Être enseignant référent, témoignage

Il y a 10 ans, le 11 février 2005 une loi nouvelle naissait. Impulsée par les Associations de parents d’enfants handicapés cette loi imposait à chaque établissement scolaire, l’accueil des élèves handicapés avec leurs besoins spécifiques et les compensations qui en découlaient.

Pour veiller à l’application de cette loi une nouvelle fonction apparaissait au sein de l’éducation nationale : celle d’enseignant référent de la scolarisation.
Qui est cet enseignant référent ? Quelle est sa fonction ? Qu’elles sont ses prérogatives? Ses champs d’action ? Ses moyens d’action ?
Pour ma part je suis un Maître E qui ayant vu son RASED vaciller sous les coupes successives des gouvernements Sarkozy, a désiré mettre son expérience professionnelle et personnelle au service de ce pourquoi la fonction d’ER a été créée.
Il est commun de dire que l’ER est l’interface entre la famille de l’enfant handicapé, la MDPH et l’établissement de scolarisation.
L’ER doit être constamment réactif, connaître chaque dossier sur le « bout des doigts », les spécificités familiales de l’enfant concerné, les différentes formes de handicaps et les besoins qui s’y rattachent, les enseignants des différents établissements de son secteur d’intervention, les programmes des différents niveaux (de la maternelle au BTS pour ma part), la personnalité des chefs d’établissements, les fonctionnements de chaque service de soins , de chaque profession paramédicale, des services sociaux (SSP, ASE, AEMO), les horaires des écoles (nouveaux rythmes…) , les compagnies de taxis… les fonctionnements des différentes MDPH de son académie (fonctionnement départemental et exigences diverses).
Il doit faire montre de diplomatie, d’empathie, d’adaptabilité, de souplesse d’esprit, d’inventivité, de curiosité, d’assurance, mais surtout de modestie.
Tout cela durant plus de 1600 heures annuelles, avec des journées aux horaires élastiques, des ESS durant la pause méridienne, le soir entre 17H et parfois 20H ou 21H, avec des vacances écourtées (il faut attendre les décisions des dernières CDA).
Tout cela pour 72 euros supplémentaires chaque mois, sous forme de prime (qui ne seront donc pas pris en compte pour le calcul de la retraite), sans ISAE, il est clair que l’enseignant référent n’est pas le responsable des élèves dont il instruit le dossier !!!??
Cependant il s’enrichit du partenariat qu’il tisse avec d’autres structures et d’autres services, avec les professionnels des EMS, des services de soins; il s’ouvre au monde et à la tolérance. Il a un regard pluriel et se remet constamment en question.
Enseignant référent, rime sans aucun doute avec inconscient
La fonction, quant à elle, rime assurément avec passion !

 

Témoignage de Dominique Lomberger
Enseignant Référent de la Scolarisation

 

Sigles
AEMO : Action Educative en Milieu Ouvert
ASE : Aide Sociale à l’Enfance
CDA : Commission des Droits et de l’Autonomie
EMS : Etablissements Médico-sociaux
ER : Enseignant Référent
ESS : Equipe de Suivi de Scolarisation
ISAE : Indemnité de Suivi et d’Accompagnement des Elèves
MDPH : Maisons Départementales des Personnes Handicapées
RASED : Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté
SSP : Service Social de Prévention

Crédit photo : mozzoom via photopin cc

Compléments au dossier « La loi handicap a 10 ans »

Quelques chiffres

Élèves en situation de handicap, tous troubles confondus :

1er degré : 141 565 – 2nd degré : 97 595

Dans le 1er degré

Élèves en situation de handicap, en classe ordinaire

  • Préélémentaire : 28 340
  • Élémentaire : 66 442

Élèves en situation de handicap, en Clis

  • Préélémentaire : 7 174
  • Élémentaire : 39 609

Dans le 2nd degré

Élèves en situation de handicap :

  • En Ulis : 29 122
  • En classe ordinaire (y compris Segpa et Érea) : 68 473

source : Men-Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche – édition 2014

 

C’est souvent à la maternelle que se révèle le handicap. Le neuvième volume des « Dossiers de la maternelle » s’adresse aux enseignant(e)s et à toute personne travaillant en maternelle afin de les aider à mieux comprendre les différentes situations et à agir de façon adaptée et pertinente. « Handicap et scolarité. La maternelle, école de tous les enfants » de Betty Bouchoucha

 

Pour en savoir plus sur l’inclusion scolaire, retrouvez notre dossier «Tu inclus, nous incluons » paru dans l’Enseignant n° 173 et consultable ici.

 

Que proposent nos voisins européens en termes d’inclusion ?

La scolarisation des enfants handicapés dans les écoles ordinaires apparaît aujourd’hui comme un modèle de plus de plus répandu dans les pays de l’Union européenne.

Toutefois, on peut classer les pays européens en trois groupes distincts (*) :

  • les pays qui ont privilégié « la voie de la trajectoire unique », « one track approach » : les plus anciens (la Suède, la Norvège, l’Italie), et les nouveaux (l’Espagne, le Portugal et la Grèce) se sont engagés pour l’intégration de tous les élèves à besoins spécifiques dans les établissements d’enseignement ordinaires et ne font appel qu’exceptionnellement aux écoles spécialisées ;
  • les pays qui continuent à pratiquer « deux systèmes éducatifs distincts », « two track approach ». Les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers fréquentent des écoles spécialisées ou des classes spéciales, selon la nature et la gravité de leur(s) handicap(s). C’est le cas en Belgique, en Suisse, aux Pays-Bas et en Allemagne.
  • les pays qui privilégient « une approche multiple de l’intégration », « multi track approach » : la France, l’Angleterre, l’Autriche, la Finlande, le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg et la Pologne appliquent un traitement ouvert et varié, adapté aux enfants concernés selon leur handicap.

(*) classification de l’Agence européenne pour le développement de l’éducation des personnes ayant des besoins particuliers

Crédit photo : JaHoVil via photopin cc

Bémols sur les modifications concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap

Même si le SE-Unsa soutient les objectifs de la loi, il ne se satisfait pas pour autant des conditions actuelles de sa mise en œuvre. Il se doit de rester vigilant face aux propositions ministérielles et précise chacune des modifications.

Le ministère nous propose trois modifications du code de l’éducation concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap. Elles devraient entrer en application à la rentrée prochaine.

Première modification : le terme « AVS » est remplacé par celui d’« AESH ».

L’appellation change mais la précarité de l’emploi persiste. Pour accompagner la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap le SE-Unsa  revendique la pérennisation des missions d’accompagnement. Elles seraient assurées par des personnels bénéficiant d’une formation initiale et continue ou d’une validation d’une expérience professionnelle débouchant sur une véritable profession pour garantir la continuité éducative.

Seconde modification : l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation doit être complétée par un enseignant dès lors que sont traitées des questions d’inclusion scolaire.

ENFIN ! Restent cependant en suspens les modalités de désignation de l’enseignant qui aura à siéger dans cette équipe. Jusqu’alors, une EPD pouvait construire un PPS sans enseignant… Le SE-Unsa revendique la présence au sein de la CDA des organisations syndicales représentées au CDEN.

Troisième modification : elle concerne le parcours scolaire des élèves :

  • Le  maintien en maternelle sera possible pour les enfants en situation de handicap  (PPS obligatoire) qui en auront besoin.

Une mesure parfois nécessaire qui ne sera possible que dans le cadre d’un PPS.

  • Les dispenses d’enseignement seront délivrées sur avis de la MDPH et notifiées par le recteur.

Cette dispense d’enseignement n’exonère pas les élèves des épreuves qui permettent l’obtention d’un diplôme ce qui pourrait les amener à suivre des formations sans possibilité de diplôme à terme. Nous souhaitons que les médecins scolaires soient consultés.

  • Le PPS sera désormais obligatoirement envoyé aux établissements et aux équipes éducatives.

ENFIN ! Jusqu’à ce décret, seuls en étaient destinataires les parents. Il n’avait pas été jugé nécessaire d’en informer les lieux de scolarisation… C’est chose faite. Reste maintenant à faire vivre cette disposition dans les faits.

  • L’uniformisation du Gevasco* et du PPS : Jusqu’ici, ces documents avaient été construits localement. Le ministère devrait engager un vaste travail pour uniformiser les pratiques sur tout le territoire pour en permettre une utilisation nationale.

Le SE-Unsa exige que soient développés des modules dans la formation initiale et continue de tous les personnels afin que les enseignants maitrisent les outils mis à leur disposition.

 

* Guide d’évaluation de la scolarisation

Crédit photo : adamthelibrarian via photopin cc

L’accompagnement en quelques dates

Des auxiliaires d’intégration scolaire aux AESH…

1980 : premiers pas vers l’accompagnement. Des parents se mobilisent pour l’accompagnement de leurs enfants et développent le concept d’auxiliaires d’intégration scolaire (jeunes sous contrat aidés par l’État, emplois associatifs…).

1999 : mise en place du plan Handiscol  par le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de l’Emploi et de la solidarité

2003 : création assistants d’éducation / auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i) et auxiliaires de vie scolaire collectifs (AVS-co) avec un contrat de droit public de 6 ans maximum.
2005 : loi du 11 février

  • Renforcement des actions en faveur de la scolarisation des élèves handicapés.
  • EVS recrutés pour assurer les fonctions d’aide à l’accueil et à l’intégration : contrat de droit privé de deux ans maximum.

2009 : signature de la convention-cadre entre le MEN et des associations pour assurer la continuité de l’accompagnement auprès des élèves en situation de handicap.

2012 :, création des auxiliaires de vie scolaire pour l’aide mutualisée (AVS-M).

2013 : groupe de travail sur la professionnalisation des accompagnants handicap (Rapport Komitès).

2014: création des AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) : contrat de droit public qui permet d’accéder à un CDI au bout de 6 ans d’ancienneté.

 

 

 

Quand l’intérêt de l’enfant se heurte au dysfonctionnement administratif…

« Depuis 2005 et l’obligation de scolarisation, j’ai accueilli des enfants porteurs d’un handicap à de multiples reprises.

Cette année, dans ma classe de MS-GS, 2 enfants de GS sont maintenus. Ils sont accompagnés depuis l’année dernière par une AVS, qui au fil des mois, a réussi à instaurer une relation de confiance propice à leur épanouissement.

Cette année encore, elle a vu son contrat reconduit et intervient dans ma classe pour les 2 mêmes élèves. L’un des 2 bénéficie de 12h (mutualisées avec son camarade) réparties dans la semaine. Jusque là tout allait bien…

Depuis fin septembre, elle doit également accompagner un enfant autiste dans une classe de PS de notre école. Cet enfant bénéficie de 10h hebdomadaires et ne vient à l’école que le matin. Le calcul est donc simple : 12h+10h= 22h. Le contrat de Fatima n’étant que de 20h, mes élèves ont vu leur aide amputée de 2h et leur emploi du temps modifié.

Ma directrice et moi-même avons téléphoné à l’inspection académique, à l’enseignant-référent qui nous ont répondu « qu’ils cherchaient quelqu’un d’autre pour les 2h manquantes, qu’il n’y avait pas assez d’AVS dans le département et que je ne devais pas me plaindre puisque j’avais tout de même une AVS».

J’ai parlé de « l’intérêt de l’enfant, de stabilité, de qualité relationnelle », on m’a répondu « restriction, budget… ».

Nous avons reçu les parents, les incitant à réagir le plus vite possible. Ce qu’ils ont fait. Mais la MDPH les ayant renvoyé vers l’inspection académique, c’est en bataillant ferme qu’ils ont obtenu gain de cause. L’AVS est à nouveau présente dans la classe avec les horaires qui correspondent à la prise en charge de mes élèves. Happy end donc !

Béatrice, professeure d’écoles de classe normale en Haute-Vienne

Intégration réussie d’un élève autiste en 5ème, Michaël témoigne

« K. est un élève qui fréquente l’Ulis. Atteint de troubles autistiques, il a intégré ma classe de 5ème SVT en octobre qui compte une vingtaine d’élèves.

L’accueil de cet élève s’est fait dans de bonnes conditions : des d’élèves compréhensifs et empathiques, un programme concret qui remobilise des notions déjà abordées en primaire. K. est accompagné d’un AESH. Au début de l’inclusion, il était assis à côté de K. qui était demandeur et qui se sentait rassuré. Au fur et à mesure de l’avancement du trimestre, l’assistant a pris ses distances et s’est installé dans le fond de la salle. K. s’est bien adapté au rythme de travail de cette classe de 5ème. Un peu effacé au début, il s’est progressivement intégré au groupe-classe et participe régulièrement à l’oral. Il prend son cours avec soin et fait preuve d’un très bon raisonnement. Cependant, il manque parfois d’attention et met un peu plus de temps à faire le travail demandé.

K. a été évalué selon les mêmes exigences que celles attendues d’un élève de 5ème. Il a obtenu de très bons résultats. Comme il est très sensible aux notes, ces évaluations « réussies » l’ont encouragé à poursuivre ses efforts. Il a pris ses aises, apprécie la matière, pose des questions, me salue et me donne rendez-vous pour le prochain cours, il s’est ouvert aux autres et commence à s’habituer à l’émulation d’une salle de classe. Son inclusion a été bénéfique pour lui et pour les autres élèves qui ont une vision plus large de la diversité des élèves d’un collège. »

Michaël, professeur de SVT dans le Bas-Rhin

Accueil d’un enfant autiste en MS/GS, le témoignage de Sarah

« J’ai appris en fin d’année dernière qu’un élève souffrant de troubles autistiques intégrerait ma classe déjà nombreuse à la rentrée (27 élèves). Cet enfant souffrait particulièrement des changements et des situations collectives trop longues. Un déménagement, un changement d’école et une classe nombreuse et bruyante… tous ces facteurs m’inquiétaient. Ce qui m’a fait peur c’est la totale absence de formation pour l’accueillir ainsi que la réaction de ses camarades devant ses éventuelles crises. Heureusement, j’ai pu rencontrer la collègue qui avait cet enfant et qui m’a beaucoup conseillée. Nous avons eu également la chance que son AESH accepte de suivre l’enfant dans notre école.  Je me suis beaucoup documentée et j’ai essayé de préparer cette arrivée au mieux.

Finalement, après une période d’adaptation, de nombreuses réunions de concertations avec les personnels soignants et les parents, cet enfant s’est parfaitement intégré à la classe et à ses camarades. Sa présence dans la classe est un réel enrichissement pour tous, enfants comme adultes. Ses camarades l’ont accepté et le considèrent comme un camarade ordinaire.

C’est également une victoire personnelle. Grâce à lui, j’ai appris beaucoup et j’ai su adapter ma pédagogie à sa différence. »

Sarah, classe de MS/GS

La loi handicap a 10 ans

 

Cela fait 10 ans que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe que « tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant est inscrit dans l’école ou l’établissement le plus proche de son domicile qui constitue son établissement de référence. ». Où en sommes-nous aujourd’hui ?

L’engagement du SE-Unsa dans ce dossier n’est pas nouveau ! Depuis deux ans d’ailleurs, dans la perspective de cet anniversaire, nous avons organisé de nombreuses réunions dans les départements. Ce sont plusieurs centaines de collègues qui ont pu s’y exprimer : grâce à eux, nous disposons d’une photographie assez précise des besoins et des manques dont nous vous livrons les contours aujourd’hui.

Un peu plus de 240 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire et un peu moins de 100 000 bénéficient d’un accompagnement individuel. C’est une augmentation de plus de 55% depuis 2004. Cependant, les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire sont loin d’être à la hauteur des besoins. Sans l’engagement des enseignants, rien n’aurait été possible. Quel est le ressenti de la profession aujourd’hui ? Que reste-t-il à faire ? Quels sont les principaux obstacles ? Quelles améliorations doivent voir le jour ?

Cet anniversaire, c’est aussi le vôtre, enseignants, personnels d’éducation, d’orientation et d’accompagnement. Avec ce dossier, nous donnons la parole à ceux qui s’engagent au quotidien dans la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Tout au long de cette année-anniversaire, le SE-Unsa conduira d’autres initiatives pour améliorer les conditions de travail des enseignants et de réussite de tous les élèves dans l’école inclusive que nous défendons.

Gilles Laurent, Délégué national ASH

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