Jean-Pierre, CPE, témoigne de la mise en place du parcours citoyen dans son collège

1) Pourriez-vous présenter les principaux enjeux du Parcours Citoyen et décrire comment le projet est né dans votre collège ?

Les enjeux du parcours citoyen sont multiples. L’objectif dominant est de faire connaitre aux élèves les valeurs de la république. Mais à mon sens c’est aussi les amener à exercer une citoyenneté participative. Le parcours citoyen est au cœur du domaine 3 du socle commun de connaissances, de compétences et de cultures dénommé : la formation de la personne et du citoyen.
C’est une réflexion collégiale des différentes équipes de l’établissement pour rendre plus lisible les nombreuses actions qui étaient menées au sein du collège. Cela s’est finalisé par la réalisation d’un livret de 6 pages qui recense mensuellement les actions qui vont se dérouler. Chaque mois possède une thématique propre. Par exemple pour mars, c’est le mois de l’information et de la prévention (semaine de la presse, théâtre forum sur le harcèlement, la violence, les addictions…).

2) Quelle est la place du CPE dans ce dispositif et quels sont ses partenaires privilégiés ?

Le CPE est présent tout au long du déroulement du parcours citoyen avec des moments forts dans l’année (octobre mois de la démocratie, juin mois du vivre ensemble) et des actions où il se positionne plutôt dans l’élaboration en amont. De nombreuses actions sont déroulent en classe avec les enseignants et des partenaires extérieurs (associations, artistes, écoles primaires du secteur, autres services de l’état). De ce fait cela recoupe notre mission de mise en œuvre de la politique éducative de l’établissement.

3) En quoi la mise en place du conseil de vie collégienne est-elle un atout supplémentaire dans la formation des délégués-élèves ?

Le CVC est une instance toute nouvelle au collège Les Villanelles, il fonctionne depuis janvier, il est composé du chef d’établissement, du CPE, d’adultes volontaires du collège, des délégués élèves et du conseiller départemental junior et son suppléant. C’est avant tout un lieu d’échanges et de travail, où les élèves peuvent proposer des améliorations à apporter à leur quotidien. Cette instance est consultative pour impliquer les élèves et privilégier des actions concrètes. Il s’agit aussi d’un lieu d’apprentissage de la démocratie puisque les élèves réunis en 4 commissions, sont confrontés à la réalité du fonctionnement du collège. Il y a été décidé de mener une action éco-solidaire avec une ONG de collecte des piles et batteries usagées pendant un trimestre.

4) Trouves-tu que la démarche du Parcours Citoyen a un impact positif sur les relations entre les élèves et les personnels de l’établissement ?

Le parcours citoyen est distribué aux élèves et affiché en vie scolaire, il est donc connu. C’est à mon sens aussi un outil de communication de ce qui se fait au collège. Il permet de repérer et connaitre facilement les temps forts de la vie de l’établissement. Son rôle aussi est d’être évolutif, c’est un parcours ; il ne doit pas être figé. Par exemple, l’action éco-solidaire décidée et menée par le CVC s’y rajoute et vient l’enrichir. Le collège Les Villanelles est inscrit dans l’expérimentation d’une démarche de soutien au comportement positif (expérimentation menée à Ottawa au Canada). La démarche du parcours citoyen vient s’inscrire dans la construction et la maintien d’un climat scolaire serein.

Jean-Pierre Vaillet

Témoignage de Martial, professeur d’EPS en collège et développeur

  • Quels sont les avantages de l’utilisation du numérique pour l’exercice de ton métier ?

L’utilisation du numérique en éducation physique et sportive s’est imposée de fait. La question de son intérêt se pose plutôt en imaginant devoir faire sans. Et pour aider à bien se plonger dans le sujet, l’idée est de permettre, avant, pendant ou après une action motrice, de mettre en relation le résultat avec les conditions dans lesquels il a été obtenu, et je pense tout particulièrement aux actions effectuées.

Pour répondre au mieux à l’idée sous tendue par cette question, je transformerai le terme « avantage » en « plus-value ». Les débats actuels, les frilosités permanentes quant aux politiques d’équipements, qu’elles soient collectives ou individuelles, se nourrissent de ces notions d’avantages, peut-être moins que de celles d’inconvénients. C’est pourquoi, pour être le plus juste possible, je vais m’attacher aux « plus-values », car elles bénéficient à ceux qui en sont l’objet, les élèves, plutôt qu’aux commanditaires.

Partant de ce principe, il existe deux aspects qui me semblent fondamentaux :

  1. le traîtement rapide de l’information
  2. le retour immédiat (feed-back)

Je laisse volontairement de côté d’autres aspects (motivation, technologie adaptée aux évolutions actuelles, ou d’autres qui ne me viennent pas à l’esprit), car s’il existe, l’effet « whouaouh !» s’estompera très vite si on n’y met rien de concret derrière. Je renvoie chacun à sa propre expérience de vie personnelle « gadgétisante »  pour cela.

Donc, à l’usage, la combinaison des deux points privilégiés conduit à des constats cruciaux dans la démarche pédagogique, en permettant d’avoir des élèves informés de manière plus (pour ne pas dire « très ») complète dans un premier temps, et devenant autonomes, car très vite manipulateurs des outils, jusqu’à opérer le transfert de certaines des compétences de l’enseignant au sein de leurs groupes de travail ou individuellement (un niveau plus élevé, et qui s’atteint très vite en fonction des activités physiques supports).

Ma stratégie repose sur ce transfert.

Le savoir de l’enseignant est une réponse aux problèmes qui se posent aux élèves en fonction de la tâche à accomplir. Les élèves sont confrontés de différentes manières à ces problèmes. Les premières années de l’exercice de mon métier, j’ai opté pour une posture dirigiste, gestionnaire, accaparé par la nécessité de finir mon cours en respectant le rythme imaginé de ma séance.

Le temps aidant, mon activité s’est modifiée me permettant des sorties partielles de ce rôle et de constater mes erreurs (que j’attribuais alors à mes élèves (!)). En fait, mon premier vrai outil numérique d’observation a été un outil construit pour évaluer les progrès de mes élèves ainsi que le niveau d’atteinte des objectifs que je me fixais à chaque cycle et pour chaque classe… et le constat fut dramatique. Si moi j’avançais, eux pas autant que moi. Et au final, il y avait un taux trop faible d’atteinte globale des objectifs.

J’ai repris tout cela. J’ai changé de stratégie. J’y ai été beaucoup aidé par mon rôle de conseiller pédagogique. J’avais à travers mes bilans, l’image de moi-même en activité, un retour pertinent sur mon analyse grâce à une relation de confiance avec mes stagiaires, et ainsi du temps pour imaginer ce qu’il y a à produire. C’est de cette manière qu’est née l’application « BingoMatch », avec comme objectif de traiter très vite les résultats de l’observation (tout en la rendant plus simple, voire en y ajoutant un côté ludique), et surtout de la rendre disponible aux élèves. C’était il y a plus de quinze ans maintenant, et ce fut pour moi un vrai révélateur du changement de posture de l’enseignant au sein de la classe.

En quelques semaines, le passage d’un outil papier à un support numérique mobile (Palm m105 à l’époque) donnait au sein d’une leçon d’EPS, plus de résultats que 2 séances consécutives avec des retours décontextualisés de l’action. Et cela avec une stratégie impliquant l’élève dans l’observation, mais également dans l’analyse des résultats, ce qui me permettait de me positionner différemment dans les lieux et le temps. Naissance d’un véritable changement de posture qui aujourd’hui place les enseignants dans une interaction très différente avec leurs élèves, valorisant le savoir des premiers et impliquant les seconds de manière plus pertinente car plus constante. C’est un confort pédagogique conséquent.

  • Quelles en sont les limites ?

Existe-t-il réellement des limites ? Si je posais cette question à quelqu’un de l’institution, à un politique, à un collègue sceptique, à un parent d’élève suspicieux, il y en aurait pour chacun dont certaines communes. En réalité, je n’en connais qu’une pour l’avoir éprouvée : la tentation de ne pouvoir s’en détacher.

Et donc, celle où cela ne sert plus à rien ou pas du tout. Le numérique est devenu un outil de travail au même titre que mon sifflet ou mon chronomètre qui, d’ailleurs, très vite, sont devenus les outils de l’élève. Quand les réponses à apporter ne peuvent se trouver dans l’utilisation de cet outil, il ne sert à rien d’insister. Plus que tout, à l’usage, je me suis aperçu des objectifs annexes que l’on pouvait y adjoindre et des étapes franchies une fois ces objectifs atteints. Je souris toujours quand je rencontre un grand connaisseur TICE, numérique ou informatique, et qu’il énonce dans sa démonstration: « on voit des choses formidables en EPS, où les élèves se filment […] ». J’ai toujours très envie de dire « lol » !

Il y a beaucoup de complexité dans une situation pédagogique. Le choix des contenus et les objectifs d’aujourd’hui en terme d’éducation et de formation, s’ils n’ont pas réellement changé, se sont vus complétés par des occurrences très nombreuses, et très diversifiées.

D’un point de vue plus philosophique, je dirais que les limites s’imposeront également quand la source des envies, et donc des idées, viendra à se tarir. Ce sont celles qu’on nous oppose très (trop) souvent. Dans un monde en évolution constante, certains sont déjà passés à autre chose. Étape supérieure de l’évolution ou abandon des problématiques existantes par la fuite ?

Un peu des deux en réalité. Sauf qu’à agir de la sorte on éparpille des actions jamais abouties, ce qui pourrait décourager les plus investis, et qui, en tous cas, n’incite pas les plus prudents à s’engager réellement dans l’ère du changement. L’idée n’étant pas de mettre les gens en difficulté, mais bien de proposer à nos élèves un ensemble de choses validées sur le terrain et pouvant se diffuser de manière assez large.

Le numérique est un sujet de controverses où l’on dépense beaucoup d’énergie dans l’hyper-sécurisation et le contrôle alors même que peu de solutions fiables sont proposées pour accompagner le travail et l’apprentissage. Il n’y a qu’à se pencher sur le dossier des ENT, ou les politiques de choix de mode de déploiement des tablettes pour comprendre le fond du problème. Dans le premier cas, je serais surpris que la «  dérive administrative » des ENT puisse valoriser le développement d’une pédagogie qui utilise efficacement le numérique. Dans le second, on en est encore à débattre de la manière de procéder alors que partout se développent des usages qui sont autant de moyens de mieux penser les équipements et leur gestion.

Or, à contraindre sans cesse, on stérilise beaucoup des idées qui se font jour. Je ne compte plus les questions qui m’ont été posées sur les possibilités de faire (médiation, actions dans la classe, incitation à produire) avec les élèves, pour lesquelles les réponses des circuits classiques sont toujours attendues, pour cause de réflexion hors-sujet ! Et pourtant ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent : système inadapté, sécurisation, communication et charge des réseaux,…

Un fait important aussi, est de ne pas arriver à franchir le pas du « différemment ». J’ai trop souvent pu constater que la vraie transformation de posture ne s’effectuait pas, et que le numérique s’employait comme les outils d’avant. Ces formations orientées « outils » s’avèrent vite limitantes.

Vous l’aurez compris, les limites ne se situent pas à mes yeux, du côté des élèves, ni de leurs enseignants.

 

  • Pourrais-tu professionnellement  te passer des outils numériques ? Qu’est ce qui te manquerait le plus pour travailler ?

Ce qui me manquerait ?… Le temps consacré aux élèves ! C’est une évidence.

Lorsque je regarde l’état des réflexions et des débats sur le numérique, si on s’attache de plus à la pression permanente de l’industrie numérique sur l’éducation et les prises de position diverses, que voit-on ? Qu’entend-on ?

« Dans des logiques de marchés, et des ressources (je parle d’applications), les dépenses pour le numérique éducatif, c’est trop peu lorsque l’on compare l’institution et les familles (Educrak 2015) », « il y a urgence à considérer le caractère insupportable de la précarité de la situation actuelle (assises de l’AFINEF, Hervé Borredon au sujet des décisions à prendre pour lancer la révolution numérique dans l’éducation (octobre 2014 ref : Ludomag) »,… on en parle aussi à Ludovia, StartUp4Kids, An@é, Educatice, ed21,… la liste est longue.

Alors, je préfère m’attacher aux élèves parce qu’au sein même de mon activité de développeur, sans cette source d’inspiration constante, basée sur des constats permanents, la recherche de solutions, et l’évaluation de l’impact sur l’individu, il n’y a pas d’évolution possible de la tendance numérique. Or dans les espaces cités précédemment, il y a des décisions qui sont prises entre gens convaincus, pour ne pas dire exclusifs, qui peuvent avoir raison sur le fond, mais qui, à mon avis, se plantent sur la forme, parce que pour toucher du doigt les espaces de progrès, il faut les vivre en situation réelle. C’est la chance que nous avons, avec aussi l’opportunité de pouvoir proposer aux élèves des modes de production très différents des modalités classiques (pour certaines déjà numériques, ex : les diaporamas) qui permettent d’insérer des activités très diverses au sein d’un même support (de préférence mobile et tactile), accentuant la précision et favorisant l’originalité, la créativité et la sensibilité.

Et oui, je pourrais me passer des outils numériques. J’ai d’ailleurs mis en place des structures de cycle d’apprentissages où l’outil n’intervient que dans le cas concret d’un besoin identifié. Concrètement, il m’arrive d’avoir deux classes d’un même cycle la même année. Pour un même travail, l’approche peut-être différente, appuyée par une observation des caractéristiques des élèves et des objectifs que je vais me fixer avec eux. De fait, des contenus différents, donc des moyens différents, pour des stratégies d’atteinte de niveaux identiques.

Mais globalement, j’y trouve tellement d’intérêt pratique que c’est difficile de s’en priver. Et puis, il y a un facteur important, sur lequel je reviendrai souvent : nos élèves apprécient la démarche. Celle de « savoir », de « connaître ». Et ils sont demandeurs ! Et de plus en plus souvent, ils sont les vecteurs de la transformation des collègues au sein de l’équipe, car ayant identifié des plus-values liées à ces usages, même si elles peuvent être différentes de celles que j’énonce, ils vont au devant des collègues encore hésitants pour leur demander d’adopter certains fonctionnements qu’ils trouvent intéressants.

J’ai à ce propos un bel exemple à proposer : ChronoPerf. Une application tablette se présentant comme un chronomètre (un outil classique) mais qui apporte un écosystème de bilan, gestion et transmission sans précédent. Un outil basé sur l’expérience professionnelle permettant la construction de stratégies très personnelles. Un outil qui se place très facilement entre les mains des élèves et les rend très autonomes très rapidement dans le domaine de l’action, du bilan et des responsabilités.

 

  • En dehors de l’utilisation du numérique avec les élèves, quelles autres utilisations en fais-tu (formation,préparation, relations avec l’administration,…) ?

  • Que t’apporte le numérique dans l’exercice de ton métier hors la classe ?

La quantité d’expériences acquises ne s’est pas faite toute seule. Après avoir éprouvé ma volonté de faire différemment sur le terrain, j’ai rejoint un « GEP », groupement d’expérimentation pédagogique. On en trouve, sous des noms parfois différents, dans toutes les académies.

L’expérience partagée a débouché sur 2 choses très importantes dans mon évolution professionnelle :

– la mise en place de formations pédagogiques intégrant le numérique, y compris au sein de mon activité de formateur APSA spécifique (VTT, Rugby)

– la création d’une structure de développement, et d’un écosystème EPS complet visant à concrétiser les propos de cette interview (PDAgogie.com, FacebookTwitter).

Du point de vue de la formation, la tâche est très intense. Il y a plusieurs phénomènes qui se développent.

La formation professionnelle continue en est un des rouages. Au sein de l’académie de Versailles, cela représente de 250 à 400 demandes annuelles avec un taux d’acceptation de plus de 80%. Cela fait beaucoup de monde, et surtout des gens très motivés, poussés par des politiques d’équipements qui les mettent parfois en difficulté au lieu d’améliorer le travail au quotidien. Nous en sommes à décliner les niveaux de formation afin de pouvoir avoir une offre progressive, nourrissant les attentes de chacun, en plus de donner un vrai élan.

Il y a ensuite le domaine universitaire et la formation initiale. les montages se font de manières très diverses, et j’espère pouvoir participer à une structuration efficace du C2i, C2i2e et au-delà dans les Masters.

Depuis 2 ans maintenant, je consacre du temps au réseau CANOPE. Mon point de vue est assez critique sur cet organisme, mais ma volonté d’aider les collègues y trouve d’excellents supports. J’y développe depuis peu des aspects fondamentaux de l’interdisciplinarité (le FREPS : une vision de l’interdisciplinarité), motivé dans ma tâche par l’arrivée des EPI qui, au delà des prises de position diverses dans les salles des professeurs, correspondent à la concrétisation de travaux interdisciplinaire entrepris sporadiquement sur le terrain. Cette discussion transdisciplinaire revêt un caractère des plus intéressant, et j’ai redéfini ma mission d’animateur/formateur au sein de CANOPE  en véritable service de développement (1871 : une application ressource), rendu localement ou plus largement, à des collègues ayant des envies, des idées mais très souvent démunis face à des difficultés techniques, et parfois aussi face aux élèves.

Le dernier point que j’aborderai est le plus cocasse. On pourrait penser, pour qui le vit de l’extérieur, que la simple motivation à vouloir répondre aux besoins des élèves et aux attentes de l’institution peut suffire à promouvoir les actions pédagogiques.

Venant de la base, il n’en est en réalité… rien ! Malgré les réponses données à des questions pertinentes et intéressantes posées à notre groupe de travail sur les changements au sein de l’école provoqués par l’arrivée de nouveaux outils, l’inertie systémique, les contraintes financières, de calendrier, et autres prétextes (ex.: « on n’apprend pas mieux avec le numérique ») ne permettent pas d’aboutir à des développements locaux encadrés, ou tout du moins accompagnés.

Bien que ce n’en soit pas réellement une, une des limites à la réussite de l’intégration du numérique dans l’éducation se trouve à l’usage dans la ressource. Je précise mon propos par le fait qu’on y entre pas par l’adaptation, la prospection et l’innovation, mais qu’on y avance par la concrétisation, la réflexion, l’action ciblée et cohérente. De quoi parle-t-on ? De « Faire entrer l’école dans l’ère du numérique » ! Et depuis le début, je trouve que la phrase est obsolète avant même d’avoir été énoncée, car à bien y regarder, cela faisait longtemps qu’on y était. Il reste donc à imaginer, et produire la suite.

Mon dernier point, puisque la question est de savoir quel est l’impact de tout cet exposé sur mon quotidien, est de dire que pour en arriver à ce que vous me sollicitiez, vous ainsi que d’autres, il aura fallu passer par certains sacrifices fondamentaux qui devaient aboutir à faire en sorte que nous puissions développer des applications, suivre les évolutions, apporter du matériel sur le terrain, pousser la réflexion au-delà de l’outil et opposer des idées à des lignes tracées en dépit de certaines précautions à prendre. C’est ainsi qu’une part non négligeable de mon temps (mais aussi celui de deux de mes collègues, David Perissinotto et Eric Dalewski, tous deux enseignants et proches des élèves et des équipes pédagogiques) est donné au développement de PDAgogie.com qui permet à des structures comme notre GEP, ou CANOPE de bénéficier de compétences qui ne se développent pas dans les circuits classiques.

Par l’intégration numérique, on a retrouvé certaines manières de travailler (classe inversée, mode de production des élèves, autonomie intelligente) et on en crée de nouvelles (organisation des espaces et du temps, dialogue hors la classe avec l’enseignant, ouverture des ressources). La vraie révolution se situe là, dans la relation pédagogique. Et soyez assuré que de tout cela, les plus grands bénéficiaires sont et demeurent, nos élèves !

Martial Pinkowski

 

3 questions à Mathieu, professeur d’histoire-géographie-EMC en lycée

J’ai 43 ans, j’enseigne l’histoire-géographie-EMC dans un lycée général du centre-ville de Caen.

1. Quelle est la place du numérique aujourd’hui dans ton travail ?

Le numérique est omniprésent dans mon travail : cela va de la mise en page des documents « papiers » distribués à la classe à la préparation « d’activités numériques » « en ligne » pour mes élèves, en passant par l’animation d’un blog personnel destiné (entre autres choses) à développer l’autonomie de chacun !

2. Quels sont les avantages et les inconvénients de cet outil ?

Le numérique n’est pas une solution magique pour répondre à tous les problèmes de l’enseignant ou de la classe. C’est un outil qui offre la possibilité de diversifier les pratiques, de varier et d’adapter les activités proposées aux élèves. Le préalable est pour moi d’exploiter cet outil si les objectifs le justifient, pas simplement « pour faire du
numérique » !

Deux difficultés majeures persistent toutefois aujourd’hui : d’une part la dimension matérielle de l’affaire… à chaque fois que je prévois une longue séquence en salle informatique, je suis contraint de tester la compatibilité des ordinateurs de l’établissement, d’installer éventuellement les logiciels requis (et de passer par l’administrateur
réseau) de prévoir une solution « bis » au cas où il y aurait un « plantage du serveur » ou pas de connexion internet ! Ce qui arrive relativement fréquemment. D’autre part quand on réfléchit à partir des besoins des élèves, le temps de conception de l’exercice / de l’activité peut être considérable car il est rare de trouver le logiciel (libre) parfaitement
adapté à ce que l’on cherche et le temps d’auto-formation (jamais réellement pris en compte par l’institution) se révèle au final très important. Choisir le numérique, c’est gagner en efficience sur le plan professionnel, mais c’est aussi empiéter de manière marquée sur son temps personnel.

3. Et si tu devais t’en passer ?

J’ai du mal à imaginer mon travail sans le numérique: revenir aux feutres pour transparents, à la colle et aux ciseaux, et pourquoi pas à « l’épiscope » ? attendre que le collègue « ait fini » avec les bulletins des secondes 2 pour pouvoir les remplir ? Renoncer à mes séquences d’écriture collaborative ou de travail individualisé sur archives vidéos documentaires soigneusement mises au point et en perpétuel ajustement ? Je trouverais sans doute des solutions de remplacement, mais s’il peut s’avérer difficile de s’initier et de monter en compétence dans le domaine du numérique, il me semble encore plus compliqué d’y renoncer une fois que l’on a franchi le pas !

Mathieu Deforge

3 questions à Manon, AESH

Je suis Manon AESH depuis 4 ans en CDD. J’exerce actuellement dans un collège mais avant j’ai fait 3 ans en lycée. Je suis également étudiante en Licence 2 de psychologie et intervenante à domicile auprès d’un enfant autiste le soir.


1- Vous utilisez le numérique au quotidien dans votre métier. Expliquez-nous dans quelle mesure et dans quel objectif.

En tant qu’AESH, j’aide un jeune adolescent de 12 ans qui lui-même utilise le numérique car il a des difficultés pour écrire.  Il utilise donc un ordinateur pour prendre ses notes. Lorsque j’ai pris mes fonctions en début d’année, ce jeune garçon (que j’appellerai « L ») ne prenait pas ses cours en notes sur son ordinateur. Ses parents m’ont alors proposé d’utiliser l’ordinateur de l’élève et d’ écrire pour lui. J’ai d’emblée refusé, expliquant que si j’écrivais à sa place, jamais il ne progresserait et que s’il était passif toute la journée sans écrire il risquait de s’endormir en classe (en début d’année ce fut d’ailleurs le cas). J’ai donc soumis l’idée d’utiliser mon ordinateur pour écrire ses cours en même temps que lui. « L » me voyant écrire, eut envie d’en faire autant. Nous sommes maintenant en janvier et il prend entre 50 et 85 % de ses cours alors qu’en septembre c’était 0 à 10 % et que l’année dernière il n’a jamais écrit aucun cours. J’aurais pu écrire à la main mais j’ai pensé que le mimétisme serait plus facile pour lui si j’utilisais le même outil. Cela lui permet également de pouvoir recopier le cours en regardant directement mon ordinateur et non pas le tableau, comme il a des troubles moteurs, visuels, auditifs et des troubles DYS, regarder le support placé à côté de lui est bien plus facile pour lui. Enfin je lui envoie tous les soirs les cours par mail (ainsi qu’aux 2 parents), il est plus facile pour lui d’utiliser le numérique que des feuilles de papier.

2- Quels sont les avantages de l’utilisation du numérique pour votre métier ?

C’est un gain de temps ! Si j’écrivais à la main, je passerais plus de temps à écrire. Alors que là, j’écris le cours très rapidement et je peux ensuite surveiller, aider et booster l’élève. De plus,  les professeurs me donnent certains supports (contrôles, exercices etc…  à l’avance) je peux donc retravailler la mise en page, augmenter la taille de la police, mettre en couleur certaines choses (ce qui est important pour cet élève).

3- Quelles en sont les limites ?

Avoir mon propre matériel est assez contraignant pour moi. De plus, il faut être certain que les parents prennent le temps le soir d’aider « L » à enregistrer les cours que je lui envoie, sans cela, il n’aura rien pour réviser (lorsque je peux mettre certains fichiers directement sur son ordinateur je le fais, mais étant au collège, nous avons rarement le temps de tout faire, et les parents sont dans la demande que je leur envoie les cours). Et enfin, lorsque l’outil ne fonctionne pas, l’adaptation à d’autres supports pour pallier le manque de l’ordinateur est plus difficile à gérer.
Bien sûr cela me demande un travail supplémentaire avec le numérique, des heures supplémentaires non payées, car je prends sur mon temps perso pour envoyer les cours, parfois réintégrer certains supports vus en cours, et pour adapter les supports que les profs me donnent.
Enfin, pour l’instant mon ordinateur tient la route, et la charge aussi, mais qu’en sera-t-il le jour où ça ne sera plus le cas ?!

2 questions à Nicolas, CPE

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Les nouvelles technologies ont ouvert de nouveaux champs d’organisation, d’actions et d’analyse dans l’exercice du métier de CPE. Cette évolution est continue depuis de nombreuses années et nul ne peut y échapper. Lorsque l’on maitrise ces nouveaux outils numériques, cela permet à la fois d’améliorer qualitativement notre travail mais cela facilite aussi la communication des fruits de ce dernier auprès des collègues, enseignants notamment. On sait toute l’importance que revêt le travail en équipe pour les CPE et la nécessité de faire adhérer le plus grand nombre aux démarches que l’on met en place. De même, établir des diagnostiques précis est devenu plus facile et rapide à l’aide des logiciels vie scolaire ou des tableaux de bords personnalisés (on peut en trouver des prêts à l’emploi sur de nombreux sites vie scolaire académiques). Cependant cela implique que la formation des utilisateurs en charge de la saisie des absences, des punitions, …, soit efficace pour garantir des données cohérentes. Le CPE doit donc se former, informer mais aussi former et contrôler avant de pouvoir utiliser ces nouveaux outils.  Le gain de temps est donc relatif mais c’est qualitativement que l’on trouve les réels avantages. La vision que nous avons de notre établissement est plus pertinente et il est plus aisé de la partager.
L’inconvénient majeur du numérique dans le métier de CPE est l’instantanéité. Dans la communication entre les personnels elle peut être bénéfique mais il faut veiller à ne pas s’y noyer. Un CPE doit pouvoir échapper à l’urgence et prendre du recul. L’hyper-connectivité (mails, téléphones portables, ENT) des individus (élèves, parents, personnels) engendre une impatience face à laquelle nous devons lutter pour continuer à réfléchir avant d’agir. Pour conclure, bien utiliser le numérique permet à un CPE d’être plus efficace mais il ne doit pas l’amener à confondre vitesse et précipitation.

2. En quoi l’environnement numérique de travail a-t-il changé le métier de CPE ?

Le métier de CPE évolue constamment. D’une part il doit répondre à des problématiques nouvelles notamment liées aux réseaux sociaux et d’autre part il doit permettre l’utilisation des nouveaux outils en rapport avec les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) qui sont mis en place dans les établissements. Les Environnements Numériques de Travail (ENT) offrent aux CPE la possibilité de travailler avec l’ensemble de la communauté scolaire. L’emploi des logiciels académiques ou privés de gestion de la vie scolaire, l’utilisation des listes de diffusion par les équipes pédagogiques ou équipes disciplinaires préétablies dans les ENT rendent le travail du CPE et l’association des collègues enseignants au suivi des élèves plus aisés. Avec les ENT, le CPE peut transmettre aux élèves ou aux autres personnels des documents d’information, de sensibilisation voire de formation. Cela peut lui permettre de préparer ou de prolonger son travail du quotidien. En effet, un CPE ne doit pas en rester à l’aspect numérique, il doit rencontrer les personnes pour éveiller les uns ou s’assurer que les autres ont su profiter de la transmission. Les ENT sont un outil supplémentaire dans la mallette du CPE, ils n’ont pas vocation à remplacer la dimension humaine de la communication qui reste la clé de voute du CPE.

Nicolas Boeuf

3 questions à Christophe, CPE

1. Quels sont les avantages et les limites de l’utilisation du numérique dans l’exercice du métier de CPE ?

Les avantages que l’on peut tirer du numérique dépendent en grande partie de nos compétences dans ce domaine.

Le numérique a permis de gagner énormément de temps et a facilité la gestion des absences et des retards par les AED avec le développement des logiciels de gestion de vie scolaire et le développement de l’ENT. Il me permet d’avoir un regard à tout moment dans la journée et d’avoir une vision d’ensemble plus aisée. Il est l’un des outils pour la gestion de l’absentéisme. En fin d’année, je peux assez rapidement établir les tableaux de bord de la vie scolaire et en faire le bilan annuel.

Il facilite et améliore ma communication avec l’ensemble de la communauté éducative ; ne pouvant pas toujours me rendre en salle des professeurs je peux assez rapidement avoir une réponse à une interrogation sur un élève et être informé par les collègues de tous les problèmes rencontrés.

L’accès via l’ENT permet aux parents d’être informés de la scolarité de leur enfant et de communiquer avec les membres de la communauté éducative. Les parents sont ainsi très vite au courant de tout ce qui concerne la vie de leur enfant au sein du collège (notes, absences, retards, cahier de textes, groupes de travail…) Cette communication est nécessaire dans la relation école/famille et prend toute sa place dans la co-éducation.

J’utilise également le numérique en salle de permanence afin de permettre aux élèves de faire leur travail à poster sur l’ENT. Face à cette demande, j’ai travaillé avec ma collègue documentaliste à la mise en place d’un espace 3C. L’émergence du numérique en permanence représente à mes yeux un avantage dans le métier car les temps de permanence peuvent être conçus autrement : il oblige les AED à sortir du confort d’une salle d’étude en configuration « autobus » pour faire travailler les élèves en îlots, favorisant ainsi le travail en autonomie.

Les limites du numérique sont les pendants de ses avantages, il peut vite devenir chronophage et ainsi perdre l’une de ses vertus première, le gain de temps. Il est nécessaire de mettre en place une politique de communication entre les différentes parties pour garder son efficacité.

L’une des autres failles réside dans une conception fantasmée d’un numérique qui pourrait répondre à tous les problèmes alors il qu’il n’est qu’un « outil » et ne doit pas interdire ou diminuer les relations humaines.

2. L’environnement numérique de travail a-t-il changé le métier de CPE ?

Utilisateur d’un ENT depuis bientôt 10 ans, je ne trouve pas qu’il ait changé fondamentalement mon métier de CPE. Au contraire, il a fait évoluer certaines tâches du quotidien ou du service de vie scolaire, pour me recentrer sur mes missions. Je le perçois plus comme un facilitateur intégré à mes pratiques quotidiennes. L’ENT regroupe une grande partie des outils numériques nécessaires à la gestion de l’établissement et il tire les principaux avantages liés à l’usage du numérique pour devenir un atout pour nos missions.

Les évolutions apportées touchent en premier lieu la communication. Il vise à rassembler l’ensemble des informations sur les élèves et de la vie de l’établissement. Il met à disposition en quelques « clics » l’essentiel pour pouvoir faire le suivi des élèves et facilite la tenue de nos entretiens avec les élèves ou leurs parents. En décloisonnant l’information, il devient le lien entre tous les membres de l’établissement, facilitant les échanges entre nous. Cet avantage lié à l’usage de l’ENT peut avoir quelque peu modifié le métier. Auparavant nous détenions la majeure partie des informations concernant la vie scolaire et nous étions les principaux acteurs de leur communication. La mise à disposition de l’ENT profite ainsi aux premiers utilisateurs du service public d’éducation, les parents qui peuvent ainsi accéder en temps réel au suivi de la scolarité de leurs enfants.

En second lieu, il facilite la gestion dans le service de vie scolaire et le traitement des absences/retards/punitions. Le travail des AED s’en est trouvé grandement transformé en faisant disparaître les contraintes liées au ramassage des billets et en rendant la gestion des absences/retards plus aisée. Le travail des AED peut ainsi être centrée sur l’accueil, l’accompagnement et la surveillance des élèves. En nous libérant de tâches administratives laborieuses, l’ENT nous rend plus disponible aux partenaires de la communauté au sein de laquelle nous évoluons : la relation aux élèves est ainsi favorisée puisque nous gagnons du temps grâce à l’outil.

3. La fonction de référent numérique dans ton établissement t’a-t-elle permis de développer de nouvelles compétences professionnelles ?

La fonction de référent numérique est une mission récente au sein des établissements scolaires et je l’exerce pour la deuxième année. Une formation est en cours cette année pour nous donner accès à des nouvelles compétences dans les différents domaines liés au numérique (Internet, logiciel pédagogique,…), à la réglementation, aux usages et pilotage de projets.

Je vais devoir mettre en place avec le chef d’établissement une politique numérique clairement définie et connue de tous, dans le cadre d’un volet spécifique du projet d’établissement. Après concertation avec les collègues, nous définirons les grands axes et les services à déployer. Je vais apprendre à faire de la « veille informationnelle » afin d’informer sur les nouveaux outils disponibles par la mise en place d’une communication dédiée. Ce pilotage par délégation me permet d’avoir un autre regard sur les usages numériques au sein d’une classe et leur impact en terme pédagogique.

Je développe mes compétences numériques en administrant l’ENT. En tant qu’administrateur je communique avec notre prestataire et le chef de projet responsable de l’ENT au Conseil Départemental pour leur faire remonter les difficultés rencontrées et les demandes d’évolution émanant des collègues. En début d’année je dois former les collègues sur l’usage de l’ENT ou sur ses évolutions. Je forme également les parents à leur demande pour leur permettre de naviguer et trouver les informations sur l’ENT.

Une compétence nouvelle sera la réglementation sur les usages du numérique au sein de l’établissement afin de veiller à garantir la responsabilité du chef d’établissement face aux multiples offres proposées par différents sites. Les élèves peuvent être informés sur les risques du mauvais usage du numérique.

Cette fonction va m’apporter des compétences qui seront transposable par la suite dans ma mission de CPE.

Mon avis tient compte de mes capacités à gérer le numérique, mais je suis conscient des contraintes pour certains collègues moins à l’aise avec l’outil informatique. Les difficultés peuvent pousser certains à croire qu’ils ont changé de métier.

Christophe Horta