutit à des conclusions en décalage total avec la réalité. Suggérer que les CPE n’utilisent pas les 4 heures dont ils disposent librement en plus des 35 heures inscrites à leur emploi du temps, c’est, sans exagération, toucher à leur dignité professionnelle. Les CPE se sentent profondément blessés par de telles supputations qui ne s’appuient sur aucune enquête quantitative ou qualitative.

Les CPE ont les défauts de leur qualité. Ils ne comptent pas leurs heures et débordent régulièrement de leur grille d’emploi du temps sans, souvent, aucune contrepartie financière. Peut-être devraient-ils rompre avec une tradition qui, là encore, s’inscrit dans l’histoire du métier et résonne comme un signe d’appartenance au corps pour mieux faire apparaitre la réalité.

Diriez-vous que votre mémoire a changé quelque chose dans votre pratique professionnelle de CPE ?

Bien sûr ! Le métier de CPE se construit principalement dans l’action, ce qui laisse, encore une fois, peu de temps à la prise de hauteur. Le recueil d’éléments théoriques pendant la phase de revue de littérature permet notamment de se doter d’outils de décryptage des situations vécues sur le terrain, notamment dans les relations interpersonnelles avec les élèves mais aussi et surtout avec les autres acteurs de terrain, notamment les enseignants et les personnels de direction.

Une recherche est toujours susceptible d’en entraîner une autre… Avez-vous un sujet en tête qui vous tient à cœur et que vous aimeriez explorer ?

Si j’avais à l’avance connu l’ampleur de la tâche qui m’attendait, je ne sais pas si je me serais lancé dans cette aventure. Mais quand on y a goûté, on a très vite envie d’y revenir et je me redonnerai sûrement le temps d’aller plus loin. J’aimerais désormais me pencher sur le corps des enseignants et des personnels de direction et tenter de décrypter la façon dont ils appréhendent le temps dans le cadre de leur activité. Cette impression de manque ou de course est-elle partagée ? Vivent-ils au même rythme ? Et, dans une perspective plus large, j’aimerais mesurer l’influence des décalages de rythme de vie et d’appréhension du temps de chacun dans les établissements scolaires sur les relations interpersonnelles et la construction d’un réel travail d’équipe.

Comment forme t-on les profs doc à l’Espé ?

Formation des professeurs documentalistes en Espé, où en est-on ? Le SE-Unsa a interviewé un formateur pour faire le point sur les contenus de formation et les évolutions à venir.

Peux-tu te présenter en quelques mots et nous décrire ton activité de formateur ?

Je suis professeur-documentaliste certifié et après un parcours en établissement scolaire et dans le réseau Canopé, je suis en poste à l’Université Rennes 2 où je suis co-responsable du Master Meef Documentation et du Deust « Métiers des bibliothèques et de la documentation ». Ces formations dépendent du département Lettres qui propose plusieurs formations professionnalisantes dans le domaine des bibliothèques et de la documentation (DU, Deust, Licence professionnelle, Master). S’agissant du Master Meef, outre la co-responsabilité du parcours Documentation, j’interviens essentiellement au niveau de la première année pour la préparation de l’épreuve écrite de maîtrise des savoirs académiques et de l’épreuve orale sur dossier.

Les sciences de l’information et de la communication sont au coeur de la formation des professeurs documentalistes , que penses-tu de leur prise en compte dans l’enseignement secondaire et du rôle qu’elles pourraient jouer dans la formation des élèves ?

Les SIC constituent une science jeune (1975) si on les compare avec les autres disciplines universitaires. Elles sont nées du croisement avec d’autres disciplines (bibliothéconomie, sociologie, économie, informatique…). Cet aspect transdisciplinaire montre bien leur richesse et il me semble que l’apport des SIC dans la formation des élèves est essentiel pour aborder les grands bouleversements liés à l’utilisation massive et quotidienne de l’information, qui mobilise de nombreuses compétences, qui ont trop souvent été considérées comme « allant de soi » et ne nécessitant pas de véritable formation.

Tu es responsable du master Meef Documentation sur Rennes 2, quel regard portes-tu sur la formation actuelle des profs-docs et sur leur profil ?

Nos étudiants ont des profils très variés, même s’ils sont souvent issus des sciences humaines et sociales. Nous avons aussi des personnes en reconversion avec des parcours professionnels différents. Globalement tous arrivent en M1 avec peu de connaissances en SIC, sauf parfois quelques étudiants, issus de filières telles que «Bibliothèque et documentation » mais ils ne sont pas majoritaires. Nous avons, entre le début du Master et les écrits du Capes, environ six mois pour leur transmettre une culture info-documentaire, sans parler du travail sur la méthodologie des épreuves, ce qui est court et rend l’année de M1 particulièrement lourde, pour ce qui est de la charge de travail avec des connaissances qui, parfois, peuvent être fragiles.

Avec l’évolution des formations initiales, quelles vont être les principaux changements que vous prévoyez dans l’organisation du parcours des futurs profs-docs ?

Nous attendons d’en savoir un peu plus, à la fois sur l’organisation du concours et la place des écrits dans le master et sur le contenu des épreuves. L’année prochaine sera une année de transition et de préparation de ces évolutions et notamment des nouvelles maquettes.

Dans un monde idéal, si tu pouvais redessiner la formation des profs-docs, que changerais-tu ?

Je pense que la variété des profils est une richesse et qu’il faut la garder, mais qu’il est essentiel de renforcer le socle de connaissances communes aux futurs professeurs-documentalistes, en ayant plus de temps avant le concours pour stabiliser l’acquisition des savoirs fondamentaux, dont le champ s’élargit et se complexifie en permanence. Il y a quelques années, par exemple, nous abordions très rapidement la question de l’économie de l’information. Cette question est devenue fondamentale et ne peut pas se traiter en deux heures. L’Université met en place des parcours de pré-professionnalisation qui peuvent être une des solutions. Par ailleurs, au-delà du travail didactique sur les objets de l’info-documentation, le travail en collaboration avec les autres disciplines doit être renforcé, au niveau la formation initiale. Des initiatives sont prises en ce sens à l’Espé. C’est important si l’on veut que de bonnes habitudes soient prises par les jeunes enseignants et qu’elles se répercutent pas la suite sur le terrain. Je pense également qu’il est fondamental de renforcer cette approche réflexive sur sa pratique qu’est le mémoire dans une logique de recherche-action.

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Enseignements artistiques : 3 expériences et 3 manières de vivre l’enseignement

Alors que l’Inspection Générale de l’Éducation Musicale mène une mission sur les enseignements artistiques au collège, le SE-Unsa est allé à la rencontre d’enseignants d’arts plastiques et d’éducation musicale : Quelles sont leurs conditions d’exercice, leurs aspirations professionnelles et comment voient-ils la place des enseignements artistiques dans le système éducatif ? Martine, professeure d’éducation musicale, Sabrina, professeure d’éducation musicale et Christelle, professeure d’arts plastiques, ont accepté de répondre à nos questions.

À quoi ressemble votre vie d’enseignant dans votre établissement et votre salle de classe ?

Martine : Je suis sur 3 établissements ruraux distants. Après plusieurs années, j’ai enfin une salle uniquement destinée à la musique dans le premier établissement. Elle est très petite, sans table (ce que je n’ai plus depuis 1995, sauf quand je n’ai pas le choix), les chaises ont des tablettes, avec un piano électrique de qualité, une chaîne hifi de qualité. Nous n’avons que des percussions fabriquées par les soins de l’agent ou des élèves : baguettes, tuyaux, oeufs de k… et bien sûr un ordi avec vidéoprojecteur sur le tableau blanc. Mais dans le 2ème établissement je n’ai pas de salle dédiée, donc des tables, un piano électrique de qualité (acheté à mon arrivée, ce qui a pris 2-3 ans d’attente sans avoir rien du tout) et une chaîne stéréo à bas prix (on n’entend pas tous les sons !). Je fais chanter les CM2 de l’école qui représente la moitié de nos élèves de 6ème sur des projets communs école-collège en produisant des spectacles et des enregistrements.

Christelle : Je travaille dans un établissement urbain assez récent, cependant si la salle est lumineuse et spacieuse, elle n’a pas de rideaux ni d’équipement informatique. À partir de là, comme les nouveaux programmes sont très tournés vers l’informatique, je suis en difficulté. Alors je bidouille avec une valise à tablettes, mais il n’y a pas moyen de faire basculer les images des élèves sur les ordinateurs pour les imprimer, ou les mettre dans leur casier numérique. Rester dans les clous au niveau du programme à ce niveau-là, reste donc un parcours du combattant. J’ai essayé de créer des liens avec les enseignants des écoles du secteur, cela a bien pris, mais il nous manque le temps pour travailler ensemble, ce qui est frustrant.

Sabrina : Je suis dans un établissement urbain classé REP+ (quartiers nord de Marseille). Dans ma salle j’ai opté pour le maintien des bureaux, contrairement à de nombreux collègues qui sont passés aux pupitres. Je dispose d’un instrumentarium très correct : une batterie, deux claviers en sus du piano prof, des congas et des claviers enroulables.

Est-ce que vos programmes disciplinaires vous plaisent ?

Martine : Trop de liberté. Certes, c’est pratique pour nous, mais du coup on a tendance à toujours se renouveler ! Ce qui nous fait beaucoup de travail. Mais quand un élève arrive d’un autre collège, il est perdu parce qu’il n’a pas vu les mêmes notions, ou n’a pas fait beaucoup de chants, ou d’écoutes, etc. En fait, tels qu’ils sont formulés, les programmes n’existeraient pas, ce serait la même chose. Il faudrait vraiment qu’un travail soit fait par nos inspecteurs à ce sujet.

Christelle : Les programmes me plaisent, car ils restent très ouverts. Néanmoins, le tournant informatique en arts, alors que les enfants passent déjà beaucoup de temps sur les écrans, m’embête. Je préfère me battre pour qu’ils sortent et se remettent en rapport avec la nature.

Sabrina : Les programmes disciplinaires sont très peu directifs. C’est évidemment un avantage au niveau de la liberté pédagogique laissée à l’enseignant. Mais cela présente également un inconvénient majeur puisque deux élèves du même niveau peuvent avoir un parcours totalement différent en fonction de leur enseignant. Cela contribue à donner aux enseignements artistiques l’image de discipline « secondaire » qui est la leur.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’enseignement de votre discipline ?

Martine : Justement cette liberté pédagogique, malgré tout, car elle permet, quand on le prépare ensemble, de s’inscrire dans des projets (sous toutes formes) très différents selon les années, ou les envies. Le plus délicat et agaçant, c’est que les élèves et leurs parents s’attendent soit à ce qu’ils apprennent un instrument individuellement, soit à ce qu’on fasse une sorte d’animation genre colonie : chansons à la mode, écoute de morceaux à la mode. C’est chaque année une bataille de faire comprendre à certains que ce n’est pas le but, et que nous sommes là plutôt pour leur faire faire des choses auxquelles ils n’auraient pas pensé ou leur faire écouter et chanter ce qu’ils ne connaissent pas. Plus les élèves avancent dans le collège, plus c’est difficile.

Quelque chose à rajouter en conclusion ?

Christelle : Ce qui me plaît, c’est la possibilité de me fondre dans la plupart des projets du collège.

Sabrina : L’aspect très agréable de notre métier est lié au fait que nous dépendons peu des acquis strictement scolaires. Les élèves en grande difficulté découvrent une discipline différente, dans laquelle ils peuvent être en situation de réussite, en faisant appel à des compétences peu valorisées dans les disciplines plus scolaires.

Crédit photo : Moose Photos from Pexels

Le parcours de Meghan, stagiaire PsyEN

Durant vos années lycées, vous vous impliquez dans la dynamique de projets via le milieu associatif. Quel était l’objectif de l’association « Atouts Jeunes » ? Comment avez-vous réussi à organiser un voyage d’une semaine en Irlande ?

L’objectif de cette association est de proposer des cours afin d’améliorer le niveau d’anglais de ses membres. Elle organise des voyages financés par les membres eux-mêmes. J’ai donc pu réaliser un voyage en Irlande en auto-financement avec cette association à travers des actions comme la vente de gâteaux pendant la période de Noël ou encore la vente de tickets de tombola.

Après un Bac STG spécialité marketing, vous vous inscrivez en Licence de Psychologie à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Montpellier. Comment expliquez-vous ce renoncement à des études commerciales auxquelles vous sembliez vous destiner ? Pourquoi avoir opté pour une pré-spécialisation en psychologie du travail social ?

J’ai décidé de changer d’orientation scolaire car j’avais envie de découvrir la psychologie plus en détails. De plus, les possibilités scolaires après ce bac STG ne me convenaient pas. J’ai décidé de me pré-spécialiser dans la psychologie du travail et du social car je travaille tous les étés depuis mes 18 ans dans une usine. Dans cet univers professionnel, j’ai pu me rendre compte des dysfonctionnements tant au niveau personnel que professionnel. L’aliénation au travail que j’ai pu observer constitue le premier élément qui orientera mes études. En effet, les conditions de travail dans lesquels évoluent ces individus peuvent faire émerger un ensemble de pathologies de plus en plus médiatisées comme le burnout ou encore le harcèlement au travail. Le travail en tant que psychologue devient donc de plus en plus important dans le monde professionnel. Cela me permet donc d’envisager mon avenir plus sereinement au vu de l’augmentation des demandes concernant ces problématiques. C’est pourquoi, j’ai décidé de me spécialiser en psychologie du travail.

Durant votre troisième année de licence, vous rédigez un mémoire en articulant le style de leadership et la reconnaissance au travail. Quelle était votre problématique et les grandes conclusions de votre recherche ?

En effet, j’ai réalisé mon premier mémoire dans l’usine où je travaille tous les étés. Celui-ci avait pour problématique de découvrir dans quelle mesure le style de leadership pouvait avoir une influence sur la reconnaissance perçue par les travailleurs. La conclusion de ce mémoire est que plus le style de leadership est autoritaire et moins les travailleurs percevront de la reconnaissance. J’ai obtenu ces résultats en réalisant un questionnaire composé d’une cinquantaine de questions que j’ai pu diffuser auprès de deux équipes travaillant à la chaîne dans une même entreprise. La différence entre ces deux équipes est le style de management de leur chef d’équipe, l’un étant plus autoritaire que le second.

Admise en Master, vous faites le choix d’une spécialisation en intervention psycho-sociologique du travail et de la santé. Votre recherche, présentée devant la SFP (Société Française de Psychologie), porte sur le niveau d’intégration et de considération des stagiaires en entreprise. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Mon mémoire de première année de master portait sur l’objectification (considérer une personne comme un objet, lui enlever tout attribut humain comme ses émotions), l’auto-objectification (se percevoir soi-même comme un objet et intégrer la vision objectifiante d’un individu) , la conscience de soi (se connaître et deviner l’image renvoyé aux autres), le harcèlement et les normes auprès d’un public de stagiaire. On voulait savoir dans quelle mesure l’objectification pouvait influencer tous les autres concepts. La principale conclusion est que plus on objectifie le stagiaire et plus il va s’auto-objectifier. La conscience de soi quant à elle va être protectrice de ce phénomène.

Lors de votre deuxième année de Master, vous bénéficiez d’un stage dans une grande station de ski des Alpes. Votre problématique met en relation les comportements à risque et le stress au travail. Quels sont les deux points marquants qui ressortent de vos observations ?

Premièrement, les comportements à risque liés à la prise d’alcool ou de drogue chez les saisonniers en station de sports d’hiver sont dus en partie à la création des liens sociaux. C’est-à-dire que les saisonniers vont consommer de l’alcool pour des raisons sociales et festives afin de tromper l’ennui ou combler le stress ressenti au travail. Le deuxième point qui ressort de mon analyse est qu’il n’existe pas un espace communautaire où les saisonniers pourraient se rendre afin de jouer, de rencontrer des personnes, de pouvoir aller sur Internet hors cadre festif.

Vous découvrez la fonction de PsyEN par un stage obtenu dans un RASED de Haute-Saône situé en milieu rural. Quels sont les éléments marquants de cette « aventure » ? Qu’en concluez-vous pour la construction de votre avenir professionnel ?

Les éléments qui m’ont marqué sont :

  • Les nombreuses difficultés rencontrées par le corps enseignant, la psychologue de l’éducation nationale et les familles propres au contexte économique et social.
  • La spontanéité des enfants à venir d’eux-mêmes demander conseil et prendre rendez-vous auprès de la psychologue.
  • La persévérance et l’attention que porte les enseignants sur le bien-être des enfants.

Ce lieu de stage m’a permis d’envisager un avenir professionnel auprès d’un public d’enfant. En effet, un des éléments sur lequel j’accorde beaucoup d’importance est le sentiment de me sentir utile et de pouvoir aider dans la mesure du possible ces enfants et familles en difficulté. De plus, le métier de PsyEN est très diversifié et les journées ne se ressemblent pas même si certaines missions perdurent dans ce métier. Il faut réussir à s’adapter sans cesse aux difficultés spécifiques des enfants. Cela constitue donc un argument supplémentaire pour envisager mon avenir professionnel auprès de ce public.

Quelque chose qui n’a rien à voir avec la psycho et que vous avez envie de faire partager : un livre, un film, une conférence…

Les écrivains François Bégaudeau, Juan Franco et Lovecraft. Les chaînes Youtube comme « Thinkerview » et « Tedx Talks ».

Meghan Chautard, stagiaire PsyEN

Lire les Cahiers Pédagogiques pour faire notre miel

L’organisation des ressources pédagogiques et documentaires de l’établissement fait partie des grands axes de la circulaire de missions des professeurs documentalistes du 28 mars 2017. Au-delà de la recherche de ressources pour les élèves, que peut-on proposer pour les enseignants ? Le SE-Unsa revient sur cette question avec Cécile Blanchard, la rédactrice en chef de la revue des « cahiers pédagogiques » à laquelle de nombreux CDI sont abonnés.

Peux-tu nous présenter les Cahiers pédagogiques en quelques mots ?

C’est une revue associative publiée par le Cercle de recherche et d’action pédagogiques, pas tout à fait mensuelle (8 numéros par an avec interruption l’été, on se demande bien pourquoi !) et qui traite principalement de pédagogie et d’éducation, comme son nom l’indique. Les Cahiers se revendiquent de l’éducation nouvelle. Dans nos dossiers thématiques, nous publions des articles décrivant des pratiques de classes ou d’établissements et des éclairages plus théoriques, toujours avec le souci d’être accessibles et lisibles pour tous.

Est-ce qu’un magazine peut-être considéré comme un outil de formation ?

Ah oui, certainement ! Mais ce n’est pas de la formation institutionnelle et descendante, bien sûr. S’il faut préciser, je dirais que c’est un outil d’autoformation, tout comme lire un livre de sciences de l’éducation, ou bien de coformation, si l’on considère que l’on est formé par les auteurs des articles. On pourrait parler aussi d’écoformation. Bref, lire les Cahiers, c’est réfléchir à son métier pour faire évoluer ses pratiques, c’est donc bel et bien de la formation.

De nombreux établissements s’abonnent aux Cahiers pédagogiques, comment aider les enseignants à les utiliser pour leur pratique quotidienne ?

Je crois que les professeurs documentalistes ont un grand rôle à jouer dans ce domaine, en aidant les enseignants (ou CPE ou chefs d’établissement) de leur établissement à se saisir de la matière que nous proposons. Nous réfléchissons d’ailleurs actuellement à des outils qui leur faciliteraient la tâche, si certains veulent entrer en contact avec nous pour nous y aider…

Dans les Cahiers pédagogiques, les enseignants présentent ce qu’ils ont fait dans leur établissement, mais peut-on vraiment reproduire ces situations dans un autre environnement ?

Parfois oui, sans doute, mais ce n’est pas vraiment le propos. Notre idée, c’est de fournir matière à réflexion aux professionnels de l’éducation, afin qu’ils trouvent les solutions les plus adaptées à la classe ou au groupe d’enfants qu’ils ont en face d’eux à un moment T. Ce n’est forcément pas la même classe que celles décrites dans les articles. On veut leur apporter l’inspiration dont ils feront leur miel (oui, les éducateurs font un très bon miel d’inspiration, qui vaut presque le miel de châtaigner des abeilles!). Ce que nous défendons, c’est l’idée que les enseignants, les CPE, les chefs d’établissement, doivent tendre à être des praticiens réflexifs, des professionnels qui réfléchissent à leurs pratiques, pour les améliorer, tout en les mettant en accord avec leurs valeurs.

Le parcours de Valentine, CPE

Votre parcours d’études universitaires initial a débouché sur l’obtention d’un Master « Gestion des Industries agro-alimentaires ». Pourquoi avoir choisi cette filière ? Sur quel thème portait votre mémoire et quelles ont été les grandes conclusions de votre recherche ?

J’ai toujours été très curieuse et scientifique. Mon parcours scolaire studieux m’a conduite vers la biologie. J’avais besoin de mieux connaître le vivant puis lors de mon parcours en IUT, l’agro-alimentaire me semblait un secteur d’activité dynamique et riche de diversité (à l’image de la diversité des produits alimentaires). Et pourtant, déjà à l’époque, l’éducation m’appelait… mais ça ne me semblait pas logique de devoir faire un bac +5 en biologie pour être ensuite un professeur des écoles qui enseigne toutes les matières.

J’ai, durant mon cursus universitaire réalisé plusieurs mémoires, lors de l’apprentissage en tant qu’élève ingénieure, puis en master effectivement. Les thèmes principaux étaient : l’étude de la rentabilité d’un atelier de production, l’optimisation de l’outil de production ou encore la réduction des déchets d’un atelier de fabrication. Ces thèmes sont tout de même très loin de mon activité d’aujourd’hui… !

Pendant 11 ans, vous enchaînez les postes dans le secteur privé en lien avec vos études précédentes. Quels sont les points forts que vous retenez de ces expériences ? Quelles sont les compétences acquises et transférables au métier de CPE ?

Mes études plutôt généralistes et mes premiers postes (7 expériences différentes en 11 ans !), me permettent de développer beaucoup d’adaptabilité, un grand sens de l’efficacité, des capacités d’analyse de systèmes, l’utilisation et l’animation d’une démarche qualité dans la résolution de problème ou dans l’amélioration d’un « processus ». J’ai également pu découvrir le monde le l’entreprise privée : le code du travail, la rigueur de son application ainsi que les relations humaines professionnelles et le management : la gestion d’équipes de composition variable.

Lors de mes premiers pas en tant que CPE, j’ai seulement à ce moment-là fait le parallèle étroit entre mes différentes expériences. Effectivement, le CPE, comme un responsable de production doit :

  • Gérer une équipe
  • Suivre des indicateurs et les faire progresser à l’aide d’un plan d’action
  • Mettre en place des projets

Cela a été une véritable révélation et m’a permis de prendre très vite mes marques en tant que CPE en Education Prioritaire dans la ville d’Argenteuil (95). À ce moment-là je me rappelle m’être dit : « si mon efficacité peut me permettre d’avoir plus de temps pour être à l’écoute des élèves et des parents alors tout ce parcours prendra son sens ». J’ai également été ravie de mettre toutes ces compétences au service de l’éducation des futurs citoyens, ceci me parlait beaucoup plus que le chiffre d’affaires d’une entreprise de fabrication !

En 2012, vous obtenez un Master « vie scolaire et pratique de l’éducation » et vous réussissez la même année le concours externe de CPE. Qu’est ce qui a été à l’origine de votre décision d’entrer dans la fonction publique et de vous orienter vers la fonction de CPE ?

Ce sont des doutes lors de mes différentes expériences qui m’ont amenée à faire deux bilans de compétences en tant que demandeur d’emploi puis dans le cadre du DIF (Droit Individuel de Formation). Le dernier bilan avec l’aide de professionnels exceptionnels a mis en évidence les valeurs qui me portent et d’autres qui prennent peu de sens en moi. En effet, par exemple, le pouvoir n’était pas un levier de motivation et en parallèle l’altruisme était une caractéristique très forte de ma personnalité ainsi que des valeurs humanistes. Nous avons alors cherché les métiers possibles. J’ai ensuite poursuivi mon raisonnement à l’aide d’interviews de professionnels et le métier de CPE est devenu une évidence.

Après votre année de stage, vous vous trouvez affectée dans un collège REP de l’académie de Versaille. Quels sont les « chantiers » qui vous sont apparus comme prioritaires à engager dans cet établissement ? Avez-vous perçu, au fil du temps, des évolutions positives dans ces domaines ? Lesquelles ?

Arrivée dans un contexte difficile, j’ai dû très vite apprendre à affirmer un cadre éducatif bienveillant, j’ai d’ailleurs à cette occasion appris à pousser ma voix !

Ce contexte particulier a été également l’occasion de développer un partenariat important avec mes collègues, et plus spécialement le pôle médico-social. Ceci m’a permis de comprendre l’environnement sociologique dans lequel j’apprenais mon travail.

J’ai eu l’opportunité de participer à un projet pédagogique innovant pour développer la motivation et la mise au travail de tous les élèves de mon établissement. J’ai compris à cette occasion la relation étroite entre l’organisation des flux et du service vie scolaire avec la mission d’enseignement d’un EPLE.

Le chantier le plus important pour moi a été de constituer une équipe vie scolaire solide dans sa posture d’adultes référents du cadre éducatif. Ceci a été difficile et reste fragile à chaque instant tant le recrutement des assistants d’éducation est compliqué encore aujourd’hui sur le bassin d’Argenteuil.  Cependant, le soutien de la direction et un travail partenarial avec d’autres CPE et personnels de direction du bassin d Argenteuil, m’ont permis de mettre en place un processus de formation et d’encadrement des AED tout au long de l’année. Ceci permet notamment de les former au respect du principe de laïcité, à la communication non violente, à la gestion de conflits mais aussi au repérage des situations de harcèlement. J’ai pu durant 6 ans mesurer l’évolution du professionnalisme de l’équipe vie scolaire tout en continuant à développer mes compétences en relations humaines et en gestion d’une équipe.

Vous relevez le défi de faire fonction de personnel de direction adjoint pendant 12 mois dans un collège puis dans un lycée. Comment avez-vous vécu ce « glissement » de fonction ? Quels points communs et quelles différences voyez-vous entre la fonction de CPE et celle de chef d’établissement ?

Ce changement de fonction s’est fait très naturellement grâce à mon expérience de responsable dans l’industrie. J’ai également eu la chance d’être l’adjointe de chefs d’établissement très accueillants et soutenants. Mon sens de l’efficacité m’a été très utile dans ces moments-là car ce sont des postes très sollicitants.

J’ai retrouvé la dimension de pilotage mais à un autre niveau, à l’échelle d’un établissement au lieu d’un service vie scolaire. J’ai beaucoup apprécié de participer, en étroite collaboration avec le chef d’établissement, à l’élaboration de la politique de l’établissement. La mission d’adjoint renvoie à une mission de soutien et de conseil du chef d’établissement plus poussée qu’en tant que CPE.

J’ai cependant pu aussi mesurer le rôle différent de la direction auprès des collègues enseignants avec ses avantages et ses limites.

J’ai conscience d’avoir eu la chance de vivre des expériences très riches et intéressantes. Je suis sûre qu’elles ont contribué à renforcer mon positionnement éthique et responsable en tant que CPE.

Suite aux opérations du mouvement-inter académique, vous intégrez l’académie de Besançon à la rentrée 2019. Dans quel secteur géographique préfériez-vous être nommée ? Pourquoi ? Qu’attendez-vous de cette nouvelle page de votre carrière ?

Je recherche plutôt un retour à la nature car la région parisienne est très dense et la vie très intense. J’aspire à un retour au calme et à un rythme plus serein. J’ai également envie de découvrir un autre environnement professionnel, peut-être plus rural, en tout cas plus « provincial ». Je suis curieuse de découvrir le rôle du CPE dans un autre environnement sociologique et pourquoi pas découvrir le lycée.

À quels projets de développement professionnel ou d’évolutions de carrière avez-vous réfléchi ? à moyens termes ? à longs termes ?

Je n’ai pas d’idée précise pour l’instant mais je continuerai à suivre mon instinct.

Je reste cependant très ouverte aux opportunités et aux surprises !

J’aimerais beaucoup pouvoir œuvrer à l’échelle d’un établissement, mais aussi dans d’autres dimensions comme la formation, l’accompagnement de collègues, CPE ou enseignants.

Valentine Bourdon, CPE dans l’académie de Versailles

Moumtaze, professeure documentaliste sur une île de l’Océan Pacifique, témoigne

Moumtaze est professeure documentaliste au collège Uporu de Tahaa, en Polynésie française, depuis la rentrée 2016.

Partir enseigner en Polynésie, est-ce vraiment idyllique ?

J’habite l’île de Raiatea qui se situe dans le même lagon que l’île de Tahaa, j’emprunte donc une navette bateau quatre fois par semaine pour aller au collège qui se situe au fond de la baie de Haamene. Après avoir traversé le lagon bleu turquoise, je fais le trajet à pied jusqu’au collège, en traversant un petit village entouré de collines où foisonne une jolie végétation tropicale. Pour parfaire le côté carte postale, j’habite sur un voilier avec mon mari et deux de mes enfants. Nous naviguons à chaque période de vacances scolaires pour découvrir la Polynésie par la mer. La culture polynésienne me touche énormément ; c’est ma deuxième mise à disposition, ayant déjà été professeure documentaliste à Tahiti de 2006 à 2009.

Peux-tu nous parler de ton établissement et de ton CDI ?

Le collège de Tahaa accueille 325 élèves, avec un clivage entre des élèves qui réussissent et des élèves peu motivés, en difficulté scolaire, qui peuvent adopter des attitudes de renoncement.

À mon arrivée, j’ai découvert un CDI bien terne, plutôt une réserve d’ouvrages obsolètes et un déversoir de la permanence, qui ne correspondait pas du tout à ma façon de travailler. J’ai commencé par un grand ménage : nettoyage, désherbage et réaménagement de l’espace avec l’aide d’élèves d’une section professionnelle attachée au collège, la section AFAT (activités familiales artisanales et touristiques) du CETAD qui est une structure de formation spécifique à la Polynésie. J’ai alerté l’équipe de direction sur la nécessité d’offrir un espace convivial et pertinent pour les élèves, et ai obtenu les crédits nécessaires pour le renouvellement du fonds documentaire et le remplacement des ordinateurs. Je me suis attelée à changer sa perception par les élèves et les collègues, et à lui donner sa place au cœur du collège, le tout en veillant à y associer constamment les élèves et la communauté pédagogique et éducative.

Dans quelles actions, missions ou projets t’es-tu investi depuis ton arrivée ?

Outre ma mission pédagogique dans le cadre de l’EMI, je suis référente du Parcours Avenir, mais aussi personne ressource pour la préparation des élèves à l’oral du DNB, et également référente du PEAC.

J’aime travailler en réseau, à sortir ma pratique du simple cadre du CDI comme lieu physique, n’hésitant pas par exemple à réaliser le kiosque à journaux de la semaine de la presse sous le préau, en collaboration avec l’équipe de la vie scolaire, mais aussi à sortir du collège, en proposant une exposition sur les poilus tahitiens à la mairie dans le cadre de la commémoration du centenaire de l’armistice de la 1re guerre mondiale, en collaboration avec la bibliothèque de Haamene.

Je m’attache à mobiliser toutes les énergies pour la réussite des élèves. Je travaille avec mes collègues du collège, mais aussi avec des associations de Raiatea et Tahaa ; le partenariat avec les parents d’élèves de l’île de Tahaa est l’une des clés de la réussite de mes projets.

En quoi les projets que tu mènes sont adaptés au territoire ?

Je m’appuie beaucoup sur la culture et les arts traditionnels polynésiens pour donner du sens aux apprentissages des élèves. Je pars du vécu et de ce qui est familier aux élèves pour travailler, avec mes collègues, les compétences du socle commun.

Depuis deux ans, je fais participer un groupe d’élèves du collège à un concours porté par la ministre de l’éducation et le ministre de la culture polynésien, le HEIVA TAURE’A, qui consiste à présenter un spectacle traditionnel sur « LA » grande scène de spectacle locale, la place To’ata qui reçoit les plus grandes vedettes de passage à Tahiti et les grands groupes de danses traditionnelles au mois de juillet. C’est un projet pédagogique, mené en cours et en atelier, qui permet à chaque discipline participante d’utiliser un support concret pour l’appropriation des savoirs, et aux élèves de trouver une source de motivation et de valorisation pour mieux apprendre et se réaliser. J’ai été l’un des premiers professeurs à intégrer le projet à ses débuts l’année dernière, et on s’est bien débrouillés : classés 3e sur neuf établissements en 2018, les élèves du collège Uporu ont terminé à la 2e place, sur seize collèges, cette année. C’est un beau projet qui fédère, pendant toute sa préparation, toute une équipe : élèves, enseignants, personnel non-enseignant, intervenants extérieurs liés à la culture traditionnelle, parents et familles.

Et quel est le prochain projet que tu vas mener ?

Dans le même esprit, j’accueille, chaque année, au collège le FIFO (Festival international du film documentaire océanien) qui est d’abord organisé à Tahiti au mois de février, puis transporté « hors les murs » dans les îles de Polynésie. Les projections permettent aux élèves d’élargir leur perception du monde. J’ai décidé cette année d’y associer les élèves du CJA de Tahaa, situé à Haamene (le Centre des jeunes adolescents est une structure polynésienne qui permet à des jeunes en difficulté scolaire à la fin du primaire de suivre une scolarité à dominante professionnelle), en leur permettant de partager les projections au CDI avec les élèves du collège.

Le parcours de Virginie, PE

Vous faites le choix d’un parcours universitaire en Biologie générale et sciences et vie de la terre. Quelles ont été vos motivations à l’époque pour vous diriger vers cette discipline ?

J’ai choisi cette licence car depuis toute petite j’étais plus à l’aise dans les matières scientifiques que littéraires. Et c’était la suite logique de mon parcours scolaire : 1ère S, Bac D et c’était la licence conseillée pour être professeur des écoles.

Vous découvrez le monde de l’Éducation nationale par un contrat d’aide-éducatrice obtenu dans le département de l’Allier. Quels ont été les contours de vos missions ? Diriez-vous que cette expérience a été décisive dans votre orientation vers le métier d’enseignant ?

N’ayant pas réussi le concours d’entrée à l’IUFM, ne voulant pas rester inactive, j’ai postulé pour cet emploi qui me permettrait de vérifier si c’était vraiment le métier qui me convenait.

J’étais affectée dans deux écoles rurales. J’intervenais dans les différents niveaux pour effectuer du soutien, de l’aide administrative, de l’informatique et participer à l’encadrement, les mercredis, des sorties USEP.

Après votre année de stage, votre première affectation a lieu dans un EREA de Haute-Loire. Comment l’avez-vous vécu ? Considérez-vous que cette année a eu un impact sur votre appétence dans la gestion des élèves en difficulté ?

L’EREA a été une expérience très enrichissante. Elle m’a permis de me rendre compte de l’importance du travail en équipe et de la démarche à adopter avec des élèves en difficulté.

J’ai eu de la chance d’être nommée remplaçante rattachée à l’EREA, si bien que j’ai exercé la mission d’enseignante (maths, français, physique, anglais) et éducatrice (surveillance de cantine, de nuit, et gestion d’ateliers divers les mercredi après-midi, les soirs). J’étais donc soutenue, guidée par les enseignants et les éducateurs. Ils m’ont appris qu’il fallait être claire avec les élèves sur mes attentes, qu’il fallait fonctionner en contrat et s’y tenir. Le respect doit être mutuel.

Si j’avais construis ma vie dans cette région, je pense que j’aurais poursuivi ma carrière dans cet établissement.

Depuis votre arrivée en Haute-Saône, vous avez enseigné dans les 3 cycles d’enseignement. Comment vivez-vous la polyvalence des âges liée à votre métier ? Avez-vous aujourd’hui une préférence pour l’un des cycles ? Pourquoi ?

Le fait d’avoir enseigné dans les différents cycles permet d’avoir une vue générale des attentes de l’école primaire, les liens entre les différents cycles, les méthodes d’apprentissages et l’évolution de l’élève. Il a été pour moi plus facile de passer du cycle 1 au cycle 3, que de passer de CM2 au CP où l’enseignante passe d’une certaine autonomie de l’élève à une demande constante d’accompagnement dans les apprentissages.

Cette année, vous accueillez tous les après-midis 2 élèves d’une classe ULIS et plusieurs élèves confrontés à des DYS. Quels sont les stratégies pédagogiques que vous mettez en œuvre pour prendre en compte leurs spécificités ?

Nous avons de plus en plus d’élèves diagnostiqués dys, mais nous avons peu de solutions proposées pour nous aider, nous conseiller et adapter notre travail. Nous tâtonnons, nous essayons certaines adaptations, que nous améliorons ou abandonnons suivant les résultats de chaque élève. Mais pour la majorité ce qui fonctionne bien c’est le passage à des codes couleur pour se repérer ou limiter l’écrit. Pas de doubles tâches, d’où la numérotation des différentes actions ou d’un guide rappelant les tâches à faire dans l’ordre. Les traces écrites sont réduites (texte à trous ou photocopie de l’intégralité de la leçon), les textes de travail sont écrits en police 14, avec un interligne de 1.5, avec la police Opendyslexic et la mise en avant des syllabes avec le logiciel Lire couleur. Les lignes pour les réponses doivent se situer juste en dessous de la question…

Toutes ces adaptations sont discutées avec les orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes… pour que nous travaillions tous de la même façon et que nous ne submergions pas l’élève avec différentes méthodes.

Certaines de ces adaptations peuvent servir à toute la classe et chacun a besoin de « ses petites béquilles » pour progresser. Einstein qui était dys a dit : « Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur sa capacité à grimper dans un arbre, il passera sa vie entière à croire qu’il est stupide ».

Quels sont les points forts de vos méthodes de travail ? Dans quel sens vous reconnaissez-vous dans l’approche de la pédagogie Freinet ?

Mes méthodes de travail se rapprochent de la pédagogie Freinet car elles passent par le respect de l’élève et de ses différences. Par le fait d’imposer un cadre de fonctionnement et des attentes précises, nous empêchons certains élèves de progresser en les enfermant dans un carcan. Personne ne peut régler tous ses problèmes en même temps. Un élève qui arrive le matin en classe porte avec lui ses connaissances, ses savoir –faire, ses peurs, ses problèmes et bonheurs personnels qui vont jouer sur sa disponibilité à entrer dans les apprentissages.

Envisagez-vous la préparation du CAPPEI et la suite de votre carrière dans l’enseignement spécialisé ? Si oui, plutôt sur quel type de poste ? Si non, pour quelles raisons ?

Je n’envisage pas pour le moment de repartir dans l’enseignement spécialisé car je dois être disponible pour mes enfants et surtout pour celui qui est dyslexique. Pendant sa scolarité, il aura besoin de mon aide pour que son trouble soit pris en compte en classe et pour l’aider dans ses devoirs. Tout ne sera pas adapté pour le rendre autonome.

Quand ils n’auront plus besoin de mon coup de pouce, je repartirai peut être vers le spécialisé qui sait !?

Virginie Dubois, professeure des écoles dans le 70

Le parcours de Mylène prof de lettres stagiaire

À l’issue de vos études secondaires, vous obtenez brillamment un baccalauréat littéraire. Quels souvenirs gardez-vous de vos enseignants de lycée ? Avez-vous en tête une pratique pédagogique qui vous a semblé particulièrement efficace ?

Étrangement les enseignants du lycée m’ont moins marquée que ceux du collège où j’ai eu un vrai déclic pour le français, le latin et le théâtre. Néanmoins, je me souviens particulièrement du professeur d’anglais qui avait très bien compris que sa matière n’était pas du tout ma préférée et qui a su être très à l’écoute de mes difficultés et de mon stress face à l’épreuve du baccalauréat. Le professeur de théâtre a aussi marqué mes années lycée. C’était un homme passionné grâce auquel j’ai pu me retrouver un jour, seule sur scène pour un monologue, devant des centaines de personnes que j’ai réussi à faire rire… Grâce à ces deux professeurs, j’ai gagné énormément de confiance en moi. Ce n’est pas tant une pédagogie qui m’a marqué mais la dimension humaine essentielle au métier de professeur selon moi.

Votre parcours se poursuit avec deux années en classe préparatoire. Quels sont, selon vous, les principaux bénéfices et écueils d’une formation intensive de ce type ?

Les deux années de classe préparatoire ont été intenses, il n’y a aucun doute là-dessus. Il faut être très rigoureux dans le travail et ne pas compter les heures de révision. Ce sont deux années où les études deviennent nécessairement notre priorité si on veut réussir un minimum. L’enseignement qu’on reçoit reste aussi très magistral et traditionnel, de ce fait la densité des cours s’en ressent et il est facile de décrocher. Cependant, si c’était à refaire je n’hésiterais pas ; j’ai eu un enseignement encore très général et approfondi deux ans après le baccalauréat et cela m’a apporté une certaine culture générale et une ouverture sur le monde. J’ai apprécié aussi l’encadrement à mon encontre rassurant et semblable à celui du lycée, étonnamment, même si c’est un rythme de travail intense, la transition entre les années lycée et le post bac devient plus douce. Et surtout, ce sont des méthodes de travail efficaces que j’ai acquises et que j’ai pu réinvestir pour le restant de mes études.

De retour en Faculté, vous découvrez l’expérience d’EAP (Emploi d’Avenir Professeur) dans le même collège que celui dans lequel vous aviez été élève auparavant. Diriez-vous que cette fonction vous a conforté dans votre projet de préparer le CAPES ? Pourquoi ? Quels sont les avantages et les inconvénients de ce « retour aux sources » ?

L’expérience d’EAP a sans doute été une des plus belles de ma vie honnêtement. Même si j’ai toujours su que je travaillerais dans le milieu de l’éducation, cela a définitivement concrétisé mon parcours scolaire. J’ai clairement vu l’objectif de mes études et cette expérience m’a ainsi énormément motivée dans ma voie, en y donnant finalement un sens concret. Les professeurs du collège et surtout ceux qui m’ont donné le goût du français et du latin étant pour la plupart encore présents dans l’établissement, c’était un véritable plaisir voire une certaine fierté d’être passé de l’autre côté, du statut d’élève à professeur à côté d’enseignants que j’admirais. Cependant, revenir aux sources m’a demandé un effort de lucidité : je me trouvais dans un collège de campagne, avec une bonne réputation, prisé dans les mutations et en plus j’en connaissais particulièrement bien les lieux et le fonctionnement. Il fallait donc que je me rende à l’évidence que tous les établissements n’étaient pas aussi accueillants avec des classes systématiquement faciles à gérer.

Lauréate du CAPES, vous êtes nommée fonctionnaire-stagiaire dans un collège de Besançon. Comment vivez-vous cette année de formation ? à l’Espé ? au collège ?

Avoir le statut de fonctionnaire-stagiaire n’est pas chose évidente. On est tiraillé entre l’envie de s’investir pleinement dans ce métier qu’on a tant désiré, et ainsi mettre fin à notre frustration, et on apprécie quand même le rythme « plus facile » permis par l’alternance entre l’Espé et le collège. Plus l’année avance, plus je gagne en assurance dans mon métier et de ce fait, on se sent parfois infantilisé quand du jour au lendemain vous redevenez élève après avoir été professeur. Je craignais aussi de devoir justifier ma légitimité à enseigner dans le collège mais pas du tout : bien que j’ai deux classes dont une particulièrement difficile, les parentes d’élèves m’ont toujours soutenue et il en est de même pour les collègues et les membres de la direction. Finalement le plus difficile reste de s’imposer comme une figure d’autorité face à ses élèves.

Dans le cadre de la préparation de votre Master, vous avez choisi un sujet de mémoire sur le thème du personnage du loup en littérature. Pourquoi ce choix ? Quelles sont vos premières conclusions ?

En élaborant ce mémoire, je voulais savoir si ce personnage du loup, qui m’a tant marqué quand j’étais enfant, était autant présent dans l’esprit des gens que dans le mien. Et il s’avère que oui : c’est un animal et un personnage omniprésent dans notre culture et dont le symbolisme est très fort. Traditionnellement associé au mal, à la perversité, il est intéressant d’observer le revirement culturel qu’il connait aujourd’hui : le loup est de plus en plus ridiculisé, humanisé. Celui qu’on considérait depuis toujours comme l’adversaire de l’homme devient progressivement son ami. Enfin ce thème est d’autant plus intéressant qu’il imprègne notre littérature et s’intègre parfaitement dans les programmes scolaires par l’étude des fables, des contes …

Vous montrez de l’intérêt pour une langue ancienne comme le latin qui est une « composante » de votre CAPES. Comment motiver les élèves dans l’enseignement d’une discipline qui n’est pas vraiment « à la mode » ?

Malheureusement, le latin devient une denrée rare aujourd’hui dans les établissements scolaires, et pourtant, il est tellement intéressant étudié ! Les élèves ont besoin de concret et de donner sens à leur apprentissage et le latin participe à cela. Le français est une langue complexe mais l’étymologie éclaire le sens et l’orthographe des mots, donne des moyens mnémotechniques aux élèves pour faciliter leur apprentissage. Le latin est au carrefour de plusieurs langues (l’espagnol, l’italien et le français notamment), il est donc utile pour les élèves d’y être familiarisé pour établir des liens entre les différentes disciplines, y trouver une certaine logique et concrétiser leur apprentissage. Il faut aussi s’efforcer, je pense, d’actualiser la langue : les hommes latins évoquaient des sujets qui sont tout à fait d’actualité aujourd’hui comme la recherche de l’amour, la politique… Le latin est une langue morte mais il faut s’efforcer de la rendre vivante dans l’esprit des élèves pour qu’elle perdure.

Parmi vos projets personnels à moyens termes, il y a l’envie de voyager dans divers pays d’Europe. Lesquels ? Pourquoi ? Vous sentez-vous prête, par la suite, à organiser des voyages scolaires sur ces territoires ?

Depuis toujours, je suis fascinée par tout ce que notre planète a à nous offrir : des paysages variés, des cultures enrichissantes, des rencontres incroyables, une ouverture d’esprit évidente… Je pense que voyager est la meilleure chose à faire pour se remettre en question, en tant qu’individu, en tant que membre d’une société. On grandit grâce au contact avec les autres et j’aimerais en profiter le plus possible. Mon rêve le plus grand serait de faire le tour du monde et j’espère sincèrement que j’aurai l’occasion de le faire. Sachant que jusqu’ici, en raison de mes études prenantes et de mes petites économies, je n’ai pas fait énormément de voyages, je suis extrêmement reconnaissante vis-à-vis des professeurs qui m’ont permis de voyager par le biais de mes études. J’espère me sentir assez prête, dans quelques années, pour accompagner mes élèves en voyage et pour susciter chez eux cet amour de la découverte, de la rencontre avec l’inconnu. Pour l’instant l’aspect organisationnel et la responsabilité que cela engendre m’effraient encore, mais je commence à voyager à une plus petite échelle en emmenant mes élèves au cinéma. Le reste viendra avec le temps !

Mylène Loureiro
Professeur stagiaire certifiée
Académie de Besançon

Le parcours d’Émeline, stagiaire PLP

Après un Bac ES et des études universitaires en sciences humaines, vous faites le choix d’une année Erasmus en Finlande. Que retenez-vous de l’approche pédagogique dans le système éducatif finlandais ? Quels dispositifs porteurs vous semblent transférables en France ?

J’étais essentiellement à l’Université, mais j’ai pu avoir un aperçu de l’approche pédagogique dans le système éducatif finlandais et sans surprise elle est très différente de celle que nous connaissons en France. Je pense que ce que j’ai pu expérimenter à l’Université reflète assez bien le fonctionnement pédagogique en Finlande. Beaucoup de comportements que j’ai pu observer à l’Université semblaient intériorisés depuis longtemps.

Nous avions assez peu de cours magistraux, les finlandais ne sont pas dans une logique descendante des apprentissages, du prof vers les élèves/étudiants. Ce sont plutôt des apprentissages co-construits, chacun va à son rythme et est acteur de son propre apprentissage. L’école est là pour accompagner les élèves dans la prise de conscience de leur apprentissage. D’ailleurs, il n’y pas d’évaluation chiffrée dans école fondamentale (scolarité obligatoire de 7 à 16 ans). L’évaluation consiste en une appréciation sur l’acquisition des compétences et toujours dans une logique encourageante. Je me souviens que l’auto-évaluation était elle aussi très pratiquée dans un but réflexif sur les apprentissages en cours. En France, nous avons de plus en plus recours à l’auto-évaluation mais je pense que nous pourrions la rendre encore plus systématique à l’image de ce qui se pratique en Finlande. Il me semble que c’est un bon moyen de rendre les élèves acteurs de la construction et de l’évolution de leurs apprentissages. À mon sens cela permet aux élèves d’être plus conscients de leurs propres progrès.

À l’Université chaque étudiant s’inscrit à des modules en fonction de ses aspirations et envies. Par exemple, j’étais inscrite en géographie mais j’ai pu piocher des cours en économie, en sociologie ou en sciences politiques… Chacun construit progressivement ses savoirs et son parcours comme il le souhaite.

Les jeunes finlandais sont aussi, très tôt, amenés à coopérer de manière constructive et à travailler en groupe. Les classes sont généralement disposées en îlot.

Je me souviens aussi qu’en primaire et dans le secondaire, les cantines et les fournitures scolaires étaient gratuites afin d’offrir les mêmes chances de réussite à l’ensemble des enfants et de gommer les inégalités sociales.

Enfin l’anglais est introduit très tôt dans les enseignements, beaucoup de finlandais sont bilingues. Par exemple, à l’Université beaucoup de cours sont dispensés en anglais, mais ce n’est pas un frein pour les étudiants qui choisissent quand même ces enseignements.

À votre retour, vous vous engagez dans la préparation d’un Master de géographie avec une spécialité en développement et solidarité internationale. Pourquoi ce choix ? Sur quelle thématique portait votre mémoire et quels sont vos souvenirs de vos séjours en Afrique de l’ouest ?

J’ai décidé de m’orienter vers un Master professionnel de géographie du développement car je souhaitais devenir chargée de mission dans le domaine de la coopération et de la solidarité internationale. En seconde, après un voyage à Madagascar, j’avais déjà développé cet intérêt pour les questions de développement, cette idée était restée dans un coin de ma tête puis j’ai suivi mon cursus lycéen. C’est finalement lors de ma licence de géographie que cet intérêt s’est à nouveau manifesté. En Erasmus, j’ai suivi des cours de géographie du développement qui ont confortés mon choix. En entrant en Master à la Sorbonne, j’ai souhaité m’orienter vers les questions d’accès à l’éducation en milieu rural et plus spécifiquement en Afrique de l’Ouest.

Mon mémoire portait sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes burkinabés après des formations agricoles en milieu rural. Je menais cette étude d’évaluation pour les Maisons Familiales Rurales, dans ce cadre je suis restée 5 mois au Burkina Faso. Ces 5 mois ont été vraiment enrichissants.

Pendant un an, vous effectuez un service civique au sein du Cercoop. Que signifie ce sigle et quel est le principal objectif de ce dispositif ? Sur quels champs de responsabilité vous êtes-vous investie ?

Le Cercoop est un réseau régional multi-acteurs pour la coopération et la solidarité internationale en Bourgogne-Franche-Comté. L’objectif de cette structure est d’accompagner les actions de coopération et de solidarité internationale menées sur le territoire franc-comtois et à l’international et de favoriser les mutualisations entre les acteurs. Ma mission consistait à réaliser une cartographie et un état des lieux des projets de coopération franc-comtois (leurs domaines d’actions, les pays partenaires…). Mais j’ai aussi pu accompagner des porteurs de projet notamment dans le montage de projet à travers des formations.

Créatrice de lien social, vous décidez de lancer une association et vous vous impliquez dans plusieurs festivals. Et si vous nous en disiez davantage…

En effet, j’ai été engagée sur plusieurs projets associatifs, dans les domaines culturels et environnementaux. J’ai notamment monté une association de sensibilisation au gaspillage alimentaire par le biais de l’organisation de Disco Soupe. Ce sont des événements festifs de sensibilisation au gaspillage, nous collectons des fruits et légumes invendus auprès des supermarchés et producteurs puis nous les transformons en soupe, salade, jus avec le public qui épluche et découpe. Les participants changent de regard sur les produits qu’ils n’auraient peut-être pas consommés chez eux les considérant trop « moches, abimés »… J’ai aussi participé à l’organisation d’Alernatiba Besançon et à la mise en place d’un festival d’arts de rue, le Festival du Bitume et des Plumes. Il s’agit d’un festival gratuit avec des compagnies amateures ou professionnelles locales (cirque, théâtre, danse, clown, concert, expositions et ateliers…). Le but est aussi de faire découvrir la richesse du patrimoine urbain et historique de Besançon. Les spectacles ont lieu dans des cours intérieures et lieux insolites du quartier.

Vous exercez successivement les fonctions d’assistante pédagogique en éducation prioritaire puis d’assistante d’éducation en lycée professionnel. Quels sont les points communs et les différences entre ces 2 expériences ? Diriez-vous que ces missions ont eu un impact crucial dans votre décision de devenir enseignante ? Pourquoi ?

Le principal point commun entre ces deux expériences est probablement lié à la zone géographique dans laquelle se situaient ces deux établissements, à savoir un quartier de la banlieue de Besançon. Le public était donc sensiblement le même. J’ai d’ailleurs retrouvé les mêmes élèves. Mais globalement c’étaient des expériences assez différentes et néanmoins complémentaires qui m’ont permis de découvrir deux aspects de mon métier actuel. Au-delà des missions qui étaient différentes, c’est surtout la relation aux élèves qui étaient différentes car en tant qu’AP la posture est plus proche de celle de l’enseignant que de l’AED. J’ai d’abord été Assistante Pédagogique au collège Diderot. J’intervenais dans les classes en supplément et à la demande de certains professeurs (toutes disciplines confondues). J’avais aussi « la charge » d’une classe de 6e que je voyais en demi-groupe une fois par semaine (accompagnement dans leur nouveau rôle de collégiens, aide aux devoirs, mise à niveau dans certaines disciplines, aide à l’organisation…). Avec cette classe, j’intervenais aussi dans certaines matières en appui pédagogique aux professeurs (français et mathématiques). Enfin, je faisais de l’aide aux devoirs une fois par semaine, tous niveaux confondus. Ensuite, j’ai été Assistante d’Education à mi-temps au Lycée professionnel Tristan Bernard de Besançon. J’intervenais en journée et à l’internat, j’ai également été en charge de quelques heures dans le cadre du dispositif « devoirs faits » avec les 3e Prépa Pro. Je venais d’échouer au CAPES, je voulais tenter le CAPLP mais craignais un peu le public de LP or cette expérience a confirmé mon désir de passer le CAPLP lettres-histoire-géo. Alors oui, je peux dire que ces deux expériences ont eu impact crucial sur ma décision de devenir enseignante, elles ont d’ailleurs confirmé cette volonté de devenir.

PLP stagiaire en lettres-histoires, vous traitez de la transversalité disciplinaire dans votre mémoire et vous avez construit un projet de co-intervention avec un collègue. Quelle est la problématique de votre recherche ? En quoi l’approche interdisciplinaire vous semble t-elle répondre aux attentes des élèves ?

En effet, dans mon mémoire j’ai décidé de proposer et analyser une approche transdisciplinaire de l’Education au Développement Durable, en lycée professionnel et plus particulièrement avec une classe de seconde baccalauréat professionnel. La problématique de ma recherche est la suivante : quelle Education au Développement Durable en lycée professionnel à l’heure de l’évolution du concept de Développement Durable et de la réforme du lycée professionnel ?

Je pense que l’approche interdisciplinaire peut répondre aux attentes de nos élèves concernant plusieurs points. D’abord, les élèves ont souvent du mal à comprendre la finalité des différents enseignements qu’ils reçoivent et à faire du lien entre eux. C’est pourquoi, il me semble qu’une approche collective, transversale et décloisonnée de certaines questions permettra aux élèves de faire du lien entre les différentes disciplines et de donner du sens à leur parcours scolaire mais également à leur formation en tant que futurs citoyens. Il me semble nécessaire que les élèves parviennent à donner du sens à leurs apprentissages. Aussi il me semble que l’interdisciplinarité permet de mieux prendre en compte la diversité des élèves et ainsi proposer une pédagogie différenciée.

Compte-tenu de la richesse de votre parcours, on imagine aisément que plusieurs projets trottent actuellement dans votre tête pour des échéances rapides ou plus lointaines. Nous donnerez-vous l’exclusivité de vos perspectives ?

En effet, j’aimerais mettre en place plusieurs projets avec mes classes à plus ou moins long terme.

D’abord, j’envisage d’aller à Verdun avec ma classe de 3e prépa pro, au printemps. La première guerre mondiale étant au programme d’histoire de 3e, il me semble intéressant que les élèves puissent découvrir et visiter un lieu de mémoire emblématique de ce conflit.

J’envisage aussi de faire intervenir des associations engagées dans la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre de mes cours d’Enseignement Moral et Civique et de Géographie, les questions du développement durable et de l’alimentation étant au coeur des programmes de seconde professionnelle.

Émeline Braud, Stagiaire PLP dans l’académie Nancy-Metz

Bérénice CPE, a commencé par des études de psycho…

Après l’obtention d’un Baccalauréat ES mention allemand européen, vous prenez la direction de la faculté des lettres et sciences humaines afin d’y préparer une licence de psychologie. Qu’est ce qui a présidé, selon vous, au choix de cette discipline universitaire ?

Au lycée, je n’avais pas de projet précis d’avenir. Une faculté me paraissait être un choix judicieux car cela restait assez général et dans mes capacités. Plusieurs métiers m’intéressaient, je m’imaginais volontiers journaliste spécialisée dans le domaine du cinéma, psychologue, avocate ou dans l’enseignement avec déjà le métier de conseiller principal d’éducation en tête. J’hésitais surtout entre faculté de psychologie et faculté de droit à l’époque. Mon entourage me qualifiait de personne à l’écoute, empathique. Je pense honnêtement m’être dirigée vers la psychologie plus parce que la famille et les amis m’y voyaient plutôt que par réel engouement. Finalement c’était bien vu de leur part, j’ai beaucoup apprécié ces années en psychologie.

Dans le cadre de votre master de psychologie, vous avez suivi un stage auprès d’une CPE dans un collège de centre-ville puis auprès d’une psychologue clinicienne exerçant en centre hospitalier. Quelle analyse comparative de ces deux expériences pourriez-vous nous présenter ?

Après une licence de psychologie au sens large il faut se spécialiser, je me suis orientée dans un Master de psychologie sociale. Au premier semestre, nous avions le droit de réaliser notre stage dans le domaine que nous voulions. Je ne me sentais plus spécialement à ma place dans cette spécialisation, j’ai donc voulu apprendre à mieux connaître un métier qui m’attirait depuis longtemps : CPE.

Au second semestre, il fallait avoir obligatoirement un psychologue comme tuteur. Je suis allée dans une unité de soins palliatifs en hôpital. Étrangement, ces deux stages avaient des similitudes : l’hôpital et l’école sont deux institutions où différents personnels travaillent ensemble dans le but d’accompagner au mieux des patients ou des élèves.

Vous prenez la décision ensuite de préparer le concours CPE à l’Espé alors que le projet de devenir PsyEN semblait tout aussi cohérent. Qu’est ce qui, selon vous, a fait pencher la balance ? Diriez-vous que votre « héritage » familial a joué un rôle dans cette orientation ?

Plus je découvrais la psychologie sociale du travail moins j’avais d’appétence pour cette spécialisation. Devenir PsyEN supposait que je reste dans ce master et que je le termine. Ce métier ne m’attirait pas assez pour continuer dans des études que je n’aimais plus. CPE m’avait toujours parlé et la formation en psychologie était plus que cohérente pour ce métier où l’empathie est primordiale. J’avais peur de ne pas être assez âgée pour réussir le concours. Le stage en unité de soins palliatifs m’a ouvert les yeux. J’ai compris que la maturité et l’âge étaient différents et que j’avais la maturité requise pour pouvoir prétendre au métier de CPE.

Il est certain que le fait d’avoir des parents dans l’éducation nationale a été le principal moteur de cette motivation pour devenir CPE. J’ai grandi dans l’univers de l’éducation c’était familier et ce monde me plaisait.

CPE stagiaire en lycée cette année, vous êtes profondément attachée à la dimension pédagogique du métier de CPE. Sur quelles thématiques citoyennes ressentez-vous aujourd’hui des besoins de formation ?

J’apprécierais d’être formée pour pouvoir réaliser des interventions autour de la question de l’égalité filles-garçons mais aussi sur la sexualité. Il s’agit de concepts transversaux vus dans différents enseignements mais je pense que réaliser une intervention en classe sur ces thèmes précisément est aussi très important. Et effectivement, je conçois mon métier comme éducatif et pédagogique, le CPE est donc légitime dans ce genre d’activité.

L’animation socio-éducative est aussi au cœur de vos motivations. Si vous deviez proposer un club dans un de vos futurs établissements, quelle en serait l’activité-phare ? Pourquoi ?

Je pense que tous les CPE exercent différemment leur métier et que les goûts et passions ressortent dans la pratique et ce notamment lorsqu’il s’agit de proposer des clubs. Personnellement, ma grande passion restera toujours le cinéma, son analyse, sa critique et la façon qu’il a de refléter nos sociétés. J’adorerais proposer aux élèves un club cinéma. Je suis convaincue que l’analyse de film peut éclairer certains éléments ou évènements de notre société et ce de façon ludique. De plus, l’avis des enseignants sur les films choisis serait très important car ils pourraient étayer ou approfondir des choses vues en classe.

La vie professionnelle réserve parfois de belles surprises, des opportunités à saisir. Comment imaginez-vous l’évolution de votre carrière ? Dans quelle peau professionnelle vous voyez-vous dans une quinzaine d’années ?

Avoir réussi le concours de CPE et être aujourd’hui CPE est quelque chose qui me comble professionnellement parlant ! Je m’imagine déjà faire ce métier à fond : collège, lycée, varier les villes, varier les contextes… Cela me plairait d’intervenir à l’Espé aussi, pas comme formateur mais pour aider les futurs CPE à la préparation du concours par exemple. Et si un jour j’ai le sentiment d’avoir fait le tour de mes capacités ou de mes projets en tant que CPE, pourquoi pas se lancer dans le concours de personnel de direction ! Mais ça, ce n’est pas pour tout de suite !

Bérénice GURGEY, CPE stagiaire dans l’académie de Besançon

Des études de droit à CPE, le parcours de Chloé

Durant votre scolarité secondaire, vous avez rencontré divers visages de CPE au collège et au lycée. Quels souvenirs gardez-vous des personnels d’éducation en poste dans les établissements que vous fréquentiez ?

J’ai effectivement rencontré plusieurs CPE durant ma scolarité. Compte tenu de la diversité des CPE que j’ai pu rencontrer à la fois au collège et au lycée, je me suis rendu compte que finalement, la fonction de CPE peut en fait s’incarner de manière très différente en fonction de la personne qui l’exerce, et de la personnalité de chacun. Bien que chacun a les mêmes missions à conduire, chaque personne incarne le métier à sa manière, en fonction de sa personnalité. Finalement, je pense qu’il existe autant de CPE que de manières d’incarner la fonction. Cela est à mon sens une richesse dans ce métier.

Après un bac ES, vous vous dirigez vers des études universitaires de droit. Pourquoi ce choix ? Avec le recul, quels ont été les apports d’une telle discipline ? Avez-vous envisagé à un moment donné de devenir avocate ?

Je me suis dirigée vers des études de droit, car je ne savais pas encore vraiment à la fin du lycée quel métier je voulais exercer, une fois dans la vie active. Mais, le droit était un domaine qui m’intéressait. Les matières, en licence, sont assez diverses et variées, et permettent de se construire une culture et de comprendre le monde qui nous entoure. C’est d’ailleurs dans cette optique que j’ai choisi l’option droit public, car cela permettait vraiment d’étudier le fonctionnement des institutions, le sens des lois qui ont cours dans notre société… Avec le recul, avoir effectué une licence de droit m’a permis d’acquérir un certain sens critique, de la réflexion, et une certaine rigueur, ce qui m’est réellement utile aujourd’hui en tant que CPE stagiaire.

Parallèlement à vos études à la FAC, vous découvrez la fonction d’AED dans un lycée pendant 2 ans. Vous-êtes-vous vu confier par vos CPE des responsabilités supplémentaires, des dossiers particuliers ? Lesquels ? Quel regard portez-vous sur l’animation à l’internat ?

Ce sont en fait ces deux années en tant qu’AED au sein d’un lycée qui m’ont réellement donné envie de devenir CPE. Lorsque l’on est AED, nous avons une posture encore différente par rapport aux élèves, et ce encore plus dans le cadre d’un internat, qui est en quelque sorte la seconde maison des élèves. Notre rôle est alors de faire en sorte que les élèves se sentent bien au sein de l’établissement, tout en y faisant respecter les règles. Lorsque j’étais AED, j’ai pu dans ce cadre animer un atelier « gym », à destination des élèves internes. Cela m’a permis en outre de développer une relation particulière avec les élèves que j’encadrais, puisque ces séances étaient en fait des moments importants d’échange avec les élèves, et de dialogue. En cela, l’animation dans un internat doit à mon sens faire l’objet d’un réel projet éducatif, partant des besoins des élèves tout en leur permettant de réussir scolairement.

Vous préparez ensuite un Master MEEF et, dans le même élan, le concours externe de CPE. Quelles ont été vos motivations pour envisager d’épouser une telle fonction ? Comment avez-vous vécu les épreuves du concours, en particulier les épreuves orales à Bordeaux ?

J’ai souhaité passer ce concours car je me sens réellement en accord avec les valeurs que véhicule l’école. Ces valeurs permettent de donner un sens à notre travail. De plus, le métier de CPE est relativement riche, il permet de travailler en équipe et d’accompagner tous les élèves durant leur scolarité, ce qui est une mission qui me touche particulièrement. Il s’agit vraiment d’un des seuls métiers dans lequel je me suis projetée. Lorsque j’ai passé le concours externe, je savais que c’était un concours assez compliqué à avoir. J’ai beaucoup travaillé, et cela n’a pas toujours été facile lorsque l’on sait le niveau de sélectivité et d’exigence de ce concours. Concernant les épreuves orales à Bordeaux, même si cela était très stressant, l’entrainement dans le cadre du master m’a permis de mieux gérer ce genre d’épreuves, qui peuvent être par ailleurs très déstabilisantes. J’ai donc pu aborder ces épreuves sereinement, du moins je pense avoir été bien préparée à ce type d’épreuve.

Depuis la rentrée de septembre, vous avez été nommée fonctionnaire-stagiaire CPE dans un lycée de Besançon. Quelles sont vos premières impressions après quelques mois d’exercice ? Quel est le domaine dans lequel vous vous sentez le plus à l’aise ?

Mes premières impressions après quelques mois d’exercice sont positives. J’appréhendais un peu le fait d’être dans un grand établissement, mais finalement, je me sens bien et pense m’être bien installée et adaptée au fonctionnement. On se rend compte durant les premiers mois d’exercice que le métier de CPE est un métier très enrichissant, mais qu’il convient également de savoir absolument prioriser les choses afin de gérer au mieux son temps. Il n’y a pas vraiment de domaines dans lesquels je me sens moins à l’aise.

Vous encadrez régulièrement des enfants et des adolescents à travers une activité sportive. Laquelle ? En quoi ce coaching contribue à votre épanouissement ? Envisagez-vous de proposer cette activité en établissement en lien avec les professeurs d’EPS ?

En effet, même si le temps ne me le permet plus aujourd’hui, j’ai pendant longtemps encadré des jeunes adolescents dans un club de gymnastique artistique féminine, sport que j’ai pratiqué pendant des années. Cela m’a beaucoup appris, car en tant qu’entraineur, nous sommes également dans l’accompagnement, le conseil de jeunes adolescents, qui ont également parfois besoin d’être rassurés. Le sport permet de vivre des émotions bien particulières, qui m’ont également permis de trouver un équilibre. Même si je ne pratique plus cette activité à l’heure actuelle, j’exerce toujours d’autres sports (course, sports collectifs…), je ne m’imagine pas sans. Le fait de s’associer avec des professeurs d’EPS pourrait s’avérer intéressant, notamment afin de développer la coopération entre élèves, ce que rend possible la pratique du sport.

Avez-vous une idée d’un chantier professionnel à investir à moyens termes ?

Pour l’instant, en tant que CPE stagiaire, je souhaite me consacrer entièrement au fait de découvrir toutes les facettes du métier, et de me former au mieux pour l’année prochaine si je suis titularisée cette année. Pourquoi pas plus tard former et accompagner les futurs AED…

Chloé Thomas, CPE stagiaire dans l’académie de Besançon

Le parcours de Jérome, CPE et directeur adjoint d’une ESPE

Votre carrière dans l’Education Nationale débute juste après le Bac en tant que MI/SE* dans 3 collèges classés en éducation prioritaire. Quels souvenirs gardez-vous aujourd’hui de ces premiers pas dans l’institution ? Avez-vous bénéficié d’un accompagnement spécifique en tant qu’entrant dans la fonction ?

Scolarisé moi-même en éducation prioritaire, mon entrée dans « la vie scolaire » s’est donc faite en conformité avec mon modèle d’expérience. Je n’ai pas été particulièrement accompagné dans la prise de fonction, mais des marques de reconnaissance des chefs d’établissement, et des enseignants, m’ont (r)assuré sur ma pratique et mon utilité dans ces collèges-là. Cela m’a d’ailleurs joué un tour sur ma première admissibilité au concours : mon discours ne portait alors que sur cet environnement et son public, et n’imaginait pas d’autres conditions d’exercice que j’ai découvertes par la suite.

Après votre réussite au concours CPE et votre année de stage, vous exercez pendant 12 ans dans un lycée Polyvalent de 1500 élèves. Comment avez-vous vécu le passage entre le collège et le lycée ? Dans quelle mesure l’internat s’est-il retrouvé au cœur de votre pratique ?

La plus grande acculturation fut de m’adapter à un public issu d’un autre milieu, entretenant un autre rapport à l’école, ne nécessitant pas les mêmes postures éducatives. La seconde fut d’inscrire une pratique dans la dynamique de service en lycée, où la tâche administrative, la gestion de la masse, la distance de certaines relations professionnelles sont plus prégnantes. Mais j’ai alors éprouvé beaucoup de plaisir à m’engager sur des politiques liées à la santé, à la citoyenneté, et à la culture. Quant à l’internat, je dirais maintenant qu’il est surement l’espace dans lequel je me suis le plus construit et épanoui professionnellement, celui où l’expression « prendre en charge » me parait le plus prendre son sens.

En 2007, vous décidez de reprendre les études et de préparer un DU sur la gouvernance du système éducatif. Qu’est ce qui a été à l’origine de votre motivation ? Sur quelles missions ont débouché l’obtention de ce nouveau diplôme ?

Beaucoup de questionnements professionnels mais aussi externes au métier, un besoin de prendre de la distance et surtout d’éclairer une pratique construite essentiellement sur la pratique justement, une curiosité que presque 10 ans d’exercice dans le même établissement ne suffisait plus à nourrir. Cette formation, essentiellement suivie par des personnels de direction et des inspecteurs, fut l’occasion de construire du réseau, mais surtout de se sentir légitime dans les réflexions, les pratiques, les projets : elle m’a aidé à m’autoriser professionnellement, en interne avec les chefs d’établissement par exemple, mais aussi en externe auprès des IPR, des formateurs. Si j’avais déjà été tuteur ou formateur MI/SE*, j’ai alors pris de l’assurance pour prendre en charge d’autres activités de formation, ou de conseil dans des groupes de travail avec le rectorat.

3 ans plus tard, vous devenez formateur au sein de l’IUFM et vous participez à divers dispositifs de formation pilotés par le Rectorat. À quel public vous adressez-vous en particulier ? Quelles sont les thématiques qui constituent le fondement de vos interventions ?

Mon arrivée correspond à la mise en place de la masterisation : en même temps que je deviens formateur, d’abord détaché puis titulaire de l’université, je découvre l’environnement universitaire, ses exigences et spécificités notamment en termes d’ingénierie pédagogique, d’évaluation, de diplomation. Au-delà de la formation au métier (concours et pratique pro), je m’engage progressivement sur la formation transversale des enseignants en initial et en continu, sur des groupes d’analyse de pratique professionnelle dans le 1er et le second degré, et sur de l’analyse de l’activité. Dans ce cadre, j’intègre aussi la formation des cadres, en particulier les personnels de direction et les inspecteurs stagiaires : une expérience richissime.

Depuis septembre 2016, vous exercez la fonction de directeur-adjoint au sein de l’ESPE de Toulouse. Pouvez-vous décrire les dossiers que vous avez en responsabilité ? Comment vous sentez-vous dans cette nouvelle « peau professionnelle » ?

J’ai à charge le pilotage de la formation initiale ; cela signifie que je dois impulser et organiser la politique de formation de l’ESPE, en particulier les masters MEEF. L’ESPE est très structurée : on y trouve différentes responsabilités, d’UE, de parcours, de mention, de pôle, et j’ai vocation à coordonner – disons, en chef d’orchestre – les réflexions et les mises en œuvres de 56 parcours, pratiquement autant de disciplines, que ce soit sur des questions administratives universitaires, ou sur des aspects plus pédagogiques et prospectifs. Mes deux gros chantiers actuels sont l’évaluation des formations,  et surtout la construction de la nouvelle accréditation de l’ESPE, donc de nouvelles maquettes de formation, dans un temps de réformes. Notre ESPE est à ce jour dans des fonctionnements collectifs bienveillants et soutenants, ce qui aide à se sentir plus « tranquille » pour endosser la fonction. Mais je trouve très intéressant – pour le métier et sa représentation – que l’on confie cela à un « CPE » de corps et de cœur.

Diriez-vous que votre fonction d’origine (CPE) vous manque parfois ? Quel regard portez-vous sur la nouvelle circulaire de missions qui date de 2015 ?

Beaucoup d’éléments de la pratique se retrouvent finalement dans mon quotidien à l’ESPE : les fonctions de conseil, le pilotage politique et l’organisation collective, la prise en charge des étudiants – parfois dans des dimensions éducatives, des activités concrètes liées à la sécurité, à la médiation, à la définition de protocoles, au partenariat, qui ne sont pas si éloignées. C’est parfois d’ailleurs encore le CPE que l’on vient chercher ! Ce qui peut manquer, c’est bien la relation éducative avec un public plus jeune, la satisfaction d’observer des engagements, des apprentissages, des réalisations que je qualifierais de « premiers » dans le parcours de formation et le développement personnel.
Pour moi, mais peut-être est-ce dû à ma fonction actuelle, la circulaire est venue reconnaitre des dimensions ambitieuses du métier, une capacité à nous dégager peut être plus des « assignations », et à assumer des postures de pilotage, de stratégie. Bref, à nous aider, après avoir été réactifs, puis actifs, à devenir pro-actifs. À nous d’oser !

Le projet de loi sur l’école de la confiance prévoit la transformation des ESPE en INSPE. Voyez-vous plutôt un danger ou une opportunité derrière ce changement d’intitulé ? Dans le déroulement de la formation initiale, que jugez-vous indispensable de conserver ? Pourquoi ? de modifier ? Pourquoi ?

Le changement de nom ne me parait pas opportun du point de vue de la structure; il m’a semblé que l’ESPE – en tous les cas celle dans laquelle j’exerce – commençait à se faire connaitre et reconnaitre comme un espace positif de formation, comme une ressource ancrée dans son territoire à la fois dans des dimensions universitaires et professionnelles reconnues. L’IUFM et ses représentations me paraissait bien derrière nous.

Il est parfois surprenant de voir que ce qui est proposé comme venant combler une lacune est déjà en partie une réalité, et souvent partagée : les ESPE se sont construites sur la place de la recherche, des équipes pluri catégorielles, une articulation théorie-pratique (même si l’expression serait à questionner). En revanche, elles se démènent avec l’impossible et parfois l’invivable : former en peu de temps des personnels, dans une charge de travail et des exigences difficile à assumer, dans une alternance compliquée à mettre en œuvre.

Nous nous sommes déjà saisis de questions comme le continuum de formation, une initiation à la recherche qui sans être applicationniste soit aidante à la professionnalisation, la construction une vraie prise en charge commune des stagiaires entre le rectorat et l’ESPE. Si la place du concours, une alternance plus paisible, une ingénierie pédagogique renouvelée, et une capacité à être le point d’ancrage d’un continuum de formation qui débute en licence et se poursuit en formation continue sont des objets qui méritent d’être améliorés, j’espère pour ma part que nous ne perdrons pas la dimension culture commune des formations, la mixité de l’accompagnement (rectorat – ESPE conjointement), et la possibilité d’une recherche pluridisciplinaire qui permette d’interroger et d’éclairer toutes les dimensions du métier.

Jérome Coutellier
CPE et directeur adjoint ESPE Toulouse

* Maitre d’Internat / Surveillant d’Externat

Le parcours de Meryl, prof doc stagiaire

Passionnée d’Histoire de l’Art, vous avez présenté un Master Recherche dans la spécialité des grandes mutations culturelles et artistiques de l’antiquité à nos jours. Quels étaient le sujet choisi, la problématique retenue et les grandes conclusions de votre travail ?

Dans le cadre de mon master en histoire, histoire de l’art j’ai étudié l’ancienne abbatiale Saint-Paul de Besançon sous la direction de Philippe Plagnieux et de Morana Causevic-Bully. Il s’agit d’une étude architecturale et d’archéologie du bâti d’un monument datant du XIVe siècle classé au titre des monuments historiques. Cet édifice est, avec la cathédrale Saint-Jean, le dernier encore en élévation de la période dite du « gothique comtois » à Besançon.
Le questionnement portait sur la chronologie architecturale afin de comprendre l’articulation entre les différentes campagnes de travaux qui ont eu lieu, mais aussi la façon dont le parti gothique se manifeste à travers le monument. Cette étude a permis de réaliser un phasage révélant les différents états de construction de l’édifice ainsi que les différents styles architecturaux, encrant l’ancienne abbatiale comme monument phare du gothique comtois.
Enfin, ce mémoire a également révélé le besoin d’un travail de recherche plus important qui pourrait être réalisé dans le cadre d’une thèse, afin de comprendre le monument dans son ensemble.

Entre 2012 et 2015, vous avez multiplié des expériences professionnelles liées au patrimoine et à la médiation. Pouvez-vous nous dire en quoi elles ont consisté et ce que chacune d’elle vous a apporté ?

Durant mes études j’ai effectivement travaillé au musée Georges-Garret de Vesoul en tant qu’agent du patrimoine. Cette expérience alliant patrimoine et médiation culturelle m’a beaucoup apporté, notamment dans la construction de mon rapport avec le public, qu’il soit adulte, jeune, ou scolaire. La médiation culturelle est un ensemble d’actions à la fois éducatives, ludiques et citoyennes, que j’ai pu expérimenter avec beaucoup de plaisir. Aujourd’hui, en ma qualité de professeure documentaliste stagiaire je retrouve de nombreuses compétences communes aux deux métiers, l’enseignant étant avant tout un médiateur des savoirs.
J’ai également pu, durant ma formation en histoire, histoire de l’art, obtenir un contrat étudiant avec l’université afin de travailler en tant que tutrice. Il s’agissait principalement de tutorat de recherche en direction des étudiants de licence, autour de la méthodologie de recherche à appliquer aux projets de mémoire. Il s’agit finalement des mêmes connaissances et compétences info-documentaires que l’on exige aujourd’hui des élèves à la fin de leur scolarité et qui constituent le domaine d’expertise des professeurs documentalistes.

Assistante d’éducation dans un lycée à Besançon, vous vous voyez confier des responsabilités pédagogiques à l’internat. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels liens faites-vous entre cette mission et votre désir de préparer le CAPES de documentation ?

Travailler en tant qu’AED durant ces années de formation s’est révélé être une véritable bouffée d’air frais pour moi. En effet le travail de recherche exige solitude et abnégation. Être AED m’a révélé deux choses : à quel point il était indispensable pour moi d’évoluer au sein d’un milieu professionnel qui travaille en équipe, mais aussi l’importance d’apporter savoirs et soutien aux élèves, qui à leur tour nous permettent de nous construire en tant que pédagogue.
Dans le cadre de l’internat, le contact privilégié avec les élèves mais aussi le travail au sein d’une équipe, qu’est celle de la vie scolaire, et plus largement de l’ensemble de la communauté éducative, m’ont permis de comprendre les rouages d’un établissement scolaire, mais surtout quelles étaient mes réelles motivations professionnelles. Plus les années passaient et plus je ressentais le besoin de m’investir et de passer à un autre statut au sein de l’établissement, celui d’enseignant. Le CAPES de documentation s’est imposé à moi, car les savoirs info-documentaires sont pour moi au carrefour de toutes les disciplines.

Lauréate de la session 2018 du CAPES, vous vous trouvez affectée dans un collège dans les environs de Besançon. Comment vous êtes-vous sentie accueillie par les personnels ? Quelles sont vos premières impressions après un mois et demi d’exercice dans l’établissement ?

N’ayant jamais eu d’expérience dans un collège rural, j’étais impatiente de faire mes débuts. Cette année l’équipe a été renouvelée de façon importante (le chef d’établissement, certains enseignants, etc.) ce qui a participé au fait que je me sente à l’aise et bien accueillie. L’équipe est dynamique et très motivée, j’ai pu trouver des collègues avec qui échanger sur des éventuels projets pédagogiques dès les premières semaines.
Durant ce premier mois je me suis sentie débordante d’énergie avec l’envie de soulever des montagnes ! J’ai cependant rapidement compris que des méthodes rigoureuses de travail devaient être appliquées pour ne pas se perdre dans la diversité des missions de notre métier. J’essaye d’investir cette énergie de façon productive en fonction des priorités que je suis en train de fixer avec mes collègues, mes tuteurs et mon chef d’établissement. Néanmoins, cette année j’ai très envie d’axer mon travail sur la pédagogie, l’expérimentation et le travail en collaboration avec les collègues.

Vous venez de découvrir une activité de sport collectif que vous pratiquez avec plaisir. Quel est ce sport et pourquoi l’avez-vous choisi ? Quelles sont les valeurs qu’il véhicule ?

Étant issue d’un milieu très modeste et étant très concentrée sur mes études et la préparation au concours, je n’ai jamais pu m’investir dans une activité de sport collectif comme je l’aurais désiré. Depuis la rentrée et grâce à mon statut de professeure stagiaire j’ai donc décidé de me faire plaisir et de me lancer un nouveau défi, celui d’apprendre et de découvrir un nouveau sport qui est le rugby. Je me suis inscrite au club local, l’olympique bisontin qui a une équipe féminine dynamique et qui joue à un bon niveau. J’ai choisi ce sport car c’est un sport exigeant physiquement et mentalement où on ne peut gagner que si l’on avance ensemble.
Par ailleurs j’adhère totalement aux valeurs qui y sont véhiculées, telles que le respect de l’autre, le courage, la solidarité, mais aussi l’intelligence tactique, la convivialité et bien évidemment, l’esprit d’équipe. J’ai également pu remarquer que l’humilité et le goût de l’effort étaient des qualités indispensables que chaque membre de l’équipe possède.
Je constate à quel point il est intéressant de se retrouver en position d’apprenante, contrastant ainsi avec mes débuts de carrière en tant qu’enseignante. J’apprends de joueuses beaucoup plus jeunes que moi, faisant preuve d’une grande gentillesse et de beaucoup de patience à mon égard.

Vous débutez une carrière qui s’annonce prometteuse et diversifiée. Comment vous projetez-vous dans 10 ans ? Quelles perspectives envisagez-vous ?

J’ai toujours avancé avec un objectif précis à atteindre. Aujourd’hui, étant dans une période de transition (étudiant à enseignant), je cherche avant tout à devenir une professeure documentaliste chevronnée. Néanmoins, je n’imagine pas ma carrière professionnelle sans perspective d’évolution, c’est un des nombreux aspects qui m’a plu dans le fait d’intégrer l’éducation nationale.
En effet, les diversifications professionnelles dans l’institution sont nombreuses. Ainsi dans un futur proche j’ai pour projet de participer activement à la formation des étudiants au sein de l’ESPÉ mais également à celle des enseignants.
J’aime assez l’idée de pouvoir participer à des journées autour d’un thème précis et d’échanger avec des collègues autour de nos pratiques. Les pratiques pédagogiques innovantes intégrant notamment les outils numériques me plaisent beaucoup et sont, je pense, des atouts qui sont souvent exploités de façon inappropriée.
Pour aller plus loin en me projetant dans quelques années, j’aimerais beaucoup participer au jury du CAPES et pourquoi pas tenter d’autres concours tels que celui d’inspecteur académique ou celui de chef d’établissement.

Meryl Laurent, professeure documentaliste stagiaire dans l’Académie de Besançon

Le cheminement de Caroline, CPE

Lors de la préparation du MASTER MEEF, sur quel domaine a porté votre mémoire ? Quelles grandes conclusions en avez-vous tirées ?

« En quoi les pratiques du Conseiller Principal d’Education au sein de l’instance du Conseil de la Vie Collégienne en éducation à la citoyenneté des élèves contribuent au déploiement de la démocratie scolaire ? » était la question de départ de mon mémoire de recherche.

Essais de la pédagogie institutionnelle de René Laffitte trouve une résonance particulière avec le sujet. Il y a 3 caractéristiques communes entre le courant et les mots-clés de la problématique :

  • « des activités qui accrochent le désir » car les CPE engagés dans le CVC (Conseil de Vie Collégienne) et la citoyenneté y croient, sont motivés.
  • « Des institutions variées » : diversité des établissements eux même et diversités des CVC (modalités élections des membres, thèmes des projets…)
  • et la dernière caractéristique « institution instituante, le conseil, qui permet de verbaliser les vécus divers des situations et de modifier ces situations qui influeront à leur tour sur les comportements, de faire bouger les choses sans que tout s’écroule »

En conclusion, j’émets l’hypothèse que si l’instance CVC est considérée en amont par le CPE et la communauté éducative comme une « institution instituante » au sens de René Laffitte, où les trois champs de réflexion et de pratique de l’éducation à la citoyenneté : droits et devoirs/vivre ensemble/démocratie sont mis en œuvre, alors le déploiement d’une démocratie collégienne serait réelle et permettrait de pallier à la diversité des contextes, surcharge du quotidien, conceptions protéiformes de la citoyenneté…. À vérifier par la suite.

Vous semblez attachée à la dimension pédagogique du CPE. Dans quel sens peut-on dire que le CPE est un pédagogue ?

La dimension pédagogique du CPE, de l’ancien CE ou Surgé était déjà présente, peut être de façon moins officielle, plus enfouie… les professionnels éducatifs n’ont pas attendu d’avoir des convictions et pratiques pédagogiques. Avant de passer par les premières formations collectives des délégués, par les séances de formation au vivre ensemble en vie de classe, le dispositif devoirs faits… la dimension pédagogique du CPE s’exprime dans une situation quotidienne. Par exemple, le CPE reçoit un élève exclu de cours. L’élève arrive en colère dans le bureau et a un langage verbal aux résonances vulgaires… Au delà de la mission qui est d’apaiser la situation sur le moment, travailler la reconnaissance des torts, la remise en question… En tant que CPE , à mon petit niveau, je vais aussi reprendre l’élève sur les mots qu’il emploie, parler un peu de français sans m’en rendre compte, aborder sa façon de parler, travailler son argumentation, son analyse… Tout cela pour dire, que la dimension pédagogique du CPE est partout et au même titre que la dimension éducative de l’enseignant est aussi présente. Sans nous en rendre compte bien souvent, nous sommes dans des situations pédagogiques et éducatives à la fois.

Diriez-vous que vos expériences d’assistante d’éducation ont confirmé votre motivation pour devenir CPE ? Dans quelle mesure ?

Bien sûr, mon expérience d’assistante d’éducation a complètement confirmé mon ambition. Je dirais que c’est une histoire « humaine », faite de rencontres. Je dirais que c’est l’intérêt que je portais pour la vie des élèves qui a été tout de suite le principal leitmotiv. Les tâches n’étaient pas toujours glorieuses mais ce n’était pas grave parce que je savais que c’était important pour l’élève. En second lieu : le climat entre tous les personnels y était pour quelque chose. Une équipe ouverte et en soutien de la vie scolaire lorsqu’elle en avait besoin, une amicale du personnel hyper active…. Enfin, j’ai été un peu moins de trois ans assistante d’éducation. Pendant ce temps, j’ai côtoyé 6 CPE. Si le turn-over des chefs de service avait un impact négatif pour la stabilité, ça a eu le mérite de me permettre d’observer différentes manières de faire, d’être ; ce qui m’a permis de « piocher » chez les uns et les autres.

Si vous deviez identifier les points forts de votre année de stage en 3 mots-clés, quels seraient-ils ? Pourquoi sont-ils si révélateurs selon vous ?

Je distingue les points-forts en mots-clés mais aussi en terme de périodes :

  • la première période de l’année entre la pré-rentrée et les Vacances de la Toussaint : temps de diagnostic de terrain en tant que Fonctionnaire stagiaire et d’affirmation du changement de statut d’AED à CPE. L’enjeu était de me servir de mon expérience qui était certes un atout, tout en marquant une rupture rapidement car j’étais attendue sur ce changement. Ce sont les premières réflexions sur le « moi professionnel », qui suis-je, avec quelles valeurs… Grâce aux échanges avec les tuteurs ESPE et de terrain, le Chef d’établissement
  • le deuxième temps fort se déroule tout au long de l’année à mon sens. C’est le processus d’apprendre à connaître ses faiblesses et de les travailler. Les miennes sont de ne pas trop savoir dire non aux collègues, une tendance à faire à la place de l’autre ce que je devrais simplement conseiller de faire, ne pas assez me protéger, avoir du mal à partir à l’heure, manquer de confiance en moi, apprendre à me sentir légitime à ma place. C’est la poursuite de la réflexion sur le « moi professionnel ».
  • Enfin, la fin d’année scolaire avec l’inspection pour la titularisation et le temps des vœux de mutation. Il faut prendre l’inspection comme le moment où on vient voir ce que j’ai accompli, c’est un espace de reconnaissance. Enfin, il a fallu prendre la décision entre : j’ai une possibilité de rester dans le même établissement, puisqu’un poste de CPE titulaire est au mouvement, ou couper le cordon. La première possibilité ne m’aurait rendue aucunement malheureuse mais, j’ai écouté ma soif de découvrir un autre établissement, d’autres problématiques… Pour mieux grandir professionnellement, je pense m’émanciper pour mieux m’affirmer.

 

Quels projets pédagogiques en tête dans ce nouvel établissement ? Comment avez-vous défini vos priorités d’action ?

Depuis 1 mois, je suis CPE dans un Lycée Professionnel des métiers du bâtiment et de l’hôtellerie, restauration. Je suis heureuse de développer mes connaissances et compétences en matière de lutte contre le décrochage scolaire, sur l’orientation des élèves, dans le service de l’internat et ce sont mes priorités d’actions. La gestion du quotidien c’est la priorité, il ne faut pas se leurrer, pour autant, l’éducation à la citoyenneté des élèves fait partie aussi de nos missions fondamentales. Actuellement, c’est le temps des élections au CVL. Le projet pédagogique à venir cette année scolaire ? L’idée viendra avant tout des élèves et de leurs envies. Le CVL c’est leur instance, et non la boite à projets du CPE. Je vous confie une toute première idée qui vient des élèves candidats : décorer les murs du Lycée qui leur semblent bien tristes. Ça ne parait pas extraordinaire comme cela, mais en développant cette idée, ce projet permettrait de faire en sorte, que les élèves se sentent un peu mieux dans leur établissement, que ça leur donne un peu plus envie d’y venir et d’y rester. L’idée venant des élèves, leur participation active à cet éventuel projet au sein ferait que le processus démocratique en route serve les causes premières de l’établissement : le climat scolaire, la lutte contre le décrochage.

C’est une belle carrière qui s’ouvre pour vous… Vous vous voyez où et dans quel peau professionnelle en 2033 ?

En 2033, je serais toujours dans l’Académie d’Amiens ou pas. Avant de penser à 2033 d’abord, je veux asseoir mon expérience professionnelle en tant que CPE tout simplement. Je débute dans ma carrière et il faut rester humble. Si j’ai passé le concours de CPE, c’est parce que je voulais être CPE et veux continuer à l’être. Ensuite, un jour plus ou moins proche, je serais peut être frustrée d’être CPE « tout court ». Si je dois évoluer, je pense à poursuivre mon mémoire de recherche au-delà du Master si le sujet intéresse d’autres personnes. Le plus grand intérêt de la recherche est qu’elle serve l’institution. La recherche-action serait une hypothèse plausible. Transformer la première enquête exploratoire qualitative en la faisant évoluer vers une recherche quantitative aussi, pour tenter de répondre à mon hypothèse, vérifier ma conclusion actuelle me boosterait oui ! À court terme et pour m’aider à cheminer par exemples, cela me brancherait carrément d’être de nouveau dans le circuit du concours CPE, mais de l’autre côté de la barrière, en étant jury, ou encore construire une séance de formation par exemple sur thème de « la démocratie scolaire et ses espaces de possibilités » ou « l’entrée dans le métier, l’analyse de pratiques »pour les étudiants de l’ESPE, les fonctionnaires stagiaires. Ce serait aussi un beau défi mais là encore on ne s’improvise pas formateur qui veut, ça s’apprend…

Caroline Letot, CPE dans l’Académie d’Amiens

Le parcours de Lisa, CPE stagiaire

Quels liens voyez-vous entre votre propre scolarité et votre désir de devenir CPE ? Quels souvenirs avez-vous des CPE rencontrés dans votre parcours d’élève ?

Durant le collège, j’étais une élève ayant de grandes difficultés scolaires. Je m’opposais complètement à l’École, aussi bien dans mon attitude qu’au niveau de mon travail scolaire. J’ai redoublé ma troisième et je suis partie en BEP carrières sanitaires et sociales. Mais je n’étais pas plus épanouie. C’est lors de cette année en BEP que j’ai rencontré une CPE qui a cru en mes capacités et m’a aidée à rejoindre un cursus ordinaire, en seconde. Je suis intimement convaincue que mon désir de devenir CPE provient de cette rencontre et de mon passé scolaire plutôt chaotique. Aujourd’hui, j’ai le désir d’aider les élèves éprouvant de grandes difficultés à l’École, subissant leur orientation, à l’image de cette CPE qui m’a accompagnée dans mon processus de réorientation.

Titulaire d’une licence SLIC, vous avez approfondi les problématiques relatives à la transmission de l’information et à la communication. Dans quelle mesure les connaissances acquises à ce moment-là viennent-elles percuter l’exercice du métier de CPE ?

La communication, dans le métier de CPE, est primordiale. Ma licence en sciences du langage, information et communication m’a appris à comprendre la communication explicite mais également implicite. À travers certains mots, certaines phrases, certains gestes, certains regards, se cachent des émotions qui doivent être pris en compte.
De prime abord, il serait difficile d’allier cette licence au master que j’ai acquis ensuite (master encadrement éducatif), mais finalement, cela va de pair. La communication fonde le métier de CPE et je suis heureuse, aujourd’hui, d’avoir pu apprendre à comprendre ce qu’est la communication et les sciences du langage. Cela me permet de choisir mes mots lors des entretiens avec les élèves et de comprendre l’implicite, ce qu’ils n’arrivent pas à dire, à formuler…

Attachée à la notion d’accompagnement, vous vous êtes investie dans des métiers d’aide à la personne. Quels enseignements avez-vous retiré de cet engagement professionnel ? En tant que personne ? En tant que CPE ?

En effet, durant les vacances scolaires, j’ai travaillé avec des personnes âgées et/ou en situation de handicap. Ces expériences m’ont permis de développer une grande empathie, une capacité d’écoute et d’accompagnement. Ces qualités me paraissent primordiales et importantes dans le métier de CPE, mais également personnellement, au quotidien.

Ces expériences m’ont aussi appris que la solidarité et la fraternité sont des principes fondamentaux de notre société. De nombreuses personnes vivent seules, sans aucune compagnie. Écouter notre prochain, tendre la main, permet souvent de briser certains quotidiens difficiles. Ces principes doivent être enseignés aux élèves et le métier de CPE le permet.

Durant votre cursus universitaire, vous avez été recrutée comme assistante d’éducation dans plusieurs lycées de Besançon. En quoi ces expériences sont venues confirmer votre projet de devenir personnel d’éducation ? Quel regard portez-vous sur le fonctionnement de l’internat et sur ses enjeux pédagogiques et éducatifs ?

Être assistant d’éducation m’a permis de connaître véritablement le métier de CPE. Petit à petit, ce métier s’est imposé à moi : c’était lui et pas un autre. J’avais envie de pouvoir, moi aussi, faire ce métier qui se situe au plus près des élèves et des familles, d’évoluer au sein de la communauté éducative et, surtout, d’être force de propositions pour accompagner au mieux les jeunes.

Selon moi, l’internat est un lieu alliant éducation et pédagogie. C’est dans ce lieu-même que les adultes peuvent permettre aux élèves de travailler en toute sérénité, leur proposer des activités qu’ils ne pourraient pas forcément faire chez eux. C’est également un lieu permettant aux élèves de partager, de travailler ensemble, de se construire, d’apprendre à vivre en communauté… Ce lieu incarne les valeurs de la république et permet aux élèves de pouvoir s’investir dans une citoyenneté participative, grâce aux élections des délégués par exemple.

Inscrite à l’ESPE de Franche-Comté en Master MEEF, l’objet de votre mémoire portait sur les interactions verbales et para-verbales entre les CPE et les élèves. Pouvez-vous nous faire partager les grandes conclusions de votre recherche ?

Grâce à ce mémoire, alliant les connaissances acquises lors de ma licence et mon master, je me suis principalement intéressée aux « parlers-jeune » et aux malentendus qu’ils peuvent générer entre les adultes (ici les CPE) et les élèves. J’ai remarqué que ces malentendus étaient omniprésents dans les divers entretiens. La portée des mots, leur sens, n’est pas le même pour le jeune adolescent et l’adulte.

J’ai également remarqué que le statut « élève-adulte », pouvait engendrer un certain repli de la part des élèves, pouvant se fermer au dialogue.

Enfin, et surtout, je me suis intéressée au dialogue bienveillant et aux répercussions que celui-ci peut avoir sur la communication CPE-élève. Ce dialogue, dans tous les entretiens réalisés, a permis de créer une ambiance propice à la conversation, à l’échange, et à la confiance réciproque.

Lauréate du concours externe CPE 2018, vous venez d’être nommée dans un lycée professionnel du bâtiment. Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous en ce début d’année ? Quels sont vos objectifs 2019 ?

Je suis plutôt positive concernant ce début d’année. Petit à petit, je trouve ma place au sein de l’établissement et prends mes marques. J’ai été mutée dans un petit établissement, avec un effectif plutôt réduit, ce qui n’est absolument pas pour me déplaire.

Cette année, j’aimerais principalement apprendre sur le métier, sur les relations humaines au sein d’un établissement et adopter certains réflexes. J’ai envie de me préparer au mieux, pour être à l’aise l’année prochaine, si je suis titularisée.

Enfin, on ne pourrait vous définir objectivement sans parler de la place du sport dans votre vie. Quelle est votre activité préférée et en quoi vous ressource-t-elle ? Envisagez-vous des « ponts » entre cette passion et votre métier de CPE ? Sous quelles formes ?

Je pratique le sport depuis plusieurs années, particulièrement la course en haute montagne (trail). Cette activité me permet de m’évader et de « recharger les batteries » pour pouvoir affronter les tracas de la vie. C’est une vrai bouffée d’air frais.

Je pense qu’il est possible d’envisager des liens entre cette passion et mon métier, notamment à travers un travail collaboratif avec les professeurs d’EPS. Le sport est également un moyen de transmettre des valeurs fondamentales dans l’éducation des élèves : solidarité, persévérance, dépassement de soi… La semaine du « sport scolaire » peut être un moyen de réunir adultes et élèves autour de ces différentes valeurs, quelque soit le sport pratiqué.

Lisa Girard, CPE stagiaire dans l’académie de Besançon

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